Economie Française : le palmarès des incapables

Voici donc la France à la veille de la récession.

Elle y va alors que tous les indicateurs sont déjà au rouge.  La dette d'état sans être effroyable est aux limites des critères de Maastricht.  La pression fiscale est au plus haut quasiment historique.  Les dépenses vont bon train, malgré divers effets d’annonce.  Le chômage est bas par rapport aux performances  habituelles mais reste très élevé. Le non emploi des jeunes, des vieux, des femmes, des immigrés et des personnes économiquement fragiles est au top  du monde développé.  Les comptes extérieurs sont fortement dégradés, avec une balance commerciale qui s’enfonce dans le déficit.  L’inflation est là à des taux inhabituels depuis 20 ans.

La récession n’arrangera rien.  L’Etat va se retrouver étranglé, la consommation et l’investissement aussi.  Le chômage va repasser au dessus des 10%  Rien que du bonheur.

Mais qui a donc mis la France dans cet état.  Etablissons le palmarès des incapables.

L’affaire commence avec la crise de 74 et le septennat Giscard.  Ce dernier croit que la France s’en sortira grâce au TOUT ETAT.  Son septennat sera fiscal et malthusien.

Le gouvernement Chirac se trompe de diagnostic, car il n’a rien compris à la nouvelle situation créée par la disparition du système monétaire international de Bretton-Woods. Il se lance dans une relance keynésienne qui tourne au fiasco général.  En même temps se met en place « l’énarchie compassionnelle ». On règlemente  le licenciement avec l’autorisation administrative préalable,  tout en accordant des indemnités de 2 ans tellement généreuses  que certains cadres demandent à être licenciés !

Le résultat : des déséquilibres massifs de tous les comptes et une hausse également massive des impôts.   L’arrivée de Raymond Barre ne change pas grand-chose.   Certes il prend deux mesures importantes : la suppression du contrôle des prix et la compression des salaires pour éviter que l’inflation extérieure ne soit relayée par l’inflation intérieure.  Mais pour le reste il continue à dépenser un maximum et à aggraver la pression fiscale sans revenir sur les mesures démagogiques prises par son prédécesseur.

La gestion de Giscard aura donc été un grave échec, Chirac prenant une belle option au palmarès des nullités économiques.

Mitterrand aggrave les choses.  Son septennat sera celui du détestable  « programme commun de la gauche »  avec ses nationalisations idiotes et ses milles mesures démagogiques conduisant à une frénésie incontrôlable de dépenses  et d’impôts.

Jamais un Président n’aura fait autant de mal à un pays  depuis 1980 sinon peut être Mugabe, un socialiste lui aussi.

N’accablons pas Mauroy, le premier ministre daltonien qui voyait tous les feux aux verts juste avant la débâcle finale qui aboutira à la « pause » dans le passage de « la  nuit à la lumière » et l’abandon de fait du programme socialo-communiste. Avec Delors il formera un couple de mères douloureuses  unique en son genre répétant en petit comité « qu’on fonçait dans le mur » et en public « que tout allait pour le mieux, Madame la Marquise ».     La France ne se remettra jamais vraiment de l’application du programme commun. 

Le gouvernement Fabius arrange un peu les choses mais on est déjà dans le ni-ni. C’est le premier gouvernement stagnationniste.  On verra qu’il n’est que le premier du genre.  En attendant la dette et la pression fiscale sont au plus hauts, accordées au saut  vertigineux de la dépense publique.

Le gouvernement Chirac-Balladur est plutôt bon.  Il prend d’excellentes mesures, comme la suppression de l’ADI et du Centre Mondial de l’Informatique,  de l’ISF, commence les dénationalisations.  Il prépare la France au rebond de l’économie mondiale. Hélas, les élections sont perdues.

S’annonce le pire des gouvernements de l’ère Mitterrand. Voici Rocard et la troisième gauche.  Ils vont mettre l’économie par terre et évidemment personne ne va s’en apercevoir. Pourquoi ? Parce que la conjoncture économique mondiale est  dans sa phase haute et la conjoncture française est excellente.  C’est le moment de faire de grandes réformes et de réduire drastiquement les dépenses et la pression fiscale.  Or nous savons (voir notre billet sur la croissance et l’impôt)  que la pression fiscale augmente mécaniquement pendant les phases de croissance.  Il faut donc AGIR. C’est le bon moment.  Que fait Rocard ?  Il AUGMENTE LES IMPÖTS MASSIVEMENT en rétablissant l’ISF, en créant la CSG tout en AUGMENTANT MASSIVEMENT LA DEPENSE notamment avec le RMI.  Il fait donc l’inverse exact de ce qu’il aurait du faire.  Comme la conjoncture est bonne  personne ne dit rien et il peut parader en se prenant pour le « meilleur premier ministre depuis la guerre ».   En vérité il crée les conditions d’une situation impossible lors du renversement suivant de la conjoncture.  C’est lui le criminel véritable.  A cause de lui la France va entrer dans l’impasse totale.  Surtout il ne réforme rien, et en particulièrement pas les retraites dont il sait que la nécessité est bien « ici et maintenant ».

