2012 : l'année de tous les dangers

Comme en rugby, le scénario de la crise connait ses temps faibles et ses temps forts.  2010, comme nous l'avons déjà écrit,  était un moment d'illusion. La reprise artificielle liée à des plans de relance massifs a masqué la gravité des faits  : un endettement partout monstrueux entraînant la faillite virutelle des banques et des états. 

Les dirigeants du G.20 ont cru qu'il suffirait "de rassurer l'épargnant" , de sauver les banques en leur permettant de faire rouler leur paquet de dettes, et d'amorcer des réformes sur des points mineurs pour que la crise soit en quelque sorte suspendue.

Chacune des deux  grandes puissances a essayé de se débarasser du fardeau en haussant les épaules et en se pensant plus fort qu'il n'était. Les Etats-unis étaient heureux de mettre l'Euro sous pression afin de retrouver toute la puissance exclusive du dollar.  La Chine se sentait assez forte pour maintenir des taux de change historiquement au plus bas vis à vis de l'Europe et à peine réévaluée par rapport au dollar.

Bien sûr ni l'un ni l'autre de ces grands pays n'avaient l'esprit complètement libre.  Les Etats Unis se savaient vulnérables à un effondrement de l'Euro.  La Chine se savait vulnérable àun effondrement du dollar.

L'Europe, quant à elle, était en proie au désamour des peuples, aux défauts structurels de l'Euroland et à l'inorganisation complète de ses institutions, à la fois en compétition et impuissantes, miracle du traité de Lisbonne signé en franchise de l'opinion des citoyens.   Qu'elle ait servi de "zones d'ajustement" n'est pas surprenant. 

Ce que personne n'a bien vu, c'est que la reprise de l'économie des échanges commerciaux internationaux n'a pas eu lieu en 2011.  L'asthénie presque complète du commerce mondial (on finira l'année sans doute autour de +5% , alors qu'on espérait 7% et que le taux de croissance normal devrait être entre 10 et 15%) )a été masquée par les effets de différents plans locaux. La Chine a débridé son crédit intérieur provoquant de l'achat d'équipement en Allemagne et pour le reste converti une partie des dollars engrangés en constituant des réserves et en  faisant monter les cours de matières premières.  

En vérité il n'y a eu aucune reprise saine nulle part. 

Les Etats-Unis ont découverts qu'il y avait un plafond à l'endettement indéfini.  Ils ont passé toute l'année avec un chômage à près de 10%, une réalité qu'ils n'avaient pas connu depuis les années trente.  Le modèle de rechange n'est pas apparu. Ils savent que si la Chine garde sa monnaie collée au dollar et si l'Europe explose ils entrent dans une récession de longue durée.

Les Chinois n'ont aucune des structures économiques qu'il faudrait pour gérer sainement une reprise de leur économie intérieure.  Ils continuent de compter sur l'accumulation mercantisliste de dollars en contrepartie  du bradage de leurs ressources infinies en hommes.  L'économie publique chinoise est largement basée sur  la corruption et l'argent de la corruption vient principalement de ce que les bureaucrates tiennent : les permis de construire.  La relance a entraînée une bulle des dettes des collectivités locales et une flambée immobilière excessive. 
 
Certes les entreprises mondialisées ont continué à investir  dans "l'usine du monde" de peur  de perdre toute chance d'être "leader sur son marché". Mais en réduisant drastiquement la voilure ailleurs  et en rachetant massivement leurs actions.  

L'Europe a constaté que la Commission était non pas le ferment de l'Europe Uni mais un dispositif bureaucratique anti-état, indifférent aux conséquences des politiques de laisser faire intégral  qu'il promeut .   L'assemblée européenne s'est révélée un "machin"  incapable d'être le creuset de la moindre politique économique.  Ces deux institutions ont été les deux grandes muettes européennes pendant toute la crise.  On ose presque dire : tant mieux, tant elles ne sont là que pour produire du "politiquement correct"  anti national. 

Le couple franco-allemand, en tension depuis longtemps,  du fait du laxisme français et du mercantilisme allemand,  et la BCE empêtrée dans des objectifs exclusifs de  stabilité des prix  n'ont pas véritablement de politique. Ils veulent conserver.  Conserver l'apparence du succès de l'Euro. Conserver l'Euroland.  Conserver leur banques. Conserver l'épargne des déposants.  Pas de grandes mesures. Du conservatisme prudent et des opérations images rassurantes. 

L'ennui c'est que la Grèce ne peut  s'en sortir par une déflation à caractère atomique.  L'ennui c'est qu'à défaut de réformes sinon de pure forme ou de constructions en papier à peine glacé, on résiste mal à une tempête internationale qui n'est toujours pas calmée.

