Un vent mauvais électoral en France

Un mauvais vent souffle sur les élections présidentielles françaises

La crise économique date de la fin juillet 2007 avec le blocage du marché interbancaire et la prise de conscience progressive que toutes les banques et d'une manière générale tout le système financier mondial portaient un niveau de dettes sans rapport avec le niveau PIB mondialni avec sa croissance.  L'endettement global des pays occidentaux était passé de 200 puis 300 et enfin 400% du PIB. Ces taux sont incompatibles avec un remboursement assuré. La crise de liquidité cachait une énorme crise de solvabilité. Celle-ci éclata avec la faillite de Lehman Brothers. Le blocage bancaire entraînera un "credit crunch" phénoménal et la plus grosse récession depuis 1929. La récession à son tour mettra les Etats en déficits massifs générant massivement de la dette publique par transfert partiel des dettes bancaires vers le contribuable, par application de plans de relance et par le jeu des pertes de recettes.

La solvabilité des  Etats s'est retrouvée en première ligne, accusant la différence entre ceux qui disposaient d'un soutien de leur banque centrale  et ceux, notamment tous ceux de la zone Euro, qui n'en disposaient pas. Les premiers ont fait tourné la planche à billets à haute dose pour se refinancer. Les autres se sont trouvés bien dépourvu. La seule solution pour eux était la déflation et éventuellement la faillite, selon la force de leur économie, le niveau de leurs dépenses publiques et la structure de leur endettement.

Pendant ce temps là le commerce international devenait totalement chaotique et dépendait uniquement des spasmes des politiques publiques de la Chine et des Etats Unis.

En dépit des plans de relance engagés en 2009-2010 aucune reprise durable n'est parvenue à s'enclencher.

Le cas de la France est emblématique. Pendant toute l'après-guerre elle a choisi de faire porter sur la production l'essentiel des impositions. A partir de 74 elle se met à accroître massivement ses dépenses publiques et ses prélèvements. Elle fait grimper à toute vitesse ses minima sociaux notamment le SMIC. Le septennat de M. Giscard sera essentiellement un septennat fiscal avec une telle hausse de la dépense publique que l'endettement public décolle. La folie du "programme commun de gouvernement" proposé par l'union des gauches communistes et socialistes casse la croissance française. Il n'y aura plus de croissance forte en France qu'associée à des périodes de hausse encore plus forte de la conjoncture internationale (à peine 4 ans sur trente ans). Les entrepreneurs se voient prélever entre 75 et 100% de leur revenu. Les fortunes commencent à quitter le pays. L'investissement s'effondre.

Les élites socialistes décident néanmoins  d'accepter la compétition mondiale et se rallient à la mondialisation financière et commerciale proposée par les pays anglo-saxons et  l'Europe. Les exigences déflationnistes de la construction de l'Euro, la dislocation du bloc communiste, la conversion de la Chine et de l'Inde à l'économie de marché, provoquent des mouvements contradictoires mais qui, tous, touchent la France.

La France a cessé d'être compétitive en Europe. Elle ne l'est plus du tout dans le monde. Son industrie est entravée. Son Etat est grossièrement dilaté et dépense près de 56% du PIB, PIB qui comprend pour partie les dépenses du secteur public ! En fait l'Etat français dépense plus que la valeur ajoutée de son secteur marchand…une totale folie. 

Après trente ans d'errances de ce genre, les résultats sont là :

- le chômage est devenu structurel et il manque près de 10 millions d'emplois salariés en France. Dix millions ! 

- L'industrie perd des centaines de milliers d'emplois depuis 2000 et les lois Aubry.

- Les entreprises françaises sont absentes de la plupart des nouveaux marchés. Un capitalisme sans capitaux et bientôt sans entrepreneurs ne peut pas triompher !

- Le commerce extérieur français s'embourbe. Les parts de marché à l'international régressent constamment.

Dès la fin des années 90 les grands choix de la France sont connus :

- il faut réduire de 10 points de PIB la dépense publique

- il faut transférer les impositions de l'entreprise vers la consommation.

- il faut mettre fin à des "cadeaux sociaux" gagés sur rien : augmentation de la durée du travail et abandon de la mesure folle des trente cinq heures ; retraite à 67 ans ;  suppression des privilèges aberrants de la fonction publique et de certaines catégories de la population (intermittents du spectacle, salariés d'EDF, de la SNCF, de la RATP, des chantiers navals, dockers, ouvriers du livre,  parlementaires, fonctionnaires, personnels excessifs des collectivités locales, …).

- il faut arrêter d'"arroser" de subventions tous les secteurs économiques : presse, spectacle, agriculture, pêche, transport, énergie, etc. 

Il le faut d'autant plus que ces réformes sont faites à l'étranger notamment à l'intérieur de la zone Euro, par exemple  en Allemagne confrontée à l'intégration de la partie orientale a été ruinée par quelques décennies de communisme.

