La fonctionnarisation de la France depuis 1973 : une fausse solution.
La montée de la fonctionnarisation est-elle une conséquence obligatoire de la défaillance progressive du système économique occidental depuis 1971 ?
D'abord, il y a bien eu une relative défaillance du système économique puisque la croissance n'a cessé de baisser durant les quatre décennies suivantes, avec des crises périodiques de plus en plus violentes et la montée d'un endettement global intolérable.
La question est de savoir quelle est la cause de cette contre performance. C'est la seule vraie grande question économique du moment.
Face au ralentissement, dans un pays dont l'économie se féminisait et avec une population vieillissante, la demande de protection a été très forte, depuis 1973. Les concours de recrutement de postiers ont vu affluer les bac plus 5 dès les années 80. La volonté d'une masse de petits diplômés de l'enseignement supérieur d'aller se caser notamment dans les administrations locales a été considérable, aggravée par l'esprit anti capitaliste des années 70.
La réponse politique, tous partis confondus, a été de satisfaire cette demande.
Si l'économie n'était pas entrée dans cette spirale désastreuse la demande de postes protégés dans l'administration aurait-elle été plus faible et l'offre moins généreuse ? Probablement. Une pression socialisante exclusivement politique aurait-elle suffi à aller jusqu'à ces niveaux ? Probablement pas.
Mais cela peut se discuter.
Il y a eu, en France, convergence puis confusion du politique et de l'administratif avec l'émergence de l'énarchie compassionnelle (Giscard, Chirac puis la suite après la crise de 73, alors que mai 68 avait délégitimé la production, la consommation, la croissance, l'entreprise, le travail etc.
S'agit-il d'une révolution par la tête, les élites administratives coupées des réalités économiques capturant le pouvoir politique de leur propre mouvement ? Il est sûr que le mouvement Jean Moulin allait ouvertement dans cette direction et c'était pendant les "Trente Glorieuses". Quand Chirac théorise dans une note à Giscard, en 1974, que l'important n'est pas de réduire le champ de l'administration et qu'il est d'éviter les mouvements de rue, il réagit avec son instinct politique. Le peuple a peur. Il ne faut pas le traumatiser. Il faut le rassurer. Il veut de la sécurité et de l'administratif protégé. On va lui en donner. Il se voit en "travailliste à la française" et la droite lui donne le pouvoir. Tout cela va prendre avec Mitterrand des proportions grotesques. N'oublions pas que son affiche électorale montre un village niché dans son vallon. Il sera réélu, simplement sur une perspective de ni ni. C'est-à-dire de passivité tranquille. Le peuple n'a pas été trahi. Il a été écouté. Il voulait de la sécurité, des postes de fonctionnaires et que l'impôt sur ceux qui travaillent paye tout cela.
Cela a accusé la réduction de la croissance française déjà entraîné par la baisse de la croissance mondiale. Un magnifique exemple de cercle vicieux que Chirac, devenu président , n'a pas voulu casser , après la crise de 92-93, pas plus que Sarkozy et encore moins Hollande.
Les hauts fonctionnaires français de gauche comme de droite ont été débordés par l'évolution qui a saisi le monde après 1978 : ouvrir le monde aux diverses libertés de contracter , de circuler, de s'établir, pour relancer les échanges et la croissance, généralement considérée comme cassée en partie par la rente pétrolière. Et ils ont fini par se mettre en tête du mouvement, notamment via l'Europe. Ce faisant, ils ont abandonné toutes les protections économiques et mis les ouvriers français sous le feu du prolétariat mondial.
C'est la cause principale de l'échec final de Mitterrand, du suicide de Bérégovoy, de la victoire surprise de Jospin et de les défaite surprise, du non au referendum, de l'appel et du renvoi de Sarkozy,…
Le problème, c'est que les contradictions sont maintenant au sommet et pratiquement insurmontables. 5.5 millions de chômeurs et 5.5 millions de fonctionnaires, 2 à 3 millions de personnes à la gamelle qui ne travaillent pas, , 14.5 millions de retraités, la baisse du revenu par tête continue depuis 2008, le remplacement de la population native par des populations allogènes ayant leurs propres mœurs et religions, et revendiquant désormais le haut du pavé, un prélèvement sur la nation qui égale la production de richesses par le secteur privé, la destruction des fortunes et l'exode de milliers de foyers, pendant qu'on en fait venir des dizaines de milliers de l'étranger pauvres, témoignent d’une situation désormais impossible.