Qu'attendre alors du G.20 de Cannes ? Les Etats Unis attaquent la Chine. La Chine réplique. L'Europe dit qu'elle veut garder le statut du dollar et qu'elle ne veut pas indisposer la Chine.

Partout le désastre des monnaies flottantes est patent mais il ne faut surtout pas aborder la question. Parlons environnement. Parlons taxes nouvelles dopées verbalement sous le vocable de "ressources innovantes".  D'un coup de baguette magique en ne faisant aucune autre réforme qu'une taxe sur les opérations financières l'économie et la planète seront sauvées pour toujours.

En fait chacun fera ce qu'il veut en attendant...en attendant quoi justement ? Un miracle spontané ?  L'effacement miraculeux de la dette sans conséquences sur l'activité ? La continuation de systèmes inefficaces et dangereaux  qu'on ne veut surtout pas toucher dans le bonheur et la prospérité ?

Surtout ne pas perdre la face. Surtout donner le sentiment que tout est organisé. La faillite de la Grèce sera donc déguisée en triomphal succès de la coopération internationale. Alors même que les Etats-Unis refusent de doter le FMI pour qu'il continue à violer son rôle statutaire qu'il n'exerce plus depuis 1971.

Le rôle théorique mais aussi statutaire du FMI  était d'éviter les mercantilismes et les laxismes monétaires et d'agir pour permettre à un pays en difficulté de balances de paiements de ne pas mettre tout le système par terre par une déflation excessive.  Il ne le joue pas. A la place on tente de lui faire assumer le rôle de banquier de dernier ressort des états surendettés !   Sur quelle base théorique ?  Le refus américain n'est pas totalement sans fondement.

Déçus les européens veulent faire une banque européenne de soutien aux pays endettés.  Mais statutairement la BCE ne peut pas jouer son rôle normal en cas de graves difficultés de financier de cet organisme.  On ne peut rien monétiser des dettes que cette banque fera.  Donc on ne peut qu'accroître la dette pour règler une question d'excès de dettes ou faire payer par les impôts les citoyens qui ne comprennent pas qu'on les rende solidaires de cigales irresponsables.

Rien de tout cela n'a de sens.  Tout le monde vit d'expédients.  En attendant la bourrasque suivante.

Le plus curieux c'est que l'économie réelle internationale commence à se réveiller, alors que tous les indices qui arrivent concernent le passé. C'est traditionnel : on commente toujours ce qui s'est passé il y a six mois ou un an. Prévoir le présent reste l'exercice le plus difficile !

L'aspect le plus navrant de la situation est qu'une réforme de fond faite maintenant accélèrerait le mouvement et permettrait d'entrer dans une phase de consolidation.   C'est maintenant qu'il faut faire les réforme nécessaires.  L'erreur des premiers G.20 qui n'ont rien réformé  est encore rattrapable. Mais une nouvelle erreur provoquera un ensemble de réactions qui peuvent nous envoyer pour le coup dans la dépression de longue durée.

Nous n'avons jamais voulu jouer les Cassandre ici au Cercle des économistes e-toile.  Nous avons préféré le débat autour des causes réelles des difficultés et l'examen des solutions rationnelles qui sont à portée de main.  Mais si on reste dans l'état de catalepsie mentale associée à un bras de fer politique entre les acteurs majeurs, la dépression est au bout. 

Surtout que les élections s'approchent partout et que la tentation du n'importe quoi est grande.  On l'a bien vu lors des débats pour la primaire socialiste en France.  Et l'impatienc e des peuples grandit qu'il ne faut pas confondre avec les petits cris aigus des "indignés".

On peut craindre qu'il ne se passe rien à Cannes durant un nouveau G.20 de façade.  Mais l'absence de mesures se fera sentir en 2012 qui devient l'année de tous les dangers.  Alors qu'elle aurait du être la première année de franche reprise spontanée des affaires dans  un cadre monétaire international et européen rénové.

Commentaire
Micromegas's Gravatar On peut se demander si 2011 n'est pas déja l'année de tous les dangers.
# Posté par Micromegas | 20/10/11 14:17
FR0089's Gravatar Quand on relit ce texte avec la connaissance de la suite, on ne peut être que frappé par la prémonition qu'on y trouve. On n'a rien fait, chacun restant sur ses positions. les deux G20 et G8 n'ont rien donné. La récession a démarré en Europe. Les élections ont partout entraîné des changements d'équipes et en Grèce la disparition de toute force directrice. L'impatience des peuples est maximale. On se paie de mots partout alors que l'on va directement vers une dépression de longue durée. 5 ans de crise, déjà et on a l'impression qu'il ne s'agit que d'un début et que les idées opérationnelles pour en sortir ne sont pas là.

Continuez votre combat. Vos textes éclairent la nuit .
# Posté par FR0089 | 25/05/12 11:48
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Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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