Le mystère Sarkozy

Que M. Nicolas Sarkozy soit un surdoué de la politique, tout l’indique. Mais que penser de sa politique économique ?

Là, le mystère commence.

Sa campagne présidentielle laissait l’auditeur sur sa faim. Le programme annoncé était un « programme court » dans une « ambition longue ». L’ambition était de faire regagner, en fin de mandat, les points de croissance qui manquaient à la France par rapport aux autres pays.  Le programme court  prévoyait un ensemble de mesures  dont la principale était la détaxation des heures supplémentaires levier indispensable pour faire sauter le verrou des 35 heures et rétablir le pouvoir d’achat des masses laborieuses.

Alors qu’il était certain qu’une récession viendrait perturber son mandat,  il demandait à être jugé en 2012 sur la baisse du chômage et le rétablissement des grands équilibres pour une France en croissance aussi rapide que ses meilleurs concurrents.   Nous avions souligné à l’époque que la méconnaissance du cycle rendait ces propos très imprudents, entre présomption et incompétence.  

Il promettait des réformes, dont la baisse des effectifs des fonctionnaires, des mesures fiscales ciblées sur les emprunteurs immobiliers et sur les petits héritages,  et l’équivalent du plan mythique « Pinay-Rueff » pour briser les freins à la croissance.

La réalité a été conforme à ces annonces. Le programme court a bien été exécuté.  La loi TEPA a détaxé les heures supplémentaires ; Le bouclier fiscal à été remonté à 50% ; les régimes spéciaux ont été réformés ;  les effectifs de fonctionnaires ont commencé à être réduits.

Pourquoi parler de mystère dans ces conditions puisque nous voyons  un président faire ce que le candidat avait annoncé ?

Comme prévu la détaxation des heures supplémentaires n’a pas eu les effets décisifs annoncés. Avec la récession ce sera encore plus net.

Réduire la taxation des petits héritages a fait plaisir au plus grand nombre, c’est sûr, mais son impact économique est quasi nul.

Favoriser les emprunteurs immobiliers en pleine résorption de la bulle spéculative  n’est pas absurde mais s’analyse comme un coup de chance : l’idée était démagogique et politique, sans rapport avec l’éclatement de la bulle, non prévue par Sarkozy.

Les mesures autour du bouclier fiscal et de la déductibilité de certaines dépenses  ont l’énorme inconvénient  d’avoir empêché la réforme réelle de cet impôt dont il fallait absolument changer l’assiette en attendant de le supprimer. Sarkozy a tenté de rendre à peu près acceptable un impôt qui ne l’est pas.  Curieusement sa réforme lui a coûté autant d’avanies politiques sur ses « cadeaux  aux riches » que l’aurait fait une pure et simple suppression.  Un an après on voit que l’impôt s’est stabilisé en valeur mais que le nombre des assujettis a encore augmenté.  Les 100 familles s’étaient retrouvées 100.000 en 81, les voilà à 400.000 !  Et on s’est étonné que les expatriés ne rentraient pas !

Les 35 heures ont été triturées de façon incompréhensible, alors qu’il suffisait purement et simplement d’y renoncer et de revenir aux 40 heures avec dérogation possible négociée entreprise par entreprise.

La réforme des régimes spéciaux a bien été entreprise avec alignement sur la fonction publique.  Mais il y a tellement de codicilles et de négociations secrètes qu’on ne sait finalement pas ce qui a réellement changé, si ce n’est la fin de l’indexation sur les salaires des actifs des retraites.

Restent les réformes importantes lancées sur un peu tous les sujets.

On réforme la carte judiciaire, mais on ne réduit pas le nombre des magistrats qui au contraire augmente tout en indemnisant des tas de villes touchées par les fermetures de tribunaux.  C’est donc une réforme qui coûte et dont on ne sait guère ce qu’elle économisera à terme.

On diminue le nombre des fonctionnaires, faisant sauter un verrou sur une question tabou, mais à terme on aura 100.000 non renouvellements  sur 5 millions de personnels à statut plus ou moins protégés !   Un fonctionnaire qui part à la retraite sans être remplacé n’a pas un effet massif sur les finances publiques.  Les mesures prises n’auront qu’un impact inférieur à 5 pour 1000 sur la dépense publique !

On a reculé sur les taxis, les notaires, les pharmacies, etc.

On s’attaque maintenant aux armées.  Mais là aussi on voit bien que le but n’est pas tant de réduire le budget des armées que de permettre une meilleure efficacité à coût égal.

Dans le domaine de la sécurité sociale rien n’a été fait depuis la micro réformette Douste Blazy. Les comptes dérivent avec les dépenses et les quelques sous exigés  sur les boites de médicament ne correspondant pas aux enjeux phénoménaux de ce dossier.

On a lancé la RGPP qui ne donne exactement aucun résultat sauf quelques gouttes d’économie par ci et par là.

On a lancé de nouveaux impôts et notamment  les taxes liées à l’environnement.  De nombreuses dépenses supplémentaires ont été annoncées comme le RSA, le « quatrième risque » etc.

La hausse des taux d’intérêt creuse un magnifique trou dans notre budget, compte tenu de notre endettement.  

Au total on dira que la politique est bien orientée dans son objectif général mais que les mesures prises jusqu’ici sont soit purement électoralistes, soit dérisoires, soit ambigües et en tout cas totalement hors de proportion avec le nécessaire.

M. Sarkozy gratte le béton avec un araire en annonçant les belles  moissons  qui chantent.   Tout cela sera balayé par le ralentissement économique.  Nous dévoilera-t-on alors le « programme long » ou improvisera-t-on   selon des axes plus ou moins électoralistes ?

Tel est le mystère Sarkozy.

Didier Dufau

Commentaire
Gloups's Gravatar Il n'y a plus de mystère !

Sarkpzy est un politicien habile qui s'agite en prenant à contrepied tout le monde tout le temps., donc en trompant tout le monde toute le temps. Au final on s'apercevra qu'il n'a pris aucune décision réellement courageuse et efficace. Il prend les sujets où l'émotion coule à plein beur
# Posté par Gloups | 07/09/08 09:57
Gomez's Gravatar Il est amusant de relire cet article après avoir entendu l'interview de Sarkozy par Pujadas ce lundi soir 12 juillet 2010. Deux ans après.

Les résultats déplorables annoncés dans l'article sont là. Et on s'aperçoit que les mesures prises ont finalement été si minimes qu'on est resté dans le symbolique. Avec son bagout faubourien il énonce tous les pays qui ont passé l'âge de la retraite au delà de 65 ans...et annonce qu'on s'en tiendra à 62 ! Avec le même bagout il énonce que partout l'impôt sur la fortune a été supprimé et par des socialistes. Il va donc le faire ? Mais non : lui a décidé de conserver cet impôt confiscatoire et anti-économique au possible. Où est la rupture ? Où est le courage ? Comme Chirac Sarkozy n'a qu'une gestion politicienne avec une politique de gages donnés à gauche, et des réformes minimum dont on est prié de considérer qu'il s'agit d'exploits inouïs. IL décourage son électorat sans obtenir en retour le moindre soutien socialiste. On aura donc les socialistes dans 2 ans et une nouvelle série de mesures absurdes. La France est fichue.
# Posté par Gomez | 13/07/10 10:05
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