Les certitudes dans la crise mondiale (1) : L’absence de prévisions sérieuses

Un des aspects qui frappe le plus durant cette crise qui tourne au drame, c’est l’absence à peu près totale de prévisions économiques correctes.

Pour l’anecdote, il y a l’affaire relevée par le Canard Enchaîné d’un économiste de banque  (un certain Patrick Artus, souvent sollicité par la presse) qui dans une note  de mars 2007 fait l’inventaire sous forme de bêtisier des propos du genre : « Le profitabilité va se retourner », « la crise du crédit immobilier  « subprime » va déclencher une crise économique », « il peut y avoir une récession aux Etats-Unis», tout en précisant  «les marchés financiers croient n’importe quoi ». 

Elle est significative des plusieurs caractéristiques de notre système :

-    Les vraies informations circulent mais  sous forme de bruits qu’il s’agit de dénoncer
-    Les économistes qui écrivent dans les journaux sont souvent juges et partis
-    Ce sont en général de faux notables de l’économie : professeurs nuls, figurant ès qualité dans des comités Théodule  et se contentant par prudence de commenter les évènements après coup, et se gardant bien de prendre le moindre risque dont celui de gêner le pouvoir qui les  honore.
-    Les polygraphes en mal de coups publicitaires et faisant monter la chaleur pour vendre des livres comme B. Attali, surgissent dans le décor comme la cerise sur le gâteau (on avait eu J. Forrester ; on a encore souvent Alain Minc). .
-    Trop d’économistes sont choisis pour leur posture idéologique à gauche,  comme J. Généreux, B. Maris (et bien d’autres). Ils  se contentent de réciter leur bréviaire en tenant le haut du pavé médiatique
-    Les journaux  n’acceptent de publier que l’insignifiance au lieu de multiplier les points de vue.
-    Les média télévisés ne cherchent que l’audience. Ils voudraient bien parler d’économie à condition de trouver des personnalités qui fassent du spectacle.


Comment s’étonner qu’un sondage laisse apparaître que les Français « aimeraient bien comprendre quelque chose à l’économie » ?
L’économie universitaire en France est à peu près totalement effondrée, traversée qu’elle est par l’idéologie (la prégnance marxiste y est délirante comme l’a révélé l’incident où tout ce petit monde s’est mobilisé en masse pour empêcher qu’un « libéral » puisse participer à un jury) et par l’apparence rassurante de la mathématique. 

Seuls des économistes à orientations communistes, socialistes ou marxisantes ont le droit de passer le tamis des postes universitaires. Les autres refusent d’entrer dans le système et partent. Les plus médiocres (plus on monte dans le système moins il y a de qualité) se cachent derrière de pseudo mathématiques  et enchaînent  la routine des répétitions confortables.


Qu’on me cite un seul membre du Conseil d’analyse économique (un machin rattaché au Premier Ministre) qui ait en 2006  alerté sur la crise à venir ! Ou qui ait fait une seule prévision utile depuis que cette chose existe.  Qu’on se souvienne de la procédure budgétaire de cette été où toutes les prévisions étaient outrancièrement fausses jusqu’au délirant (elles le sont toutes  depuis au moins quarante ans !) !

L’INSEE ne fait aucunes réelles prévisions. Pourquoi ? D’abord parce que l’Etat est son commanditaire et n’a pas nécessairement intérêt  à trop de lucidité.  Ensuite parce que les modèles macroéconomiques sont INCAPABLES de prévoir les ruptures qui exigent une PENSEE.  

Or l’observation des faits et une longue pratique de l’analyse conjoncturelle permettent de définir les scénarios dans leurs grandes lignes.  Nous avons prévu de façon extrêmement précise la reprise de l’emploi en 1996 pour les quatre ans suivants, la  crise de 2000-2001 aux Etats-Unis s’étendant ensuite, et dès 2006 nous alertions que la crise commencerait à l’automne 2008  et serait très forte en  2009.
Divinations ?

Certainement pas. Il suffit de regarder avec l’esprit vierge de tout préjugé et avec la force de l’expérience.  La bulle immobilière était totalement évidente. Le gonflement hystérique des CDO et des CDS se voyaient dans toutes les statistiques de la BRI (BIS). La croissance ridicule de la phase haute de la conjoncture montrait que les ressorts de l’économie étaient totalement grippés. 

Les excédents de la Chine avec une monnaie artificielle étaient démentiels.  Les déficits américains et la disparition de leur taux d’épargne crevaient les yeux.  Les banques ne faisaient plus que du refinancement et de l’agiotage pour compte propre.

Nous sommes en 2005 – 2006. Tout cela est patent et ne demande aucun effort de connaissance. Qui osera dire que tous les signes d’un effondrement ne sont pas  rassemblés ?  Le monde ne s’est pas remis de la crise de 2000-2002. Les injections massives de liquidité n’ont servi qu’à alimenter bulles et spéculations en même temps qu’un transfert massif de ressources se faisaient des pays développés vers le Moyen orient et la Chine, qui NE POUVAIENT PAS L’ABSORBER.

Dès 2006 tout était devenu totalement artificiel. Et le feu d’artifice pouvait commencer. 

