TVA sur la restauration : une baisse bienvenue ?
Au moment où on annonce pour dans quelques années une baisse possible de la TVA sur la restauration, il faut se poser la question : est-ce une bonne idée ? Curieusement, personne ne se la pose dans la presse. Il est acquis que cette baisse obtenue de haute lutte est « une victoire ». Rien que cela est une curiosité. On a vaincu l’Europe des gnomes de Bruxelles !
Pourquoi diable la modification du régime de TVA sur des produits aussi nationaux que la restauration doit elle obtenir l’unanimité des pays européens ? Il est clair que l’harmonisation des taxes est nécessaire dans une zone de libre échange où on veut favoriser la circulation des biens et des services. Mais les restaurants ne sont pas des biens qui passent la frontière. Des touristes pourraient être théoriquement détournés d’aller dans d’autres pays de l’Europe pour bénéficier de l’effet d’aubaine des taxes basses en France. Qui croit une seconde que la distorsion de concurrence qui en résulterait aurait le moindre effet dans la pratique ?
On tombe sur une première anomalie : les traités européens ont mis en commun une législation fiscale qui sur certains produits n’a pas d’effet européen sensible. Où est la « subsidiarité » ? La terrible lourdeur des processus de décision et les délais déraisonnables auxquels elle aboutit posent la question de l’opportunité et de l’efficacité de certains mécanismes collectivisés à l’échelle de l’Europe.
Dans la pratique les touristes qui viennent en France, notamment de l’Europe, paieront moins de TVA donc moins d’impôts. Ils sont des dizaines de millions à venir car la France est la première destination touristique du monde. On fait un cadeau fiscal à des dizaines de millions d’étrangers ! Sans être ultranationaliste, est-ce bien malin ? La restauration est un produit de luxe, sachant que la petite restauration (les sandwichs etc.) est déjà à un taux réduit. La clientèle des trois étoiles va bénéficiée d’un petit coup de pouce fiscal ? Est-ce socialement juste et n’est-ce pas une forme de « cadeau aux riches » ? Nous entrons dans une phase de ralentissement qui va faire baisser la recette fiscale de l’Etat. Le Ministre des Finances l’a annoncé urbi et orbi ce jour même et a donné les estimations : quelques milliards d’euros vont manquer à l’appel et ce sera pire encore l’année prochaine. Les déficits vont se creuser alors que la dette est déjà très importante. Est-il opportun d’aggraver encore la situation et de reporter sur nos enfants les avantages consentis ici et maintenant à des touristes en goguette et à ceux qui ne mangent pas chez eux ?
La seule justification valable est l’emploi. Finalement tout le monde, gauche et droite réunie, accepte l’idée que l’impôt tue l’emploi, ce qui est vrai quand il atteint comme en France les sommets hystériques que l’on sait. Les industries de main d’œuvre selon cette théorie implicite devraient bénéficier toutes de la TVA à taux réduit. L’ennui, c’est que nous entrons dans une économie de services où toute l’activité sera bientôt « tertiaire ». Nous sommes implicitement en train d’affirmer que la TVA normale doit être à 5.5% ! Ce qui nécessiterait, à recette fiscale égale d’augmenter très fortement l’impôt sur le revenu, la CSG où on ne sait quel autre impôt de masse, avec des effets dévastateurs.
Tout économiste un peu sérieux sait que c’est le contraire exact qu’il faut faire. Jospin a fait une énorme erreur en diminuant d’un point la TVA comme nous l’avions déjà observé à l’époque. Sans réduction des dépenses publiques cela revenait à faire un cadeau aux industries exportatrices étrangères, et à transférer le fardeau sur les générations futures. Le bel échange !
La France souffre d’un excès d’impôts, d’un excès démentiel de dépense publique, d’un excès de dettes. A chaque récession, et nous entrons dans l’une de ces charmantes périodes, les déficits se creusent, la dette augmente et avec elle le besoin d’accroitre la pression fiscale. Nous sommes complètement coincés et dans une spirale sans fin.
La seule solution est connue : il faut baisser très fortement la dépense publique et supprimer sélectivement et progressivement les impôts les plus pénalisants. Il aurait été intelligent de le faire pendant la phase du cycle économique favorable. Les récessions sont rarement propices à cet exercice. Comme les rendements fiscaux sont excellents pendant les « vaches grasses », on ne fait aucune réforme en se disant que finalement cela s’arrange. Pour aboutir à une situation inextricable lors de la récession.
Au lieu de cela nous nous livrons à des réductions électoralistes des impôts en fonction de l’idée que le gouvernement du moment se fait du bénéfice politique qu’il en tirera. On veut la jeunesse avec soi : vive la baisse de la TVA sur la musique, les films, les jeux vidéo ! Les restaurateurs commencent à devenir un problème ? On lâche de la TVA ! Les pêcheurs, les routiers, les taxis ? On lâche de la taxe sur le gaz-oil. En contrepartie on supprimera les « niches fiscales » qui permettaient de pallier en partie aux effets pervers d’une fiscalité excessive et trop concentrée sur les revenus moyens.
Aucun plan d’ensemble de baisse des dépenses publiques et des prélèvements : seulement des mesurettes démagogiques et politiciennes prises à la va-comme-je- te-pousse par des gouvernements qui finissent toujours par reprendre d’une main ce qu’ils ont fait semblant d’accorder de l’autre dans l’incohérence générale et la stagnation économique de longue durée.
Après six ans de gouvernement « de droite » censé être favorable à la baisse des impôts et des dépenses publiques, le taux de prélèvements est plus fort qu’un début de période ! Chaque baisse localisée a donc été reprise par ailleurs. Où ira-t-on encore chercher l’argent que l’on ne prélève plus sur les touristes et les joyeux convives ? La récession va encore aggraver les choses, car il y aura moins de touristes pendant quelque temps.
Encore Bravo !
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
On peut d'ailleurs avoir des bénéfices fiscaux et sociaux dans baisser les taux nominaux. Exemples :
- suppression de l'ISF actuelle et replacement temporaire par une taxation exceptionnelle des très hauts revenus (supérieurs à 1 millions d'euros) et sur les gains des stocks options (des grands groupes).
- Permettre le rapatriement avec imposition de 10% des capitaux enfuis à l'étranger.
Ces deux mesures à elles seules permettront de faire revenir une bonne partie de l'argent parti, de toucher des recettes fiscales supérieures et de conforter notre balance de paiement, tout en nous mettant en meilleure position pour la reprise de 2011-2012.
Si on n'avait pas baissé la TVA générale, on aurait suffisamment de recettes fiscales pour ne pas exploser les déficits et nous pourrions déclencher, en même temps que la récession, différentes incitations pour relancer le dynamisme commercial.
La vraie question reste la croissance des charges de sécurité sociale : pas de solution sans réduire de façon drastique la couverture du "petit risque" pour concentrer la solidarité nationale sur le gros risque, en réduisant la gratuité totale pour les transports médicalisés et les ALD principales sources des dérives. Un gros risque politique !
Pour le reste : réduire à bloc la dépense publique en supprimant certaines politiques publiques qui n'ont aucun intérêt réel, encadrer les dépenses des collectivités locales, réduire les étages administratifs, diminuer la taille des diverses assemblées. .
Vous avez raison, cher Didier Dufau, ce n'est pas la TVA qu'il faut baisser mais les charges sur les entreprises françaises.