Ne disons rien du Gouvernement Cresson, bref et insignifiant.   

Lorsque la conjoncture se dégrade et que la récession décennale s’annonce  Bérégovoy hérite d’une situation impossible. La dette se creuse. L’emploi se dégrade. Les déficits s’amplifient. L’investissement s’arrête.  Alors qu’il multiplie enfin les bonnes mesures, il est sanctionné  électoralement, devient le bouc émissaire, et ne s’en  remet pas. Il aurait du écrire « Rocard m’a tuer ».

Le gouvernement  Balladur choisit de laisser filer.  Il s’agissait d’être net pour la présidentielle à venir. La dette enfla  donc comme jamais. Une seule réforme se fit : les salariés du privé virent l’âge de la retraite retardée de quelques années, ce qui n’avait que peu d’influences sur les déficits publics.  

Juppé hérite alors d’une situation totalement dégradée avec des déficits monstrueux et en prime l’obligation de respecter les critères de Maastricht.  Il n’a plus de temps de réduire les dépenses si  tant est qu’il n’en ait jamais eu envie.  Le coup de matraque fiscal est effarant.  Il est si fort qu’il provoque par contrecoup la mini récession purement française de 1996 !

Lorsque Jospin arrive, les Français n’ayant pas pardonné la politique fiscale de Juppé,  la situation est assainie en France et la croissance s’accélère dans le monde.  L’ennui : il ne s’en aperçoit pas.  Il charge DSK, le pire ministre des finances des 35 dernières années, de donner un tour de vis fiscal supplémentaire  et bloque l’industrie avec les 35 heures ! Les recettes affluent à un niveau jamais vu et la question de la « cagnotte » devient centrale.  En cinq ans malgré les recettes en forte hausse, il réussit à augmenter de mille milliards de Francs l’endettement.   Ce n’est que poussé par Fabius (un article célèbre dans Le Monde sur : le mur fiscal) qu’à l’extrême fin de son quinquennat  il baisse assez fort la fiscalité (cad il rend une partie de la hausse aux  Français).  Il n’a fait aucune réforme utile lâchant lamentablement le seul ministre qui voulait « dégraisser le mammouth ».  La France a perdu son temps et surtout n’a pas exploité la haute conjoncture pour réduire les impôts et les dépenses.

Quand Raffarin prend ses fonctions, on est en plein dans la phase basse du cycle. Il est clair qu’il ne fera rien : Chirac est dans sa phase brejnévienne d’assoupissement total.   Il en vient à sanctuariser « les avantages acquis » et l’énarchie compassionnelle atteint ses sommets. On pleurniche sur tout avec tous.  C’est l’époque où la grande politique française se décline autour de deux objectifs : réduire les accidents (de la route, de piscine, d’ascenseur)  et essayer de guérir le cancer.  « Un objectif de sous secrétariat à la population» avais-je écrit à ce moment là sur le forum du Monde.   Une seule réforme sera entreprise : la retraite, et encore en repoussant à plus tard celle des régimes spéciaux.  J. Chirac déclare « la pause fiscale », c'est-à-dire le retour de la hausse de la pression fiscale. 

Le gouvernement Villepin s’enracine dans la brejnévisme.  On le cache par une gesticulation ridicule qui aboutit au projet absurde du CPE. J’écrivis à l’époque : « on a transféré sur les générations futures tous nos déficits et nos lâchetés.  Voilà qu’on veut aller encore plus vite et les faire supporter par la jeune génération  qui arrive ! ».  Rien d’utile n’est fait pendant cette période.  Cela ressemble au gouvernement Balladur.  Mais on n’a pas compris qu’on est déjà dans la bonne phase du cycle et on n’en profite pas.  On laisse simplement la pression fiscale augmenter mécaniquement par l’effet de la progressivité globale  du système.

