Demos et Economos sont dans un bateau. Economos tombe à l'eau…

Demos et Economos sont dans un bateau.  Economos tombe à l'eau…

…et il faut se pincer pour éviter de rire aux éclats au spectacle des  Dieux du G.20  constatant avec horreur que Demos risque de se retrouver seul avec le bateau (le plus drôle étant qu'un certain Papademos tient désormais la barre à Athènes en remplacement de Papandréou !).
 
L'épisode de la menace d'en appeler à un referendum populaire  proférée par l'ancien chef du gouvernement socialiste grec, devant l'impossibilité d'accepter sans autre forme de procès les pressions déflationnistes de plus en plus pressantes  de la "troïka" formée par le FMI, la Commission Européenne et la Banque Centrale Européenne, restera un temps fort de la "chronique d'un désastre annoncé" que nous tenons maintenant depuis bientôt cinq ans.

Rappelons que le mot troïka a été utilisé par Staline pour qualifier les groupes de trois apparatchiks envoyés avec pouvoir de vie et de mort dans les campagnes ukrainiennes pour mettre au pas les "koulaks". Une famine atroce et  5 millions de morts plus tard, le mot troïka avait perdu un peu de son charme.
 
Rappelons aussi le plan en 15 points dont on parle :

1.    Coupes dans les effectifs – saisonniers ou fixes – dans toutes les administrations, y compris les enseignants.
2.    Etendre le chômage technique à l'ensemble du secteur public et application immédiate du système.
3.    Egalisation de la taxe sur le fuel domestique sur celle du gas-oil.
4.    Permettre la retenue sur salaire de l'impôt de solidarité destiné à financer les caisses de chômage.
5.    Baisse des retraites pour les marins et les anciens employés de l'opérateur téléphonique OTE.
6.    Suppression des subventions à la Poste pour la distribution de la presse.
7.    Nouveau cadre juridique dans le secteur public pour réduire les indemnités de départ et les heures supplémentaires.
8.    Gel des retraites primaires et complémentaires jusqu'en 2015.
9.    Augmentation des amendes pour les constructions illégales.
10.    Fusion ou fermeture de 35 agences d'Etat.
11.    Fusion ou fermeture de 10 autres structures: agence nationale de la jeunesse, organisme de télévision publique, société de l'immobilier public, société des biens immobiliers touristique, etc.
12.    Recensement des biens mobiliers et immobiliers sous le contrôle de l'Etat.
13.    Recenser tous les avantages sociaux et prestations de santé; signature de négociations collectives dans 16 hôpitaux privés ; signature de contrats entre hôpitaux privés et publics pour la locations de lits.
14.    Nouvelle loi pour réduire les retraites agricoles.
15.    Réduire les prix des médicaments en passant des accords avec les laboratoires pharmaceutiques.
16.   
Ce plan, sorte de bric-à-brac de mesures diverses à l'impact économique incertain et d'ailleurs non chiffré mais politiquement ultra sensible, est typique des actions moralisatrices du FMI qui lui ont valu la réputation flatteuse que cette institution connait dans la plupart des pays où elle est intervenue. En fait on affiche des aspects du clientélisme politique particulièrement honteux  et on demande une action immédiate.  L'aspect économique est secondaire. 

Que le chef de la majorité politique du pays ait voulu se dédouaner d'un plan aussi connoté n'est pas tellement surprenant. La manœuvre est légèrement narcissique : assumez, vous, puisque vous me faites la leçon si bruyamment ! Moi je me retire sur l'Aventin ou plutôt sur le Mont Philippapou, restons local.  "Je serai le recours. Celui qui n'a pas eu peur du peuple". A quelqu'un d'autre de subir la honte d'avoir à démonter 50 ans de bricolages politiciens de bas étages.

La seconde victime de ce happening à la grecque aura été le G.20 de Cannes. Là aussi on était dans l'affichage et le bricolage géo-politicien. Il fallait masquer le sentiment qui domine : chacun pour soi les Dieux de l'Olympe (ou d'ailleurs)  pour tous. Toujours aucun diagnostic avoué de la crise. Toujours aucune solution organisée. Seulement, à prix d'or, des débats totalement stériles tant les positions de force des pouvoirs de fait l'emportent sur la réflexion économique élémentaire.  Depuis le premier G.20 la crise n'a pas cessé de s'approfondir au milieu des déclarations ronflantes censées prouver la parfaite maîtrise des dirigeants. On reste sur le même schéma de pur affichage.

La semaine flamboyante ne pouvait se terminer sans un dernier effort.  On a donc vu M. Sarkozy annonçer, à la veille d'une élection, un plan Fillon qui comme le Canada Dry, se doit d'être un plan Juppé avec le goût d'un plan Juppé, l'effet d'un plan Juppé mais sans être un plan Juppé modèle 1995. 

Rappelons que M. Juppé, deux ans après la récession de 93,  avait assommé le pays d'un tel coup de gourdin fiscal, qu'il y avait provoqué une récession sui generis en 1996 et …fait perdre les élections suivantes, provoquant cinq années de cohabitation  entre MM. Chirac et Jospin.

