Lettre ouverte à M. Guaino seconde partie - la France

Reste la France dont nous affirmons depuis 14 ans qu’elle file un mauvais coton.  Qu’en dit le discours de  Toulon 2 ?

« Je ne crois pas qu’il serait économiquement juste, ni moralement acceptable d’imputer aux Français les difficultés que nous vivons. » « Nous ne sortons pas de trente années où les Français auraient refusé de faire le moindre effort pour faire face à la concurrence des pays émergents.»

Flatter les électeurs fait partie du jeu. Nous ne nous offusquons pas. Une fois de plus vous ne considérez que les aspects commerciaux de la compétition internationale. Comme si la compétition sur les marchés de biens avait été l’essentiel. Grave erreur d’appréciation ! La compétition sur les marchés de biens a été totalement faussée par le développement des bulles financières  successives liées aux défauts de structure du système monétaire international et à ceux de l’Euroland. Depuis la crise de 92-93, il n’y a plus de développement régulier du commerce mais des emballements déséquilibrés arbitrés par la crainte et aggravés par la panique.  Comme nous l’avons vu c’est le développement d’un énorme nuage de dettes sur la sphère économique mondiale, représentant en moyenne, rappelons le, près de 300% de crédits par rapport au PIB global, qui a provoqué la crise et la pousse continuellement vers la dépression généralisée.

Les Français dans tout cela n’ont rien vu, à l’exception de Maurice Allais qui seul et sous les quolibets a expliqué que ce nuage de dettes exploserait et ferait couler le système. Les dirigeants français, de droite comme de gauche, par confort intellectuel se sont accommodés des défauts du système quand ils ne les ont pas aggravés. La gauche socialiste a créé le système déséquilibré de l’Euroland et sous Jospin ne s’est pas gênée de bloquer le système de production interne à la France  par des mesures malthusiennes paralysantes.  Chirac s’est endormi dans le "ni ni" et la défense des avantages acquis. M. Sarkozy en plein philo-américanisme businesso-fouquétien   voulait des subprimes à la française et trouvait que les contraintes de Maastricht étaient excessives. Son action en 2007 a été calamiteuse alors que la crise avait commencé. Il n’a commencé à réagir qu’en septembre 2008.

Les Français sont-ils responsables de la politique irresponsable des dirigeants qu’ils ont élus ? Ils les ont chassés chacun à leur tour pendant trente ans. Personne  ne leur a tracé un véritable parcours économique.

Bien sûr ils ont aimé la retraite à 60 ans, avec des avantages acquis à cinquante pour de nombreux salariés du public. Bien sûr ils ont aimé les postes publics inamovibles où on peut glander sans trop s’inquiéter de la suite. Bien sûr ils se sont calfeutrés pour beaucoup dans des situations où sans travailler ils ont profité de la charité publique. Bien sûr ils ont joué avec la sécurité sociale au-delà du raisonnable. Trop de Français ont cru que la gratuité de la vie à ne rien faire était acquise pourvu qu’on se contente de peu.  Bien sûr ils ont aimé le politiquement correct, cette bonne conscience à peu de frais apparents pour chacun et beaucoup de frais pour tous.

Mais ont-ils réellement marqué une préférence pour cet effondrement moral, intellectuel et économique qui caractérise le pays ?

Les « élites mondialisées », une petite camarilla de hauts fonctionnaires et de dirigeants riches, même pas 2000 personnes, se sont enfoncées dans la recherche du profit rapide sur fond d’abandon de morale personnelle et de souveraineté nationale.  Les aventures du Baron Seillères, pris les deux mains dans les combines pour accumuler les milliards au détriment de sa cousinade, voire du fisc,  sont tout aussi exemplaires que l’enrichissement sans cause réelle des manitous de la politique locale ou  les rétro-commissions nourrissant les plus hautes autorités de l’état. 

La France du haut comme du bas s’est vautrée dans la bonne conscience du politiquement correct tout en cherchant la récupération maximale avec les moyens du bord, sans trop se demander si cette absence de rigueur intellectuelle et morale pouvait avoir des conséquences. Cupidité et pensée zéro auront été les maîtresses exigeantes de la France de ces quarante dernières années. Doit-on en accuser le peuple ?  Doit-on l’en exonérer ?

Il aurait mieux valu l' instruire et le conduire.  Car le réveil va être sinistre. Il l’est déjà.