On nous demande souvent : d’accord, on pouvait prévoir mais pourquoi avez-vous affirmé que la crise serait très dure ?  Tous les scénarii ne sont pas prévisibles. Nous le disons souvent : la dépression n’est pas prévisible.  Mais on peut savoir qu’une récession sera plus ou moins forte.  L’expérience nous apprend déjà qu’une crise sévère suit une crise relativement douce. 1974 sera sévère, 81-83 plutôt mollasson. 1992-93 sera très dur, la première vraie récession depuis la guerre, 2000-2003 plutôt doux.   

Ensuite, il suffit de regarder les faits : les bulles boursières ne sont pas mortelles mais celles qui affectent des marchés lourds et importants le sont. En 1992 la frénésie immobilière sur les bureaux a littéralement ruiné le marché (et les banques) pour de nombreuses années. La bulle sur le marché immobilier  des particuliers qui vient d’exploser  laissera des traces pour 20 ans.

Quand vous soyez ensuite que le dollar est au plus bas, et que les déficits américains sont astronomiques et continuent à exploser, détrompant les règles économiques de base qui veulent qu’après une dévaluation les comptes extérieurs se redressent,  on ne peut conclure qu’une chose : tout est faussé et le système va capoter.

Ce qu’on ne sait JAMAIS dire c’est où cela va craquer ni quand au mois près. Cela craque toujours là où cela n’a pas été prévu car si cela avait été prévu cela n’aurait pas craqué là ! 

Subprimes, CDO, CDS  ont surgi dans le désert de l’information comme de gros champignons vénéneux  sur une pelouse la veille immaculée.  Du coup tout le monde s’est précipité avec loupes, microscopes  et parfois lunettes astronomiques sans voir la situation d’ensemble.  On a confondu l’allumette avec la bombe.

Aujourd’hui, si l’on en croit certains, les Etats Unis ont créé 8.000 milliards de liquidité depuis trois mois. Le marché des subprimes c’est entre 750 et 1.500 milliards de dollars selon les sources. On en est donc à une création monétaire huit fois grosse comme les subprimes ! Le mal était ailleurs et bien plus important.


Depuis le début de la crise on reste effaré par le délire des prévisions officielles. Le FMI qui rassemble pourtant des milliers d’économistes (en fait des statisticiens observant les statistiques des autres) n’a pas cessé de se tromper. Il n’a pas vu la crise et ensuite ce ne fut qu’une longue palinodie de prévisions fantaisistes :

-    La crise était hyper  localisée aux « subprimes » et ne toucherait qu’une partie (petite) de l’activité américaine
-    D’accord l’ensemble de l’économie américaine serait touchée mais pas l’Europe ni le reste du monde (c’était la théorie du découplage que nous avons si systématiquement moquée).
-    Bon l’Europe est touchée mais le Bric (Brésil, Russie, Inde Chine) résisterait magnifiquement et deviendrait « le moteur » de la croissance mondiale.
-    Ah zut, le Bric est par terre, mais il reste le Moyen Orient et l’Afrique !
-    Surtout l’Afrique parce que le Moyen Orient est désormais cul par-dessus tête.

Encore un effort et le monde sera sauvé par le Zimbabwe ou Saint-Pierre et Miquelon !

Faut-il vraiment en rire ?

Rebâtir un système d’informations et d’analyses  économiques  mondial est une des leçons qu’il faudra bien tirer de cette mésaventure épouvantable.  Les directions sont claires :

-    Indépendance absolue
-    Polycentrisme et concurrence
-    Subventions importantes
-    Réfections des cursus universitaires et suppression des ilots idéologiques castrateurs
-    Dégroupement des mastodontes comme l’INSEE et réduction de son rôle à la production de la matière statistique et suppression de son rôle d’analyse.
-    Production systématique de courbes tendancielles longues.
-    Prix économiques accordés pour les meilleurs ouvrages écrits sur des thèmes particuliers d’importance stratégique.
-    Concentration des études universitaires (et surtout des doctorats) sur les sujets contemporains et pas seulement sur les habituelles ratiocinations des coupeurs de cheveux en quatre sur le passé.

Rendons au moins la crise utile !

Didier Dufau pour le Cercle des Economistes E-toile.

Commentaire
DD's Gravatar Il aura fallu quatre mois au FMI pour que ses prévisions rejoignent la réalité. En février 2009 le FMI annonce ce que nous disons depuis quatre mois : que la récession sera et qu'elle sera mondiale sans aucune exception. Il était temps.

Il souligne ce que nous disons inlassablement : l'inaction des gouvernements est lamentable.

Encore un peu et nous aurons :

- l'expression d 'inquiétudes sur les manipulation de changes en cours
- l'annonce que les changes flottants et les déficits éternels des Etats Unis ont peut être comme une début de causalité avec la crise et qu'on ne pourra pas en sortir sans agir sur la stabilisation des changes.

On a bien le droit de rêver.
# Posté par DD | 28/01/09 11:26
Le blog du cercle des économistes e-toile

Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

Association loi 1901

  
BlogCFC was created by Raymond Camden. This blog is running version 5.9.002. Contact Blog Owner