La toussaint économique du 15 novembre
Comme prévu la grande conférence du 15 novembre est un magnifique emballage de vent par des gouvernements en mal de montrer leur dynamisme solidaire mais elle n’aura exactement aucun intérêt pour la solution de la crise actuelle qui s’approfondit ni même pour la prévention d’une crise similaire dans le futur.
Les urgences retenues par la conférence européenne de préparation sont stupéfiantes de vacuité :
« Agence de notation » : elles devront se soumettre à enregistrement. Cela change quoi ? Rien.
« Normes comptables » : elles devront être harmonisées. On ne savait pas que la crise s’était engouffrée dans des différences de règles comptables. Effet : nul.
« Codes de conduite et des rémunérations » : pourquoi pas un prix de vertu ? Les codes de conduites seront élaborés par qui ? Ceux qui donnaient des prix à Lehman Brothers peu avant sa chute ?
« Aucune institution financière ne devra échapper à une régulation proportionnée et adéquates ». Cela ne veut rien dire. On attendra le 15 novembre pour décoder les paroles du sphinx.
« Le FMI aura un rôle central dans la refonte de l’architecture financière ». La phrase n’a strictement aucun sens actuellement. Qu’est ce qu’une architecture financière ?
Les gouvernements n’ont présenté aucune analyse commune de la crise, aucun diagnostic commun.
Certains observateurs parlent de créer une « clearing house » pour les Credit Default Swap. Pourquoi pas ? Cela ne peut pas faire de mal. Mais quelle importance face aux enjeux ?
Les chefs d’état européens semblent raisonner comme Alain Madelin qui s’est fait à nouveau le chantre dans une intervention télévisée de la thèse qui veut que la crise soit un dysfonctionnement localisé aux subprimes qui a eu une contagion fâcheuse à cause des CDO mal contrôlés par les agences de notation et dont le marché s’est bloqué, les règles comptables précipitant la décote.
Mais les propositions ne s’attaquent qu’au dernier bout de la chaîne et en fait pas le plus important. On n’avait pas besoin du FMI pour savoir l’ampleur qu’avait pris le marché hypothécaire américain. Si le monde a acheté des CDO c’est qu’il croyait avoir de bonnes raisons. Et ce n’est pas le FMI et les codes de conduite qui vont changer quoi que soit. Rappelons-nous des produits structurés d’Enron unanimement condamnés et dont la technique n’a jamais cessée d’être employée après l’immense faillite de cette entreprise encensée partout pour son joyeux modernisme.
Si, les gouvernements avaient eu le discernement de comprendre qu’on vit une catastrophe financière et monétaire globale qui est la suite d’autres incidents graves survenus à répétition depuis trente ans (dont la solution momentanée est la cause de la crise suivante), on comprend qu’ils auraient du aller un peu plus loin que des réformes cosmétiques des agences de notations et des règles comptables. Mais là : silence dans les rangs.
Pendant ce temps là le FMI rectifie à vue ses anticipations. Au départ seuls les Etats-Unis allaient souffrir un tout petit peu. Mais pas l’Europe ni le reste du monde. Puis on a vu une rectification pour quelques pays européen un peu trop engagés dans la bulle immobilière, l’Irlande et l’Espagne. Mais les pays de l’est tireraient la croissance européenne.
Patatras, toute l’Europe est malade et les anciens pays de l’est sont KO debout. Alors on indique que la Chine et l’Inde seront les ressorts toujours tendus de la croissance. Et eux aussi commencent à s’essouffler et même à entrer dans la crise. On rectifie encore les perspectives. Mais il reste l’Afrique : formidable ilot de résistances qui est le môle sur lequel les autres économies vont s’arrimer ! Qui veut-on amuser avec ces sottises ? On vous laisse deviner les prochaines annonces.
Aujourd’hui même General Motors, la plus grande entreprise mondiale qu’on nous apprenait à admirer dans les années 60 est au bord de la faillite, et les autres constructeurs commencent partout à s’effondrer entraînant des secteurs entiers de l’industrie à sa suite. Les aciéries se ferment. Les sous traitants sont égorgés. Des centaines de milliers d’employés sont mis au chômage partout dans le monde. Allez leur expliquer que c’est à cause des agences de notation, des règles comptables et des systèmes de rémunération des banques.
Et surtout que les beaux esprits aillent leur dire en quoi les mesures prises auront un effet quelconque sur leur sort immédiat ou futur.
Jean Marie Messier par exemple que le Figaro est allé chercher en pensant qu’un symbole des années de débauche financière et spéculative basée sur rien qui a explosé en vol aurait des recettes à faires partager. Que dit-il : rien ! Si, il parle de lui comme d’habitude : « quand on a connu le succès et l’échec et qu’on s’en est sorti on a une expérience qu’il est utile de mettre au service des autres ».
Où que l’on se tourne on ne voit aucune vraie analyse, aucune vraie compréhension de ce qui se passe, aucune anticipation sérieuse. La presse fait du people ; le FMI retarde d’une guerre ; les conférences politiques brassent du vent.
Quant aux économistes, ils se contentent, comme en 1929, de leur tonitruant silence. Ce que peu de gens savent c’est qu’il n’y a JAMAIS eu une analyse réelle et convaincante des causes de la crise de 1929. Pour avoir lu toute la littérature sur le sujet je persiste et signe. Et il y a fort à parier que cela sera la même chose pour cette nouvelle crise. Les subprimes pourvoiront à tout !
Et la récession commence réellement à prendre une allure de dépression, avec pour la première fois depuis la guerre une régression prévue sur une année entière et peut être plus. Si à la fin 2009, on en est encore aux fumisteries qui vont se débattre à Washington le 15 novembre 2008, nous serons arrivés exactement au point où les Etats étaient en 1932. Lassés de voir le désastre s’étendre et les fausses recettes n’avoir aucun effet, pressés par leurs opinions publiques, les gouvernements chercheront des solutions « à portée de la main » qui ne feront qu’aggraver les choses.
Sylvain Dieudonné pour le cercle des économistes e-toile
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
La voix qui crie dans le désert "Applanissez les taux de change".
Bravo pour la persévérance.