Le presse française étouffée par les subventions
Nous avons besoin d’une presse nationale quotidienne. On a donc monté des Etats généraux de la Presse. Qu’en sort-il ?
Un appel éhonté à la subvention tous azimuts. Appel immédiatement entendu. Une longue tradition.
La PQN est récompensée de son travail permanent en faveur de l’impôt. Crier « Vive l’impôt » semble être en effet son exercice principal. Après tout, on lèche la main qui vous nourrit.
Et à qui ont demande absolument tout.
Pendant des lustres la presse parisienne a montré la lâcheté la plus grande vis-à-vis des « ouvriers du livre », un « closed shop » totalement abusif et mafieux. Quand un patron de presse a décidé de l’affronter les autres l’ont laissé tombé. Ce syndicat infect a réussi à imposé des conditions de travail exorbitantes qui rendent impossible la rentabilité d’un journal.
L’anecdote suivante nous a été racontée au hasard d’une rencontre. Elle date un peu et nous n’avons pu la vérifier. Nous faisons confiance à celui qui nous l’a racontée mais naturellement la livrons avec toutes les réserves d’usage. Elle peut être fausse. Même si on ne voit pas trop pourquoi il aurait inventé de tels détails.
« Un brave garçon est engagé par piston familial par le syndicat. Il doit « gérer » les gros sacs de journaux qui tombent régulièrement à destination des différents coins de France. Il faut prendre le sac et faire pivoter un portique pour le porter vers les postes de camionnettes ou de motos chargés de la diffusion. Un sac tombe à peu près toutes les trente secondes. Il faut dix secondes pour le diriger à poste et l’y faire tomber. Le syndicat a exigé 5 postes de travail pour cet exercice qui dure environ deux heures chaque jour.
Il a obtenu un salaire, pour ces deux heures effectives, comptées 5 heures contractuelles, de 800 Euros net par semaine. La plupart des privilégiés qui bénéficient de cette planque travaillent ailleurs pendant la journée, souvent comme permanents syndical. Ils gagnent en général entre 4 et 6000 euros par mois. Les 5 personnes affectées directement sur choix du syndicat sont rarement là toutes en même temps et pour toute la durée prévue.
En général on ne voit que trois ou quatre personnes qui naturellement se tournent les pouces. Elles travaillent environ 20 secondes toutes les 5 minutes, ce qui n’est pas tuant. En fait on assure une rotation, ce qui fait qu’on peut passer 20 à 30 minutes à ne rien faire sinon lire le journal.
Installer un carrousel automatique qui permettrait à une personne de desservir tous les points de chargement coûterait environ 30.000 Euros. Le syndicat s’y oppose ainsi qu’à tout changement dans les effectifs sous peine de blocage instantané de la diffusion. Le simple triage des sacs revient donc à près de 3 millions d’euros annuels, charges comprises.
Notre jeune « travailleur » s’ennuie. Il a besoin de s’activer un peu. Un jour où son énergie était forte il assume seul le traitement des sacs pendant toute la session au milieu des quolibets. Le lendemain il est viré ».
Evidemment, si l’anecdote est vraie, on comprend que les frais d’impression des journaux parisiens soient largement au dessus de tout ce qui se pratique ailleurs (entre 65 et 100% de plus !). Si elle n’est pas vraie, il n’en reste pas moins que ces coûts sont bien supérieurs à tous ceux qui se pratiquent dans le monde.
Que faire ? Tout aussi évidemment demander à l’Etat c'est-à-dire aux contribuables de compenser ce surcoût abusif. L’abjection est le compagnon général de la lâcheté.
Le catalogue des mesures fiscales énumérées par le Livre vert est proprement ahurissant et l’acceptation immédiate par N. Sarkozy est dans la tradition des excès interventionniste de l’Etat dès qu’il faut faire des cadeaux à des catégories qui pourraient être hostiles.
600 millions d’Euros seront donc débloqués pour la presse, un ensemble économique qui fait travailler directement 60.000 personnes, soit 10.000 Euros par tête. Si on appliquait le même traitement aux 16.000.000 de salariés du secteur marchand on arriverait à une jolie enveloppe : cent soixante milliards d’euros. Le plan de relance à 26 milliards fait mesquin à côté !
