Une campagne d'une exceptionnelle médiocrité

Les sondages confirment ce que tout le monde pouvait sentir depuis le démarrage de cette campagne électorale : elle est d'une absolue médiocrité et ressentie comme telle.

Démagogie et foire d'empoigne sont certes une dimension du genre qui n'est jamais particulièrement séduisante.  Mais là, on est vraiment tombé au fond du panier.

C'est assez désobligeant pour l'électeur français, considéré comme de la chair à canon électorale sans cerveau ni dignité.

La survenue d'un crime innommable aurait pu susciter comme un réflexe de hauteur. Mais non. Rien à faire.

Si on s'en tient au président sortant, il aurait pu défendre l'axe de réflexion suivant :

"J'avais en 2007  un plan pour temps calmes. Il aurait pu fonctionner. Mais dès juillet 2007, à peine quelques semaines après mon élection, la tempête a commencé à souffler. Aucun des conseillers officiels de la République de l'avait vu venir. Toute la France économique officielle a été prise à revers.  Il faut que nous nous interrogions sur les raisons de cet échec des économistes officiels. Nous avons du conduire une politique différente fondée sur la défensive. Tout mon quinquennat a été ainsi marqué par l'urgence.

Le diagnostic que j'avais fait en 2007 était globalement bon.

Oui la France travaille trop peu ; dépense trop pour des corporations à privilèges et peu productives. Oui la pression fiscale est trop élevée. Oui la pression syndicale et les corporatismes étouffent la France. Oui la politique coûte trop chère. Oui il faut que les Français soient propriétaires de leur logement. Oui il faut qu'ils augmentent leur pouvoir d'achat par un surcroît de travail. Oui il faut que l'état réduise sa voilure. Oui il faut un pacte avec les plus fortunés pour qu'ils cessent de fuir la France et qu'ils retrouvent le chemin de la confiance et de l'investissement. Oui il faut pousser le plus possible d'indemnisés vers l'emploi. 

Je ne regrette aucune des intentions exprimées avec constance depuis cinq ans. 

J'ai fait des erreurs. J'aurais du supprimer l'ISF et convertir euro pour euro cet impôt en une tranche supplémentaire de l'impôt sur le revenu.  J'aurai du créer immédiatement la TVA sociale.  J'aurai du aller plus loin dans la convergence entre les systèmes de retraites afin de mettre fin aux privilèges énormes et injustifiés qui lèsent les salariés du secteur privé et pénalisent la nation.  J'aurai probablement du aller plus loin dans l'élévation de l'âge légal du départ à la retraite, le passage à 65 et bientôt 67 ans étant pratiquement obligatoire.

Bien sûr j'ai payé trop cher des réformes nécessaires qui ne méritaient pas autant de douceurs distribuées aux privilégiés dont on changeait les habitudes. Jamais je n'aurai du supprimer les charges sur les heures supplémentaires ni redonner aux fonctionnaires l'essentiel des gains liés aux suppressions de postes effectuées. De même augmenter la rémunération des chômeurs au moment où leur nombre allait être multiplié était absurde. J'ai été trop gentil.

Mais tout le reste, les 150 réformes achevées et qui ne seront sans doute jamais remises en cause, je les assume et les porte au crédit d'un bilan qui est un des plus riches de l'histoire récente de notre pays.

Quant à la défense de la France et des Français dans les cinq années de crise que le monde vient de connaitre de 2007 à 2012, que me reproche-t-on ? La France n'est pas seule au monde. Elle a supporté beaucoup de coups qui venaient de l'extérieur. La gestion laxiste de ces quarante dernières années ne la mettait pas en situation de résister facilement.  Bien sûr notre endettement est devenu  problématique mais il reste maîtrisable si nous sommes sérieux et prenons les bonnes mesures. Bien sûr notre chômage est important mais il reste contenu dans des limites connues.

Il faudra en interne un effort de réduction très important des dépenses publiques nationales et régionales. Leur niveau est insupportable et intenable. La crise nous impose d'aller plus vite et plus loin que ce nous avons fait jusqu'ici. S'il est nécessaire d'augmenter temporairement les impôts il doit être bien clair que la règle qui doit nous guider est la suivante :  90% de réduction de dépenses pour 10% d'augmentation des impôts. Et non pas l'inverse.

C'est dans nos relations extérieures que les réformes à faire progresser par la négociation sont les plus indispensables. La crise n'est pas venue de nulle part et le fait que l'Europe soit la partie du monde la plus touchée nous interpelle particulièrement.

L'Europe a montré ses lacunes. La gestion de la zone euro est problématique. Qui a pris les initiatives pour faire face aux dangers les plus immédiats ? La France.  Des progrès ont été faits dans la douleur. Il faut aller plus loin. Bien plus loin.

