Expédients ou vraies solutions ?

Nous avons choisi, en ce début septembre 2014, de laisser la priorité aux billets portant sur l'ambiance générale de la rentrée, marquée à la fois par un désastre de la gestion publique et un sentiment général de déchéance des institutions alors même que le choix a été fait par M. Hollande d'une rentrée exclusivement politicienne, dont le caractère sera encore aggravé par le retour de Nicolas Sarkozy et la conférence du Président de ce soir.

Ce choix du "tout politicien" pour purger les humeurs n'est pas sans avantages. On le voit avec les condamnations de Bonnets Rouges qui sont passées comme une lettre à la poste. Il est dans la continuité du même choix fait naguère pour la campagne électorale déprimante d'il y a deux ans et demi et annonce le renouvellement de l'exercice dans deux ans et demi.

M. Hollande sait très bien que, lors de ces élections, on élimine. En n'ayant pris aucune autre mesure que fiscale et en ayant fait porté l'essentiel de la spoliation sur "les riches", il lui sera facile d'annoncer que son adversaire veut s'attaquer aux pauvres et aux fonctionnaires, en plus des immigrés. Il se débarrassera du "bilan" sur le Medef qui "malgré un cadeau inouï n'a pas joué le jeu" et sur les boucs émissaires qui passeront par là (Mme Merkel, l'Europe, l'Euro etc.). C'est une stratégie politicienne personnelle mais qui peut être efficace. En tout cas elle est pensée et peut se décliner sous formes d'initiatives tactiques assez facilement. Ceux qui pensent le PS définitivement ratatiné se trompent. Ce n'est qu'en cas de crash financier violent, par exemple amorcé par une remontée des taux, que cette vision serait totalement condamnée.

Face à cette stratégie purement politicienne et qui ne tient compte en rien des nécessités nationales, Nicolas Sarkozy proposera une alternative de la même eau politicienne. Pour contrer la stratégie hollandaise, il ne présentera pas de programme seulement son corps, ses tripes et son âme. Il ne peut pas annoncer du sang et des larmes et n'en a nullement l'intention. Comme tous les moyens de la Justice seront déclenchés contre lui nous aurons droit à un corps, des tripes et une âme martyrisée par l'insolent ennemi mais aucun programme. Du bagout et de l'émotion.  

Deux mesures témoignent que nous aurons bien un combat de nains habiles indifférents à l'intérêt national.

M. Hollande, après M. Sarkozy, reprend l'antienne de la "suppression des charges patronales" et celle de la "première tranche d'impôt sur le revenu".

Comme nous n'avons cessé de l'affirmer ici, jouer ainsi sur ce genre d'instrument n'a strictement aucun sens économique. Il ne s'agit que de gris-gris démagogiques.

Pour les charges sur les salaires, nous avons proposé de supprimer la notion de charges patronales au profit d'une notion de revenu salarial différé. Naturellement tous les prélèvements qui n'ont pas le caractère d'un revenu individualisable (comme les allocations familiales) doivent être transféré sur l'impôt. La baisse du revenu différé au profit du revenu courant ne peut être obtenu que par la baisse du coût assurantiel puisqu'il s'agit de cela : chômage, maladie, invalidité, retraite. La revalorisation du net ne peut passer que par une réduction du chômage et de certains excès d'indemnisation, le déremboursement du petit risque, et le retard du départ à la retraite. C'est donc un arbitrage à faire entre deux formes de rémunération. Et il doit être fait par les salariés eux-mêmes.

Le corollaire est tout aussi clair : la compétitivité des entreprises ne peut provenir, en l'absence d'ajustement de la politique européenne, que par la baisse des salaires.qui ne peut s'opérer que de deux façons :

- en réduisant le revenu différé, sans le reporter sur le revenu disponible

- en réduisant le revenu brut.

Sans les masques de la dévaluation et de l'inflation, une baisse de près de 10% est nécessaire.  Il aurait mieux valu l'acter tout de suite et de regagner le salaire perdu en trois ou quatre ans plutôt que de se nourrir d'illusions et de mettre des millions de salariés au chômage.

