Des dirigeants et des conseillers dépassés : Henri Guaino

Nous continuons notre série d’analyses des vues exprimées dans la presse par les ténors de la politique ou de l’économie.

Aujourd’hui nous commentons l’interview donnée au Figaro du 24-25 janvier 2009 par Henri Guaino.

« C’est la première crise de la mondialisation »

Cette antienne se retrouve un peu partout dans la bouche des commentateurs médiatiques et des politiques.  

Il y a au moins deux erreurs dans la phrase.

Cette crise n’est pas la première d’un genre nouveau : c’est le troisième épisode de la crise commencée en 92-93, continuée en 2001-2002 et qui s’épanouit aujourd’hui.  Croire qu’il s’agit d’une « première » d’un nouveau genre garantit de ne rien comprendre.

Le concept de mondialisation est vide de sens : la mondialisation a commencé vers le 6 ième siècle avant JC avec des épisodes nombreux d’ouverture et de rétractation.   Même si on se limite à un cadre récent la seule nouveauté a été l’ouverture des pays communistes depuis 1990.  Le commerce international a plus cru pendant les trente glorieuses que dans les trente dernières années !

On retrouve dans ce genre de phrase le plaisir de faire des mots et de prendre la pose, mais cela n’ouvre sur rien d’intelligent.

 «  L’histoire n’est pas écrite d’avance et la mondialisation prépare peut-être une sortie de crise inédite. »

Ayant cru que la crise était inédite, la sortie de crise doit donc l’être. Tout cela est cohérent mais dans la jactance seulement.

« Emprunter pour placer dans les banques à 8%  cela rapporte de l’argent à l’Etat ».

Le résultat c’est surtout que les banques outre le désir de ne pas tomber plus bas doivent absolument trouver une rentabilité de 8% : le résultat est le renchérissement du crédit et une très forte sélectivité. 

On va à l’inverse du but poursuivi.

Mieux aurait valu nationaliser en prenant acte de la perte quasi-totale de valeurs des banques, cantonner les mauvais risques et repartir sur une base de prêts à des taux réalistes.  Le but de l’action conjoncturelle ne peut pas être «  de rapporter de l’argent à l’état » en aggravant la crise.


« Augmenter les impôts en période de récession serait absurde »

L’ennui c’est que depuis 2002 la droite n’a pas réellement fait baisser la pression fiscale (voir notre billet sur ce sujet)  et qu’il ne se passe pas un jour sans qu’on multiplie les taxes et les créations d’impôts nouveaux, sans parler des folies fiscales locales comme à Paris les délires Delanoë le montrent. 

Symétriquement il n’y a pas un jour sans un cadeau au peuple ou une gratuité.  Voir dans le même journal le déversement de subventions  colossales à la presse quotidienne.

« Le capitalisme financier est le contraire du vrai capitalisme »

Cette analyse est purement politique et ne recouvre rien de sérieux.

« Qu’attendez-vous du prochain G20 à Londres : ce sera une étape importante de la refondation du capitalisme»

On est dans le verbiage. On sait qu’à Londres seront annoncées des mesurettes concernant les agences de notations, les règles comptables,  la rémunération des banquiers et  certaines limitations pour les hedge funds et les paradis fiscaux.   Il y a un décalage effarant entre le vocabulaire hyperbolique des autorités françaises et l’ambition presque ridicule du G20 !

« Ce que nous voulons c’est un Etat qui entreprend, qui investit, qui innove, qui instruit, qui protège. Ca n’a rien à voir avec  le vieil Etat social démocrate  redistributeur et bureaucratique ».

Là encore, ce sont des mots.  Jamais l’Etat n’a été plus redistributeur qu’aujourd’hui et la multiplication des « droits à » et des gratuités diverses montre que le guichet des friandises n’a jamais été plus ouvert.

« Politique de civilisation : où en est-on ? -  On y est : Refonder le capitalisme c’est une politique de civilisation »

Blablabla !


« Quel modèle économique s’imposera après la crise ? – la croissance sera plus durable, il y aura moins de déséquilibres, moins d’excédents pour les uns et de déficits pour les autres »
Très bien. Mais comment ?  Là pas un mot.


Conclusion :


Le discours de H. Guaino est le miroir de celui de N. Sarkozy. Il s’agit d’une posture. On est heureux d’avoir un « discours ». Ce discours est collé arbitrairement sur une situation qu’on ne comprend pas  et qu’on ne sait pas comment aborder techniquement. 

Alors on parle de situation nouvelle qu’il faut juguler par un retour aux sources, tout en arrosant  tout et tout le monde et en creusant les déficits. 

Il aurait été meilleur d’avoir un diagnostic, un pronostic et une thérapeutique cohérente.

Alors que nous au Cercle des économistes e-toile nous avions publiquement attiré l’attention du candidat Sarkozy sur le danger d’annoncer un accroissement du taux de croissance alors qu’une crise sévère allait se produire pendant son quinquennat, son équipe n’a rien voulu voir venir et ne s’est préparée à rien. 

Alors que la crise démarre aux Etats-Unis fin 2006 et s’amplifie pendant toute l’année 2007 avec l’accident de fin juillet début Août qui marque l’ouverture de la crise bancaire chaude,  rien n’est observé ni compris. Aucune action n’est entreprise pour faire face à ce qui menace.

On développe un agenda purement politique. 

Aujourd’hui la fine équipe  joue la surprise et n’a aucune idée de la continuité des évènements qui nous ont conduits là où nous sommes.  Elle ne fait qu’inonder de crédits tous les secteurs qui viennent à la gamelle : presse, construction aérienne, construction automobile, banques,  en creusant les déficits.

Et tout s’aggrave sans aucune rémission.

Gouverner c’est prévoir, pas enfiler les formules verbales creuses.

Commentaire
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