Les socialistes sont par terre et se cherchent une voie de survie par un retour en arrière terrifiant : Corbyn, Podemos, Syrisa... C'est : mort à l'Euro, mort aux économistes, mort au capitalisme. Mais qui garnira la gamelle ? La saisie des biens des riches ? On vient de voir que cela ne marche pas.
La droite est par terre. L'organisation générale des échanges et du système monétaire international est défectueuse et elle est incapable d'en mesurer ni les causes ni les efforts nécessaires pour en sortir. Et elle doit politiquement servir la demande de précaution du pays.
Les élections de 2012 avaient montré un combat d'incapables et d'impuissants, compensant leur incapacité et leur impuissance par des fuites en avant dans la démagogie et l'ignominie. Le plus malinb et le plus vicieux a gagné et a aussitôt provoqué une aggravation odieuse de la situation avant de changer de direction à 180°. Personne ne croit au discours d'un Juppé ou d'un Sarkozy. Personne n’écoute plus les fariboles de Hollande.
Juppé paraît plus propre sur lui et plus rassurant que Sarkozy et Hollande réunis. Il tient la corde car il rassure un pays qui a toujours et encore besoin d’être rassuré. Fillon ne décolle pas car le parti de la pétoche nationale ne veut pas de changements radicaux. Encore quelques minutes M. le Bourreau !
Les Français se défoulent sur les élites parce qu'ils savent bien que c'est le peuple français lui-même qui s'est lancé dans cette fuite nécrosante dans la sécurité aux frais d'autrui. Et qu’ils en ont honte.
Les socialistes sont désormais hors course. On sait qu'ils ne protègent plus rien et que si cela continue ainsi les fonctionnaires français vont subir le coup de rabot grec : licenciement et baisse drastique de revenu.
La droite n'a pas de légitimité faute d’avoir expliqué pourquoi le trend est abîmé depuis 40 ans, pourquoi les crises sont de plus en plus graves, pourquoi le niveau de dettes est aussi insoutenable, partout dans le monde. On ne peut pas être "pro business" et ne pas expliquer pourquoi la forme d'organisation actuelle de l’économie ne marche pas.
Les opérations de com' et de dénonciations politiques ne suffisent pas.
Le peuple français est encore malléable, car il veut s'en sortir. Mais il veut une perspective donc des explications et un chemin de sortie de crise un peu balisé. On ne pourra le faire sortir de ses réflexes de peur que par l'entraînement de la raison et une force prospective crédible.
Le drame de la droite et de la gauche française est que ces deux tendances sont également impuissantes et ne tiennent aucun discours autre que du calibrage électoraliste dommageable. Les imbéciles militant dans chaque camp croient que la solution viendra de ce que la droite sera "vraiment de droite" et la gauche "vraiment de gauche". Braiements de gauche et braiements de droite n'ont en fait aucune importance. Les exaltations partisanes d'incapables et d'abrutis n'intéressent plus les Français.
Ils veulent désormais des solutions, et pas simplement des impôts, des souffrances et des contraintes.
L’ennui, c’est qu’il n’y a pas de solutions sans contraintes. Les fonctionnaires sont maintenant à peu de temps de subir une triple amputation :
- La séparation entre sphère politique et sphère de la haute fonction publique sera bientôt inévitable.
- La disparition des statuts de fonctionnaires au dessous de la catégorie A est da ns les tuyaux
- La fin de la retraite statutaire remplacée par une retraite par point, et alignée sur les règles du privé ne pourra pas être différée très longtemps. .
En dix ans les effectifs de fonctionnaires doivent être dégonflés de près d’un million. On peut le faire doucement et sans dommage trop grave. Sinon ce sera le collapsus à la grecque. Quand un état ne peut pas payer, il ne peut pas payer. Les fonctionnaires sont les premières victimes. L'horloge tourne.