Après que le gouvernement Jospin ait achevé de bloquer l'économie française, le gouvernement Chirac pratique le "ni ni".  Nicolas Sarkozy est élu sur la promesse de la rupture. Il ne l'a fait pas. La crise est là.  La dégringolade commence, symbolisée par la perte du triple AAA par une agence de notation, la mise en remorque de la France derrière l'Allemagne, la prise de conscience qu'une évolution à la grecque est possible en France. 

Et voici venir des élections présidentielles essentielles. 

Les Français et la France ont-ils compris ce qui leur arrive ?

Le slogan des socialistes est clair : on fera payer la crise aux riches. Un mouvement de fuite des classes possédantes se déclenche, de la même ampleur qu'en 1981. Ces familles ont fait leur calcul : ils paient entre 75 et 100% d'impôts. On veut leur prendre environ  10 points de plus. Cela les laissera avec entre 15% et -15%  de ce qu'ils gagnent.  Ils partent. Normal.

De toute façon ils savent que Nicolas Sarkozy n'a même pas eu le courage élémentaire de supprimer l'ISF et les 35 heures,  de mettre au pas les collectivités locales, ni de mettre fin autrement que par des mesures d'apparence, aux excès de la gestion publique.  Ils savent que la phraséologie de gauche lui sied dès qu'il est en besoin de recettes fiscales. Présenté comme "le président des riches" il est devenu le président méprisé des riches tout en restant méprisé à gauche pour son style et les aberrations "bling bling" de son début de quinquennat.

Quels sont les thèmes électoraux  qui se dégagent ? 

- "Produire français".  Ce slogan est vide de sens dans un monde où la sous-traitance est généralisée et où les composants de la plupart des produits proviennent en majorité de l'étranger, européen ou extra européen. Bien sûr il faut égaliser la compétition en évitant de charger notre production de contraintes tout en acceptant qu'elle soit concurrencée par des produits qui ne respectent pas ces contraintes. Bien sûr il faut mettre fin aux baisses volontaires de devises de pays concurrents, bien plus anticoncurrentielles que les écarts de coûts de production.  Mais le protectionniste n'est pas la solution. Il porte atteinte au moteur de notre future croissance. Ce sont nos entreprises capables d'affronter le monde qui seraient pénalisées dans l'espoir insensé de sauver nos industries dépassées. Une folie absolue.

- "Sortir de l'Euro". Ce slogan est tout aussi  vide de sens. Au point où on en est il est impossible de revenir à un Franc gaulois sans faire défaut sur toutes nos dettes en Euros et en devises étrangères. Faire faillite n'est pas le solution. Tout du moins pas encore. Il y a d'autres voies. La première est évidemment la réforme de l'Euroland et des mécanismes de l'Union Européenne. Elle doit être associée à une action  vigoureuse de l'Union pour la réforme du système monétaire international.

La France malthusienne, cartellisée, assommée de prélèvements, envahie par la dépense publique, et incapable de se réformer, est mal partie.

Croire qu'elle va s'en sortir en "faisant payer la finance" ou "en faisant payer les riches", ou en sortant de l'Euro, ou en mettant en place un protectionnisme fort, est une illusion.

Si l'élection présidentielle conforte ces illusions La France est sur le chemin de la décrépitude et de la marginalisation définitive.

On dit : la France ne voudra pas de Margaret Thatcher ! La France n'a pas besoin d'homme providentiel ! La France n'a pas besoin de croquemitaine !

On veut dire : pitié monsieur le bourreau encore un instant avant le grand saut.

Ce sont des pleurnicheries grotesques.

Il faut retrouver un avenir, disposer d'un horizon. On sait ce qu'il faut faire. Il suffit d'avoir le courage de le faire.

Mais oui il faut casser les reins aux dockers qui ruinent consciencieusement nos ports depuis des décennies. Et alors ?

Mais oui il faut supprimer toutes les subventions à la presse et casser les reins aux ouvriers du livre. Et alors ?

Mais oui il faut contrôler la dépense publique dans les régions et les collectivités locales. Et alors ? 

Mais oui il faut que la croissance des recettes  publiques soit strictement limitées à celle de l'économie, en tenant compte du cycle économique. Et alors ?

Mais oui il faut que l'âge de la retraite pour tous, dans un cadre unifié, soit portée à 67 ans. Et alors ?

Mais oui il faut supprimer la couverture publique du petit risque. Et alors ?

Mais oui il faut réduire le nombre de députés, de sénateurs, de conseillers régionaux, de conseillers départementaux, de conseillers municipaux. Et alors ?

Mais oui il faut revenir au 40 heures. Et alors ?

Mais oui il faut renoncer à subventionner aussi massivement le secteur de la culture et mettre fin au statut des intermittents du spectacle. Et alors ?

Mais oui il faut réformer les subventions agricoles. Et alors ?

Mais oui il faut fiscaliser les recettes des comités d'entreprise et contrôler leurs dépenses. Et alors ?

Mais oui il faut transférer sur la consommation les prélèvements qui touchent la production. Et alors ?

