Des ressorts de croissance existent dans les pays développés

Une des erreurs économiques les plus fréquentes, encouragée par la grave récession que nous vivons, est de croire qu’il n’existe pas de ressorts de croissance dans les pays développés dont l’industrie serait vouée à disparaître, aspirée  par le trou noir économique que serait la Chine.

On ne peut prouver une idée fausse que par l’observation. Alors regardons !  Au pire de la récession deux sociétés font un tabac et connaissent des résultats fabuleux.

La première est Nestlé avec son produit Nespresso.  Le succès est inimaginable.  A Lausanne comme à Vevey, malgré la construction de nouveaux immeubles dédiés, on ne sait pas où mettre les nouveaux recrutés. 

Cas modèle pour les écoles de management, ce succès porte aussi quelques leçons économiques générales.

La première est que ce marché nouveau n’est ouvert que pour les pays développés. Il fallait un certain niveau de vie global pour qu’il se révèle.  Les économies développées offrent donc des champs nouveaux à l’expansion dans leur propre dynamique.

Le rapport du produit avec les pays émergents est simplement lié à la matière première, le café qui ne pousse pas dans les pays de consommation les plus importants.  Ce rapport est positif. La croissance des pays producteurs en est facilitée.  Autant pour ceux qui pensent que les économies occidentales sont nécessairement prédatrices !  La valeur créée dans ces pays permet un développement des consommations qui à son tour permet des exportations des pays développés.

Les postes de travail qui sont créés sont principalement des postes non qualifiés : logistique, vendeur en magasin.  Autant pour ceux qui postulent qu’il n’y a plus d’emplois que pour les techniciens qualifiés !    

La solution repose sur des brevets techniques et surtout sur une maîtrise parfaite du « marketing mix ».  Alors que le marché existe depuis longtemps, voire par exemple l’expérience d’Illy de ventes de café en dosette,  Nestlé a réussi par sa compétence marketing globale à devenir le leader du marché et l’a porté à un niveau inespéré.

La consommation de café Expresso à domicile a certainement eu un impact sur des marchés de distribution voisin : les cafés-tabacs  en ont subi une partie du choc ainsi que les autres canaux de distribution.   Globalement le consommateur en a profité. Et les Etats via les impôts et taxes et les populations via l’emploi dans les boutiques et les canaux de distributions.

Il a fallu des spécialistes de haute volée pour créer la technique, pour concevoir les emballages et les boutiques, pour mettre en place des stratégies de communication et de  conception de produits attrayantes et efficaces.  Des vedettes de cinéma, des agences de publicité, des designers se sont enrichis.

Si vous avez vu la Chine dans le tableau, vous êtes drôlement forts !   Elle est totalement absente de l’affaire et sera un pays consommateur massif en dû temps. 

 

Prenons maintenant le succès significatif de l’I-pod produit par Apple.  Le téléphone portable est un produit nouveau (il a commencé sa percée verticale il y a à peine dix ans) et  la nouveauté n’est plus dans la téléphonie mobile mais dans une suite invraisemblable de services et de produits nouveaux permis par l’innovation technique incorporée dans cette forme nouvelle de  « combiné » mobile.    Le dossier de programmation de l’appareil a déjà été chargé plus d’un million de fois. Des programmeurs astucieux voient leur rémunération exploser grâce aux recettes  obtenues par la diffusion de leur solution sur l’appareil. Les séminaires de programmation refusent du monde. Un véritable eldorado avec des mouvements de foules immenses comme au premier temps de la micro informatique.  

Le succès n’est possible là aussi qu’à partir de l’existence d’une infrastructure suffisante et un niveau de vie qui permet d’exploiter   les avantages  largement psychologiques   du nouveau produit.  Il faut un large développement d’Internet, des réseaux de téléphonie mobile, des systèmes de production d’information.

Les ingénieurs de conception sont tous en occident, et largement aux Etats-Unis qui a concentré la capacité d’innovation technologique  et technique. La fabrication ? Tout le monde s’en fiche. Elle ne concerne pas les pays consommateurs autrement que par le prix. Si le prix est suffisamment bas  pour que le produit trouve son marché, tout va bien.  Fabriquer en local au risque de ne pas trouver de marché pour un produit trop cher ? Quel intérêt ?  Alors le succès du produit permettra le développement hors de la sphère développée en fournissant des ressources  nouvelles. Ces ressources permettront un accroissement de l’emploi, de la distribution de salaire, de la consommation et donc de la demande aux pays triches de produits plus sophistiqués.

Une fois de plus les pays développés sont la source de nouveaux produits adaptés à leur niveau de développement et qui permettront de l’accroitre. 

Les postes de travail créés sont ici aussi le plus souvent non qualifiés et se retrouvent dans la logistique et la vente.  Mais il a fallu des designers, des publicistes, et des ingénieurs pour les concevoir et les packager de façon attrayante et efficace.  Les medias, presse et télévision, ont profité de la manne publicitaire.  Les fournisseurs de produits associés connaissent un fort développement.

Il n’y a donc aucune fatalité d’une pénurie définitive de croissance dans les pays riches et de conflits d’intérêt durable entre toutes les économies de la planète.

A une condition cependant : que les transferts de ressources puissent déboucher et ne soient pas stérilisées.  Ce qui implique pour simplifier que les balances de paiements s’équilibrent et permettent que les « produits s’échangent contre des produits ».  Les crises ne sont jamais des crises liées aux produits mais essentiellement des crispations monétaires dues à des dérèglements structurels (par exemple les changes flottants) ou comportementaux (la montée de surendettements  intenables).

Faute d’avoir une idée précise de l’empreinte carbone des deux produits et de leur processus de production, il est difficile de déterminer si les deux produits cités permettent un développement respectueux de la planète.  Il est probable qu’il aurait fallu être un peu plus exigeant avec les deux producteurs pour le recyclage de leur produit respectif.  Mais on ne voit pas en quoi ces consommations se substitueraient à des produits plus écolos et contribuaient    plus que les produits existants aux effets de serre.

 

L’important pour la France, l’Europe, l’Occident, le monde, est de maintenir un flot d’innovations  gagnantes.  Jamais autant d’ingénieurs et d’entrepreneurs  n’ont été mobilisés pour se faire.  Aidons- les. Allons de l’avant.  Ce n’est pas le facteur communiste Besancenot ou le protectionnisme  contre les délocalisations, les impôts délirants des Madoff municipaux ni le malthusianisme généralisé  qui nous sauveront. 

Mais le dynamisme et la création.   Pour un français la vraie leçon des deux exemples c’est qu’aucune des deux ne vient de son pays.  La France ne doit pas cesser d’être dans le coup.  Pourquoi ne le sommes-nous plus ?

 

Didier Dufau pour le Cercle des Economistes E-toile.

Commentaire
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