Discours Sarkozy au Congrès : impression immédiate.

Il faut se méfier des premières remarques faites à chaud.  Comme les premières impressions ce sont souvent les bonnes...

- La distinction entre les déficits mauvais, de crise et d'investissement est une habileté. Auparavant on parlait de déficit primaire et secondaire. Ces dinstingos ne sont pas opérationnels. Et il n'est pas sûr qu'ils soient retenus par l'Europe.

- Le grand emprunt est une solution qu'il aurait fallu aborder bien plus tôt. Avant que les finances plongent.Aujourd'hui on va ajouter de la dette à la dette.

- La compétitivité fiscale extérieure est une olution que nous défendons depuis toujours. Dans cette affaire le diable est dans les détails et nous ne les connaissons pas. On est passé de la TVA sociale à la TVA sociale plus la taxe carbone. Nous verrons bien et vite avec l'annonce des solutions de compensation pour la suppression de la taxe professionnelle.

- Il n'y a pas un mot sur les causes de la crise, comme d'habitude, et de façon plus surprenante rien sur les conditions internationales de la reprise.On évoque à plusieurs reprise l'après crise comme si elle était proche.

- Le partage équitable des résultats de l'entreprise est une habileté politique. Si le bénéfice doit se voir ponctionné au delà des règles actuelles, il apparaîtra partout sauf en France dans les grands groupes. Les PME en revanche sont sous capitalisée et sans rentabilité forte.  On ne voit donc pas d'ouverture vers des solutions économiques intéressantes.

- L'Europe apparemment n'existe pas. Le monde non plus. Bizarre ! 

Le Président Sarkozy montre une fois de plus qu'il tient son calendrier politique : le voici presqu'à mi mandat avec devant lui une page  à remplir redevenue vierge.  L'ensemble des débats de la phase d'avant sont sous la carpette. Il peut partir en vacances tranquille : le débat politique ne s'échapperra pas dans des zones d'ombres ou des polémiques surprises qu'il ne pourrait pas maîtriser.  Gagner du temps est de bonne stratégie politique  quand les déficits s'accumulent, que l'emploi s'effondre et que la crise s'approfondit.

Mais il ne tient aucun calendrier économique. Le temps économique lui échappe totalement. Ses conseillers sont impuissants. Ses ministres, Woerth et Lagarde ne sont d'aucun conseil utile : ils n'ont jamais évoqué ne serait-ce qu'une fois les causes de la crise et encore moins dessiné le schéma d'une sortie intelligente. Ils n'ont même jamais abordé les questions du système monétaire international.

La question : et si la reprise comme Godot se faisait attendre ?  Une fois les joies de la dépense satisfaites avec l'argent de l'emprunt, on fera quoi ?

Certes on tiendra sur la réduction des effectifs de la fonction publique nationale.  On essaiera de réduire le nombre des élus locaux. Mais quid de l'augmentation phénoménale des effectifs des collectivités locales et de leurs dépenses ?

On voit par ailleurs la campagne pour les régionales se préparer. Peut-être garde-t-on ses arguments pour ce combat là. Ce qu'on voit ce sont plutôt des grandes manoeuvres sur le thème de la sécurité. Le Président a mis sur orbite M. Estrosi  avec son projet de loi sur la pénalisation de l'appartenance à une bande. Il semble que l'idée soit qu'il remplace MAM et soit le fer de lance de cette nouvelle avancée sécuritaire à visée électoraliste.  Nous le saurons vite.

L'été et l'automne seront politiques en France.

Sauf si la situation économique se dégrade brutalement. Les mauvais chiffres du second trimestre se noieront dans la moiteur des vacances d'été. On voit bien qu'il n'y aura pas de vrais débats sur le budget 2010 préparé sur des hypothèses de croissance positive certes cautionnées par le FMI et l'INSEE mais sans réel fondement.  La discussion sur l'emprunt et la destination des dépenses nouvelles masquera tout le reste.

Le prochain rendez vous avec l'opinion viendra avec les résultats de 2009  pour les entreprises et pour la nation.  Mais il sera complètemenet brouillé par les élections régionales. La politique politicienne devrait permettre de fuir les débats économiques de fond.

Alors le vrai rendez-vous est pour la préparation du budget 2011.

S'il n'y a eu aucune reprise importante au second trimestre 2010, alorsqu'il est certain que les chiffres des faillites et du chômage seront au plus haut, la magie politique risque de ne pas suffire.

Rappelons que l'impatience des peuples se manifeste en général trois à quatre ans après le début d'une récession. Et qu'elle est très mauvaise conseillère.

Ce n'est pas en septembre 2010 qu'il faudra se réveiller.

Un accident conjoncturel peut-il jouer un rôle perturbateur qui casserait la belle mécanique politique définie à Versailles ? Le pire n'est jamais sûr. Un effondrement du dollar et avec lui de la monnaie chinoise est toujours possible, comme une relance des faillites dans le monde bancaire, ou un début de guerre commerciale et un accès de protectionnisme. Ce n'est pas l'hypothèse la plus probable. En 1929 la relance de la crise est toujours venue d'inititatives politiques qui ont à chaque fois aggravé le situation. Les gouvernements  ayant l'air de bien tenir leur coopération les initiatiives dommageables ne peuvent venir que d'évènements politiques (guerres etc.) ou d'un accès massif de spéculation.

La spéculation est loin d'être morte.  Mais elle a besoin des banques et des sociétés d'assurance. Pas sûr que le terrain financier se prête à des manoeuvres globales, qui plus est dommageables pour le monde.

Le scénario le plus probable risque donc d'être un glissement continu dans la récession pontuée d'annonces constantes que la reprise est "round the corner" et que les signes de reprise sont de plus en plus nets.  La vérité apparaîtra dès octobre novembre 2009 et gare  si la reprise n'a pas véritablement démarré aux Etats Unis.

Au fond ce discours de Nicolas Sarkozy ouvre une longue période d'assoupissement de la réflexion et de l'observation  économiques.

C'est sans doute ce qu'il a de plus regrettable.

 

Didier Dufau pour le Cercle des économistes E-toile.

Commentaire
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