SNCF : une déliquescence tragique.
Départ de Bellegarde vers Genève, dans un train dans un état lamentable : sièges en tissu totalement souillés, parfois déchirés ; plafond noirci par endroits comme si un incendie avait laissé des traces ; impression générale glauque au possible. Il s'agit d'une rame venant de Lyon, c'est-à-dire ce qu'on trouve de mieux sur cette ligne. La rame de base est encore plus vieille et plus ignoble. Le train est plein. En première pratiquement toutes les places sont occupées … par des douaniers ! Les non fonctionnaires disposant de places de première sont priés de voir ailleurs. Les douaniers n'ont aucun billet et refuse de laisser la place.
Peu après la sortie du premier tunnel un énorme boom avec un éclair impressionnant fait sursauter la rame. Deux secondes après rebelote. Au troisième arc lumineux le train s'arrête. Il n'y a qu'un employé de la SNCF à bord. Il s'empare bravement du micro : "Nous avons un problème et allons appliquer la procédure prévue dans ce cas". Notre ermite sort de sa cabine un manuel à la main et feuillette pour savoir ce que dit la procédure…
Il est évident que la liaison entre le pantographe et le caténaire, où l'arc électrique se produit , est fautive. Il faut les séparer. Le livre indique qu'il faut le faire en utilisant une échelle et une manivelle. Il n'y a pas d'échelle ni de manivelle ! Une fois le pantographe censément baissé avec les moyens du bord un essai de redémarrage provoque deux nouveaux arcs ! Trois heures et de demi après, le train est remorqué à Bellegarde.
Un train suisse arrive peu après : il est impeccable. Il arrive à l'heure à Genève. Les douaniers n'ont pas pu s'installer en première… Au total 4 heures de retard pour un trajet d'une demi heure.
Pendant le voyage les discussions courent.
Une voyageuse vient de Montpellier. Elle a déjà du changer de train deux fois. Elle aura mis 11 heures pour atteindre Genève. Sa correspondance pour Zurich est perdue.
Une autre, partie d'Aix, a été descendu à Grenoble. Pas question d'aller plus loin. Il a fallu trouver un train pour Lyon et prendre un troisième train pour Genève. Sept heures de retard.
Pour avoir pris récemment un train Lyon-Vienne, avec 75 minutes de retard et un train absolument dégoûtant, je sais que le réseau non TGV est en difficulté. Mais après 3 heures de cancans dans une voiture où il était interdit d'ouvrir les fenêtres et où les portes des toilettes étaient désormais bloquées, l'accumulation de témoignages de trajets plus horribles les uns que les autres a rendu clair que la SNCF est dans un état complet de déshérence et ne contrôle plus rien sur son réseau secondaire.
Le rapport sur une catastrophe mortelle récente, liée à un aiguillage mal entretenu, publié il y a quelques jours, est accablant pour la SNCF. Il souligne l'effondrement technique de la desserte de la Région parisienne.
Restaient les TGV. Un rapport de la Cour des comptes souligne le caractère intenable de la gestion actuelle. Des augmentations déraisonnables de salaires (la crise connait pas !), une politique tarifaire élitiste fondée sur les techniques d'optimisation de l'aviation, des investissements politiques sans aucun sens économique dans des lignes impossibles non seulement à rentabiliser mais même à simplement justifier, ont rendu le réseau problématique.
Sur les lignes conjointes (Thalys, Lyria, …) on voit des conducteurs étrangers de plus soixante ans, alors que les Français grévicoles, sont à la retraite à 52 ans et parfois moins.
Techniquement, le TGV français est moins performant à tout point de vue que le Shinkansen japonais. Pour l'avoir pris récemment, je peux témoigner de son confort supérieur (place pour les jambes ; logements pour les valises, pas de roulis) et la qualité de l'exploitation (personnel impeccable ; horaires respectés, absence de pannes). Il s'avère donc impossible d'expoter notre savoir faire car non compétitif.
L'industrie des fournitures ferroviaires est à l'arrêt. Près de 10.000 postes sont en danger.
Le tableau est effroyable, entre la maltraitance des voyageurs, allant jusqu'à la mort, les pertes abyssales, et la perte de l'écosystème associé. Le ridicule achevé des décisions qui ont fait retenir des wagons futurs non compatibles avec l'écartement des quais dans de nombreuses gares est la cerise sur le gâteau.
Comment expliquer un tel naufrage ?
Depuis la guerre, la SNCF est gérée par un statut mis en place par les communistes à la Libération, en vue d'en faire une forteresse rouge, à toutes fins révolutionnaires. Raoul Dautry en a fait aussi une forteresse technique et économique inexpugnable, un état dans l'état, où une coupole d'ingénieurs s'est fait plaisir en interdisant toute risque de concurrence pour le transport des voyageurs (en interdisant les services d'autocars interurbains) et même le transport des marchandises (en interdisant la construction de camions). Le cumul de ces deux attitudes monopolistiques et syndicalo-politiques, a eu un coût très élevé pour la collectivité.
