Sécurité sociale : la réforme impossible

 

La France est un pays incorrigible : il est impossible d’y débattre. De rien. Et surtout pas des réformes nécessaires.

Le dernier exemple nous est fourni par le « scandale »  de la proposition de réforme des remboursements de médicaments nécessités par les maladies au long cours.  Un dirigeant de la sécurité sociale vient expliquer la réflexion qui est la sienne : les maladies de longues durée  coûtent de plus en plus cher  et sont responsable de l’essentiel e la dérive des dépenses.  Impossible donc de revenir à un équilibre des comptes sans revoir les politiques actuelles. 

Il distingue deux types d’affections : les affections graves  qui utilisent des médications lourdes dont il faut absolument maintenir la couverture à 100%. Les affections moins graves pour lesquelles il existe des médicaments  plus légers et moins chers mais qui concernent des cohortes très nombreuses (près de 4 millions de personnes).

Il suggère alors qu’on arbitre en faveur des médications lourdes en réduisant à 35% le remboursement par la SS des autres sachant que  les mutuelles  pourraient couvrir les médicaments de moindre importance.  Il fait sa proposition dans le cadre d’un colloque et il semble utile que des débats puissent avoir lieu sur des sujets de ce genre.

D’autant plus que sa suggestion  est plus que raisonnable : elle s’inscrit dans un mouvement de pensée qui dit que les « consommations » ne peuvent pas faire l'objet d'une assurance, valable pour les "accidents de santé', catégorie où entrent sans discussion les maladies lourdes. La gratuité des consommations conduit à un niveau de dépenses insupportable.   Donnons un exemple : un diabétique léger va se voir prescrire deux comprimés par jour de Metformine faiblement dosée. Ce n’est pas une molécule chère.  En même temps il doit réduire ses aliments gras et sucrés.  Globalement entre médicaments et aliments, le budget global est pratiquement le même.  Pourquoi ne pas réduire le support de la nation à une part de 35% sur le médicament ?

Le débat est légitime. Va-t-il s’ouvrir ?  Non ! Tous les media se mettent à rugir le même message :  le gouvernement a l’intention de ne plus rembourser les médicaments des maladies longues comme le cancer et le sida !  On tend les micros aux Ministres qui répondent tous : "de quoi s’agit-il "? Puis « Il n’y a pas de projet en ce sens ».  Les députés fulminent. A gauche, le même prêchi-prêcha inlassable ressert à nouveau : la droite s’attaque aux pauvres et malades en plus. Ils sont rejoints  par des députés de la majorité : il est scandaleux  qu’une mesure pareille puisse être prise dans notre dos !  Le tohu-bohu augmente, excellent pour l’audience des émissions polémiques de la TNT.  Le gouvernement souligne que jamais une telle décision ne sera prise par ses soins.  Le silence retombe.

Il aura  été impossible de débattre d’une mesure  sans doute raisonnable  et même nécessaire.

On se rappelle l’épisode des taxis qui bloquèrent Paris  à la suite de la publication d’un simple rapport de M. Attali suggérant qu’on augmente le nombre de taxis à Paris, notoirement plus faible que dans les autres capitales.   

Quand et où peuvent se débattre les questions cruciales  qui conditionnent notre avenir  si une suggestion faite dans un congrès est critiquée comme un Oukase gouvernemental  et entraîne un collapsus politique immédiat ?



Commentaire
Dany's Gravatar Vraiment très juste. Je m'étonne qu'aucun commentateur n'ait fait cette observation de bon sens.
# Posté par Dany | 26/06/08 17:24
DD's Gravatar Sur la chaîne Parlementaire un de ces débats avec toujours les mêmes représentants des périodiques (Marianne, Le Point, etc), on revient, dit le représentant de Marianne, "sur le projet de réduire la sécurité sociale pour les pauvres". Le présentateur corrige : "C'est une proposition qui n'émane pas du gouvernement". Ce qui est honnète et va dans le sens de la responsabilité des journalistes. Réaction du représentant de Marianne : "Tous les Français ont compris le message comme une mesure gouvernementale déjà  prise". Surtout quand on s'est acharné à le faire passer pour tel...