Mais oui  il faut renoncer à mille subventions tout en fusionnant mille autres afin de les réduire et de les contrôler plutôt que de les accumuler. Et alors ?

Mais oui il faut supprimer l'échelon du département. Et alors ?

Mais oui il faut provoquer un choc fiscal en supprimant l'ISF en contrepartie d'une hausse temporaire de l'IR et en garantissant les Français susceptibles d'investir qu'ils pourront le faire sans être tués fiscalement. Et alors ?

Mais oui il faut mettre fin au RMI et au RSA et revenir à un système de palettes de subventions temporaires gérées au plus près des besoins. Et alors?

Mais oui il faut réduire les charges pesant sur les entreprises en évitant de les transférer sur la dette. Et alors ?

Laisser croire  qu'on pourra conserver toutes ces anomalies, pour certaines honteuses, en taxant la finance,  en ruinant les riches, en quittant l'Euro et en élevant des frontières commerciales est une mauvaise action contre la France.

La rupture avec les anomalies est indispensable. Désintoxiquer la France et les Français des subventions est crucial. Oui il faut une rupture ciblée, sinon c'est une rupture globale qui se produira, nous laissant dans une situation de pure ruine.

 

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile



Commentaire
gérard Lemaître's Gravatar Que du Bon Sens !
# Posté par gérard Lemaître | 07/02/12 23:31
Micromegas's Gravatar Votre dénonciation constante depuis 2008 de la gabegie des intermittents du spectacle était bien fondée. Le rapport publié hier de la Cour des Comptes est accablant. Au nom d'une "solidarité" dont on ne voit pas l'exact fondement, on pille les ressources de l'assurance chômage dans des proportions ahurissantes. La réforme de 2003 était bien en trompe l'oeil. La peur des manifestations des "cultureux" et du blocage des festivals d'été, donc la concession au chantage, est la seule explication de ce qu'il faut bien appeler un vol. Qui est volé ? Les autres salariés, pas les "riches". Les sommes en cause sont vertigineuses. Je dois dire que je n'ai trouvé que sur ce blog une dénonciation continuelle de ce scandale.

On voit bien que ce n'est plus le bien commun et la raison qui commandent la politique de ce pays mais le chantage et la lâcheté. L'affaire Seafrance montre que même l'hypothèse du crime ne fait pas bouger les autorités lorsque les grands chantages syndicalo mafieux se mettent en place. Alors les Ouvriers du Livre, les dockers, les cheminots, les salariés des grandes entreprises ex publiques, n'ont pas de soucis à se faire. Les salariés d'Air-France aggravent les pertes de leur employeur alors que la situation de l'entreprise est dramatique. Tout ce monde croit qu'il pourra conserver ses privilèges au milieu d'une crise économique très profonde en continuant de piller l'argent des autres.

La Cour des Comptes, pourtant présidé par un socialiste, annonce pourtant que c'est fini : on ne peut plus continuer à aggraver les prélèvements. Elle montre bien que dans les mesures de redressement du gouvernement Fillon l'essentiel des ressources est liée à une aggravation des impôts et autres prélèvements, presque rien ne venant des réductions de dépenses publiques. Il faut désormais taper dur dans les dépenses publiques les plus abusives. Il est vrai que c'est dans l'intérêt de tous. On voit qu'en Grèce, avoir privilégié honteusement un clientélisme extravagant (doublement des salaires publics en quelques années, retraites à ...45 ans, horaires de travail très faibles, absentéisme record, ...) finit par ruiner les vrais travailleurs qui se voient réclamés des baisses de salaires et de retraites extrêmement durs (qu'on imagine : -25% : ce n'est même plus de la déflation).

Nicolas Sarkozy avait le pouvoir de s'attaquer vraiment à ces citadelles de voleurs embossés dans le portefeuille des Français. Qu'il n'en ait rien fait est un des mystères de son quinquennat. Et probablement la cause de son futur échec. On ne lui demandait pas de s'agiter mais d'agir. Il passe aujourd'hui pour un fanfaron narcissique sans réel importance. Et qu'attendre d'un Hollande !

Comme vous dites, la France est mal partie.
# Posté par Micromegas | 09/02/12 10:10
Gloups's Gravatar Le "vent mauvais" devient pestilentiel. Avec des moments comiques. La presse se fait l'écho de la faillite d'un titre du groupe Hersant. Les salariés sont furieux et témoignent de leur haine vis à vis d'un patron qui "est parti en Suisse avec le milliard de la vente du Figaro" sans penser à eux. Il doit rigoler en entendant M. Hollande proposer une tranche à 75%, le petit Hersant.

Mais oui Messieurs : la fiscalité confiscatoire est payée aussi par les ouvriers. En voilà un peu plus de 400 au carreau au lieu d'être au marbre.
# Posté par Gloups | 28/02/12 19:09
Regardonsbien's Gravatar On était mal parti. Un an plus tard on est mal arrivé. Belle anticipation.
# Posté par Regardonsbien | 13/07/13 15:26
Le blog du cercle des économistes e-toile

Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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