 

Pour les impôts, l'exonération massive commencée par Balladur au début des années 90 est une folie. Elle a été tempérée par le fait que tout le monde paie au minimum les 15.5% de la CSG. Moins de la moitié des ménages français paie l'IR. Continuer de resserrer l'assiette fiscale en aggravant les taux pour ceux qui restent assujettis est contraire aux règles de l'équité démocratique en même temps qu'à une bonne gestion de l'économie. Elle pousse une partie de la population à croire que son sort dépends du tort qu'on fera à l'autre. C'est l'aspect d'abjection politique. Elle pousse la France qui crée de la valeur à cesser de pousser son avantage. C'est l'aspect de déréliction économique. Au total on a moins de ressources et plus de haine sociale.

La solution ici encore est assez simple : la baisse de l'impôt ne peut être financée que d'une baisse de la dépense publique. Pas de baisse de la dépense publique pas de baisse des impôts. C'est aussi simple que cela. En annonçant un jour qu'il ne touchera pas à la dépense publique et le lendemain qu'il supprime une tranche du barème, M. Valls commet une bassesse politicienne par jour. De le même façon que N. Sarkozy s'était abaissé de façon duale en supprimant l'IR et les charges sur les supplémentaires, et en baissant la TVA sur les cafés-restaurant.

En fait le choix de la bonne structure fiscale, en régime de croisière, doit s'appuyer sur la notion de constance et de neutralité. Les bons impôts sont larges, de taux raisonnable et ne provoquent pas de gros changements dans les comportements. Ils doivent porter le plus possible sur la valeur ajoutée. Nous préférons l'IR à l'ISF pour fournir la progressivité justifiable. Il vaut mieux supprimer l'ISF et les taux absurdes sur les plus values faites sur des transactions rares et concernant les investissements d'une vie, que de supprimer l'IR.  Si on supprimer l'ISF et qu'on transfère une partie de l'IR sur la TVA, on peut réajuster la grille de progressivité de l'impôt, de façon à rendre acceptable l'impôt pour tous et la justice de la progressivité.

De toutes les façons qu'on prenne le problème, il faut commencer par réduire la dépense publique. De la même façon qu'il va falloir réduire les salaires pour restaurer la compétitivité il faut réduire drastiquement les salaires des administrations et des salariés à statut. Un écrêtement de 10% à 15% est pratiquement inévitable. On voulait le faire par l'inflation. ce n'est plus possible. Reste la hache. Il faut restreindre le statut de la fonction publique aux militaires et aux fonctionnaires civils de catégories A. Il faut supprimer un échelon administratif et rendre impossible les doublons. Il faut encadrer les subventions et les réduire drastiquement. Il faut changer le périmètre des responsabilités de l'Etat etc.

La grande question est de savoir s'il faut réduire les allocations à ceux qui les touchent ? La réponse est malheureusement oui. Si vous réduisez la rémunération des actifs vous devez toucher automatiquement à celle des inactifs.

La grande question est de savoir comment on peut mettre une pareille politique en œuvre. Nous-mêmes ne pensons pas qu'un homme ou un parti puisse le faire. On voit que F. Hollande a carrément conçu de n'en rien faire. N. Sarkozy reprendra ses discours démagogiques sur la défiscalisation des heures sup et autres expédients.

A droite, avec Fillon, à gauche avec une fraction du PS raisonnable, une convergence se fait de façon latente sur ce qu'il serait indispensable d'essayer.

C'est cette convergence qu'il faut aujourd'hui appuyer tout en sachant que les efforts nationaux n'auront aucun sens s'il n'y a pas, parallèlement, un courant de réforme majeur en Europe  et dans l'organisation monétaire internationale.

Il faut que l'équipage fasse talonner ensemble le bateau pour qu'il reparte au large tout en régulant l'eau de la crique et en rendant l'océan navigable.

A partir de là, faisons confiance à notre jeunesse, à nos salariés et à nos entrepreneurs.