A suivi un débat sur le caractère "pédagogique" ou non des medias. Sans trancher définitivement la question, on notera que dans le cas d'espèce, les media ont privilégié la chaleur et l'émotion (qui font vendre) à la lumière (qui éclaire sans doute masi qui ne fait guère rentrer la pub et les abonnements.
# Posté par DD | 28/06/08 13:30
Meccano's Gravatar Les Français sont tellement habitués à voir leurs conquêtes sociales rognées qu'on peut comprendre leur méfiance. Chat échaudé craint l'eau froide. Sur le fond, je ne vois pas la différence de charge entre remboursement par la sécurité sociale ou par les mutuelles. Il ne s'agit que d'un transfert. Le seul "avantage" est que les charges de mutuelles ne rentrent pas dans les charges publiques. Et qu'elles sont tenues à l'équilibre de leurs comptes. La vérité des coûts sera plus facile à obtenir. Donc une hausse importante pour les assurés. Voyez l'automobile : les accidents ont considérablement baissé. Les primes restent en hausse ! Alors, imaginez : avec un risque en forte hausse comme les ALD !
# Posté par Meccano | 21/07/08 06:06
DD's Gravatar D'accord. Mais si les mutuelles acceptent de jouer ce jeu et le mettent en route avec une tarification ad hoc, et si les adhérents de ses mutuelles acceptent de payer, pourquoi pas. Ce qui est choquant c'est une gratuité de consommation payée par les impôts des autres. Vous le dites vous mêmes : les mutuelles doivent équilibrer leurs comptes et les adhérents sont les payeurs. Qu'elles fassent ce qu'elles veulent. En revanche est-il du rôle de l'Etat de couvrir à 100% ce qui est finalement un élément du menu de la personne concernée et une consommation ? Sinon on fera bientôt rembourser par la sécu les fruits et les légumes "excellents pour la santé".
# Posté par DD | 21/07/08 10:54
DD's Gravatar Nous sommes en 2015, sept ans après cet article et voici, enfin que Bercy s'y met :

"Vieillissement de la population et recrudescence des maladies chroniques… le nombre de patients remboursés à 100% par l'Assurance maladie parce qu'ils souffrent d'une maladie grave va exploser ces prochaines années, alerte dans une note l'administration du Trésor, qui dépend du ministère de l'Economie. Ces personnes, qui bénéficient du dispositif «d'affection de longue durée» (ALD), représentaient 14,5 % de la population en 2011, mais près de 20 % en 2025. Bref, dans dix ans, un Français sur cinq sera en ALD.

Les ALD, créées en 1945, permettent aux patients qui en profitent d'être exonérés de «ticket modérateur», pour la partie des actes et des produits médicaux concernant la pathologie grave dont ils souffrent. En clair, la partie des soins habituellement non payée par la Sécu -et prise en charge le plus souvent par les complémentaires santé- est dans ce cas particulier remboursée par l'Assurance maladie.

Aujourd'hui, le dispositif ALD coûte 12,2 milliards d'euros à l'Assurance maladie, sur un budget d'environ 170 milliards, ce qui représente moins de 10 % des dépenses, a calculé le Trésor. Cette somme a gonflé de 3,7% par an depuis 2001 et devrait continuer à grossir durant la prochaine décennie. À tel point que «le coût augmente sans qu'il soit possible de le maîtriser», s'alarme le Trésor.

Pire, bien qu'il soit censé alléger au maximum la facture pour les patients les plus gravement malades, le dispositif remplit mal son objectif. En effet, un tiers des assurés sociaux ayant une facture restant à leur charge supérieure à 900 euros par an sont en ALD. Et ce, parce que l'Assurance maladie ne rembourse à 100% que la partie des soins qui concerne la pathologie grave. Ainsi, une prothèse de hanche ne sera pas remboursée à 100% pour un malade souffrant d'une tumeur maligne".

On constate qu'une mesure aussi dispendieuse qu'injuste risque de littéralement faire exploser les comptes de la sécu déjà totalement hors limites.

Encore combien de temps avant une vraie réforme ? La gratuité totale conduit automatiquement à des excès, à des explosions de coûts, au contrôle des producteurs et finalement à des rationnements incohérents.

La réforme de cette mesure aurait du avoir lieu lors du gouvernemenet Rocard qui croulait sous les recettes, au lieu de lancer la CSG qui a permis de faire perdurer bien des bêtises dont nous nous mordons les doigts aujourd'hui.
# Posté par DD | 17/04/15 11:45
Le blog du cercle des économistes e-toile

Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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