Zermmour-Domenach : démonstration parfaite de la carence médiatique française en matière d'économie.
Le 31 décembre 2010 une bonne partie du dialogue Zemmour-Domenach a traité de l'économie.
L'un et l'autre sont d'excellents journalistes, sympathiques de surcroît. Lorsqu'ils ne sont pas corsetés par les contraintes obligées de leurs postures idéologiques et politiques, ils ont de l'indépendance d'esprit et une bonne intelligence générale des phénomènes de société.
Les voici donc en train de discuter Euro et mondialisation.
La phrase juste et fondamentale : la crise a télescopé les idéologies qui désormais sont caduques mais personne n'a la moindre proposition ni même l'esquisse d'une idéologie de substitution. A droite comme à gauche la paralysie est totale, personne ne souhaitant embrasser d'une seule politique alternative complète les méfaits de la mondialisation des mouvements de capitaux, des mouvements de marchandises et des mouvements d'hommes. Trop de tabous à droite comme à gauche empêchent tout mouvement.
Nicolas Sarkozy a été pris à revers par la crise. C'est un point sur lequel nous avons alerté dès sa campagne électorale pour l'élection présidentielle de 2007. Nous lui recommandions de ne pas parader sur la hausse possible de la croissance alors qu'il subirait de façon certaine une crise extrêmement sévère pendant l'essentiel de son quinquennat. Nous lui demandions de prévoir "du sang et des larmes". Il a annoncé du dynamisme, du travail et de la croissance. Cette contradiction lui coûte aujourd'hui extrêmement cher. Gouverner c'est prévoir, tout le monde sait cela. Et son "américanisme postural" du départ, dont le comble aura été une défense des subprimes à la française, se retrouve frappé de plein fouet par les nécessités du moment.
La gauche, si tant est qu'on peut parler d'une seule gauche alors qu'on trouve tant de chapelles dans le socialisme, est bien paralysée par ses tabous. La démagogie des "cadeaux au peuple", des 35 heures, de la radicalisation des législations paralysantes, de la dépense publique locale régionale et nationale totalement débridée, tout en accompagnant une idéologie européenne de libre circulation des hommes, des marchandises et des capitaux non plus seulement dans l'Union mais dans le monde entier , est une des recettes du désastre économique français.
La France des dirigeants est donc bien paralysée. C'est vrai. Et tout le débat qui décline les signes de cette impuissance est parfaitement bien venu.
Oui l'Europe met bien la charrue systématiquement devant les bœufs. Oui les bœufs sont maintenant bien installés sur la charrue. Nous ne cessons de le dire et de l'écrire depuis des lustres. Oui Seguin l'avait bien dit comme beaucoup au moment du référendum de Maastricht. Quand Zemmour parle d'un cercle vicieux implacable et sans fin, il a raison. L'Europe est une fuite en avant vers… Vers quoi justement ?
Oui les gouvernements se sont bien trouvés des amas de liquidités disponibles sur le marché mondial et ont dépensé sans limite en empruntant sans limite. Les états d'Europe, "sauf l'Allemagne depuis trois ans", se sont bien gorgés de dettes.
Oui, des écarts colossaux se sont bien produits dans l'évolution d'une zone monétaire sans politique économique commune et fondée sur des "contrats" qu'aucun gouvernement "souverain"n'a voulu respecter. "La gouvernance économique par la norme" est une des idées sinon mortes du moins très malades de la construction européenne.
Doit-on se féliciter d'une pareille lucidité journalistique, certes un peu tardive mais finalement bien venue ?
La réponse est non.
Pourquoi ? Parce qu'il n'y a aucune espèce de début d'explication du pourquoi des phénomènes sous jacents. Ces phénomènes ne sont pas connus et ne sont donc pas expliqués. On n'évoque que les conséquences et encore en terme d'erreurs politiques ou comme conséquences des grands enjeux idéologiques et de société alors que cela n'est pas nécessaire.
Pourquoi avons-nous connu une période de taux d'intérêt si bas que tous les états pouvaient se gorger de dettes à bon compte ? Pas de réponse. Aucun des deux commentateurs ne fait observer que la dette n'est pas principalement celle des Etats à l'orée de la crise. Nul n'évoque le gonflement de la dette du système financier qui s'est envolée à partir de 1973 et surtout de 1985. Nul n'évoque le gonflement frénétique du crédit à la consommation. Spécialistes des Etats nos deux compères ne voient que les Etats.
Aucun des deux n'est en mesure de citer les vrais chiffres significatifs, c'est-à-dire un endettement global de tous les acteurs économiques qui partout se met à dépasser des multiples du PIB. Pas seulement en Islande ou en Irlande. Absolument partout.
Cet aspect de "crise mondiale de la dette" passe totalement au dessus de la tête des deux commentateurs et de leur arbitre. Il faudrait expliquer comment , par quel mécanisme, il a été possible. Et là il faudrait rentrer dans le dur de la science économique et dans la question monétaire globale.
On a assisté à la faillite d'un système, c'est vrai. Mais lequel ?
Nous prouvons depuis maintenant près de quinze ans que le coupable est un système monétaire international scabreux et déficient. Avoir mis en place un système de monnaies administratives, gérées par des banques centrales indépendantes chargées uniquement de leur valeur en terme de prix à la consommation, dont la valeur respective est laissée aux marchés dans le cadre d'un libéralisation complète des mouvements de capitaux , alors que la monnaie mondiale est la monnaie d'un pays qui a décidé de la gérer à son bénéfice exclusif, était une farce.
La farce s'est révélée sinistre. Après trois crises d'importance à chaque fois plus grande, 73-74, puis 92-93, puis 2008-2009, plus personne ne peux croire à la validité de ce modèle.
C'est lui la première victime de la crise de l'endettement.
Faute d'avoir les connaissances techniques nécessaires et surtout d'avoir été suffisamment alertés par les économistes officiels, Zemmour et Domenach en sont réduits à frapper trop large et finalement à brasser de l'air.
Les solutions leurs sont interdites. Sans diagnostic pas de thérapeutique. Là où le vrai débat se trouve, la réforme du système monétaire international, la création d'une monnaie de réserve mondialisée, l'abandon des changes flottants et les restrictions aux mouvements de capitaux, la responsabilité des états dans la valeur externe de leur monnaie par rapport à la monnaie de compte mondiale, on ne retrouve ni Zemmour ni Domenach. Ils ne savent pas. Ils ne veulent pas mettre les pieds dans ces questions prétendument "techniques".
Au lieu d'un débat technique et géopolitique sur un sujet cerné, on en vient à tout critiquer donc à ne rien proposer. Et on retombe dans la toute petite politique : le conflit entre Islam et code Napoléon pour Zemmour ; le vilain Sarkozy et" la soumission à la logique du fric" pour Domenach. On a fait de la chaleur, excellente pour l'audience d'I-télé et sa santé financière , mais aucune lumière.
Pendant ce temps la crise continue.
Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile.
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |