David Ricardo avait raison. Ecoutons le !

En économie comme ailleurs il faut toujours lire les grands auteurs. Même si les conditions économiques du moment sont très différentes de celles qui prévalaient lorsqu'ils les observaient, il est bien rare que certaines de leurs observations majeures n'aient pas une pertinence pour notre temps.


Ainsi David Ricardo,  l'économiste anglais qui est à l'origine de la pensée classique avec Adam Smith et Jean-Baptiste Say. C'est un homme qui s'est colleté avec les questions monétaires (bien qu'en général on considère que les classiques tenaient la monnaie pour un voile sans grande importance). A l'époque le billet était l'innovation principale. C'était ce qu'on appellerait aujourd'hui un "produit dérivé" dont la maîtrise sollicitait déjà la sagacité  des économistes.


Que dit Ricardo ? D'abord que la monnaie papier doit être émis par l'Etat par le moyen d'un organisme spécialisé et non pas par les banques.  Il le démontre d'une façon limpide et irréfutable.  Autant pour ceux qui bataillent encore pour la création d'une monnaie privée.


Il va plus loin en s'interrogeant sur les conditions de la création de cette monnaie.   Et très vite il montre que les dérèglement dans l'émission aurait des conséquences fort désagréables comme  l'inflation (tout le monde connait la thérorie quantitative de la monnaie) mais aussi le grossissement de la dette qui pour lui est annonciateur d'une hausse des impôts.  On est en plein dans l'actualité !


Il ne croit pas du tout à une émission libre, même alignée sur l'inflation.  Il pense qu'il faut équilibrer la création monétaire par de puissants contrebalanciers.  La convertibilité en Or est, à son époque, le contrebalancier naturel.  A partir du moment où cette convertibilité existe les erreurs des émetteurs de monnaie n'ont guère d'importance car des réactions vont avoir lieu pour rééquilibrer le cours des choses.


Ce que nous avons fait en 1971 et systèmatisé en 1973, c'est supprimer le contrebalancier, en laissant les monnaies administratives s'échanger librement sur les marchés.  Ce que Ricardo a démontré c'est qu'un tel système ne peut pas marcher. Et en vérité il ne marche pas.   


Si on ne veut pas une contrainte de convertibilité en or il faut une autre forme de contrainte.  Ce peut être une contrainte de convertibilité en un unité monétaire composite comme le Bancor de Keynes  ou pour nous le Mondio.  Mais il faut cette contrainte.


Avoir cru avec Milton Friedman que les grands classiques comme Ricardo avaient tort est hautement dommageable. Rien de ce qu'a écrit Milton Friedman ne s'est réalisé : au contraire tout s'est passé à l'inverse de ses prévisions. En revanche les défauts étudiés par Ricardo  se sont déployés à leur aise.


La sagesse des économistes est de rappeler au gouvernement qu'ils ont une responsabilité monétaire et qu'ils doivent l'exercer sous contrainte.  Leur avoir fait croire que l'émission de monnaie se règlerait toute seule  grâce à la sagesse de quelques commis les yeux fixés sur l'inflation et incapables de stabiliser la valeur de leur devise sur les marchés mondiaux est la plus monstrueuse des erreurs.


Non il ne faut pas avoir peur des monnaies administratives. En matière monétaire on ne revient jamais en arrière. Mais il faut les gérer avec des contrepoids solides.  Les changes flottants ne fonctionnent pas. Ils ne peuvent pas fonctionner. Ils ne fonctionneront jamais durablement  à la satisfaction générale.  Ce ne sont pas des contrepoids mais au contraire des accélérateurs de déséquilibres.

La question n'est pas si M. Trichet ou M. Bernanke sont des gens bien. Ce sont des gens bien. Mais ils jouent leur rôle dans un système déficient. Le reproche qu'ont doit leur faire est de ne pas le dire.

Des banques d'émission sans contrainte sur la valeur d'échange de la monnaie qu'elles gèrent ne sont que ruine de l'économie, même si elles ont les yeux rivés sur l'inflation.  C'est la leçon de la crise actuelle. Mais il aurait suffit de lire Ricardo pour l'apprendre sans ruiner la planète.

Que la parole des classiques soit écoutée si on n'accorde aucun crédit à la nôtre.

Commentaire
Dutrieux Philippe's Gravatar Que peuvent les paroles des classiques et bien humblement les nôtres contre les intérêts du pays le plus puissant du monde?... Malheureusement pas grand chose...
# Posté par Dutrieux Philippe | 02/08/10 17:51
Lewis Holden's Gravatar Mais justement : est-ce réellement son intérêt ? La reprise aux Etats-Unis est anémique. L'ancien système qui évitait aux américains d'épargner est par terre. Le chômage est au plus haut. les foreclosures continuent.

Certes de dollar rebaisse.

Mais on voit bien que les capitaux sont désorientés et les flux commerciaux en pleine transformation.

L'investissement est atone.

Les déficits budgétaires sont devenus incontrôlables. Et on voit s'élever des demandes de relance pour éviter un double dip.

Les Etats commencent à douter un peu. Ils pensaient que leur force et leur dynamisme permettraient de surmonter l'affaire. Mais les courbes de reprises sont les plus basses depuis la guerre.

Et ils n'ont plus personnes à qui "refiler le bébé".

Si le dollar baisse trop les réactions en chaîne vont commencer.

Il est intéressant de constater que pour la première fois les deux flux, le financier et le commercial, sont atones et sans direction. Les Etats-Unis sont désormais tributaires des autres et ne savent plus trop comment se placer sachant que créer de la dette en tentant de la placer aux autres est un exercice périlleux qui tire à sa fin.

Les dernières statistiques montrent que la crise a été plus profonde que les estimations l'avaient suggéré. La peur d'une situation à la Japonaise est là : 10 ans de perdu cela n'intéresse personne.

Les économistes américains n'ont pas encore pris conscience que le problème bancaire était un dérivé du problème de la dette et du système monétaire international. Mais cela vient doucement.

Plus personne ne croit que les Etats Unis doivent devenir une super Islande dont la production serait complétement externalisée et qui vivrait de son rôle de poumon financier dans un système de pure spéculation. Un super Londres est désormais hors des radars.

Le focus revient sur la production et sur les échanges réels. Il n'est pas sûr que les Etats Unis ne bénéficieraient pas plus d'un monde où chaque pays serait comptable de la valeur extérieure de sa monnaie vis à vis des autres et où la bataille serait sur les produits et non sur les spéculations financières et monétaires.

Il faut juste qu'ils s'habituent à ne plus raisonner en dollar roi et en superpuissance à statut spécial. Et qu'ils s'allient avec les Européens et les Russes pour équilibrer la Chine et l'Inde.

Pas sûr qu'Obama soit le meilleur pour mener cette politique. Mais il faudra y venir tôt ou tard.

Et c'est à l'Europe de montrer le chemin. Une Europe que ne serait pas hyper-socialisante, bureaucratique, vieillissante, malthusienne est nécessaire au salut des Etats Unis...

Qu'elle prenne donc la parole !

LH
# Posté par Lewis Holden | 09/08/10 21:46
Dutrieux Philippe's Gravatar Quand je disais : intérêts du pays le plus puissant du monde, j'entendais surtout intérêts de la finance la plus puissante du monde, ce qui, il faut bien l'admettre, est la même chose...quand à ce que devrai être l'Europe, je suis absolument d'accord avec vous.
# Posté par Dutrieux Philippe | 19/08/10 17:16
Le blog du cercle des économistes e-toile

Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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