De la nature monétaire de la crise

Il n'y a qu'une seule crise, depuis 2007 et elle est d'origine monétaire. Cette thèse nous la défendons depuis que ce blog est né.

Nous étions tellement effaré du manque de connaissance en matière de monnaie que nous avons totalement réécrit l'article Monnaie de Wikipedia pour qu'au moins les personnes qui seraient tentées de comprendre ces questions puissent le faire. A ce qu'il semble cet article a été lu en moyenne 25.000 fois par fois depuis 4 ans. On ne doit pas être loin du million de lecteurs. La pédagogie est nécessaire.

Elle ne suffit pas. Il fallait mettre avec soi la force des évènements. Démontrer au gré de l'histoire qui se fait que si on ne corrige pas les défauts moéntaires qui accablent notre époque, aucune solution ne serait trouvée.

Nos idées progressent non pas pas leur force intrinsèque mais par le poids des désastres successifs.  Le magazine l'Express titre cette semaine sur la crise de "2007-2011", alors que les journaux faisaient jusqu'ici partir la crise de la chute de Lehman-Brothers.  Les Etats-Unis se fâchent contre les cours trop bas de la monnaie chinoise. Après que la Suisse ait pris des mesures jamais vues pour enrayer la hausse du franc suisse.  Les pays émergents se retrouvent avec des parités de monnaies qui risquent de devenir défavorables si le cours de l'Euro s'effondre et protestent.  L'Euro est en première ligne avec des affirmations continuelles dans tous les medias sur la certitude de son éclatement.

La monnaie est bien aujourd'hui au coeur des débats.

Le glissement d'opinion le plus spectaculaire touche en effet la construction de l'Euro : tout le monde réalise soudain qu'une banque centrale vertueuse qui prive les états de son secours direct les met en situation de dépendance absolue des "marchés". Il suffit de faire monter les taux d'intérêt sur le marché secondaire des dettes souveraines pour mettre tout l'édifice en difficulté.  Les Etats sont totalement impuissants à faire face. La dette souveraine étant dans la pratique constamment renouvelée, bloquer le renouvellement revient à bloquer le pays. Il faudrait alors une solidarité considérable des pays pour contourner la difficulté. Mais justement elle est inexistante ou faible comme on voudra. Une zone de monnaie unique est une affaire ultra contraignante qui ne peut marcher sans au moins trois ingrédients :

- une structure centrale forte, disposant d'une puissance d'emprunt centralisé, en un mot un trésor public et une poids directif dans la conduite des politiques économiques et budgétaires des membres, en un mot un directoire économique.
- un banque centrale accommodante capable de soutenir financièrement les Etats
- une solidarité sans faille des pays membres.

On a privé les nations des moyens de faire face à certaines situations graves sans rien créer en compensation.

Toute ces considérations ont été inlassablement répétées  lors du débat sur Maastricht par des techniciens mais également par des politiques.  Elles ont toujours et perpétuellement rejetées d'un simple revers de la main. La socialiste Guigou, par exemple, exécutait cette figure de style avec beaucoup de naturel. Il manquait juste l'éventail.  L'Euro était bon en soi ; le fait d'être arrimé à l'Allemagne serait une garantie ; les règles de sérieux finiront le travail. Tout se passera bien.  Les nations de l'Euroland constatent aujourd'hui qu'elles ont été mises dans la dépendance des banques internationales et qu'elles n'ont de voie de sortie qu'un long purgatoire récessionniste et déflationniste dont on ne voit pas le bout.

Un souvenir personnel : lors de la campagne de Maastricht la station de télévision  FR3 interview une dame âgée dans le jardin du Luxembourg. "Pourquoi voulez -vous que je vote pour une affaire où je ne comprends rien".  Vieille dame indigne ! L'ennui c'est que les promoteurs eux-mêmes de Maastricht ne comprenaient rien et criaient "l'euro, l'euro, l'euro" comme des cabris sans jamais entrer dans une quelconque réflexion.  Les spécialistes du complot évoquent aujourd'hui de sombres  arrières pensées. L'idée du complot n'est pas nécessaire. La simple inconscience suffit. 

On dira : la situation progresse. Pour l'Euro on sait désormais à quoi s'en tenir. D'accord les conditions d'une véritable novation dans la gestion de la zone euro ne sont pas réunies. D'accord les peuples risquent de payer très cher cette paralysie. Mais au moins on sait ; le débat est sur la place public. Que l'on aille vers un éclatement de la zone ou vers son renforcement, la question du rôle d'une banque centrale est maintenant au cœur des discussions.  La gestion de la monnaie est devenue une variable critique fondamentalement politique.

En revanche il n'en ait pas de même du tout pour le second aspect de la crise monétaire : les défauts du système monétaire international. C'est lui le plus important. Nous croyons avoir démontré que c'est lui et lui seul qui est la cause de la crise majeure que nous traversons. Là, nous sommes dans le silence. Même pas dans le déni. Dans la "pensée zéro" comme dirait Emmanuel Todd. 

La "communauté internationale", disons le G.20, est strictement incapable de porter publiquement un diagnostic et d'annoncer des réformes. La presse internationale est muette ; la presse française inexistante sur le sujet.

S'il y a bien une évidence qui s'impose en ces temps de folie, c'est bien que la monnaie n'est pas une "marchandise comme les autres".  Le système américain fondé sur un dollar monnaie mondiale dont on abuse par "benign neglect" est à bout de course. Le mercantilisme chinois ne peut plus guère durer. La crise immobilière spéculative déclenchée par le relâchement à contre temps de la politique monétaire intérieure a explosé, provoquant des baisses de prix sur le marché immobilier de près de 30%.  Le commerce international ne parvient pas à reprendre sur des bases continues et saines.

Le G.20 de Cannes a été comme prévu un non évènement.

Toutes les conditions d'une relance de la crise sont donc réunies et cette fois ci c'est la dépression qui est au bout.

Il est navrant qu'il faille s'appuyer sur la pédagogie du désastre pour faire comprendre les faits économiques les plus simples. 

L'Euro tel qu'il est construit ne peut pas fonctionner durablement sans entraîner les peuples dans une spirale déflationniste et malthusienne intolérable.

Le système de changes international basé sur la liberté absolue des mouvements de capitaux et les changes flottants ne fonctionne pas n'a jamais fonctionné et ne fonctionnera jamais.

La crise étant d'essence monétaire ne pourra être surmontée que par des réorganisations monétaires fondamentales. Force est de constater que si la prise de conscience progresse on est encore loin du but.

Continuons le combat ! Après tout nous ne l'avons commencé publiquement qu'en 1997, presque rien quand on considère les enjeux…

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile.

Commentaire
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Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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