En conclusion, je vous invite à réfléchir à l’échec du discours de Toulon 1. Trois ans après, la crise est là et l’Euro est à deux doigts de mourir. La croissance est arrêtée. Les bourses sont au plus bas. Les banques sont au ras de la faillite généralisée.  Les épargnants sont à la veille d’être ruinés. L’ascenseur social ne marche plus. Les faibles, jeunes, vieux, femmes, immigrés de fraiche date, sont massivement au chômage. Les petits riches sont en grand danger de tout perdre. Les grands riches ne sont plus en France.  Les jeunes se désespèrent de trouver un emploi sérieux et des perspectives de carrière.

Faute d’avoir entamé une vraie rupture en France et faute d’avoir brandi en Europe et dans le monde l’étendard de la révolte contre les institutions, les idéologies et les pratiques qui sont réellement à l’origine de la crise, se contentant de multiplier les déclarations moralisatrices et les rodomontades sans suites pratiques, Nicolas Sarkozy a ruiné un crédit déjà entamé par quelques  lacunes de tempérament et des écarts de comportement qui auraient du être évités.

Il est aujourd’hui impuissant à redresser le cours des choses. Vous-même ne savez plus où le guider. Les redites de Toulon 1 dans Toulon 2 témoignent de cette impuissance.

Vous direz : nous n’avons pas fait beaucoup de fautes depuis la faillite de Lehman-Brothers. Nous avons maintenu l’activité, sauvé nos banques, garanti l’épargne, gardé le chômage dans les limites habituelles.  Nous avons constamment asticoté l’Europe pour qu’elle bouge.  Est-ce notre faute si Angela Merkel est à chaque fois si longue à se porter au niveau des enjeux ?  Est-ce notre faute si le FMI a été un si mauvais guide ? Est-ce notre faute si la BCE est si bornée qu’elle risque de disparaître elle-même avec la zone Euro, en une sorte de suicide par la vertu ?  Est-ce notre faute si les Etats-Unis sont irresponsables et la Chine saisie par le vertige de la gloire déplacée des Hans ? Est-ce notre faute si le G.20 est vain ?

Vous pouvez légitimement plaider ainsi. Vous ne serez pas écouté, encore moins, entendu.

La rupture était le bon thème. Vous vous êtes contenté d’une fausse rupture. Et vous êtes en grand danger d’être rompu par les évènements que vous n’avez ni vu venir ni compris ni domestiqué.

Que faire ? Nous n’avons qu’un conseil à vous donner : avouez tout ! 

N’essayez pas de vous accrocher à de tristes branches. Oui la situation des Anglais est pire que la notre. Oui les américains sont plus responsables que quiconque de ce qui arrive.  Oui, les socialistes de M. Hollande seront pires que vous. Non, Madame le Pen n’a pas de vraies solutions. Non Monsieur Bayrou, le fédérolâtre euro et égo -centré n’est pas l’homme de la situation.

Avouez que vous n’avez pas compris que depuis 1971 les conditions du gouvernement n’étaient plus celles d’avant. Avouez que vous n’avez pas assez tenu compte de la leçon terrible des crises de 93, 98, 2001.  Avouez que vous n’avez pas compris combien le gonflement permanent des dettes globales depuis 71 était dangereux. Avouez que vous n’aviez pas vu à quel point les institutions de l’Euroland étaient mal conçues.  Avouez n’avoir pas reconnu que la crise de 2007 était si grave qu’il fallait dès l’été de cette année là renoncer à tout votre programme et commencer autre chose.

Cet aveu fait, vous auriez la conscience tranquille pour annoncer tranquillement au monde cette vérité d’importance : si le monde ne renonce pas aux défauts de son système monétaire international, si l’Europe ne remet pas dans l’ordre ses institutions bâclées, si la France ne renonce pas au tout-état, au tout-subvention, et à la défense « perinde ac cadaver » des avantages acquis mal acquis par des catégories sociales abusives,  alors le pire arrivera.

Annoncez à la BCE que si elle ne fait pas son devoir et vite, alors la Banque centrale Française sera réquisitionnée pour battre monnaie à nouveau.  Annoncez à la Chine que si les déséquilibres commerciaux gigantesques perdurent avec la France, une double barrière tarifaire et monétaire sera mise aux frontières. Annoncez aux Etats-Unis que si le « benign neglect et la non coopération continuent, vous ferez défaut sur la dette des créanciers en dollars. 

Vous verrez la panique s’allumer dans tous les yeux. Et les consciences s’ouvrir aux vraies solutions.

