La santé publique entre laisser faire et Gosplan : les leçons du H1N1.
L'économie de la santé est une partie de l'économie générale. La question est de savoir si elle doit être organisée de la même façon que le reste de l'économie ou faire l'objet d'un traitement particulier.
Le virus H1N 1 a au moins l'avantage de mettre à nu les mentalités qui fertilisent les politiques actuelles dans ce domaine.
En Italie, le gouvernement a décidé qu'il fallait laisser la grippe se développer. On ne ferme aucune école . Les médecins ne se déplacent même pas en cas de déclenchement de la grippe. Rien n'est remboursé à personne. Tout le nord de la péninsule a été infecté en quelques semaines à partir du début novembre 2009.
Il n'y a eu aucune information sur les victimes éventuelles, comme il est d'usage pour la grippe saisonnière. L'économie ne s'est pas arrêtée. Pour la quasi totalité des victimes trois jours de fortes fièvres puis quelques semaines de toux. On peut parler d'une véritable politique de laisser faire et laisser passer. Et à Dieu va !
Le résultat a été le déclenchement rapide de la grippe en Suisse qui a été contaminée à partir du nord de l'Italie et une exportation en France. qui est désormais soumis à la contamination exponentielle et incontrôlable.
En France la santé est un secteur qui répond en partie au canon de l'économie administrée façon Gosplan.
On a donc fait face à l'épidémie façon Gosplan. Le Ministère a pris les choses en main avec les méthodes d'un ministère.
Premier objectif : protéger le ministre. Pas question de se retrouver devant un tribunal comme pour le sang contaminé dès que l'épidémie aura fait quelques victimes. Donc on a fait des stocks de Tamiflu, rapidement devenu introuvable en pharmacie et on a commandé des millions de doses de vaccin.
Second objectif : éviter les procès d'intention sur les inégalités devant le traitement. On met donc en place un système de rationnement avec des règles de priorités. Façon 1940 !
Troisième objectif : éviter de payer trop cher malgré tout. Si le milliard d'euros payé pour les vaccins et les études doit se doubler d'un enrichissement des médecins libéraux remboursés par la Sécurité sociale, cela ne saurait être accepté.
Les modalités du plan d'action vont se dégager par la vertu propre des décisions administratives de ce type.
Les vaccins seront disponibles en emballage pour dix doses.
C'est moins cher.
La vaccination aura lieu dans des gymnases ou des centres de vaccination.
La population sera convoquée et devra se rendre avec cette convocation au centre indiqué.
Des vagues successives de strates de la population seront traitées au fur et à mesure.
On peut être sûr que dans les bureaux se merveilleux plan a empli de fierté tous ceux qui l'ont conçu. En Union soviétique les plans agricoles étaient toujours merveilleusement calculés et faisaient l'objet des déclarations les plus tonitruantes. Des experts dans les bureaux faisaient les plus subtils calculs, prévoyant tout dans le plus petit détail. Pas un unité de tracteur, de pneu, d'engrais ne manquaient sur le papier, et les matrices faisaient apparaître des flots de blé et d'avoine.
Et tout le monde, en bas, a toujours crevé de faim dans le paradis socialiste réalisé.
Le plan Bachelot suit la même logique fatale. Rien ne se passe jamais comme prévu.
Les centres de vaccination sont d'abord restés vides. Les informations contradictoires sur les dangers respectifs de la grippe et du vaccin avaient troublé les pauvres citoyens. Il n'y avait même pas sur le net une liste par ville des centres de vaccination. A Paris, le 23 novembre, le seul centre documenté sur internet, par une association, pas par le gouvernement, était le centre du 14ième arrondissement.
Puis les centres furent brusquement saturés. On s'aperçut qu'il fallait faire la queue des heures et qu'aucune chaise n'avait été prévue. Les femmes enceintes convoquées prioritairement se retrouvèrent donc debout dans le froid à attendre l'éventuel vaccin. Le Gosplan décida qu'il fallait "cadrer le dispositif" : un plan central "chaises" fut aussitôt concocté ! Mais comment disposer de chaises sur les trottoirs ? Heureusement le temps était plutôt doux. On échappa à un plan "poêles et braseros".
En même temps ceux qui n'avaient pas reçu le sésame administratif commencèrent à s'inquiéter. Pourquoi pas moi ? Les médecins généralistes ne tardèrent pas à être accablés de coups de téléphone de clients inquiets se sachant gros, en difficulté respiratoire, diabétique, etc. Comment les bureaux ont ils fait pour déterminer les personnes prioritaires ? Qui les a informé ? Comment faire rectifier les erreurs éventuelles ? Chut !!!!!!!!!!!!!