La reconversion sera acceptée si l’économie privée redevient prospère. Ce qui suppose que l’on mette fin au saccage de la prospérité que l’on constate depuis quarante ans. Sans un discours clair sur les causes de la déréliction progressive de l’économie occidentale, sur les remèdes et sur les modifications à apporter à une série d’institutions internationales, les promoteurs d’une politique claire de suppression des béquilles sur lesquelles les Français s’appuient ne peuvent pas gagner d'élections.
Il faut faire arriver à comprendre que le mouvement plus que le blocage, que l'offensive et le dynamisme, plus que la défensive hargneuse, que la prise de responsabilité plus que la demande de protection, sont les moyens d'une nouvelle sécurité sociale.
Convaincre un petit gros coincé dans une paroi raide et qui ne sait plus ni avancer ni reculer, que son salut passe par la reprise de la grimpée vers le haut, en mobilisant tout ce qui lui reste d'agilité et de force, est difficile.
Il n'y a personne pour lui lancer une corde. S'il laisse la nuit arriver, il tombera.
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
" Par son degré de précision et sa qualité technique, le rapport de la Cour donne le mal de mer aux contribuables. Sans dénaturer les propos de la Cour, on y apprend en effet que le gel du point d'indice est contourné par le système des primes. Que le salaire minimum garanti aboutit à un net supérieur au SMIC. Que des hausses de traitements ont bien lieu peu avant le départ en retraite afin d'améliorer le niveau des pensions de tel ou tel agent. Que la mobilité est inégale et rarement dans l'intérêt du servic. Que la FPE (Fonction publique d'Etat) est globalement plus vertueuse que la FPT (territoriale) soumise au clientélisme. Etc.
Ce résumé - que nous allons étoffer par des citations du rapport - est déroutant et on finit par se demander qui pilote un tel ensemble qui coûte tout de même 121 milliards d'Euros (soit 40% du budget général de l'Etat) dont 81 pour les dépenses de personnels hors pensions et 278 milliards pour le total des 3 fonctions publiques.
Le rapport de la Cour des Comptes représente une sorte de rapport Armand-Rueff. Tout est dit y compris «la nécessaire modification des pratiques d'avancement individuel» (p.12), «les primes et indemnités encore faiblement modulées en fonction des performances» (p. 69), «Un temps de travail effectif mal connu, des pratiques hétérogènes et dérogatoires» (p.97), «le bilan manquant des 35 heures dans la Fonction publique» (p.98).
En dynamique, l'affaire est mal engagée: «La masse salariale de l'Etat a donc été quasiment stabilisée de 2011 à 2013, puis elle est repartie à la hausse en 2014 du fait de la fin des économies liées à la baisse des effectifs.»(p. 1, synthèse).
L'accord sur l'amélioration des carrières qui est en cours d'homologation par les partenaires sociaux coûterait de 4 à 5 milliards d'Euros par an en 2020 selon la Cour qui écrit: «des mesures d'économies annoncées en contrepartie dont certaines sont encore imprécises et difficilement chiffrables seront en toute hypothèse insuffisantes pour compenser totalement ce coût».
Comme c'est la fonction publique qui détient le pouvoir adminisitratif et le pouvoir politique, compte tenu de son énorme sur représentation dans les assemblées élus, il y a peu de chance que quoi que ce soit change avant une réforme lourde des institutions.
Mais quelle gabegie et quelle auto complaisance alors que le reste du pays est ou au chômage ou dans des boulots précaires ou ratissé par le fisc.
C'est un équilibre éminemment instable dont la modification me semble une condition nécessaire au redressement.
Il me semble difficile de dire que le peuple français a été écouté.
Depuis 1974, les dirigeants successifs de tous bords ont poursuivi des priorités mutuellement incompatibles :
1) Augmenter les salaires, et en particulier les bas salaires correspondant à des emplois peu qualifiés, plus vite que la productivité du travail.
2) Diminuer la durée du travail en baissant à la fois l'âge légal de la retraite et la durée hebdomadaire du travail, renchérissant ainsi encore davantage le coût du travail.
3) Étendre le champ et les effectifs du secteur public, poussant ainsi les dépenses publiques et donc la fiscalité à des niveaux parmi les plus élevés du monde relativement au PIB.
