Une émission stupide et malhonnête sur Arte
L'un des supplices récurrents de notre société moderne est l'émission répétée, dans les médias, d'erreurs gigantesques, de fausses évidences, de raisonnements fondés sur rien d'autre que l'émotion ou d'affirmations dictées par des postures idéologiques invétérées.
On peut cumuler : les postures idéologiques s'appuient sur l'émotion et les fausses évidences avec peu de considération pour les réalités. Lorsqu'on demande d'analyser des faits uniquement à des partisans, on est même certain de récolter ce type de bruit de fond détestable.
On attend des médias, en économie, qu'ils confrontent, qu'ils cherchent des mécanismes, qu'ils fassent entrevoir des enchaînements, en les dégageant de la gangue de la nullité, de la méconnaissance ou des influences. Chercher uniquement l'audience par l'émotion ou créer des tribunaux d'opinion, est un exercice déplorable.
Prenons un exemple tout chaud.
Une émission d'Arte était consacrée, dans la soirée du 15 septembre 2015, à la dette. Quels intervenants français ? Karine Berger, socialiste PS, tendance excitée, Bernard Maris, socialiste RIP, tendance Charlie. Sur un sujet fondamental et compliqué, on appelle deux "personnalités" socialistes, l'une péronnelle péremptoire, l'autre bavochon chwingommant, et toutes deux "anticapitalistes" à tout crin. Les deux membres de l'Ehess sollicités n'ont fait que de la figuration inintelligente en émettant vite fait bien fait des banalités affligeantes.
Automatiquement, et il faut insister sur le caractère automatique, l'émission aura comme thèse récurrente qu'un prétendu abandon par l'Etat de la monnaie a conduit à ce que les Etats deviennent la proie des financiers. La dette est provoquée par les banksters. Les banques peuvent créer de l'argent. Elles le font sans limite et sans raison. Dans le bon vieux temps on emprisonnait les créanciers. Qu'on recommence ! Vive le Moyen-Age ! Renationalisons et tout ira bien !
Le départ était prometteur : le reportage part avec justesse de l'abandon des accords de Bretton Woods comme source indiscutable de l'inversion de la courbe de la dette mondiale. Mais aussitôt, première lacune, on ne parle que de la dette des états. La notion de dette globale ne sera jamais explicitée ni même citée. Le rapprochement sera fait avec le PIB mais sans expliquer le contenu du PIB. Pas question de faire apparaître le niveau de la dépense publique par rapport à la valeur ajoutée du secteur marchand commercial. Seconde erreur, on ne fait aucune liaison entre ce qui est abandonné des disciplines de Bretton Woods et la hausse de la dette. C'est une création spontanée. Les banques se mettent à faire n'importe quoi comme cela. Et voilà, c'est arrivé ! Les mécanismes ? On sait pas. Ah si : on a dénationalisé les banques ! En France les banques de dépôts principales étaient nationalisées depuis la guerre et ne seront dénationalisées qu'à partir de la moitié des années 80. En 81, tout le système bancaire a été nationalisé à 100% par Mitterrand. Le reportage ne parlera pas du Crazy Lyonnais et son endettement imbécile, alors que la banque était publique. Dans le reste du monde libre, les banques étaient déjà libres depuis longtemps, avec des exceptions comme les landesbanken en Allemagne qui seront désétatisées dans le cadre de l'arrivée de l'Euro, comme les banques françaises. L'émission constate une renverse de la dette au début des années 70 qu'elle explique par ce qui s'est passé 15 à 20 ans plus tard. Comprenne qui pourra. Pauvre téléspectateur !
L'effondrement du système bancaire, et la grande crise qui a suivi, sont, une fois de plus expliqués, par les subprimes, marque d'une folie bancaire dominant les Etats, le "système" cherchant à se sauver en prêtant à de nouvelles victimes, pauvres si possible.
Encore deux erreurs :
- la création des subprimes est une opération socialiste montée par les démocrates, sous Clinton, en 96, et contrôlée par des organismes semi publics ou publics, comme Fanny Mae et Freddy Mac. Rien à voir avec un marché de prêts conforme aux canons libéraux.
- la boule mondiale de crédits sans flux d'amortissement était de 12.000 milliards de dollars en 2007. Les subprimes non performantes ne dépassaient pas 600 milliards dont finalement 300 milliards seront récupérés. Les subprimes ont été l'amorce qui a fait sauter la bombe. Pas la bombe elle-même.
Au final, la réalisatrice, Laure Delesalle, a fait passer le message qu'il fallait nationaliser le crédit tout en expliquant que la crise était due à un système de crédits…créés par l'état à des fins sociales ! "Laure Delesalle attache autant d’importance à l’esthétique et à la mise en image qu’à la qualité du message, la rigueur et la clarté du contenu scientifique", fait-elle savoir. Elle parait croire que la clarté et la rigueur proviennent spontanément du choix de personnalités de gauche ou de professeurs retraités de l'Ehess. Ne comprenant pas elle-même de quoi elle parle (elle a fait l'école Camondo, ce qui est très bien mais assez loin de la discipline traitée), on imagine qu'elle a cru choisir des personnalités indiscutables sans nécessairement savoir que le casting était vicié ; Ou alors elle a retenu ceux qui allaient dans le sens de ses sentiments et affections politiques. Là, c'est l'émission qui a dérapé.
Il ne reste qu'une émission qui n'a rien appris aux téléspectateurs et qui n'a pas permis de comprendre quoi que ce soit. Elle n'a ajouté que de la confusion. Les promoteurs de ce genre d'émission ne se rendent pas compte du mépris qu'ils génèrent non seulement chez ceux qui ont quelques connaissances mais aussi dans la masse des spectateurs qui sortent de là sans avoir le sentiment d'avoir compris quoi que ce soit, mais qui ont eu la forte impression qu'on les a pris pour des imbéciles… Sauf la poignée de militants qui sont contents de retrouver leurs préjugés, avec de belles images.
On aimerait un peu plus d'exigence du côté d'Arte.
Maintenant, on est bien d'accord que ce n'est pas gentil de s'attaquer aux saltimbanques. La faute initiale est dans l'absence d'une offre d'explication intelligente du côté des universitaires. La défaillance y est aussi navrante que durable.
Ce n'est pas vrai qu'en France :! Il suffit de citer le commentaire lumineux d'un certain Cédric Tille, professeur de finance à l'EHEID de Genève : "«Les marchés vont redécouvrir ce qui était normal jusqu’à l’éclatement de la crise financière en 2008, l’importance des fondamentaux macroéconomiques».
L'éclatement de la bulle financière en été 2007 (et non pas 2008, la faillite de Lehman Brothers n'a été que le prolongement du blocage du marché interbancaire), alors que l'endettement global dépassait partout 400% , est bien la preuve qu'on avait totalement oublié l'importance des fondamentaux macroéconomiques ! Comment rembourser principal et intérêt à ce niveau de dettes ? Toute l'histoire de 1971 à 2007 est celle de l'oubli de plus en plus total des fondamentaux économiques ! En fait la "finance" comme discipline, s'est établie sur cet oubli. Avant on parlait d'économie.
Quand les professeurs émettent de pareilles âneries, les saltimbanques ont peu de chance d'échapper à la sottise ambiance. Mais ils peuvent éviter les partis pris politiques.
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |