L'avenir de la Suisse est dans l'Union Européenne
Une telle assertion passera probablement aujourd'hui pour une provocation. Jamais il n'y a eu en Suisse une telle détestation vis à vis du reste de l'Europe et jamais l'Euro n'a été plus menacé. "Nous, avec notre monnaie forte, aller se fourvoyer avec les gestionnaires fous de l'Euro, et qui en plus nous ont montré du doigt et ont porté atteinte à notre système bancaire, assimilé à un vulgaire paradis fiscal ? Vous êtes fou !".
Il est sûr que les épidermes helvètes ont eu de quoi se froisser ces dernières années. Qui sera séduit par l'incohérence de la gestion de la zone Euro, dont la banque centrale en plus n'a qu'un objectif de stabilité des prix alors que les Suisses ont demandé aux "gnomes de Zurich" d'ajouter un objectif de croissance et de plein emploi depuis quelques années déjà, et dont les gouvernements se chamaillent, trichent, et laissent globalement la gouvernance sinon en déshérence du moins dans les mains déflationnistes de Mme Merkel ?
Autant dire que pour les Suisses, sur la question de l'adhésion à l'Union Européenne, il n'y a pas le feu au lac. Quant aux Européens unionistes leur intérêt pour la participation suisse a été singulièrement faible ces derniers temps.
Nous pensons que cette double méfiance est contre productive. C'est l'intérêt commun de la Suisse et de l'Europe que la Suisse entre dans l'Union et rejoigne l'Euro.
La Suisse ne peut plus compter sur le secret bancaire pour disposer d'un système bancaire hypertrophié et fiscalement prédateur vis à vis de ses voisins. De plus en plus de voix autorisées l'affirment en Suisse même. Les meilleurs considèrent que la technique et la compétitivité protégeront plus la banque Suisse qu'une lutte constante contre les grands états et notamment les Etats-Unis. On sent que la bonne solution est de permettre à la Suisse de sortir du piège dans l'honneur c'est à dire en offrant une voie de retour digne aux détenteurs de comptes secrets. Le démantèlement doit se faire dans l'honneur. C'est une exigence raisonnable. Compte tenu qu'à Londres, Jersey, Guernesey et au Luxembourg demeurent des possibilités fiscales favorables alors même que ces pays sont au sein de l'Union, il n'y a aucune raison que la Suisse ne parvienne pas à y faire également son nid, cette fois-ci sans la réprobation générale.
Les capitaux moyens-orientaux qui forment l'essentiel des dépôts ne partiront pas. Les facilités de la place pour nombre d'opérations resteront.
Pour les régulateurs monétaires suisses, le fait de ne plus risquer de voir le Franc suisse jouer de valeur refuge et se surévaluer à des niveaux pénalisants pour le tourisme et l'industrie, l'avantage est certain. De même les mammouths bancaires que sont le Crédit Suisse et l'UBS (si elle survit à l'offensive américaine) sont trop gros pour les seuls moyens de la petite Suisse en cas de défaillance. Le risque de devenir une nouvelle Islande n'est pas immédiat, du fait du support des pays du golfe, mais tout le monde a senti le vent du boulet. La faillite d'UBS et du Crédit suisse aurait mis la Suisse à genoux ! L'entrée dans l'Euroland fait disparaître cette menace. Les régulateurs suisses ont été totalement dépassés par les opérations complexes faites aux Etats-Unis par UBS. Elles n'y ont rien compris. Formés à la surveillance des crédits cantonaux, les superviseurs se sont trouvés totalement dépourvus. On dira : ce fut le cas aussi des régulateurs européens. C'est vrai. Mais l'Europe est tout de même mieux armée pour se doter d'institutions de contrôle efficaces que la Suisse.
Les milieux d'affaires suisses ont pas mal oscillé dans leur vaillance pro européenne traditionnelle. Mais leurs marchés sont principalement en Europe et la stabilité monétaire est pour eux un grand avantage, alors que de toute façon ils sont obligés de se soumettre à toutes les règlementations européennes.