Ces solutions faites en votre leitmotiv :


-    Oui il faut revenir à une coopération entre les états basée sur des changes fixes, rationnels et défendus par les états, à charge pour eux d’éviter les déficits et les excédents monstrueux.


-    Oui l’Euroland doit retrouver une gestion financière complète où trésor et banque centrale sont dans la main des dirigeants effectifs, responsables et démocratiquement élus avec un objectif de plein emploi.


-    Oui l’Europe doit retrouver son tarif extérieur commun et doit être pilotée politiquement et économiquement  autrement que par des directives pointillistes et majoritairement inutiles, une Commission anti-états,  et la Cour de justice européenne.S'ouvrir à tout vent et empêcher avec ténacité toute réaction n'est pas une politique.


-    Oui la France doit abandonner le mode de fonctionnement qu’il connait depuis 1974. L’énarchie compassionnelle doit disparaître et la séparation de la haute administration et de  la politique prononcée. La paupérisation par l'hyperfiscalité et la dépense publique folle doit cesser.

Vous ne serez peut être pas réélu.  Mais vous aurez pris date pour après le désastre. Et il faudra bien quelqu’un pour reconstruire.

Didier Dufau pour le Cercle des économistes E-toile.

Commentaire
kleber's Gravatar J'adhère globalement à ces conseils, mais vouloir influencer la Chine et les Etats-unis, vouloir réformer le système financier international me semblent des objectifs utopistes. Faisons d'abord les efforts et le ménage à notre porte chez nous, c'est chez nous que réside le plus gisement de progrès , d'autres pays avec le même environnement international que nous se portent bien.
Quand à notre Président actuel, il s'est totalement dé-crédibilisé par son tempérament et ses écarts de comportements. On ne peut avoir confiance en un tel leader. Ce n'est pas lui qui pourra reconstruire ce qu'il a contribué à détruire avec l'aide de l 'UMP et bien d'autres.
# Posté par kleber | 31/12/11 13:02
SD's Gravatar Tout à fait d'accord. A la condition de bien comprendre ce qui nous reste de leviers dans les mains.


- Change et politique monétaire : ce n'est pas nous
- Tarif et commerce extérieur : ce n'est pas nous
- TVA : c'est l'Europe très largement
- Régions : hors de portée du pouvoir central qui ne peut intervenir qu'indirectement
- Budget : désormais "coordonné' par l'Europe.
- Energie : on n'en a pas et on dépends de tout le monde.
- Politique industrielle : interdite sous prétexte de ne pas fausser la concurrence
- Aviation : totalement dépendante maintenant de la partie allemande
- Transport : à la merci des syndicats pour le rail de l'Europe pour la route.
- Santé : pratiquement tous les médicaments sont fabriqués ailleurs. SS ruinée.
- Logement : excès de crédit depuis 20 ans avec triplement des prix de ventes.
- Consommation : le crédit à la consommation a atteint une parte excessive du PIB
- PME : entreprises sans capitaux propres portant l'essentiel du coût de la sécurité sociale
- Enseignement primaire : en ruine
- Enseignement au collège : en ruine
- Enseignement au Lycée : en cours de ruine
- Enseignement supérieur : inégal et incertain
- Justice : insécurité juridique permanente pour les entreprises et les entrepreneurs.
- Police : Ne tient plus la délinquance.
- Banques : entièrement dans les mains de l'état et en fait ruinée si on tenait véritablement compte des pertes potentielles.
- L'agriculture : ruinée par les charges et les dettes. Entre les mains européennes. La France première nation agricole d'Europe n'est plus compétitive sur la plupart des marchés agricoles et se fait tailler des croupière à l'intérieur de l'Europe et à l'international. Il est vrai qu'on ne veut plus de paysans mais des "gardiens subventionnés des campagnes".

Dans aucun des grands secteurs porteurs la France n'est présente alors qu'elle était en pointe partout jusqu'en 1980.

Tous les secteurs économiques résiduels sont subventionnés en tout ou en partie.

Dès que quelqu'un veut bouger le petit doigt : les hurlements et les grèves retiennent le bras.

L'homme politique qui voudrait agir se retrouverait sans moyen et sans consensus.

Nicolas Sarkozy a essayé avec les méthodes brouillonnes qui étaient les siennes. La réforme de la carte judiciaire a été menée à bien mais avec de telles générosités qu'elle ne rapporte rien. Idem pour celle des retraites à statut particuliers. Idem pour le chômage des intermittents du spectacle etc.

