Attention à l'impatience des peuples !

Une maladie non soignée se complique.  Faute d'un diagnostic clair et précis, la crise économique déclenchée en 2007 se développe indéfiniment avec ses phases d'accélération et ses périodes de rémission où l'on croit au miracle d'une guérison spontanée.

L'examen des "explications de la crise" telles qu'on peut les trouver sur le WEB montre que la très grande majorité des commentateurs n'a strictement rien compris, peu aidés par des "experts" qui se contredisent quand ils disent quelque chose.

L'idée dominante et presqu'exclusive est que la crise est due aux subprimes et que le monde paie les conséquences de la diffusion mondiale de "produits financiers pourris, emballés dans de la complexité et de la mathématique déviante.  C'est une idée facile, immédiatement compréhensible.  On a construit des millions de logements à crédit pour une clientèle inexistante. Les prêts ont été saucissonnés par la titrisation et  vendus aux épargnants du monde entier. L'ennui, c'est que tout cela était aventuré. On a les maisons et les dettes. L'ennui c'est que l'écart de valeur entre la masse du patrimoine ainsi créé et la masse de dette est considérable et  qu'il faut bien que quelqu'un paie la différence.

Les gouvernements ont donné du crédit à cette interprétation.  En France Mme Lagarde comme feu son ministre du budget ont toujours expliqué qu'il s'agissait d'une crise "américaine" que le monde subissait et en particulier la France, pays merveilleusement géré et qui subissait injustement l'effet des bêtises étrangères.

Le G.20 s'est concentré sur les responsabilités bancaires  sur le thème général : on vous renfloue avec l'argent des contribuables et  la monnaie de singe créée  par les banques centrales,  mais il va falloir  vous dresser un peu. On s'est focalisé sur les conditions d'activité des banques  comme si c'était des diables ayant créé  dans leurs antres maléfiques des  produits infects et dangereux.  Alors on a diabolisé les traders, tout en leur donnant des moyens décuplés de faire de l'argent facile entre des ressources devenues gratuites et des  possibilités de spéculations inchangées.

En vérité la crise des subprimes n'était qu'un élément du tableau général. Les quelques centaines de milliards  d'actifs concernés n'ont pas la quantum permettant d'expliquer la récession majeure qui a suivi. Les pertes ont été assez vite cantonnées et restructurées. C'est le gouvernement américains qui a pris l'essentiel du choc en sauvant AIG et les deux  organismes immobiliers particulièrement en cause, Fanny Mae et Freddy Mac.  Et pratiquement rien n'a été changé dans les conditions de fonctionnement du marché immobilier américain.

Si la crise avait été principalement celle des subprimes, on en serait sorti depuis longtemps.

Cette gigantesque erreur de diagnostic a conduit à  conserver le cadre structurel dangereux qui est la vraie cause de la crise : un système monétaire  mondial basé sur le sauve qui peut, les changes flottants, les relations non coopératives, avec une monnaie de réserve mondiale nationale dont l'émetteur ne se considère pas c omme responsable.

Nous l'avons dit et répété ici : sans une action concertée des états visant à remettre en place une système monétaire basé sur des changes fixes, où chaque état (ou zone monétaire)  est chargé de défendre la valeur externe de sa monnaie, il n'y a aucune solution à la crise. 

Seule une action concertée dans un tel cadre permet de réinflater l'économie mondiale, remettre la priorité sur les échanges, éviter les crises de spéculation et amortir intelligemment l'hyper dette qui s'est accumulée PARTOUT.  

Aujourd'hui le monde fait avec l'énorme masse de dettes ne correspondant à aucune réalité,  ce que le bousier fait avec sa boule de crottin. Il l'a roule devant lui indéfiniment. Mais le crottin continue à s'accumuler.   La valeur actuelle de l'ensemble des dettes mondiale est négative.  La croissance se dérobe sous les pieds à chaque fois qu'on tombe sur un trou plus ou moins caché sous un tissu d'apparences.

Aujourd'hui, au lieu de relancer globalement un système réparé  afin de créer les richesses nécessaires à combler les trous passés,  on demande aux peuples de souffrir et de prendre à leur compte les pertes accumulées.

Nous disons depuis le début : attention à l'impatience des peuples !  La crise de 1929 avait montré que la patience des peuples ne dépasse pas quatre à cinq ans.  Après, faute d'une vraie politique qui donne au moins l'espoir que cela ne recommencera pas, qu'on a compris et que l'on va dans le sens du progrès à nouveau , tout est possible. Et n'arrangera rien. 