 

La zone Euro ne peut plus voir ses membres mener des politiques contradictoires qui creusent les écarts de croissance alors que la monnaie est unique. La convergence ne se fera pas toute seule. Alors il faut des institutions intergouvernementales fortes pour assurer que tout le monde marche d'un pas compatible avec une monnaie unique. Naturellement nous sommes ici dans l'inter-gouvernementalité et pas dans la supranationalité. Il n'appartient pas à la Commission, dont le rôle est de gérer des espaces mutualisés par la norme,  de faire ce travail qui implique une forte responsabilité politique.  La Banque Centrale Européenne ne doit pas non plus avoir comme seul objectif la stabilité des prix mais aussi la compétitivité de la zone et le plein emploi. La déflation n'est pas une solution. Ce sont des changements majeurs qui impliquent fortement l'avenir. L'édifice européen a failli s'écrouler. Il faut agir et vite.

Nous ne pouvons pas non plus accepter un monde où les monnaies font le yoyo au détriment de l'épargne mondiale et des échanges.  Chaque pays doit devenir responsable vis-à-vis des autres de la croissance harmonieuse des échanges. Il faut pour cela des changes fixes mais ajustables et un rôle accru du FMI comme chien de garde des grands équilibres. Le rattrapage de croissance des pays figés trop longtemps dans la misère est une chance aussi bien pour eux que pour le reste du monde. Il doit se faire de façon coordonnée sans déséquilibres permanents et guerres économiques et monétaires.

La France se battra sur ces deux fronts pour faire évoluer les mentalités, les pratiques et les organisations. L'urgence est d'aboutir à un diagnostic partagé, avant que des mécanismes structurels  d'harmonisation soient mis en place.

En cas d'échec l'Europe devra prendre acte de l'impossibilité d'échanges loyaux et constructifs et cesser d'être le ventre mou du monde, qui prend tous les coups sans jamais en rendre un seul.  L'Europe devra prendre des mesures conservatoires fortes tant en matière de droits de douane que de monnaie.

Si nous parvenons à avancer sur tous ces sujets, nous serons un pays plus fort dans une Europe enfin solide et dans un monde plus équilibré. La croissance aura reprise et les entreprises françaises pourront jouer pleinement leur jeu en faveur du pouvoir d'achat, de l'emploi et de la richesse générale.

Si, par malheur, nous revenions en Europe à la politique autiste, passive et suiviste qui a été trop longtemps poursuivie, et en France aux expériences déphasées, laxistes et aventuristes  conduites par démagogie, nous irions vers des dommages irréparables.

En corrigeant les erreurs commises et en engageant résolument les réformes proposées nous sortirons d'affaire et profiterons de la reprise mondiale des affaires qui ne manquera pas de survenir.  La pertinence dans la pensée  et le courage dans les actes ne garantissent pas nécessairement un total succès. Leur absence valent certitude de l'échec".

Ppc Nicolas Sarkozy

M. Hollande peut d'ailleurs faire exactement le même discours, en attribuant simplement les erreurs à son adversaire… 

Il appartient aux candidats à la présidence de la France de parler d'abord de la France et de son bien commun, de sa place dans l'Europe et dans le monde, de ses chances en tant qu'aventure collective. 

Cela serait tout de même plus digne que d'essayer d'acheter des cohortes d'électeurs avec des promesses électorales monétisées, tout en permettant à l'électeur de se défouler sur des boucs émissaires et des minorités.

Un président n'est pas là pour faire des cadeaux à des catégories en prenant l'argent de tous, à des fins purement électoralistes. Il n'et pas là non plus pour vouer aux gémonies des catégories sélectionnées de la population.

Au-delà des deux grands partis, la décrépitude de la politique française se lit clairement partout.

Prenons le programme du Parti Radical de M. Borloo.

"1. Donner une seconde chance aux ménages surendettés"

"2  Soutenir les élèves en difficulté dans le primaire"

"3. Aider les salariés précaires à accéder au logement"

"4. Accueillir des apprentis dans la fonction publique"

"5. Aider les territoires fragiles".

Les intentions sont louables. Mais enfin, c'est un programme pour un sous-secrétaire d'Etat à la population, pas pour un président de la République. On se souvient du programme de Jacques Chirac : "réduire les accidents de la route et lutter contre le cancer". C'était déjà une vision excessivement médiocre du rôle du dirigeant suprême. Jacques Chirac laissera l'impression d'une fin de règne stérile.

On sait bien que ce programme qui "touche la vie quotidienne des Français" selon la phrase imbécile à la mode,  a un but de communication. Il faut que l'image de ce M. Borloo soit gentille et sociale pour que son ralliement au second tour soit utile en terme d'électorat.

Malgré tout quelle médiocrité.

Dans les oppositions marginales, c'est pire encore.

Les pitreries à la Goebbels du sénateur à vie (ou presque) Mélenchon, saisie par une débauche tardive,  enchantent la classe médiatique : quel tribun ! Comme il ose injurier ! Comme il  ment bien ! Comme il sait accabler des boucs émissaires ! Quels beaux coups de menton ! Presqu'aussi fort que Mussolini dans cet exercice, c'est dire..  Comme si la famille le Pen ne suffisait pas.  Voilà l'élection qui entre dans le langage violent (si amusant, au début) et la grossièreté absolue. Voilà les promesses d'exactions.

