La fin du secret bancaire suisse

Une des victimes collatérales de la crise mondiale qui sévit depuis la fin juillet 2007 aura été le secret bancaire suisse.

La Suisse s'était mise dans une situation impossible. Ses grands établissements, UBS et Crédit Suisse, collectaient une épargne démesurée par rapport aux ressources du pays et devaient pour se développer et concurrencer les monstres américains employer leurs ressources aux Etats-Unis. Trop gros à l'échelle suisse et trop petits à l'échelle mondiale : la vulnérabilité était patente. UBS a voulu grossir aux Etats-Unis. La grenouille se voulait bœuf. Elle a avalé tous les mauvais risques qui passaient par là.

Le retour de bâton a emporté le secret bancaire suisse vis-à-vis des Etats-Unis. Il est impossible de gérer un secret à dimension variable. Le secret bancaire suisse est donc une espèce en voie de disparition.

D'ores et déjà des masses financières colossales ont émigré sous d'autres cieux. Les petites banques qui un temps avaient bénéficié de la fuite des clients UBS  voient leurs encours gérés baisser et avec eux leurs revenus, la baisse de rentabilité des capitaux investis n'arrangeant rien. L'obligation, imposée par les autorités, de renforcer les capitaux propres afin que l'Etat suisse n'ait pas à financer une déroute, complique encore les choses.  La place suisse voit la perspective d'une forte restructuration s'imposer à elle.

Bien sûr elle a réagi. Sa migration vers l'Orient et notamment Singapour a pris de l'ampleur. Sus aux nouveaux riches. Il faut aller chercher l'argent là où il est.  Mais l'Orient est compliqué, surtout quand il est extrême.  L'idée que la place est d'une technicité magnifique  et qu'elle survivra à la fin du secret bancaire en profitant de la liberté accordée aux mouvements de capitaux légaux parait pour ce qu'elle est : un pansement affectif.  La finance représente près de 15% du PIB suisse. Les difficultés annoncées du secteur vont faire mal.

Bien sûr elle finasse. On demandera aux déposants de déclarer qu'ils sont blancs comme neige. Alors on ne pourra plus poursuivre les gentils banquiers pour sollicitations abusives et complicité d'évasion fiscale. Elle veut bien que les déposants paient collectivement et anonymement un impôt. Mais les autres veulent un échange automatisée d'information. Et Rubik a du plomb dans l'aile.

Les Suisses commencent eux-mêmes à se lasser de leur politique de refuge pour riches en rupture de confiance avec leur nation au fisc cupide.

Ils en donnent des signes multiples.

Une votation pour introduire un impôt sur les succession de 20% par ci ; une interdiction de construire des résidences secondaires par là ; une réduction des appartements et maisons disponibles à la vente pour les étrangers par ci ; des demandes d'abandon du régime fiscal spécial des étrangers (le forfait).  par là.

L'immobilier est asphyxié par le trop plein de demandes et les prix sont devenus inabordables. Le bon Suisse natif a du mal à se loger.  Les paysages sont menacés.

L'économie est asphyxiée par le Franc trop fort obligeant la BNS a des actes d'une violence inouïe pour tenter de casser les afflux.

Les accords de Schengen lui ont valu l'arrivée massive de délinquants des pays de l'est et des banlieues lyonnaises.

Les frontaliers agacent.

Le discours flamboyant de Nicolas Sarkozy contre le secret bancaire a amené à commander les pales Grippen. 

C'est dire que la tentation d'une forme de repli sur soi est plus que perceptible.

Si le rôle de refuge fiscal  n'est plus possible il faut pourtant s'ouvrir au monde.

La contradiction est terrible.

Il ne faudra pas dix ans pour que la Suisse entre dans l'Europe.

Et c'est très bien ainsi.

Commentaire
DD's Gravatar Et voilà que l'Allemagne refuse Rubik et exige l'échange informatisé, comme la France et l'Union Européenne.

Le Crédit Suisse a déclaré exclure désormais la gestion de comptes d'étrangers non déclarés à leur fisc d'origine. Elle avait mis dehors les américains. C'est le tour des autres.

Les capitaux français non déclarés sont souvent évalués à 100 milliards d'Euros. Par les temps qui courrent c'est presque rien. 2 milliards de Francs Suisses de commissions de gestion et de rétrocommissions, à tout casser.

L'obligation de faire apparaître les rétro commissions exigée par les autorités de contrôle de place est autrement gênante que la perte de ce tout pêtit marché.

D'autant qu'une partie des déposants concernés, les plus gros, rejoindront fiscalement leur compte en s'installant en Suisse.

La perte sera de 50 milliards d'encours à gérer à tout casser.

Bien sûr il y aura des pertes d'emplois. Plusieurs milliers sur la place de Genève et de Zurich.

Il suffit de quelques dizaines de milliardaires Indonésiens Russes ou Chinois pour remplacer l'ensemble des déposants français. Mais le nombre des comptes à gérer va baisser et donc le besoin de main d'oeuvre. En élevant très fortement le forfait fiscal, la Suisse a fait le même calcul : peu de bénéficaires mais très riches. On conserve l'essentiel du pognon en limitant la pression immobilière.

La Suisse sera dans peu de temps une "place propre".

Elle a ouvert ses frontières à l'emploi étranger. Elle constate que l'économie globale y a gagné même si le revenu par tête n'en a pas réellement profité. Surprise : c'est l'emploi qualifié qui a été le principal bénéficiaire de la mesure. Le management des entreprises suisses a été gonflé et amélioré en qualité pour affronter le monde.

Ce qui explique que malgré un Franc fort, maintenu de force par la BNS à 1.20 Euros, l'économie ne va pas trop mal, même si elle souffre de l'atonie du marché mondial.

L'exception suisse est en voie de disparition. Elle vit de plus en plus en symbiose avec... l'Allemagne.

En cas d'explosion de la zone EURO forme actuelle, elle pourrait rejoindre un pool de pays du nord pour une nouvelle zone Euro excluant la France et les pays dits "du club med".

En cas de survie la zone Euro actuelle, elle sera plus réticente à une pleine adhésion. Mais les liens seront renforcés.

Une nouvelle Suisse émergera de la crise. Certains crient au "swisside" par le "politiquement correct". Il est clair que c'est la zone romande qui est la plus menacée.

Mais le propre des anomalies c'est de disparaître tôt ou tard.
# Posté par DD | 25/11/12 15:06
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