Une loi d’airain de l’économie française



Lors de l’interview du premier ministre  M. Fillon à RTL,  il y a deux jours, il a indiqué que le taux de prélèvement  avait baissé en France en 2008 en soulignant que la baisse venait principalement de la récession et très accessoirement des baisses d’impôts qu’il avait mises en œuvre.  Naturellement ce discours a une finalité politique : « nos baisses d’impôts n’ont pas généré le déficit ni l’endettement ».  Mais nous le considérons comme juste et bien venu parce qu’il met en lumière une loi fondamentale de l’économie française qui n’est pas assez connue et dont on ne tire jamais les leçons.

Cette loi veut que l’impôt en France soit globalement progressif ce qui explique qu’il croit plus vite que le PIB pendant les phases de croissance et moins vite que le PIB pendant les phases de récession.  

Une loi à graver sur le fronton de l’Assemblée nationale et du Sénat.

DSK, au joli  temps de la cagnotte,  avait nié de façon bien cavalière cette loi fondamentale en disant cette idiotie caractérisée selon la quelle les impôts supplémentaires se dilueraient dans la croissance et qu’on aurait une baisse des  taux de prélèvements. Naturellement la forte croissance mondiale de 1997 à 2000 a provoqué des hausses massives d’impôts qui se sont ajoutées à l’effet du coup de massue fiscal de M. Alain Juppé et des augmentations d’impôts parfaitement inutiles imposées par le gouvernement Jospin à l’initiative de M. Strauss-Kahn.  L’affaire de la cagnotte fera beaucoup de mal au gouvernement.

 Il est donc bon pour un homme politique de dire la vérité.  M. Fillon l’a fait.

La loi étant bien établie dans un sens comme dans l’autre par les expériences  du boom de 1997-2000 et la récession en cours, il importe d’en tirer la leçon, ce que naturellement personne ne fait, ni du côté de l’Administration, ni du côté du personnel politique, ni du côté des médias, encore moins du côté des économistes officiels ou de ceux des experts  qui côtoient les allées du pouvoir.

Leçon  numéro 1 : la croissance de longue durée provoque ipso facto un accroissement naturel du taux de prélèvement.  Depuis la guerre de 40 il n’y a eu que quelques rares années de récession noyées dans des dizaines d’années de croissance.  Le résultat a été une hausse perpétuelle  du taux de prélèvement. Faut-il qu’un dispositif de « justice fiscale » serve à donner à l’Etat de façon invisible une part croissante des ressources produites ?   Qui parle d’un mécanisme automatique pour effacer cet effet ?  De même qu’on considère normal de ne pas tenir compte de l’inflation pour augmenter les impôts, il devrait être tout à fait admis qu’on ne tient pas compte de la progressivité du système pour privilégier les ressources de l’Etat.  L’INSEE devrait mesurer chaque année l’effet global de sur-taxation du à la progressivité de l’impôt  et le gouvernement devrait le restituer aux Français, ou au moins le mettre de côté pour faire face aux phases de récession.   Ce mécanisme devrait être institutionnel et même constitutionnalisé. Sinon cela veut dire que la République accepte de privilégier indéfiniment et structurellement  l’Etat dans ses rapports avec les citoyens.  Bien la peine d’avoir fait la Révolution.

Si vous avez entendu parler de ce débat sur les média ou dans les discours politiques, vous avez gagné le premier grand prix de l’ouïe  fine !

Leçon  n° 2 : les dépenses publiques n’étant pas soumises  à la même variation cyclique, il faut limiter la hausse des dépenses en phase de croissance rapide  et éviter qu’elles ne baissent pendant les récessions.  Depuis quarante ans nous faisons l’inverse : tout le surcroît de recettes permis par la croissance est immédiatement dépensé  en général en rajoutant de la dette par-dessus le marché ; en cas de crise un cliquet à la baisse sur les dépenses se met bien en place (comment faire autrement) mais on aggrave les impôts pour payer le trou de recettes de la récession, comme par exemple sous les gouvernements  Barre,  Mauroy, Juppé, avec un petit coup de pouce sur la dette en prime comme d’habitude.