On joue sur tous les registres fiscaux, en plus des avantages fiscaux déjà existants.
Inutile de dire que la niche fiscale du statut de journaliste n’est pas touchée ! Mais on reporte les accords avec la Poste qui subventionne la presse et qui voudrait que cela cesse. L’Etat veillera à compenser la perte !
Nicolas Sarkozy, selon le principe qu’un Président de la République ne parle à une profession qu’en distribuant des douceurs, qu’un homme politique qui ne subventionne pas n’a en fait rien à dire et qu’un représentant de l’Etat n’est légitime que comme guichetier dispensateur, a fait lui-même la liste des gâteries données à la profession. Une heure entière de distribution fiscale.
On aligne la presse internet sur les règles fiscales de la presse écrite. On subventionne les investissements sur internet y compris via des subventions « recherche ». Le 39 bis, une règle fiscale permettant de disposer d’un « tax shield » fiscal très important sur les dépenses d’investissement est étendu à tout et à tous. Il devient un « 39 bis citoyen » ! Se moquer ainsi du contribuable est merveilleusement poétique et fait vibrer tout journaliste qui se respecte tant le cynisme reste à la base de la culture locale.
Et on ouvre tous les robinets : l’Etat doublera ses insertions publicitaires dans la presse ; il renforcera son aide à la modernisation de l’outil industriel. Il exonérera des charges patronales les porteurs. Il prendra en charge la modernisation des points de ventes. Il passera de 8 à 70 millions d’euros l’aide au portage, il assurera le coût de reconversion des « sureffectifs que tout le monde connaît » dans les imprimeries, paiera la formation. Il accordera une déduction fiscale de 66% à ceux qui feront un don aux journaux. Il paiera le transport des journaux dont l’abonnement sera accordé gratuitement aux jeunes de 18 ans.
En un mot une presse qui est à l’heure actuelle pour l’essentiel détenue par des marchands de canons ou de riches banquiers qui ont investi dans des danseuses sous capitalisées et sans rentabilité où ils n’ont d’ailleurs aucun pouvoir, qui n’a su prendre aucun des tournants de la modernité et encore engluée dans des tourments idéologiques et syndicaux graves, va se voir tenu hors de l’eau par la subvention publique généralisée. Sans faire la moindre réforme. Sans engager le moindre changement significatif.
Prenons le journal Le Monde. Il est pratiquement coulé par la crise de 93. Une chance s’offre à lui : abandonner le « magistère de la connerie de gauche » après la chute du mur. Il peut enfin s’engager dans la seule cause qui vaille à gauche : l’ouverture, l’observation juste, l’honnêteté, le soucis de la vérité, …
Il choisit une option différente : Edwy Plenel l’engage dans l’ignominie ; Colombani dans le capitalisme pur et dur. L’option Internet est le seul bon choix. Au bout du compte le grand écart est trop... grand. Le triumvirat Minc, Colombani, Plenel est viré.
La partie internet devient payante et elle se surcharge de publicité envahissante qui ne permet même plus de voir les contenus. Le Figaro qui reste libre devient la plateforme internet numéro 1. L’effondrement par vente par appartement de l’empire constitué par Colombani, par l'emprunt, s’accélère. Le journal après le juste livre de Péan a perdu tout crédit et s’oriente vers une triple évolution complètement contraire aux nécessités telles que vues par les clients :
- Les libres opinions redeviennent purement idéologiques : les rédacteurs du monde ne renoncent pas à leur rôle de juge du « bien penser à gauche ».
- On fait de chaque numéro un magazine avec des articles de un ou deux pages entières.
- La partie brèves est châtrée et devient du recyclage d’info prises ailleurs. L’aspect journalier du journal meurt !
Le résultat peut être constaté tous les jours : un pas quotidien vers la faillite.
Là où il fallait être ouvert, libre, rapide, solide on reste fermé, prisonnier de l’idéologie, lent, vulnérable sur les questions d’honnêteté et de bon journalisme.