Si après trois ans d'échec il reste un économiste en charge d'une responsabilité de conseil et un dirigeant pour croire que la crise est  due au marché immobilier américain, aux traders, et aux agences de notation,  il faut le pendre à un croc de boucher  ! De toute façon c'est comme cela que les peuples finiront par conclure.

Il n'y a aucun chemin de salut par la récession et la déflation.  Il n'ya aucune voie sans coopération internationale forte.

L'urgence aujourd'hui comme hier, après avoir perdu trois ans dans le n'importe quoi théorique et pratique, c'est de recréer un système monétaire mondial qui permet de recadrer  un plan de croissance internationale.  Il faut mettre en œuvre un système monétaire mondial dont la monnaie de référence n'est plus celle d'une nation négligente. Il faut rétablir les changes sur la base de parités réalistes. afin d'éliminer les immenses déséquilibres qui génèrent indéfiniment de la dette par les mécanismes bien connus des "doubles pyramides de crédits".  Et il faut conjointement  relancer l'économie mondiale.

C'est la seule voie,  la seule solution.  Avoir renvoyé sur les états les pertes bancaires et demandé  aux citoyens de payer,  sans rien changer aux causes de l'incendie, était la politique bien connue du sapeur Camembert.  Au moins lui bouchait un trou. Dans notre cas on laisse l'incendie continuer en demandant simplement que d'autres bâtiments soient envoyés dans la fournaise comme acte sacrificiel.  Le monde économique ressemble aujourd'hui à Carthage menacée par les Romains et qui brulaient ses enfants comme victimes expiatoires pour le Dieu Baal  en espérant qu'il finirait par envoyer la pluie  qui embourberait les agresseurs.  On sait comment cela a fini.

Messieurs les gouvernants du monde, attention à l'impatience des peuples.

Didier Dufau pour le Cercle des économsites E-toile.



Commentaire
Georges Verchery's Gravatar Propos du naïf :
J'ai l'impression que vous ne traitez pas le sujet de votre titre.

En effet, il n'y a aucune marque que vos préconisations de mesures urgentes soient prises à court ou moyen terme en France, en Europe, au G20.

On peut donc être assuré de la poursuite de la montée des problèmes, qui se renforcent les uns les autres, tels que :
- poursuite de la montée du chômage en France sous l'effet de la mondialisation sans contrepoids de la production manufacturière et des services,
- poursuite de l'augmentation en France du coût des mesures sociales,
- poursuite de la perte de confiance des prêteurs envers les pays de l'euro (hors Allemagne),
- etc.

En conséquence, pas besoin de catastrophes externes supplémentaires (genre grosses faillites, choc énergétique, guerres de par le monde) pour pronostiquer un étranglement insoutenable, pour les peuples dites-vous, en tout cas je dis certainement pour les Français.

A moins de parier uniquement sur les émeutes ou les révolutions comme réponses populaires, le vrai traitement du sujet aurait donc été à mon avis de tenter de confronter les échéances économiques, monétaires, budgétaires avec les échéances institutionnelles, notamment les échéances électorales.
Sujets annexes : Dans quel état arriverons-nous aux présidentielles et aux législatives concomitantes ? Que peut-on attendre comme mesures d'une majorité actuelle reconduite, d'une cohabitation (deux variantes), d'un pouvoir entièrement à gauche ?
# Posté par Georges Verchery | 02/12/10 19:35
DD's Gravatar Les échéances électorales comptent. La politique de déflation Laval avait peut-être une chance de fonctionner. Mais la potion était trop amère et surtout trop proche des prochaines échéances électorales. Celles ci provoquèrent la baisse drastique du parti Radical qui dominait la vie politique et ne s'en remettra pas après son remplacement par une gauche socialiste cette fois et plus radicale. Le résultat fut le Front populaire avec les conséquences que l'on sait, alors que la droite avait en fait très peu baissé.

Oui, la crise a déjà eu des conséquences électorales importantes aux Etats Unis, en Allemagne, au Royaume Uni etc. La différence c'est qu'il y a tellement peu de différences entre les programmes des uns et des autres que les votes sanctions n'apportent rien de clair. On sanctionne mais on sait que les autres vont faire à peu près après quelques rodomontades la même chose que les autres.

Le risque c'est celui du n'importe quoi dans une ambiance de panique. Si l'Euro explose par exemple, une hypothèse qui n'a rien de gratuit, les secousses risquent d'être sévères. Et si la désespérance s'installe en France et en Europe devant une crise qui s'éternise des dérapages peuvent avoir lieu de partout.