Ignoble.

Quant à M. Bayrou, l'espoir du catho-fédéralisme européen, et de lui-même, il ne dit rien et il le dit mal.

Quant aux prétendus écologistes, ils sont travaillés par leur européisme fédérolâtre qui nie les problèmes, les tares de leur origine d'extrême gauche sectaire, leurs luttes de clans, et leur proposition de décroissance au moment où justement les peuples voient les conséquences en Grèce et ailleurs d'un recul du PIB. 

Ne parlons pas des autres.

D'un bout à l'autre de l'échiquier politique, cette campagne est jusqu'ci un désastre qui n'ouvre vers aucunes perspectives utiles.

Il reste un mois.

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile

Commentaire
Julien L.'s Gravatar Derrière l'aspect anecdotique, on retrouve une réalité toute simple mais fondamentale : les politiques ayant perdu le pouvoir direct sur la plupart des questions importantes sont obligés de descendre leurs ambition à ras de terre.

Tous les grands leviers leur échappent. Sur les mouvements de biens, de personnes et de capitaux, ils sont impuissants. Ils ne peuvent plus rien faire ni en matière monétaire, ni en matière économique ni en matière fiscale sinon à la hausse. La règlementation et la législation dans la plupart des domaines mutualisés est non seulement dévolu à Bruxelles, mais il leur ait impossible même en se mettant d'accord entre ministres spécialisés d'imposer un acte à un commissaire européen.

A eux les conséquences sur la population des échecs des politiques conçues par d'autres ou imposées par d'autres, ou produit de négociations complexes.

Alors Hollande promet la Lune et le Soleil en même temps en sachant qu'il n'a strictement aucune marge de manoeuvre. L'anti sarkozisme est son seul levier. Alors Sarkozy promet de faire tout ce qu'il n'a jamais été en position de faire, ayant été comme vous dites sur la défensive devant les conséquences de politiques sur lesquelles il ne peut rien. Alors Mélenchon promet une insurrection citoyenne d'autant plus forte qu'il sait en vieux sénateur ronchon qu'il n'a strictement aucune chance de faire quoi que ce soit. Alors Le Pen propose de casser le moule en sachant que c'est aujourd'hui quasiment impossible et certainement pas souhaitable par elle et ses sbires. Alors Bayrou parle de lui plus que son action possible.

Quand on regarde on se trouve un peu comme pendant l'occupation. Le gouvernement n'avait plus droit de regard sur rien. Son rôle : faire la morale aux Français et mettre de la vaseline sur les couleuvres qu'on leur faisait avaler. Et saquer des boucs émissaires pour évacuer la tension sociale. Quand le gouvernement n'a plus aucun pouvoir il donne des conseils sur la "vie quotidienne des Français". Jamais les ministres n'ont parlé autant de cuisine du rutabaga et des méthodes pour faire des chaussures en bois.

La médiocrité évidente que vous avez raison de dénoncer avec tant d'autres, est d'abord le fruit de l'impuissance. Le ni-ni des années 1983-2007 (un quart de siècle tout de même) puis les rodomontades suivies de rien du tout de perceptible de Nicolas Sarkozy, à si peu d'exception près, sont le fruit direct de cette impuissance.

Alors les extrêmes montent à gauche et à droite, alors que les centristes tricotent des programmes indigents. Les partis de gouvernement savent que les vrais pouvoirs sont partis sans l'aisser d'adresse. Alors ils deviennent des "sous secrétariats à la population civile" comme vous dites. Que pourrait-il bien être d'autres ? Et les politiciens en charge sont de la médiocrité correspondante.
# Posté par Julien L. | 29/03/12 10:26
SD's Gravatar Vous avez parfaitement raison. J'ajouterai la dépossession par la décentralisation. Un maire a plus de pouvoir de réalisation qu'un ministre. "L'énarchie compassionnelle", c'est à dire la direction du pays par des hauts fonctionnaires habités par le politiquement correct, n'a pu se développer qu'à partir du moement où le pouvoir réel s'échappait ailleurs. Nous vivons une époque de pensée zéro, d'action souterraine dont les tenants et les aboutissants ne sont pas publics (sans complotisme : c'est un simple état de fait : on parle dans des instances non transparentes, c'est tout) et qui explose à la figure des citoyens sans qu'ils l'aient expressément voulue.

On amuse la galerie avec des élections qui n'ont exactement auxcun sens et qui n'auront aucune espèce d'influence sur le cours des choses. Rajoy en Espagne le voit bien : pour des raisons électorales l'Espagne avait pris quelques libertés avec la crise , le retour de baton a été immédiat. Ce sera pareil avec NS ou FH.

Ne disons pas "élections piège à c...". Affirmons que l'indépendance perdue et la constriction imposée depuis 1973 ont privé la démocratie de l'essentiel de ses fonctions. Désormais on choisit les hommes plus les politiques. Et les hommes en question sont des nains. Pour faire ce qu'il reste à faire, cela suffit bien ....
# Posté par SD | 29/03/12 13:23
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Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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