Comme toujours avec M. Sarkozy, les préoccupations électorales et d'amour propre l'ont emporté sur tout le reste. Jamais un candidat n'a été si bas dans les sondages à la veille d'un scrutin présidentiel. Sa seule carte est de jouer la "responsabilité et le courage " contre "l'irresponsabilité socialiste traditionnelle". C'est un gambit politique de belle ampleur façon Papandréou. S'il tombe ce sera en "père la rigueur" maître de l'intérêt général français. S'il ne tombe pas, il est maître des lieux pour cinq ans.

Le plan Fillon, c'et vrai,  essaie de tenir compte de l'expérience Juppé. On n'y va pas "droit dans ses bottes". On finasse. On contourne. On cherche à conserver des "éléments de langage".  Démos est si fragile et son ouïe est si délicate ! 

Quels sont les éléments du plan d'équilibre des finances publiques, présenté lundi 7 novembre par François Fillon ? Il prévoit "7,9 milliards d'euros de hausses d'impôts supplémentaires en 2013, dont 5 milliards pèseront sur les ménages de façon directe et 6,8 milliards au total, en intégrant l'effet indirect sur les consommateurs du relèvement des taux réduits de TVA."

Ces dispositions s'ajoutent aux mesures prises précédemment, notamment lors du premier "virage-de-la-rigueur-qui-n'était-pas-un-virage-de-la-rigueur" de juillet 2011. 
1) "La mesure qui rapporte le plus, est le gel en 2012 et 2013 du barème de l'impôt sur le revenu (IR), et partant de celui de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), et des donations et successions. Ce gel rapportera 3,4 milliards d'euros en année pleine".

Il s'agit d'une hausse d'impôts déguisée puisqu'on ne tient pas compte de l'inflation. On taxe à l'impôt progressif un revenu nominal dans la réalité inexistant.  Les 10% des ménages les plus aisés paieront 90% de la facture.  Si la mesure est maintenue alors que la planche à billets déclenche une inflation forte, ce sera du vol pur et simple. Notons que l'ISF n'est pas ajusté à l'inflation et que ce type de vol y est pratiqué de façon régulière. 

2).Le relèvement de la TVA à taux réduit de 5,5 % à 7 %  sur tous les produits, "à l'exception des seuls produits de première nécessité  (produits alimentaires, abonnements au gaz et à l'électricité ainsi qu'à des réseaux de fournitures d'énergie, équipements et services à destination des personnes handicapées), rapportera 1,8 milliard en année pleine. Le nouveau taux de 7 % s'appliquera au secteur de l'hôtellerie-restauration mais aussi à la restauration rapide".

1.5 sur 5.5, cela fait une hausse d'impôt de 27,3%. Notons au passage les errements de la fiscalité sur les travaux d'entretien. Pour éviter le travail au noir, on décide qu'ils seront déductibles de certains impôts. On supprime cet avantage pour les assujettir à une TVA réduite. Et on augmente peut après la TVA en question. L'incohérence est frappante ainsi que l'instabilité fiscale qui perturbe toutes les décisions.

Nous avions critiqué ici la baisse de la TVA sur la restauration. Nicolas Sarkozy semble n'avoir porté à terme cette mesure que pour faire pièce au "roi fainéant Chirac". Ces réformes partielles incohérentes sur lesquelles on revient par nécessité ou par opportunisme sont une plaie française particulièrement détestable et une signature dans le cas Sarkozy, as du deux pas en avant trois pas en arrière.
 
Précisons que la taxe équivalente en Grèce est de 13%...
 
3). Les mesures de réduction des niches, "dont le rendement sera d'1 milliard en 2013, concerneront aussi, pour l'essentiel, les ménages avec en particulier le coup de rabot transversal supplémentaire, la suppression en 2013 du dispositif Scellier sur les investissements locatifs, le recentrage du prêt à taux zéro (PTZ) sur le neuf et une diminution du  crédit d'impôt développement durable".

Nous avons déjà dit mille fois sur ce blog que la notion de niche fiscale n'avait pas de sens. Si l'exonération consentie a un sens, ce n'est pas une "niche" mais une bonne mesure.  Avec l'envolée des prix de l'immobilier et la hausse de toutes les impositions du patrimoine, le tout enveloppé dans une justice entièrement du côté du locataire déloyal, la location d'habitation ne permettait plus de loger les Français.  On a donc poussé par mille procédés artificiels  successifs les épargnants à construire pour le logement. On cesse d'aider. Comme on cesse d'aider les investissements sur les économies d'énergie. Soit ! Le saupoudrage de mesures fiscales de ce type est néfaste.  Reste à gérer la hausse des coûts de l'énergie  et l'insuffisance des constructions de logements. On en entendra à nouveau parler… 

4)Au nom de la réduction des écarts de taux d'imposition entre les revenus du travail et ceux du capital,  le prélèvement forfaitaire libératoire sur les dividendes et les intérêts, mis en place en 2004 par la droite,  est relevé de 19 % à 24 %. Matignon affirme que, pour les personnes les plus aisées, imposées jusque dans la dernière tranche du barème, les dividendes supporteront désormais le même niveau d'imposition, quelle que  soit l'option choisie par le contribuable (prélèvement libératoire ou taxation au barème de l'impôt sur le revenu).

