Obama : un plan de réforme bancaire correct mais (très) insuffisant.

- Interdiction de la spéculation pour compte propre directe ou via des produits dérivés.

On ne voit pas pourquoi les banques de dépôts, qui reçoivent des prêts forcés de la part de tous ceux qui doivent utiliser la banque pour conserver leur épargne liquide et effectuer certaines formes de paiements, pourraient utiliser cet argent pour effectuer des spéculations pour compte propre qui, quand les banques gagnent, alimentent les bonus des hauts dirigeants et ,quand elles perdent, imposent un refinancement par le contribuable. C'est une idée de bon sens que nous défendons ici depuis toujours. Alors bravo ! Pourquoi ne fait-on pas de même en Europe et en particulier en France ?

- Transparence accrue des fonds spéculatifs :  l'idée qu'il n'y aurait de bonnes finances qu'à partir du moment où des fonds spéculatifs cachés dans des paradis fiscaux  pourraient loin de toute fiscalité et dans le secret total lancer des raids dévastateurs sur les marchés financiers mondiaux est aussi folle que celle qui considèrerait que le summum du capitalisme est le brigandage maritime en Somalie. Si les opérations sont propres et saines elles peuvent être faites en pleine lumière et dans la clarté fiscale. Il faudrait peut être tenir compte maintenant de la faillite de LTCM, 15 ans après !

- Création d'une autorité de protection des emprunteurs. Il est certain que plus aucun épargnant de comprends quoi que ce soit aux placements qu'il fait ou surtout qu'on lui fait faire. Créer une "autorité" est la vision bureaucratique de la solution. Il faut surtout renforcer la règlementation sur ce qui est autorisé ou non. Les boites noires doivent être démontées et les ventes de chimères pénalement poursuivies. On ne peut qu'espérer que cette autorité aura la capacité d'orienter la législation en faisant un inventaire détaillée des pratiques.

- Limite à la croissance des bilans bancaires. Là on confond macro économie et micro économie. Les bilans bancaires ne grossissent pas tout seul.

- Plus de pouvoirs pour la FED et plus grande transparence. Là encore les modifications institutionnelles  n'ont d'intérêt que si elles servent un projet. Quel est le projet ? La FED a des responsabilités majeures dans la crise actuelle.

Le plan Obama est finalement modeste, certainement pas à la hauteur des évènements, mais au moins il va dans la bonne direction.

Que manque-t-il ?

D'abord une vision des causes de la crise et une idée majeure de ce que serait le cadre de fonctionnement financier et monétaire de la mondialisation. A partir du moment où on se contente de croire que la crise est due à un simple dérèglement du comportement des acteurs financiers, sans se préoccuper du contexte, on bâtit sur du sable. Le plan Obama peut faire un peu de bien mais il ne règle rien. Rappelons le une fois de plus : la crise n'est pas due principalement aux subprimes. Elle a certes frappé particulièrement le marché immobilier. Mais la victime n'est pas l'assassin, même si elle a mis du sien.

Ne comprenant pas pourquoi les bilans des banques se sont mis à gonfler démesurément sur une longue période, on essaie de leur mettre une camisole. On ferait mieux d'agir sur les causes plutôt que sur les symptômes.

Il n'y a aucune mesure proprement monétaire, notamment dans le domaine de l'organisation monétaire internationale. C'est une erreur colossale d'analyse et la condition de l'impuissance.

La réforme Obama est donc bien orientée. Aucune mesure n'est absurde. Mais elle est si partielle qu'elle n'a au fond pas grand intérêt et n'est pas en mesure d'atteindre son but affiché : empêcher qu'une crise du même genre ne se reproduise.

De toute façon une crise du système financier international ne peut pas avoir de solution nationale. C'est vrai pour le plan Obama, encore plus vrai pour les gesticulations d'Angela Merkel, ou l'immobilisme de N. Sarkozy qui n'a toujours pas proposé trois ans après le début de la crise (qui commence avec le blocage du marché interbancaire de juillet 2007)la moindre proposition de réforme financière (les banques en France SONT l'état et ne permettront rien).

Quant à M. Barnier, c'est à dire l'Europe, on attend toujours. La question du passeport européen pour les hedge funds, cela reste tout de même de l'anecdotique.   
Cercle des économistes e-toile

Commentaire
LH's Gravatar Ce qui reste étonnant est l'absence de réelle concertation mondiale, comme s'il y avait une crise bancaire américaine seule. L'obligation de ne pas spéculer pour comptes propres avec les comptes de dépôts devrait être universelle, comme l'ensemble des règles prudentielles. .