Toute une bordée de délirants imbéciles croient encore qu'ils "suffit de ruiner les riches" pour s'en sortir.

Comme on est parti, la seule voie qui est offerte est celle de la déflation et de la réforme en état de panique sous la pression des marchés.

Que nos intérêts montent à 8 ou 10% et la France tombe dans le scénario à la grecque. Si la zone Euro explose ils monteront bien plus haut que cela ! Mais si elle n'explose pas ils risquent tout de même de monter fort.

Franchement, il faut être inconscient pour vouloir être Président de la République en ce moment.

Pour ramener la dépense publique dans les clous il faut la baisser de 15% du PIB : bonjour la demande globale.

Pour ramener la dette publique dans les clous il faut la baisser de 40% du PIB. L'encours de dettes privées doit lui baisser également de 50%.

Pour ramener les prélèvements dans les clous il faut les baisser de 10% du PIB.

Au total des réductions de 100% de PIB (cumulées) côté dépense.

On fait comment ? La restitution d'énergie et de finance personnelle peut elle trouver une force suffisante dans une économie générale récessive ?

La solution actuelle consiste à donner du temps au temps en essayant de ne pas aggraver les choses et en faisant les réformes minimum possibles tout en tentant de convaincre les partenaires qu'il faudrait tout de même faire quelque chose. Mais les convaincre de quoi ? Pour le moment on se bat pour faire financer les états par la BCE tout en ne touchant à rien sur le front mondial.

En priant que cela tienne.

C'est insuffisant.

On ne peut pas s'en sortir sans que le monde et l'Europe se remettent dans une ambiance de croissance saine avec un dégonflement coordonnés des endettements. Les réformes françaises pourraient alors avoir du sens. Mais qu'elles vont être lourdes et difficiles ! Pour autant que quelqu'un les a imaginées. Les programmes des candidats sont vides.

Attendons celui qui dira :

- Il est de la responsabilité de chaque Français de contribuer et non pas d'attendre de la collectivité.
- le temps de travail et libre, la limite des heures supplémentaires étant 40 heures.
- le salaire est libre
- les statuts privilégiées (cheminots- Ratp , dockers, EDF, etc) sont supprimés. les fonctionnaires deviennent des contractuels de l'Etat sans protection particulière.
- les subventions aux entreprises disparaissent.
- les subventions à l'agriculture disparaissent
- les subventions aux syndicats disparaissent.
- le petit risque médical est de la responsabilité de chacun
- la culture devra trouver ses propres ressources.
- le chômage est indemnisé de façon temporaire et pour une valeur maximale de survie.
- les minimas sociaux ne concernent que les personnes qui ne sont pas en état de travailler.
- la retraite est à 67 ans pour tous.
- personne ne pourra bénéficier de deux rémunérations de l'état et cumuler retraites et indemnités diverses.
- le nombre des députés sera ramené à 300 celui des sénateurs à 100.
- il n'y aura pas de communes de moins de 30.000 personnes.
- les départements sont supprimés.
- les rôles des différentes institutions seront spécialisées et ne pourront pas se superposer.
- toutes les rémunérations subiront les même taux d'imposition quelqu'en soit l'origine
- les municipalités qui ont abusés de la création d'emplois seront mises sous tutelle. Par exemple à Paris on réduira les effectifs de 15.000 personnes)

Si vous entendez un candidat (un seul suffira) qui ose promouvoir ne serait-ce qu'un seul de ces moyens (un seul) et qui sait ce qu'il faut faire en Europe et dans le Monde (et qui exprime un programme rationnel) vous aurez de la chance.

Et pourtant il faudra bien que cela se fasse d'une façon ou d'une autre. On ne survivra pas indéfiniment avec plus 300% de dette globale sur PIB, avec 56-58% de taux de dépenses publiques, 45% de taux de prélèvements, 10 millions de déficits d'emploi dans la population active, 7 à 10 millions de résidents vivant principalement d'allocation, des secteurs industriels dont les ressources viennent de de 30 à 100% des institutions publiques, une économie totalement déficitaires dans ses balances commerciales et de paiements, des banques ruinées !

Vous direz : mais vous dites cela depuis 30 ans et cela a été possible ! En Grèce cela durait depuis plus longtemps encore. Puis vient le jour où la réalité se venge. On peut craindre qu'on ne soit plus très loin du jour où ce qui est absurde mais possible au prix d'une élimination progressive de la France de l'histoire, soit devenu carrément impossible.

Sylvain
# Posté par SD | 31/12/11 14:53
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Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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