Elles ont interdit de bien gérer le sureffectif phénoménal de la compagnie. On peut calculer qu'un réseau efficace en France ne demande pas plus de 100.000 personnes. On en était à 750.000 environ en 1947. Au lieu de redéployer ces effectifs excédentaires, on les a conservé bêtement au prix d'un climat délétère, d'une inactivité ruineuse, du maintien de durées de travail ridicules et de la non réorganisation pendant des décennies de services qui ne servaient à rien, de départs à la retraite massifs aux frais du contribuable, d'investissements colossaux et sans rentabilité.
Nicolas Sarkozy obsédé par la "paix sociale" a privilégié des accords avec la CGT. François Hollande est obsédé par le risque de coagulation des mécontentements et lâche tout. Il essaie même de faire venir une ligne non rentable dans son fief corrézien.
Le résultat est celui que l'on constate. Le transport de marchandises et la messagerie par chemin de fer est une activité morte. Les compagnies de transports maritimes anciennement liées à la SNCF sont mortes (il ne reste qu'à les enterrer). Et les trois activités voyageurs (banlieue, TER et TGV) sont en pleine déliquescence.
Il faut en tirer une leçon : ne jamais créer des statuts qui empêchent les licenciements. La flexibilité industrielle impose des redéploiements d'effectifs. Les bloquer ruine tout le monde.
Comme les Suisses l'ont fait, il faut supprimer les statuts qui prévoit ce genre de blocage, sauf pour les postes régaliens (fonctionnaires de catégorie A, militaires) et les secteurs où les postes difficiles à pourvoir et qui doivent être répartis de façon plus ou moins autoritaire (Instituteurs).
Garantir l'emploi à vie dans une entreprise industrielle ou commerciale est la certitude de faire le malheur de l'institution et de ses salariés. Pour avoir travaillé des années au service de la SNCF, je sais mieux que quiconque la qualité de la majeure partie de l'effectif. Les erreurs d'organisation tue le bienfait d'hommes formés et compétents qui doivent devenir des saints pour être utiles et donner leur mesure.
Dans un système débile, les meilleurs hommes se perdent.
Il faut d'urgence restructurer de fond en comble la SNCF : statut, finance, organisation, technique, compétition, tout doit y passer.
Didier Dufau pour le Cercle des Economistes e-toile
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
Le sureffectif de masse a un coût effarant. Il aurait mieux valu en effet basculer les sureffectifs liés à l'électrification et à l'automatisation du système, avec réduction importante du Kilométrage de ligne, vers des emplois en dehors de la SNCF.
Mais il est absurde aujourd'hui de se concentrer sur la seule SNCF. La régionalisation et le socialisme municipal ont créé des centaines de milliers de postes dont on peut estimer que près de 1.000.000 n'ont aucune productivité. Si on fait les mêmes calculs qu'avec le sureffectif de la SNCF, en partant de 1984, on arrive à des pertes cumulées de richesses tout aussi extravagantes.
Ce n'est qu'un début.
On aurait pu imaginer que la valeur ajoutée manquante ait abondé un fond de placement. Nous laissons au lecteur le calcul des intérêts composés sur 50 et 30 ans respectivement.
Maintenant vous pouvez aussi calculer la valeur ajoutée manquante des 5 millions de chômeurs (dont une partie doit sa condition aux surimpositions qui ont été nécessaires pour payer les dérives de l'emploi subventionné à ne rien faire).
Les pertes apparaissent alors en centaines de milliards.
Dans les pays de l'est on a calculé le nombres de milliers de milliards qu'a coûté le socialisme réalisé. Les peuples concernés savent exactement à quoi s'en tenir sans connaître nécessairement les chiffres.
En France, les économistes sont bien trop timides ou prudents pour faire de tels calculs. Et pourtant, comme ils seraient nécessaires !
La prise de pouvoir par les fonctionnaires à partir de Giscard et le socialisme débridé ou larvé qui l'a suivi, a coûté sa prospérité à la France. Il faut dire que l'expérience de 1963 a glacé les comportements. Le Général de Gaulle a entrepris d'en finir avec les sureffectifs inimaginables des houillères. Les analystes politiques considèrent qu'il a "perdu le peuple" à cette occasion. Plus personne n'osera affronter de face ce genre de réalité, qui a donné une partie de sa difficulté aux "événement de 68", avec le risque de collusion entre révolutionnarisme communiste et révolutionnarisme gauchiste.
Le coût de cette lâcheté est littéralement effroyable. Comme dans les pays de l'Est sous la botte socialiste.
Ce que savent les économistes qui viennent de l'Est, c'est que non seulement le socialisme ne marche pas mais qu'en salant tous les champs, il fait perdre des richesses potentielles à des niveaux incalculables qui manquent pour le social et le bien-être des populations.
M. Pépy 1er fait semblant d'être PDG.
Les cadres techniques font semblants d'être compétitifs.
Les syndicats font semblant d'avoir un rôle utile.
Les salariés font semblant de travailler.
Les seuls à ne pas faire semblant sont les usagers quisubissent les désagréments tous les jours, et les contribuables qui paient cette gabegie depuis des décennies.