La mauvaise gestion du  cycle économique conduit  à une aggravation de la situation et à une double poussée conjointe de la pression fiscale et de l’endettement.

A cela s’ajoute la dérive permanente des dépenses des collectivités locales.  La gabegie honteuse d’un Delanoë à Paris, qui dépasse tout ce qu’on peut imaginer, en est une bonne illustration.  Ce monsieur a bénéficié de la bulle immobilière pour engranger des sommes colossales en supplément du trend normal de la croissance longue.  Il les a entièrement dépensées, en général pour des sottises et pour satisfaire des groupes clientélistes, aboutissant à faire passer les effectifs de la Mairie de Paris de 40.000 (ce qui faisait déjà rire les cyniques) à près de 50.000. Lorsque la bulle a éclaté il a massivement augmenté les impôts soit par hausse démente des taux (taxe foncière)  soit par création de taxe.  Naturellement on a ajouté l’abjection du  mensonge à celle de la gabegie.  La brochure envoyée aux frais  Parisiens, à leurs frais,  pour chanter les mérites de la municipalité ne dit pas un mot des …dépenses.  On ne fait que la comparaison avec les autres villes de France : Paris a des taux plus faible donc c’est une ville de privilégiés. On peut frapper.  Bien évidemment on n’insiste pas sur le fait que les prix de l’immobilier  n’ont pas tellement de rapport avec les villes en question et que le surcroit de richesse des parisiens leur fait payer globalement des masses d’impôts sans comparaison.

On est ici dans la malhonnêteté politique caricaturale.  Elle est parfaitement acceptée. Le mensonge politique en matière de fiscalité est tout à fait normal en France et les manipulations de l’opinion sont constantes. On en trouvera la preuve dans une sortie étrange de la présentatrice  blondinette du journal de TF1 qui tout à coup, sans aucune raison d’actualité, sans transition, éructe deux phrases : la hausse des impôts à Paris n’est pas celle qu’on a dite ; les taux sont les plus bas de France. Cela venait comme un cheveu sur la soupe.   Il est vrai que ce perroquet ridicule est classée journaliste et qu’elle bénéficie ainsi de niches fiscales très privilégiées.  Une rédaction de droite  qui tient le maximum d’audience  télévisée cautionne ainsi  le maire de gauche  le plus catastrophique et le plus cynique que la Capitale ait jamais eu.   Ici et maintenant !
 
Le principe correct de finance publique devrait être d’aligner les dépenses sur la croissance  avec un taux de hausse aussi proche que possible du trend.  On gommerait ainsi les effets  pervers signalés.  Cela n’a jamais été fait depuis 1945 !  La France est glorieusement parvenue à se glisser dans le top 3 des pays où les prélèvements sont les plus forts tout en accumulant les déficits de tout genre (balance commerciale, budget, endettement).  

Tout en quittant le peloton de tête des pays en croissance.  La bêtise a son prix.  Nous sommes en tête pour le chômage des jeunes, des femmes, des vieux, des immigrés, en un mot des faibles  entrant sur le marché du travail.  Nos administrations sont presque toutes en grave difficulté, voire pour certaines effondrées.  La sécurité sociale est en faillite.

Si la France, une fois de plus, augmente les impôts au sortir de la crise actuelle, pour pouvoir  pérenniser le niveau de dépenses publiques  intolérable atteint,  elle sortira de l’histoire.

Il vaudrait peut être mieux comprendre et  tirer définitivement  les enseignements de la loi d’airain  dont on parle.  Elle est au cœur de l’avenir de la Nation.  Et elle s’impose à tous les partis.

Didier Dufau pour le cercle des économistes E-toile.

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