Une réforme évidente… qui ne se fera pas.



On reste toujours stupéfait en France de constater que les réformes les plus simples et les plus évidentes ne se font pas.

Le cas exemplaire du jour est offert par la médecine du travail en France.

La médecine du travail a été un grand progrès et une institution plus que nécessaire. Forcer les entreprises industrielles a prendre le plus grand soin de leurs salariés est absolument naturel et normal.  

D'où vient la nécessité de réforme ?  D'une évolution extrêmement simple  à constater : le passage de l'emploi primaire et secondaire à l'emploi tertiaire pour parler techno. En clair l'essentiel des employés travaillent dans des bureaux qu'il s'agisse du secteur privé ou de l'administration.

Pour le personnel de bureau les maladies professionnelles sont quasiment inexistantes.  Les visites médicales imposées dans des services spécialisés n'a donc aucun sens. La salarié rencontre un médecin qui ne le connait pas et qui n'a pas son dossier.  Le médecin rencontre un homme sain qui ne demande généralement rien sinon que cela se termine le plus vite possible.  L'entreprise paie dix fois le prix d'une consultation  normale auprès d'un généraliste  pour un service inexistant.

En général la surmédicalisation associée à la gratuité des visites au généraliste fait que le personnel salarié urbain est vu plusieurs par an par un médecin pour des affections généralement bénignes.  Il est parfaitement inutile d'ajouter à cette surmédicalisation par une visite qui ne sert à personne.

Aucun médecin digne de ce nom n'aime cette médecine à la chaîne sans visée médicale concrète exécutée sur ordre et par routine.  Le personnel de ces centres qui est rarement de la meilleur qualité vieillit.  Les jeunes générations refusent  de s'investir dans ces tâches idiotes et déprimantes.

La solution d'une suppression pure et simple de ces visites obligatoires s'impose aussi bien du point de vue du médecin que de celui du client (on ne parle pas de malade ici).

On garderait  une spécialité de médecine du travail qui serait sollicitée soit par la sécurité sociale pour le contrôle des arrêts et des reprises de travail ,  soit par le médecin généraliste qui devant le constat d'une pathologie à caractère professionnelle pourrait orienter le patient vers la médecine du travail  pour une analyse de causalité (mais pas de traitement)  et la définition d'une prophylaxie collective.

Ayant dirigé une entreprise de conseil dont l'effectif a flotté pendant  25 ans entre 8 et 20 personnes,  l'expérience m'a prouvé que la médecine du travail n'a jamais servi à détecter quoi que ce soit qui aurait mérité qu'on en tienne compte pour la santé générale.  La seule vraie mesure de santé publique qui a affecté l'entreprise a été l'interdiction de fumer dans les bureaux.  

La seule et unique fois où la médecine du travail est entré en jeu , ce fut pour une grotesque sottise.  Notre chauffeur-livreur ayant été atteint d'un cancer incurable,  la question de son retour en entreprise après un début de traitement purement symptomatique s'est posée.  Le poste consistait à livrer des ordinateurs  et à la installer chez les clients. Le malheureux ne pouvait plus utiliser son bras droit paralyser par l'action de la tumeur et un acte chirurgical maladroit qui avait couper un nerf critique.  Le chauffeur ne pouvait plus toucher un volant. Le livreur ne pouvait plus porter quoi que ce soit.  L'homme était donc condamné et inapte à tout travail.

Qu'a fait la médecine du travail : elle l'a déclaré apte !  Ce brave garçon restait assis le bras pendant sur un siège toute la journée. Mais il devait se taper deux trajets par jour particulièrement pénibles.  Le temps de prendre conscience de la situation (on marche sur des œufs dans ce genre de cas) il fallut bien téléphoner à la médecine du travail pour demander des explications. Après quelques rugueuses  passes verbales téléphoniques qui n'avaient rien donné (le secret médical, vous comprenez) , une visite au centre s'imposa. La directrice du centre admit bien volontiers que le cas paraissait bizarre mais qu'en vérité c'est l'épouse, qui ne voulait pas de son mari dans ses pattes  à la maison, qui était intervenue pour qu'il retravaille et que vu la nature explosive de la dame il valait mieux qu'il reste tranquille dans l'entreprise.  De toutes façons il n'en avait plus pour longtemps, alors, si nous voulions prendre ce malade en patience….

Pendant ce temps là l'entreprise payait un livreur et ne faisait plus de livraison !

Au même moment la concierge, pardon la gardienne, de l'immeuble où étaient logés nos bureaux et qui  en faisaient le ménage nous demandait si nous serions d'accord pour que son mari fasse le travail à sa place pendant les périodes de vacances, mais sans le dire : ce brave garçon était en arrêt maladie de très très longue durée pour mal de dos, le fameux "mal des Portuguais" qui avaient trouvé ce moyen pour cumuler deux rémunérations.  


La médecine du travail  était donc  capable de sortir du travail des salariés qui pouvaient travailler et de rétablir dans le travail des salariés qui ne pouvaient plus travailler.

Tableau !

Oui décidemment, il faut, pour tout le secteur tertiaire, supprimer la médecine du travail au profit d'une cellule réduite d'épidémiologistes, chargé d'orienter la politique de santé publique au travail  et de  véritables médecins contrôleurs  chargés de recevoir les malades prétendant à un arrêt maladie ou à une invalidité. Les médecins généralistes perdraient le pouvoir de déclencher des arrêts maladie  mais récupéreraient la visite obligatoire annuelle, et tout dans tout ne perdraient rien s'ils sont honnêtes dans leur travail ).  Evidemment les voyous qui se font une clientèle actuellement en distribuant généreusement les arrêts maladie seraient affectés. Et alors ?

Cette réforme est si simple qu'elle ne sera naturellement pas faite.  Le paritarisme permet à des syndicats salariaux et patronaux  de faire rémunérer des permanents pour gérer ce système gigantesque  et  inutile (pensez : près de 15.000.000 de visites inutiles à 300 euros l'unité). De nombreux centres agréés vivent de ce petit négoce futile et malsain.  Tout ce petit monde se cache derrière la mission de santé publique de protection du salarié, sans y contribuer le moins du monde et pour un coût astronomique.

Ainsi va la France entre Ubu et abus de toutes sortes.

Indignez- vous ? Révoltez-vous ?

Allons, allons. Vous êtes en France le pays où le faux semblant et les fausses réformes sont de règle, les ministres les interlocuteurs des lobbies, les parlementaires des zombis, et les entreprises des vaches à lait.   Enfin, tant qu'il y en aura.



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