5/24 = 20,8% de hausse. Une bagatelle. On a choisi de frapper les revenus du capital au nom d'un légitime rééquilibrage de la fiscalité entre revenus du travail et revenus de l'épargne. Il ne faut pas oublier que la CSG et le CRDS frappent également ces revenus qui ont fait lors de la création du RSA l'objet d'une imposition nouvelle. Le tout se cumule.

Ce qui est dommage c'est qu'une fois encore on préempte une mesure qui aurait du être prise dans un cadre d'ensemble de réorientation de l'imposition.  Elle aurait du servir à par exemple baisser les prélèvements sur le travail. Une fois de plus on attend un prétexte pour aggraver les impôts (et avec quelle violence) mais sans contrepartie de réforme utile.  Le tonneau des danaïdes recevra une pluie de prélèvements nouveaux.  Les revenus du capital servaient largement à augmenter la formation de capital brute en France. Associés à diverses facilités comme le Scellier ils permettaient notamment le financement des entreprises et de la construction. Les voilà mobilisés pour financer des déficits.   Le court terme l'emporte sur le long terme.

5)Le montant de l'impôt sur les sociétés, "qui est dû au titre de 2011 et de 2012 par les grandes entreprises réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 250 millions d'euros, sera majoré de 5 %. En comparaison aux mesures pesant sur les ménages, le rendement de la mesure est estimé à 1,1 milliard soit 14 %  seulement du total des nouvelles hausses d'impôt prévues dans le deuxième plan Fillon pour 2011".

Ici encore on prive les investisseurs du rendement de leur capital.  La France est le pays où les entreprises sont sous capitalisées à l'extrême. L'épargnant est la cible privilégiée du plan Fillon.

On cherchera en vain la réduction des dépenses publiques dans ce plan. Dans le plan de juillet nous avions 10% de réduction de dépenses publiques pour 90% d'augmentation d'impôts.  Ici il n'y a qu'une augmentation d'impôts.

Le gouvernement a choisi de frapper les classes moyennes supérieures, déjà fortement touchées par la chute de la valeur de leur épargne et étrillées par les hausses des impôts locaux.  Nicolas Sarkozy pense qu'elles se laisseront faire sans réagir et qu'elles n'auront pas de choix que de voter pour lui plutôt que pour Hollande. On n'est pas dans l'économie mais dans le calcul politicien.

Economos s'en sortira un peu plus meurtri mais on croira avoir neutralisé Demos. D'autant qu'on a baissé ou bloqué les salaires des hauts dirigeants publics et incité les patrons privés à en faire autant.  L'ennui de ce genre de gesticulations c'est qu'elles laissent généralement totalement froids les électeurs qui attendent des réformes de fond et non des expédients.

Il aurait mieux valu  remettre à plat le système fiscal pour diminuer la fiscalité portant sur le travail et cesser de subventionner les importations. Comme Rocard,  comme Juppé, comme Jospin, Fillon gaspille les cartouches qui auraient pu servir à des réformes fondamentales et durables. Et la chancelière allemande Merkel, qui, elle, bénéficie du fait que l'Allemagne les a faites, baisse la fiscalité de ses entreprises !

Pendant ce temps là, la crise, incomprise dans ses causes, laissée à elle-même faute de mesures adaptées, s'approfondit. Demos paie pendant qu'Economos se noie.

Tableau.

Didier Dufau pour le Cercle des économistes E-toile.

Commentaire
Stéphane's Gravatar Faisant partie des classes moyennes supérieures (cad des 10 % les plus riches en revenus, cad plus de 2600 € net par mois) je souscris totalement à cette analyse.

Je suis étrillé en tant que consommateur et épargnant, je ne sais pas quoi faire de mon épargne, vu qu'avec l'inflation et la fiscalité elle perds de sa valeur, et pourquoi travailler vu que je finance tout le système sans avoir aucun avantage ??

Je fais partie des esclaves des temps modernes, esclaves de la social démocratie....

Pour qui voter ? ils sont tous fous, je ne sais plus.

La seule chose à faire : partir à l'étranger, mais je ne parle pas anglais, alors j'arrête de travailler pour me consacrer à mes loisirs.

Vu que je ne peux m'enrichir et profiter de mon travail, autant profiter de mon temps libre et ne pas financer les autres par mes efforts.

Raisonnement malthusien auquel pousse nos politiques fous de l'impôts et de l'égalitarisme marxiste....
# Posté par Stéphane | 09/11/11 12:57
Le blog du cercle des économistes e-toile

Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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