L'explosion de la "pensée magique"

Les campagnes électorales sont ainsi faites. Les arguments les plus irrationnels sont employés sans pudeur. Qu'on affirme n'importe quoi pendant ces bacchanales n'a pas d'importance sauf si on constate qu'un argument erroné se fixe dans l'esprit public  et  risque de polluer longtemps l'action publique et de bloquer indéfiniment  des solutions utiles.

On l'a vu avec l'ISF, mesure stupide, qu'on n'a jamais osé supprimer depuis 25 ans.

On l'a vu avec les 35 heures, mesure stupide, qu'on a jamais réussi à supprimer depuis 15 ans.


Dans le passé on avait eu le blocage des prix, mesure stupide qui a duré des décennies avant d'être supprimée, on espère sans espoir de retour, le blocage des loyers, l'autorisation administrative de licenciement etc.

A chaque fois on bloque, on confisque, et la mesure se retourne contre tous par un effet pervers imprévu.

Ou alors on lâche des libéralités qu'on ne parvient plus à contrôler : intermittents du spectacle, RMI, gratuité du petit risque  etc.

L'intérêt général passe par des idées justes. 


On dira : où serait le plaisir de la démocratie, la loi du plus grand nombre, si le plus grand nombre ne pouvait pas se faire plaisir sur le dos du plus petit nombre, en particulier la tranche des plus fortunés ?

On aurait raison.

La démocratie réussie reste l'art de ne pas tuer la poule aux oeufs d'or et de ne pas faire mal au plus grand nombre en essayant de nuire à des minorités.  Ce qui suppose un minimum de réflexion collective.  Puisque le terme de populisme revient à la mode, tentons cette définition : en démocratie le populisme est l'attitude qui consiste à faire croire au plus grand nombre qu'il tirera un bénéfice durable des exactions menées contre une minorité ou que des gratuités non finançables pourront être indéfiniment multipliées sur le dos des autres .

 
S'il était possible de tirer un bénéfice durable des exactions commises contre des minorités, il y a longtemps qu'il n'y aurait plus de minorités.  Les régimes qui s'y sont essayés s'en sont tous mal trouvés.

Notons que le concept de corps social qui implique qu'une société forme un tout et qu'il est peu expédient pour le bras de s'en prendre au pied, pour l'estomac de s'en prendre au coeur, à la colonne vertébrale de s'en prendre au cerveau, ou toute combinaison qu'on voudra,  est tout sauf récent.  Les maladies les plus graves de la démocratie sont toujours "auto-immunes".

Une conception veut qu'au fond tout est permis en période électorale et que l'élu, en général  en France un énarque, sera raisonnable une fois au pouvoir, le haut fonctionnaire étant par nature soucieux au plus haut point et lui seul de l'intérêt général. En gros : les propos attrape-couillons n'engagent que ceux qui croient. Ils ne sont pas graves pendant les campagnes électorales car on sait que ceux qui y ont cru seront de magnifiques cocus.  Tous les ethnologues savent que les sociétés les plus corsetées  ont besoin de soupape où tout ou presque est permis. Un court instant.

Permettre à la bêtise et à la violence de s'échapper, après tout pourquoi pas ?  On connait cette île où coexistent depuis la nuit des temps deux tribus en détestation permanente. Une fois par an la guerre est déclarée. Et s'arrête au premier mort, la famille du mort étant prise en charge à vie par la communauté après de très belles fêtes, fort émouvantes.

Oui mais voilà : la gueule de bois suit la fête et comme nous l'avons vu bien des mesures absolument contraires au bien commun ont été prises qu'il a été très difficile de supprimer.  Ces mesures soit proposent de fausses solutions qui se retournent contre leurs bénéficaires théoriques, soit bloquent des solutions qu'il aurait fallu prendre absolument mais qui sont devenues tabous dans l'imaginaire politique.

Serait-il donc donc du devoir des experts d'alerter sur les erreurs qui se retrourneront contre leurs auteurs même en période électorale, même si le risque est alors d'entrer dans des polémiques sans fin ?

Finalement, et à regret, nous ne le pensons pas.  Il faut laisser à la pensée magique et aux passions diverses  l'occasion de se déchaîner.  Les discours  sur la tempérance n'ont pas de sens lors des fêtes de Bacchus.

Cette élection est bien partie pour être un grand cru  question exaltation de la sottise. Haro sur les riches, haro sur la finance, haro sur l'Europe, haro sur les immigrés,  haro sur les fonctionnaires ! Et tout cette hargne et ces mauvais sentiments fonderont des opinions pour lesquelles un simple coup de doigt règlera toutes les difficultés pourvu qu'il fasse du tort à quelqu'un d'autre.
Les Français se sont largement mis dans la nasse eux-mêmes. On voit qu'ils sont strictement incapables d'annuler les mesures  qui les y ont précipités ou d'envisager celles qui leur permettraient d'en sortir. 

Mais les plus grosses difficultés sont extérieures : défauts de construction de la zone Euro,  système délétère des changes flottants.  Leur faiblesse leur interdit tout langage ferme dans le concert des nations pour faire changer les choses.  Ils n'ont d'ailleurs aucune idée des mesures qu'il faudrait prendre.

Ils ne sont pas responsables de la crise européenne et mondiale. Mais rarement les a-t-on vu si peu aptes à affronter la tempêt

e, compte tenu de l'épaisseur des semelles de plomb dont ils se sont affublés.
Rappelons que lors de la crise de 1929 c'est la France qui a payé le coût le plus élevé à la crise : la récession lui a coûté autant que la guerre de 14-18  et sa place de première puissance mondiale (qui se rappelle aujourd'hui du rang qui fut celui de la France ?).  Si le Français, né malin comme chacun sait, ne comprend pas qu'il ne peut pas aujourd'hui sombrer dans le populisme et la pensée magique, alors il finira de sortir de l'histoire.

Par la petite porte.  La porte grecque. 

A moins qu'on ne mérite un Chavez qui lui achète directement l'électeur. 

Après tout, au point où on en est.



Commentaire
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