4) Engager le pays dans une monnaie unique avec d'autres pays européens, se privant ainsi d'un possible ajustement par le taux de change sans s'assurer de la convergence des politiques économiques et, en l'occurrence, en divergeant totalement de l'autre pilier de l'Euro - l'Allemagne - qui a suivi la politique exactement inverse de la France en allongeant la durée et en réduisant le coût du travail pour soigner sa compétitivité mondiale.
5) Engager le pays dans le libre-échange mondial, y compris avec des pays ayant des salaires 10 fois moins élevés, des charges salariales 2 fois moins élevées, des durées du travail 40% plus élevées, une fiscalité 50% moins élevée, sans s'assurer que les parités de change seraient bien fixées à des niveaux équilibrant les balances commerciales et donc les balances en emplois.
6) Créer des emplois en France.
Il est immédiatement visible que 1-2-3 sont incompatibles avec 4-5 et que cette incompatibilité ne peut se traduire que par la destruction d'emplois et l'envolée du chômage, c'est à dire l'échec de 6. Dans les faits, les dirigeants français ont choisi le chômage. On peut dire qu'ils ont réussi.
Il s'agit bien de l'introduction d'une fracture majeure au sein de la société française entre ceux - très nombreux - exposés à la concurrence mondiale dans des conditions leur assurant une défaite certaine (les travailleurs privés peu qualifiées), ceux - très nombreux - à l'abri de statuts protecteurs (les fonctionnaires, les travailleurs des monopoles, les retraités) et ceux - peu nombreux - bénéficiant de la mondialisation (les actionnaires et cadres dirigeants des multinationales, le secteur financier, et bien sûr la classe politique).
La destruction d'emplois privés entre alors dans un cercle vicieux avec l'expansion des effectifs du secteur public. D'un côté, l'explosion du chômage et du sous-emploi nécessite la mise en place de dispositifs de solidarité qui requièrent des moyens accrus des administrations publiques. De l'autre côté, ces moyens publics supplémentaires sont financés par un accroissement de la pression fiscale s'exerçant sur le secteur privé, ce qui érode sa compétitivité et exacerbe les destructions d'emplois. Et ainsi de suite. D'après l'Insee, il y a moins de 16 millions d'emplois marchands en France produisant une valeur ajoutée taxée quasiment intégralement afin de faire vivre 66 millions de personnes. Nous sommes dans une impasse.
On a beau tourner la question dans tous les sens, la poursuite simultanée et persistante d'objectifs incompatibles aboutissant à une impasse économique et sociale ne peut se comprendre que comme un sérieux manquement à l'intérêt général du pays. Le fait que certaines catégories de la population en aient bénéficié ou aient été épargnées n'y change rien. La question qui consiste à savoir si c'est par malveillance ou simplement par ignorance que les dirigeants politiques ont conduit le peuple dans cette impasse n'est qu'une question juridique d'une importance secondaire. Tant mieux si les dirigeants politiques ne l'ont pas fait avec une intention délibérée de nuire et ne sont donc pas passible de la Cour de Justice de la République. Ça change en effet beaucoup de choses pour eux. Mais ça ne change strictement rien à la situation impossible dans laquelle se trouve le pays. D'où l'intérêt secondaire de cette question.
Ce qui compte maintenant, c'est d'agir rapidement aux niveaux national, européen et international pour enrayer cette évolution et amorcer le redressement du pays. Ce qui suppose d'abord que ceux au pouvoir aient compris pourquoi et comment on en est arrivé là, soient au clair sur l'étroit chemin à emprunter pour en sortir pacifiquement et aient la capacité opérationnelle de mettre en œuvre. Ce qui implique le renouvellement complet de la classe politique française car on en est aujourd'hui à des années-lumières. Si ce renouvellement devait être bloqué par les bénéficiaires du régime en place - ce dont nous avons des signes tous les jours -, alors il est probable que la situation se détériorerait jusqu'à atteindre un point de rupture. La France le sait bien, qui célèbre sa Révolution chaque 14 juillet et dont l'hymne national exhorte les citoyens à prendre les armes.