La difficulté aujourd'hui c'est la force d'un tabou. Le système débile qui veut que personne ne soit réellement responsable de la valeur externe des monnaies alors qu'on prétend ouvrir toutes les vannes financières , avec pour l'Europe un trou institutionnel aussi énorme que le trou conceptuel, interdit toute solution.

Comment vaincre un tabou ? Lorsque les yeux se seront dessillés tout le monde trouvera qu'il était évident que cela ne pouvait pas marcher et s'étonnera même qu'on ai pu penser autrement. On moquera le G.20 comme on moque Hoover pour sa myopie et son manque d'interprétation pertinente de la réalité. On dira : mais que faisez DSK ? Un économiste pourtant et qui ne se prend pas pour rien ! Mais que Disait Lagarde, certes une simple avocate, mais aux manettes tout de même ?

La difficulté maintenant c'est de faire apparaître les vrais mécanismes et les vraies solutions avant qu'il ne soit trop tard.

Maurice Allais, pour avoir menér largement ce combat a fini par passer pour une Cassandre et un vieux fou alors qu'il avait largement raison. Et il était Nobel de l'économie. C'est très dangereux de violer un tabou. On se cogne ; on se fait mal. Il faut avoir énormément de courage et comme Allais une telle certitude de sa valeur que les jugements des autres glissent comme l'eau sur une plume de canard.

Comment appeler les économistes à leurs devoirs ?

Comment appeler les journalistes à sortir du tabou ?

Comment appeler les hommes politiques à sortir de leurs incertitudes et de leur peur ?


Rappelez vous la guerre d'Algérie. Impossible de faire l'idée qu'une indépendance de l'Algérie allait de soi. Aujourd'hui c'est l'idée dominante et le balancier a tellement loin dans l'autre sens qu'on est presque prêt à défendre certains aspects de la colonisation !

Ce sera pareil pour cette question de fond.

Mais quand ? Mais comment faire sans que la triste pédagogie des excès de malheur ne prenne le relais.

Ne comptez pas sur nous pour devenir une variante de mouvement de type Cheminade. Nous ne sommes pas une secte et ne comptons pas le devenir. Nous ne voulons pas plus être une sorte de Barbu criant au "crime de paix" pour alerter sur les problèmes de logement.

Ce que nous voulons c'est être compris des élites pour qu'ils agissent et vite en leur donnant tous les éléments pour comprendre. et pour qu'ils ne puissent plus se cacher derrière leur doigt en prétendant que les économistes ne sont pas d'accord et que tout cela est bien technique.

Là où il faut enrager, c'est de voir que nous avons au FMI et DSK et Blanchard et qu'ils se taisent. Après nous aurons des Indous ou quelques brillants stratèges de l'ancien tiers monde pour faire plaisir à Washington qui veult des nuls au FMI et des américains à la Bird.

Ils ont les moyens et en plus c'est leur rôle de montrer d'où vient la crise, pourquoi elle est si dure, pourquoi elle perdure et pourquoi les mesures actuelles ne mènent à rien. Mais DSK et une couleuvre qui aime vivre dans la manœuvre glissée et chuintante en se laissant porter par le courant. N'attendons de lui aucune insurrection !

Imaginons un instant qu'il lève le drapeau de la révolte. Qu'il affirme aux yeux du monde avec toute la force que lui confère ses fonctions : cela suffit. Je ne peux plus cautionner les erreurs majeures qui nous gouvernent. Les causes de la crise sont encore là et elles interdisent la reprise ! Je ne peut plus cautionner des politiques de pure déflation alors qu'il faut naturellement aller dans l'autre sens : produire pour amortir.

Il dit cela en coordination avec la Présidence française du G.20 et le monde écoutera. S'il ne le fait pas il démissionne et il est élu par 99% des voix aux prochaines élections présidentielles françaises. S'il convainc, il sera le Roosevelt des temps modernes.

On voudrait un Bonaparte et on craint un Gamelin.
# Posté par DD | 02/12/10 21:59
jean-marc's Gravatar Vous voulez convaincre ou éclairer les politiques, mais pour le moment ceux auquel nous avons droit sont quand meme ceux qui n'ont pas su "voir", alors je doute qu'ils soient accessible, et d'un autre coté pour qu'un politique ai du "poids" il faut qu'il ait un soutien populaire. Alors le probleme est double, je ne dis pas impossible. Il vous faudrait une structure pédagogique ( et médiatique ) pour peser sur le débat.
# Posté par jean-marc | 03/12/10 04:51
Le blog du cercle des économistes e-toile

Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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