Retour de l’ambiance des années trente ?
Comme dans les années trente, on voit se tendre les conflits et s’abaisser les âmes. Entre la dévaluation anglaise de 1932 qui fit entrer le reste de l’Europe continentale dans la vraie crise et la défaite française militaire quasi instantanée de mai 1940, on a vu se développer le même phénomène. Le chaos dans les esprits a suivi le chaos dans l’économie et les tensions entre les Etats. L’idée de politiques associatives ou coopératives en interne comme dans les relations internationales s’est évanouie. Le sentiment que la douceur démocratique ne permettait plus de dénouer les nœuds gordiens s’est imposé. La dénonciation, la rancœur, la recherche de boucs émissaires sont devenus les expressions dominantes.
Les vaticinations des Etats-Unis depuis Obama et surtout Trump, déclinent un « nous d’abord » qui met fin à l’esprit rooseveltien. Le Brexit en rajoute. Les deux remettent en lumière le conflit entre les « continentalistes » européens et les « mondialistes » anglo-saxons. Avec le Coréen Kim on retrouve le guignol menaçant et gémissant qu’était Adolf Hitler. La Chine devient une dictature capitaliste d’état avec des tendances militaires et impériales affirmées. Le Japon a peur et parle armement atomique. Les tensions entre Inde et Pakistan sont tendues. L’ONU est devenue un « machin » sans importance et un peu méprisé. Ne parlons pas de l’OMC et du FMI, deux institutions en crise de vocation profonde, l’une du fait de la mise en cause du libre-échange et des déséquilibres monstrueux de balances de paiements, l’autre du fait des changes flottants qui le privent de son rôle statutaire (gérer les changes fixes).
Oui nous avons bien une forme de chaos dans l’économie où les causes profondes de la crise qui englue les économies depuis 1971 n’a toujours pas fait l’objet d’un diagnostic sérieux reconnu internationalement, ni de solutions appropriées. On voit bien avec l’affaire des banques lettones que tout ce qu’on nous a dit sur les bienfaits de la supervision centralisée à la BCE n’avait pas l’importance affirmée. La baisse soudaine des bourses de valeur a atteint près de 10% en deux jours. Cela tangue toujours malgré la reprise conjoncturelle qui est très en retard par rapport aux évolutions du cycle antérieures.
Oui nous avons bien un nouveau chaos dans les relations internationales entre Etats. Il ne s’agit plus de conflits statiques. Ce qui se passe au Moyen Orient peut dégénérer à tout instant. Ce qui frappe, c’est qu’absolument tous les belligérants sont en tort vis-à-vis des principes et des chartes mises en place après la seconde guerre mondiale.
Et nous voyons bien arriver le même chaos dans les âmes. On le voit, à droite, où une fraction importante de l’opinion ne ressent plus aucune honte dans sa majorité à exiger la fin de la « colonisation africaine » de l’Europe, en refusant qu’on parle de xénophobie et de racisme, au motif de sauvegarder une identité européenne malmenée et de conjurer un risque de guerre civile avec un islam violent, irrédentiste et suprématiste. On le voit surtout à gauche où tous les freins ont lâché avec la défaite radicale du PS et le risque de totale marginalisation. Nous avons déjà donné l’exemple effarant de Mediapart qui témoignait que le trotskisme délirant d’Edwy Plenel peut l’emmener sur les chemins d’un racisme social de dimension hitlérienne autant que stalinienne.
Maintenant c’est le Monde qui reprend les délires usuels du Monde Diplomatique et se coule dans la violence d’un racisme social assumé. Que l’on veuille bien prendre en main l’exemplaire du jeudi 22 Février 2018. En première page un titre alléchant : « Comment les classes aisées ont rompu avec le reste du pays ». Salauds de riches, les voilà qui lâchent les braves Français ! A l’intérieur, une page entière avec comme titre : « la sécession des citoyens les plus aisés ». Comme on a la honte au bord des lèvres, on met le mot sécession entre parenthèses, ultime hommage du vice à la vertu. La conclusion suggérée : ces salauds de riches sont en train de casser la démocratie et détruisent la nation.
Le plus drôle est qu’il s’agit simplement d’une insinuation du titre. Car le titre ne correspond pas au contenu de la page entière consacrée à ce thème, qui va souvent à l’inverse de ce qu’il suggère : c’est là où il y a des riches que la mixité urbaine est la meilleure ! Et le journal admet que l’étude de la très socialiste fondation socialiste Jean-Jaurès propose des conclusions « un brin provocatrices », et « discutables, faute de preuves suffisamment tangibles ».