Les médecins qui venaient en général de recevoir leurs bons de vaccination avec convocation dans les gymnases (à la queue comme tout le monde) répondirent qu'ils n'étaient pas concernés par la vaccination et qu'il fallait regarder le journal télévisé et attendre son petit papier. Ils confirmèrent que les papiers reçus étaient bourrés d'erreurs. Noms écorchés, prénoms fantaisistes, âges flottants, sexe pas toujours très conforme, adresse incertaine.
Personne n'eut le culot d'expliquer à la population comment on avait fait pour déterminer dans les fichiers de la SS les prioritaires et les autres. Les gens commencèrent à téléphoner en masse pour savoir pourquoi ils n'étaient pas encore convoqués alors que leur médecin leur avait déclaré qu'ils étaient en effet plutôt à risque.
Ils se demandaient pourquoi ceux qui sont chargés de les suivre au jour le jour, et étaient les seuls aptes à un jugement éclairé, avaient été éliminés du circuit. On leur répondit, avec la bonne conscience du nomenklaturiste habitué à répondre aussitôt à toute demande : "y-a-ka aller dans votre centre d'allocation familial, on vous répondra" ! Evidemment personne ne fréquente cet endroit là de façon générale et faire les recherches pour savoir où aller était au dessus de la force de la majorité des intéressés. Nul doute que ceux qui se sont risqués à cette aventure auraient des choses intéressantes à raconter.
Pendant ce temps là des centaines d'écoles étaient fermées pour une semaine pour ralentir le développement de l'épidémie. En vain naturellement. Et à la grande joie des personnels syndicalisés qui aussitôt décidèrent d'une grève.
Certaines voix s'étant élevées pour s'étonner de l'absence des médecins généralistes dans le système, en même temps que les files d'attente se développaient, le Gosplan sut réagir avec célérité. Pas questions de vacciner en cabinet. Mais si certains généralistes voulaient bien se présenter aux gymnases, on trouverait bien à leur donner quelques compensations financières.
On s'aperçut alors que le Gosplan avait planifié de longue date la réduction du nombre des médecins et que le numérus clausus avait parfaitement fonctionné : le malthusianisme est la seule chose que le Gosplan sait gérer. Depuis longtemps les délais s'allongent pour les spécialistes et depuis quelque temps pour les généralistes. La plupart essaient de ne plus se déplacer, de prendre leurs week-end et leurs vacances, d'éviter les gardes de nuit. Aucun n'était prêt à abandonner leur cabinet et leurs patients habituels pour aller faire le vaccineur public occasionnel de gymnase.
Le ministre, Mme Bachelot, connue pour ses tailleurs aux couleurs explosives et ses réparties sympathiquement décalée, se répandit dans les medias. Les vaccins étaient sans danger. Il y avait un pilote dans l'avion. La logistique était parfaitement sous contrôle. La France et son gouvernement, une de fois de plus était exemplaire et pouvait en remontrer au monde entier.
Heureusement, la grippe était virulente mais assez bénigne.
Le laisser faire total des Italiens et l'inefficacité totale du gosplan français étaient l'un et l'autre sans réelle importance.
Tant mieux.
Personne ne saura ce qu'aurait été la maîtrise de l'épidémie si on avait laissé les médecins traiter leurs patients. Si les doses avaient été individuelles. Si les pharmacies avaient eu le contrôle de leurs stocks. Si le rôle de l'état avait été incitatif et non pas logistique.
Mais quel coup de projecteur sur la mentalité française !
Et quelle cacophonie en Europe !
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
Voir des centaines de femmes enceintes "prioritaires" avec leur enfants "prioritaires" faire des queues interminables dans des endroits inadaptés est le symbole de cette absurdité. Surtout lorsqu'on s'approche des parturientes et qu'elles disent : "j'ai été obligée de faire trois heures de queues pour me faire vacciner moi même et maintenant je dois en faire à nouveau trois pour vacciner mon bébé. Un de mes enfants est convoqué pour un vaccination encore ailleurs et l'autre pas bien qu'ls soient jumeaux. Je ne comprends pas. Pourquoi ne pas avoir vacciné toute la famille d'un coup ? "
Bonne question.
Entendu à la radio ce matin : des personnes ayant des difficultés respiratoires ont posé la question au Ministère il y a quelques semaines : à qui doit-on s'adresser pour savoir si sa maladie est prise en compte dans les priorités ? Réponse : pas de réponse. Le Ministère se tait.
On croit rêver.
Sylvain