La paysannerie suisse a également tout intérêt aux programmes de solidarité de l'union Européenne, généreux pour la moyenne montagne.
En stabilisant un peu plus l'Europe, la Suisse stabilise aussi son principal partenaire commercial et se fait du bien.
On cherchera en vain les secteurs qui souffriraient réellement d'une entrée dans l'Europe.
Pour l'Europe la situation est comparable. L'entrée de la Suisse dans l'Union et dans l'Euro serait un coup de tonnerre dans le monde de la finance. Attaquer l'euro deviendrait tellement coûteux que ce genre de fantaisie serait extrêmement difficile à monter. La Suisse hors Union est tout de même une jolie verrue dans le modèle d'intégration européen. Avant de penser à intégrer des états dont le caractère européen est des plus douteux, il vaudrait mieux commencer par créer une zone homogène et sans exception.
Bien sûr l'importance industrielle de la Suisse ne changera qu'à la marge le PIB global de la zone. Mais il ne lui fera pas de mal tout en permettant des échanges plus clairs et plus sains entre acteurs suisses et leurs contreparties dans l'Union.
Il va de soi qu'une telle évolution suppose que quelques préalables soient levés.
On a vu qu'une sortie décente du secret bancaire est indispensable.
L'essentiel serait tout de même que la zone euro redevienne attractive dans un monde stabilisée.
Il va de soi que le retour à un système de changes fixes mais ajustables basé sur une monnaie de réserve internationale ad hoc est l'ancre indispensable à un retour à une croissance durable et rapide dans le monde et assurerait à la zone euro un môle sur lequel se fixer au lieu de dériver dans des flots déchaînés
Un zone de monnaie unique saine suppose également un changement dans les objectifs de la BCE qui doit viser la stabilité des prix mais aussi la croissance et le plein emploi.
Il faudra bien qu'une coordination économique se mette en place, notamment pour les grandes masses budgétaires et les grands équilibres extérieurs.
Une certaine forme de mutualisation du financement des déficits publics temporaires via un Fonds monétaire européen serait également utile. Il assurerait les relations avec le FMI pour faire fonctionner le système des changes fixes mais ajustables.
Galvauder le crédit de la Suisse si ces préalables ne sont pas levés serait absurde.
On remarquera que ces préalables sont de toute façon globalement nécessaires à l'Europe et au monde. Les bonnes orientations stratégiques sont la condition des évolutions tactiques efficaces.
Dans un monde dont les monnaies seraient stabilisées et la finance maîtrisée, une Europe mieux pilotée avec des objectifs de plein emploi et pas seulement de stabilité des prix, aurait intérêt à l'entrée de la Suisse. La Suisse n'aurait quasiment rien à y perdre. Une évolution gagnante pour tout le monde.
Dans le désordre actuel la Suisse ne peut que fuir la perspective d'entrer dans l'Union et dans l'Euro, mais c'est le signe que le monde va mal et que son organisation monétaire actuelle est désastreuse.
Karl Peiper pour le cercle des économistes e-toile
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
SD
L'entrée du franc suisse dans l'Euro est une évolution entièrement naturelle. Elle faciliterait la vie des entreprises suisses dont le débouché est largement en Europe. Elle éviterait les poussées de fièvre monétaires.
Pour l'Europe elle stabiliserait l'Euro. On ne verrait plus ces fuites par panique devant le risque d'éclatement de l'Euro.
Si une telle zone passait de plus un pacte de stabilité des changes avec le Japon, la donne mondiale en matière d'organisation serait changer. Le Yuan trop bas et le dollar fou seraient satellisés. Afin d'éviter des mouvements de spéculations non désirés de nombreux pays se rattacheraient au nouvel ensemble. Les pays du Golfe placeraient tout dans la nouvelle monnaie.
Nous avons là une des voies de réformes du système monétaire international.
Valentin Zeldenitz