La faiblesse actuelle de l'édition économique : un exemple.

Les leçons d'un live très décevant : "Quelle économie politique pour la France ?"

Les économistes n’ont pas la cote. L’affaire des subprimes, la récession de 2008 puis la crise de l’Eurozone de 2011, leur ont fait un peu de tort. La gauche les considère comme des libéraux irresponsables, sauf s’ils réclament des hausses majeures d’impôts sur les riches et des dépenses publiques majestueuses. Les verts considèrent qu’ils vont tuer la terre et l’humanité avec leur croissance idiote. Les droites RN et zemmourienne considèrent qu’ils sont favorables à l’immigration, ce fléau. Quant aux droites centristes, on ne sait pas trop, sinon qu’ils seraient plutôt pour une société de liberté et de propriété ne faisant pas fi de l’augmentation de la production et de la diminution des impôts. Les économistes de cette mouvance se mettent aussitôt à dos et la gauche et la droite de la droite.

On comprend que les économistes passent un sale moment. Il était d’autant plus intéressant de s’intéresser à un livre prétendant définir ce que devrait être la politique économique de la France. C’est ainsi que nous nous sommes retrouvés face au livre de MM. Yves Perrier et François Ewald, préface de d’Hubert Védrine, « Quelle économie politique pour la France » aux éditions de l’Observatoire.

Il aurait fallu être un peu plus méfiant. Dès la page de couverture, on pouvait détecter quelques indices que l’affaire était mal engagée. D’abord les deux auteurs ne sont pas des économistes, encore moins des économistes chevronnés habitués à se colleter avec le chaos économique qui règne depuis quelques décennies. L’un a créé une entreprise financière Almundi, l’autre est un philosophe, un peu particulier, puisqu’il s’agit de philosophie politique. Le préfacier est un ministre de Mitterrand qui a mis l’économie française par terre qui est un grand habitué des phrases creuses et des postures d’autant plus avantageuses qu’elles ne s’appuient sur rien. Le titre enfin est un peu bizarre. Non, il ne s’agit pas du choix d’une politique économique mais d’une économie politique. Les auteurs pensent que cette inversion est d’une formidable audace. En vérité le titre aurait dû être : notre proposition d’une autre philosophie d’organisation pour notre système économique.

L’idée est énoncée sur la première page de couverture : pour un nouveau pacte « état-entreprise-citoyen ».

On pourrait résumer l’ambition en ces termes : « Nous allons vous montrer, en rappelant une longue histoire économique que si l’état, la nation et les entrepreneurs tirent dans la même direction c’est formidable et la France retrouvera sa prospérité ».

Tout le monde constate que l’État en France est obèse et incapable, ruiné et ruineux, pire encore devenu impuissant par différents mécanismes, dont l’Union Européenne, la régionalisation, la captation du pouvoir par les juges, la formation d’une énarchie compassionnelle assurant le contrôle et de l’état et de l’économie et de la politique. Le résultat se voit dans le déclassement économique de la France.

Tout le monde constate que la nation est en train de voler en éclat sous le coup des migrations excessives et qu’elle est éclatée en chapelles qui s‘ignorent.

Tout le monde constate que les entreprises en France sont en difficulté et seules celles qui ont réussi à prendre des parts de marché mondiales survivent ou celles qui vivent en symbiose avec l’état. Notre capitalisme sans capitaux grevé d’impôts et taxes et sur réglementé ne fonctionne pas. Surtout quand on demande à des entreprises surchargées de combattre contre des pays émergents immenses et dont le coût de la main-d’œuvre est très bas.

Dès le départ on sent bien que l’union des mutilés ne risque pas d’aller très loin, si on n’a pas une vision très précise de la causalité et des responsables de ces mutilations.

Les auteurs se sont donc lancés dans une grande fresque d’histoire économique contemporaine.

Surprise, leur choix est de cumuler des banalités en citant à l’occasion un livre plus significatif que les autres. Aucune force analytique, aucune analyse des causes en profondeur, aucune étude des forces en présence. Les systèmes économiques se heurtent ou s’enchaînent sans qu’on sache trop pourquoi. La compilation est totalement descriptive. On a l’impression que les chapitres ont été écrits par différents auteurs ce qui entraîne l’apparition de nombreuses contradictions. Cette compilation sans étude des mécanismes, cette accumulation de faits non expliqués en profondeur, ce magma de situations dont on ne comprend pas pourquoi elles surviennent, offrent une description parfaitement creuse.

On a l’impression que tous ces chapitres ont été écrits en lâchant la bride à ChatGPT dont la particularité est de rester largement neutre sur les causalités, et dans le politiquement correct de surface.

Bien sûr on va privilégier les moments fastes qui servent la thèse des auteurs. Ah le beau modèle rhénan qu’il nous faut importer d’urgence ! Mais l’Allemagne était considérée comme l’homme malade de l’Europe à la fin des années quatre-vingt et est aujourd’hui une puissance qui fait déraper toute l’Europe. Une organisation n’est pas bonne en soi. Tout dépend de la politique qu’elle mène dans un champ mouvant de circonstances. La politique mercantiliste de l’Allemagne menée à l’instar du Japon a été très problématique. Des échanges aussi fortement déséquilibrés ont provoqué des conséquences détestables.

Il vaut mieux que tout le monde soit content de pousser dans le même sens et qu’il y ait une confiance et une unité de vue entre les politiques représentants les citoyens, les entreprises et l’état. C’est d’une rare banalité de le penser. Mais tout dépend du moyen pour y arriver. Hitler avec le national-socialisme avait parfaitement réussi cette unanimité joyeuse du citoyen, des entreprises et de l’état. L’Union soviétique se vantait des mêmes résultats prodigieux.

En France aujourd’hui l’Enarchie règne en famille sur l’État et la représentation politique, tout en assurant sa tutelle, en liaison forte avec les syndicats, sur les entreprises. Les citoyens sont intégrés de force dans le schéma par l’impôt et la réglementation et la fabrication de la bonne opinion par les médias. Le citoyen n’a plus qu’un rôle formel. Aucun budget n’a été voté à l’équilibre depuis 49 ans. Et la CFDT vient de lâcher le gouvernement énarchique sur les retraites. Les pactes socialos bureaucratiques ont tous explosé du fait des résultats épouvantables.

Et les initiatives bouffonnes qui essaient de restaurer le dialogue avec les citoyens ne marchent pas.

On laisse le livre avec beaucoup de frustration. Sa faiblesse analytique et son préjugé pour le modèle allemand nous laissent face à des vœux pieux sans consistance et… aucune politique économique.

Les vrais enjeux ne sont pas traités par un livre qui, finalement, n’apporte rien.

Malheureusement, il n’est que trop représentatif du vide actuel de l’édition en matière économique.

Commentaire
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