Suggérer que ce sont « les Riches » qui tiennent le pouvoir et qui ont décidé, dans un grand élan d’égoïsme intéressé et sordide, de se couper de la nation ; Les dénoncer comme classe désireuse de démolir volontairement la démocratie du pays, est tellement contraire à la vérité, tellement haineux dans son principe même, tellement abject dans son inspiration, qu’on ne peut trouver qu’un seul exemple équivalent de rancœur officielle contre une classe désignée à la vindicte publique dans l’histoire : la dénonciation des Koulaks par Staline et tout le camp socialiste. Elle sera suivie par leur extermination (10 millions de morts tout de même dont le quart en Ukraine, poussant l’affaire aux limites du génocide).
Car cette accusation majeure ne peut déboucher que sur des mesures fortes contre cette classe honnie qui trahit la nation. Mais là on reste silencieux au Monde. Faire chauffer la haine d’accord : préciser où cela mène, prudence. Le génocide Juif avait pourtant servie cruellement cette leçon que l’incitation à la haine pouvait mener à des actes atroces.
La caution du Monde vont permettre à toutes les bouches à feu du socialisme bien-pensant de rabâcher que les « riches » tuent la nation et qu’il va bien falloir faire quelque chose contre ces lâcheurs. N’oublions pas que Macron est présenté comme le « Président des riches », comme le fut Sarkozy et qu’un procès en illégitimité démocratique est conduit contre lui par la gauche extrémiste. Wauquier subit à son tour « la jurisprudence Fillon » : un conchiage en règle, minutieux, inlassable, coordonné et sans appel. Il suffit de voir son « interview » récente par Ruth Elkrief sur BFM TV pour constater à quel niveau se situe désormais le rôle des « journalistes » d’opinion. Lea Salamé avait déjà montré l’exemple. Ce sont des juges, des commissaires politiques, des destructeurs d’image, des relais des arguments politiques supposés « de gauche » les plus bas et les plus médiocres, pas des journalistes. Et tout cela toujours au profit des mêmes intérêts et des mêmes mouvances.
La gauche, se faisant, s’abaisse au niveau de tous les partis qui cherchent des avantages idéologiques et politiques en dressant des piloris et en injuriant des boucs émissaires. Les organes de presse de gauche qui s’y livrent y perdent leur honorabilité.
Le septennat Giscard a été tout entier un septennat fiscal qui a fait monter les prélèvements sur les classes aisées à un niveau intolérable. En même temps toutes les exactions possibles contre « les riches » sont devenues possibles. Le squat a cessé d’être poursuivi sérieusement. Les juges ont commencé à publier des livres disant leur mépris pour la clémence qu’ils avaient pu constater contre les crimes de « la haute ». L’affaire Lip a mobilisé tout ce que la première et aussi la deuxième gauche et une partie du patronat prétendu social, liguées avec les dénonciateurs gauchistes les plus extrêmes, pour dénoncer un homme, Lip, abaissé, humilié et fustigé par tous les moyens possibles sur le plus maoïste des piloris. Mme Mao était battue à plates coutures par nos maoïstes français dans cet exercice habituel chez elle surtout lorsqu’elle avait constaté une des innombrables calembredaines du « porc » Mao (alimenté en chair fraîche blonde par un maoïste français spécialisé). Ensuite les juges rouges ont mis en place leur doctrine justicialiste pour affirmer qu’ils se mettraient toujours du côté du faible quelque soit la responsabilité du faible. Cela a été suivi par une épidémie de mises en prisons de cadres d’entreprise pour des motifs divers et souvent alors qu’ils n’étaient strictement pour rien dans les faits pour lesquels on les a incriminés. L’arrivée de Mitterrand a aggravé les choses en mettant carrément la justice au service des syndicats et des associations de gauche contre les « riches infâmes ».
Impôt « symbolique », l’ISF a été créé explicitement comme stigmatisant les riches. Certains ont parlé d’étoile jaune. Bien sûr l’extermination des Juifs par Hitler est d’une autre gravité qu’une spoliation fiscale, mais la volonté de stigmatisation était bien là. La kalachnikov fiscale a été déployée avec énergie, faisant fuir une première génération de réprouvés.