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile

Commentaire
DD's Gravatar Cet article a été écrit exprès avant la conférence présidentielle. On voit bien que le schéma hollandais est exclusivement politicien : on redresse et c'est les riches qui paieront pendant deux ans et demi, ensuite "on distribue". On ne fera aucune réforme de structure qui dérangerait ma base électorale. Si cela ne marche pas c'est à cause de l'héritage, du Medef et de Merkel. Celui qui veut me remplacer vous fera du tort. Votez pour moi. Tous les "ministres" qui se sont exprimés depuis ont décliné ces "éléments de langage" sans aucune vergogne. Comme Valls, Hollande se flatte d'un courage inexistant et considère que les intentions exprimées sont des réalisations réussies.

A quel niveau de bassesse démagogique faut-il tomber pour proposer au pays de faire payer "les riches" d'abord pour résorber la crise puis ensuite pour payer des "distributions" ? Quel effroyable abaissement du sens démocratique justifie-t-il que les médias ne s'insurgent pas contre cette démagogie étalée et autosatisfaite.

60 milliards d'Euros d'impôts supplémentaires pour au final voir les déficits croître à nouveau, 500.000 chômeurs de plus, la fuite des forces vives du haut en bas de l'échelle sociale, l'effondrement de la construction, la disparition de l'inverstissement. Et aucun plan d'urgence, aucune vraie réforme structurelle de l'Etat moloch qui consomme désormais les Français.

Les commentateurs comme d'habitude se sont concentrés sur la dimension "communication". "Déprimé et déprimant" ; "Fatigué et fatiguant" ; " Consterné et consternant" ; "Flotte dans le virtuel" ; "Commente son propre nombril" ; "Parle à la presse mais ne se presse pas de parler au peuple" ; "Geignard" ; "Ne pilote plus rien et s'en moque" ; "S'épate d'avoir été élu Président et s'en contente ". "Deux heures de parlotte pour ne rien dire". "Théorise son impuissance" ;"Plus narcissique encore que Nicolas Sarkozy" .

Nous mêmes avons pensé : "anafoireux". L'anafore ne fait pas le dirigeant responsable, courageux et efficace.

Ce qui est grave ce n'est pas la com' non maîtrisée. C'est de penser qu'on puisse faire une carrière politique dans l'achat de vote et la démagogie. Certains s'étaient pincés le nez lorsque nous avions formulé cet avis lors des élections présidentielles de 2012. Il était évident qu'on n'irait pas loin avec ce genre de pratique. On n'en a la preuve 2 ans et demi après. Et le pire c'est qu'on nous annonce dès maintenant qu'on recommencera en 2017.

L'économie est politique. Ce n'est pas un simple monde de technique. On ne peut pas échapper à l'analyse politique lorsque l'économie y est à ce point soumise. Ce que montrait la campagne de 2012, c'est que la crise avait été mise entre parenthèse et qu'on gouvernerait sur des faux semblants. C'est ce qui a été fait pendant deux ans et demi. Et cela va continuer pendant deux ans et demi. Et on va recommencer.

Un véritable suicide national.
# Posté par DD | 19/09/14 11:03
Micromegas's Gravatar M. Cambadelis, de la Mnef et autres scandales, vient d'annoncer que la campagne de 2017 avait commencé. Le France ? On ns'en fiche...
# Posté par Micromegas | 19/09/14 15:44
Julien L.'s Gravatar Avec le retour de N. Sarkozy, la phase qui s'ouvre est automatiquement politique et électoraliste. Exit l'économie pour un moment. L'effroyable échec de Hollande va être gommé et personne ne va plus s'interroger sur les vraies solutions.

Rappelons que lors des présidentielles dernières la crise avait été proprement éjectée du débat.

Nicolas Sarkozy peut-il être le catalyseur d'une réflexion globale sur les causes du désastre français et sur les conditions techniques et politiques d'une réel redressement ?

Personnellement, j'en doute.
# Posté par Julien L. | 20/09/14 16:48
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Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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