L'autre aspect est la timidité vis à vis d'instruments financiers nouveaux que l'on cherche à encadre alors que des décisions devraient être prises sur leur maintien.

Les CDS devraient être purement et simplement interdits. Ils font courir un risque global de contrepartie non maîtrisable dans un système financier mondialisé, n'ont pas de fonction économique réelle, donnent aux agences de notation un rôle démesuré qu'elles ne savent pas exercer avec exactitude, et permettent de tourner les législations. Ne traiter que leur obscurité est un peu court.

De même la titrisation devrait être maintenue mais pour des dossiers simples. Que l'on mélange des flux de remboursement hétérogènes d'une façon aussi alambiquée dans des véhicules dont personne ne peut mesurer la dangerosité mais que l'on refourgue au vulgum pecus est indéfendable ni en droit ni en économie. C'est du vol pur et simple. Un dossier de titrisation qui dépasse 10 pages est par définition un escroquerie. Avoir créer une cellule de défense du consommateur épargnant est bien. Mais exclure les produits pourris du marché est mieux.

Ce plan n'explique pas le gonflement indécent et catastrophique de la masse des crédits. Sans cette explication le plan flotte un peu au dessus d'un nid de coucous.

Lewis Holden
# Posté par LH | 24/05/10 08:47
jean-marc's Gravatar En dehors du probleme des changes flottants ne croyez vous pas qu'une séparation des banques de dépot, de crédits et des banques d'affaires ne serait pas aussi d'actualité ?

JM
# Posté par jean-marc | 27/05/10 05:59
LH's Gravatar C'est ce que nous ne cessons de dire. Nous allons même plus loin puisque nous considérons que des banques de paiement devraient être mises en place, ce que d'autres appellent des banques étroites. En revanche nous réfutons l'explication de la crise uniquement par le comportement bancaire et les dernières innovations financières. C'est une crise de l'endettement global alimentée par des forces qui ont permi le gonflement des bilans (une banque ne peut pas gonfler ses bilans toute seule).

Les produits nouveaux engendrent une question consumériste et éventuellement pénal de défense de l'épargnant. Mais ils n'ont pas d'impact économique systémique. C'est parce que les banques avaient des bilans sur gonflés qu'il leur a fallu jouer le jeu des CDS.La titrisation en elle même n'est pas dangereuse si le paquet titrisé est correctement monté. L'encours des crédits est devenu tel que toute les outrrances devenaient possibles et sur la peau ténue de la bulle on dansait comme sur un volcan.

Les journaux malheureusement se contente de donner les chiffres des dettes publiques. Ils devraient faire le même travail mais avec l'ensemble des dettes. On verrait alors des chiffres tellement ahurissants qu'on se demanderait comment ils ont même été rendus possibles. La note de l'Espagne vient d'être abaissée par les agences de notation à cause de la dette privée espagnole, pas celle de l'état. Tout le système est malade pas seulement le secteur bancaire.

Il ne faut pas seulement traiter les symptômes mais d'abord les causes majeures.

Lewis
# Posté par LH | 30/05/10 00:35
SD's Gravatar Tu as parfaitement raison Lewis. Il y avait dans la page New York Times de vendredi dernier un article très typique de la volonté de faire passer toute la crise sur le dos des comportements du système bancaire sans comprendre pourquoi le système bancaire avait pris la place qui était la sienne à l'orée de la chute de 2007.

Il y a certes un débat sur les pratiques bancaires mais qui doit être largement déconnecté de l'explication de la crise économique globale elle même. Ce ne sont pas les banques qui sont responsables que la Chine accumulait des excédents démentiels alors que les Etats-Unis n'épargnaient plus et accumulaient des déficits démentiels symétriques.

Il faut mettre ses priorités d'aplomb.

Les banques ont été le réceptacles de la création monétaire vertigineuse de ces 30 dernières années. Elles sont donc à la fois les bénéficiaires et les perdants de l'affaire. Si on les lâche elles tombent. Les bénéficiaires puisqu'elles sont à la tête de bilan qui ont enflé et avec eux salaires et bonus. Elles sont les victimes car si les états ne cautionnent pas la valeur de leur actif (qui sont les dettes des autres) elles meurent instantanément.

Ce sont les forces motrices qui ont conduit à cette situation qui sont critiques. Elles ne sont ni dans les CDS ni dans les CDO.

Sylvain
# Posté par SD | 30/05/10 15:16
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