Le Figaro suit une évolution parallèle dans la partie rédaction : tout est redevenu prévisible et conventionnel. Le souffle donné par FOG est retombé. On s’endort en lisant le journal. En revanche, le Figaro qui avait un forum sur internet totalement nul, devient une plateforme plus libre et plus ouverte sur le commentaire direct de l’actualité.
Mais Serge Dassault se demande encore pourquoi il a acheté si cher une danseuse qui ne fait que perdre de l’argent et qui lui interdit toute action rédactionnelle ! Il pourrait bien se lasser…ou mourir ! Que deviendrait alors le Figaro ?
Il appartient aux groupes de presse de se réinventer et de trouver comme on dit « un nouveau modèle économique » sans le soutien de l’Etat.
Que ce soit sur la partie internet ou pour la presse papier, la tendance est d’ajouter des liens vers des activités totalement commerciales. Ces activités deviennent subventionnées indirectement par les subventions à la presse. Est-ce normal ?
Un site internet de journal qui devient un point d’entrée vers des sites de rencontres ou d’achats, donc un portail, doit-il être subventionné ? Un journal qui intègre dans ses pages un encart publicitaire pour par exemple ING DIRECT et ses taux mirifiques à 6% doit-il voir la diffusion de ce message commercial subventionné ?
De plus en plus les journaux seront des portails dont le rendement sera lié aux activités annexes qu’ils entraineront. Faudra-t-il réellement ajouter la subvention aux rémunérations commerciales et à la pub, sachant que le paiement du journal devient une recette dérisoire, portée d’ailleurs si haut en France que plus personne ne souhaite acheter un objet si cher et si pusillanime ?
La crise met en difficulté des groupes qui comme Schibsted ont parcouru un long chemin sans subvention vers la constitution des modes de fonctionnement de demain : 9000 salariés ; une couverture internationale couvrant 21 pays ; une présence sur le WEB et le téléphone mobile.
Mais c’est clairement par là qu’il faut aller. L’audience internationale avec des éditions en anglais est indispensable. Une bien plus grande vitalité et réactivité avec une indépendance totale vis-à-vis des idéologies et des conventions, la pertinence dans l’impertinence, est absolument requise.
Cette forme de symbiose entre syndicats prédateurs et violents, journalistes poseurs et subventionnés, journaux sans capitaux et capitalistes sans pouvoir, commerçants qui se veulent non commerçants, le tout arrosé à des niveaux inconvenants par l’argent des contribuables, sur fond d’effondrement international et de fuite du lectorat national est scandaleuse.
A Nicolas Sarkozy qui vient de rejouer la pièce mille fois jouée du : « je te tiens par la barbichette », il faut poser une fois de plus la question : où est la rupture ?
La vraie solution était : supprimer immédiatement et sans faiblesse la totalité des subventions. On aurait vu s’activer aussitôt les neurones et la peur étant bonne conseillère, les réformes nécessaires auraient été prises aussitôt.
L’arrosage de subventions n’est pas seulement scandaleux du point de vue du contribuable ; il l’est aussi pour le journalisme et l’ensemble de la presse. On a encouragé une fois de plus la presse-paresse à se rouler dans la mélasse dans laquelle elle s’est enfermée en France par sa propre faute. On lui accorde de continuer à s’y vautrer avec l’aide attentionnée de l’Etat.
On a le droit de ne pas être d’accord.
Sylvain Dieudonné pour le Cercle des Economistes E-toile.
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
Après les Etats Généraux de la presse, le niveau des subventions a explosé.
Toute la nature de la relation de Nicolas Sarkozy aux médias était perceptible le 23 janvier 2009 lors de la présentation des mesures gouvernementales en faveur de la presse. Cette relation se résume à deux concepts: sujétion et léger mépris.
Ce jour-là, s'écartant de son texte, le chef de l'Etat n'avait pu s'empêcher du jouer la provocation condescendante sur le thème, «votre indépendance, vous la mettez en berne un jour comme aujourd'hui, lorsqu'il s'agit de venir quérir des subventions». Le body language était éloquent.
Mais tout de même.
Ajoutons les exonérations fiscales des journalistes et on comprendra pourquoi presque touts crient en coeur "vive l'impôt".