Paradoxalement, l’ouverture financière et la création d’une économie baudruche a été conduit entièrement par des socialistes, pas par « les riches ». La création d’une union Européenne qui met en danger les classes populaires a été organisée par Mitterrand, pas par « les riches ». Jospin a étouffé l’entreprise et lui a fait perdre sa compétitivité. Où est l’action des « salauds de riches » dans cette décision qui a provoqué l’effondrement des comptes extérieurs et une belle poussée du chômage après l’épuisement des effets d’aubaine. Les deux premières années de présidence Hollande se sont traduit par un déchaînement fiscal centré sur le « riche infect » et l’organisation d’attaques ad hominem contre des personnalités de droite et des entrepreneurs en vue, directement à partir du bureau présidentiel, ce qui ne s’était jamais vu. Les campagnes contre Bernard Arnaud ou contre Depardieu ont été ignobles, concertées, menées sans vergogne par des ministres, y compris le premier, et évidemment de nombreux journalistes complices.
Le capital a été tellement taxé par François Hollande qu’il n’était plus possible d’investir en France. Les impôts ont dépassé les 100% dans un nombre significatif de cas. Et on vient nous dire que les victimes de ce déferlement de haine et d’exaction fiscale ciblée sont la cause de la dissolution de la nation ? Comme Staline disait que les Koulaks massacrés étaient non seulement la cause de leurs malheurs mais aussi des difficultés qui ont suivi.
La mondialisation heureuse a été le leitmotiv de l’énarchie à dominante de gauche (Minc, Attali, Rocard, Moscovici, Guigou, Jospin…) soutenue par des personnalités comme Delors et la gauche catholique façon Julliard, ou des politiciens comme DSK.
La politique d’ouverture totale à l’immigration n’a pas été exigée par « les riches » (quand ? qui ?) mais largement par la gauche au nom des droits de l’homme. C’est elle, après un premier effort de Giscard, qui a mis le prolétaire français en concurrence directe avec l’immigré de première et de seconde génération. La fracture territoriale est plus le fait de la désertification des campagnes et de la perte de compétitivité des entreprises françaises que d’une politique volontariste « des riches » dont on ne voit véritablement où serait l’intérêt. Des dizaines de milliers d’entreprises ont fait faillite dans les 15 dernières années. Quels masos ces riches !
Alors oui, beaucoup de familles en ayant les moyens ont mis leurs enfants à l’école privée, comme la grande majorité… des dirigeants socialistes. Cela tient plus à l’effondrement de l’enseignement public qu’à une volonté de ségrégation. Alors oui, beaucoup de Français ont fui la France pour des raisons fiscales mais aussi parce que ce n’était plus là que cela se passait et que l’ambiance y était insupportable. Ce ne sont même pas majoritairement des riches qui sont partis. Souvent des jeunes qualifiés qui ne veulent pas rater leur vie, des retraités qui ont compris qu’on les traitait de privilégiés et qui ont essayé de sauver les meubles, des créateurs d’entreprise qui n’ont pas aimé l’écosystème énarchique mâtinée de dégueulis gauchiste où les mesures de soutien annoncées, comme la défiscalisation de la recherche, se traduit par des redressements démentiels parce que le Trésor a ses propres définitions de ce qu’est la recherche.
Comment nier que M. Mélenchon est follement attrayant ; que Mme Hidalgo, la fameuse reine des rats, a bien raison de transformer Paris en piège fiscal et de pourrir par tout moyen la vie de ses administrés ; que M. Hamon montre un chemin rayonnant vers l’avenir radieux ; que la multiplication des mendiants ROM dans toutes les grandes villes de France n’est pas un progrès de la civilisation, que les attentats musulmans ne sont pas un exemple merveilleux de progrès de la nation. Comment oser croire que nos grèves, nos manifs, nos déficits, notre recul du niveau de vie par tête, notre SNCF toujours en panne, symbolique d’un pays où « rien ne marche », plus personne, apparemment, ne sachant travailler, notre effondrement dans tous les classements, et dans tous les domaines, ne sont pas délicieux.
Si certains ne voient pas tout cela, c’est qu’ils sont riches, peut-être même retraités (le fond de cuve ranci de la manif du Trocadéro, selon les médias et M. Fourquet), et qu’ils n’hésitent pas à défaire notre démocratie. Mais on va s’occuper d’eux, ces vils égoïstes qui sont la cause de tous nos malheurs.
Voilà où en est le journal Le Monde, pas loin de « Je suis partout » (il suffit de remplacer le mot riche par juif). Hélas ! Hélas ! Hélas ! C’est un retour vers les années trente dont on se passerait bien. Pour ceux qui comme l’auteur de ces lignes, ont toujours eu de l’amitié pour ce journal, c’est une désolation.
Une hypothèse serait que l’article soit une vengeance larvée de la rédaction contre ses deux « riches » propriétaires ? Là, cela deviendrait drôle.
Malheureusement, on peut craindre que l’affaissement de ce journal soit un symptôme de plus du retour à l’ambiance des années trente.