On ne peut pas encore juger le gouvernement Fillon ni Sarkozy (voir : « le mystère Sarkozy », à venir sur le blog).

Mais déjà on peut dresser le palmarès des incapables.

Président le plus néfaste :

 N°1 : Mitterrand, avec le programme commun de la gauche

               N°2 : Giscard, sa politique du « Tout Etat, son septennat fiscal.

               N°3 : Chirac, son « Enarchie compassionnelle » et son, immobilisme rad-soc.   

Premier ministre le plus néfaste :

              N°1 : Rocard, recordman du monde de ce qu’il ne fallait surtout pas faire

N°2 : Jospin, qui gaspille une occasion unique d’améliorer la situation et qui l’aggrave avec des mesures malthusiennes.

N°3 : Mauroy, le programme commun, tout le programme commun. Hélas !

N°4 : Chirac  1er gouvernement : la relance imbécile et les vannes ouvertes de la dépense publique

N° 5 : Balladur : laisse filer tous les déficits sans réformer le secteur public.

N°6 : Juppé : donne un coup de massue fiscal historique, mais avait-il le choix ?

N°7 : Fabius : laisse filer en douceur.

N°8 : Villepin : laisse filer en splendeur.

N°9 : Raffarin : aura au moins fait une réforme pendant « la pause fiscale ».

N°10 : Barre : de bonnes mesures mais laisse filer la pression fiscale et l’endettement

N°11 : Bérégovoy : prend de plein fouet la récession mais  fait diverses réformes utiles et n’aggrave rien.

Mme Cresson n’a pas été notée. Elle n’était pas néfaste, seulement nulle.

On notera que ce classement ne recoupe absolument pas  l’idée que les media s’en font. L’opinion publique ne s’attache qu’au contexte : les phases Rocard et Jospin ayant été de conjoncture faste  ils en créditent le gouvernement qui non seulement n’y est pour rien mais a gâché lamentablement les opportunités que cette situation offrait.

Didier Dufau

Commentaire
zig's Gravatar La difficulté avec ce genre de raisonnement est qu'on devient contre tout et tous. Il y a quand même eu de la croissance pendant toute cette période et tout n'a pas été négatif.
# Posté par zig | 21/07/08 00:00
DD's Gravatar Vous avez partiellement raison. Mais vous ratez l'essentiel qui est que nous nous sommes mis dans l'impasse avec désormais des difficultés sans nom pour nous en sortir. Il est difficile de refaire l'histoire. Mais imaginons que nous n'ayons pas subi la politique du "tout Etat" de Giscard ni celle du "programme commun" ni enfin le navrant "ni-ni" à la sauce compassionnelle de Chirac. Nous aurions 30 millions de Français au travail, dont 28 dans le secteur privé, un revenu par tête de 50% plus élevé.

Ce qui indispose dans l'histoire économique française des trente dernières années, c'est que nous sommes largement la cause de nos propres malheurs. Les gens savent constater les pertes mais pas les manque à gagner. L'inconscience règne.

Prenez ce qu'on fait les meilleurs pendant la période. Appliquez le à la France. C'est un autre pays qui vous apparaitra.

La France a gâché ses chances. Il faut le dire et le redire. Sinon cela continuera. Rappelons que jusqu'en 74 notre revenu par tête rattrapait celui de tous les pays plus riches que le nôtre. Et que depuis nous nous sommes enfoncés dans tous le classements sur tous les critères imaginables.
Non, décidément non, nous ne pouvons pas nous cacher derrière notre doigt. Désolé.
# Posté par DD | 21/07/08 05:57
Gloups's Gravatar "La récession n’arrangera rien. L’Etat va se retrouver étranglé, la consommation et l’investissement aussi. Le chômage va repasser au dessus des 10% Rien que du bonheur."

Je vous lis le 13 juillet 2013, près de 5 ans plus tard. Et tout ce que vous avez écrit s'avère juste. Nous sommes pratiquement à 11% de chômeur catégorie A.

La gestion étranglée de M. Hollande vient de nous faire perdre notre dernier triple A, celui de Fitch. L'investissement est arrêté. La consommation est en baisse. L'Etat va se retrouver avec un déficit supérieur à 4% du PIB et un endettement de près de 100% fin 2013, sans espoir de rebond en 2014.

Hollande a tout aggravé après que Sarkozy ait fait face aux urgences sans convaincre.

Quant au bonheur !

Bravo pour votre clairvoyance ! Vous avez l'oeil économique.
# Posté par Gloups | 13/07/13 15:40
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