L'oeuf, la poule, la crise et les droits de l'homme
"Du jamais-vu. Biscuitiers, pâtissiers, fabricants de pâtes alimentaires et industriels de la panification sont confrontés à une pénurie d'œufs en Europe. La situation va continuer de s'aggraver, pour atteindre un déficit de 20% en juin, selon le Comité européen de gestion des produits avicoles".
«Malgré les difficultés rencontrées par de nombreux éleveurs pour s'y conformer, la Commission européenne ne tolère aucun assouplissement quant à l'obligation depuis le début de 2012 de mise aux normes des cages des poules pondeuses », regrette la Coordination rurale (CR) dans un communiqué diffusé mardi. Le syndicat « dénonce l'irresponsabilité de cet entêtement, qui conduit aujourd'hui à une pénurie d'œufs en Europe sous prétexte de mieux-être de nos poules européennes».
"La mise aux normes européennes «bien-être» des cages de poules a provoqué une crise de pénurie et logiquement une flambée des prix dans la filière œufs. En raison du coût des investissements, une partie des éleveurs a préféré jeter l'éponge. D'autres ont pris du retard et certains ont opté pour la retraite un peu plus tôt que prévu."
«Il manque 10 % de la production. Le pire est à prévoir au mois d'avril et je ne pense pas que la situation redeviendra normale avant octobre-novembre», commentait, début mars, Alain Le Pimpec, le dirigeant de la casserie d'œufs, Atlantic Ovo. Ses estimations se sont révélées exactes : son entreprise de Kernascléden (56) a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce. Selon le Syndicat national des industriels et professionnels de l'œuf (Snipo), Atlantic Novo traite 200 millions d'œufs par an pour un chiffre d'affaires de 12 M€. Entre 35 et 40 personnes travaillent dans cette société du centre-Bretagne.
La crise est européenne. La première casserie espagnole est en liquidation et deux casseries allemandes en redressement."
"Le Copa-Cogeca attire également l'attention de la Commission, du Parlement européen et des gouvernements de l'UE sur la cherté des aliments, qui représentent plus de 60 % du coût de production d'une volaille. Pour passer cette période difficile, l'industrie demande des mesures exceptionnelles, le temps que le marché retrouve son équilibre".
"Les organisations agricoles et coopératives européennes (Copa-Cogeca) ont averti, le 16 mars 2012 dans un communiqué, que la pénurie actuelle d'œufs dans l'UE accroît le risque d'importations en provenance de pays tiers qui ne respectent pas les nouvelles normes européennes de bien-être des poules pondeuses".
« Alors que 20% des besoins de l'UE ne peuvent plus être satisfaits à ce jour, la Commission évoque la possibilité de recours à des importations de pays tiers (Etats-Unis, Mexique, Turquie), mais relativise en précisant avec légèreté qu'il s'agit « sans doute d'une tendance de court terme, pour répondre à la pénurie sur le marché, plutôt que d'un changement permanent ». Ainsi, les consommateurs devront donc consommer des œufs produits avec des normes de bien-être animal et sanitaires bien inférieures à celles qui étaient jusqu'alors pratiquées en Europe ! Est-ce cohérent ?», interroge la CR.
"Alors que les éleveurs européens ont investi plus de 5 milliards d'euros dans la mise aux normes de leurs installations et que l'UE bannit la production de ceux d'entre eux qui ne l'ont pas fait, il est absurde de ne pas appliquer les mêmes standards de production aux importations".
"Tous les opérateurs sont exposés au manque de production et subissent de plein fouet la hausse de prix de matière première. On pourrait assister à des défauts de paiement ou à des ruptures de livraisons. Les entreprises qui exportent sur les pays tiers sont les plus touchées car elles subissent une concurrence déloyale". .
On pourrait ainsi continuer les citations de la presse de ces dernières semaines. Toute l'industrie agroalimentaire basée sur la transformation des œufs est en difficulté. En France, la pénurie a déjà coûté plus de mille emplois. Et plusieurs règlements judiciaires s'annoncent après déjà trois ou quatre faillites.
L'affaire est tellement représentative de l'esprit du temps qu'elle en devient exemplaire. Pendant la campagne, tous les candidats la main sur le cœur ont crié "l'emploi, l'emploi, l'emploi". Entre celui qui voulait aller chercher l'emploi avec les dents et l'autre qui voulait le financer avec l'argent des autres, c'est à qui irait le plus loin dans la surenchère.
On a même un Ministre du redressement productif, accordé à un "bavard" professionnel qu'il importait de neutraliser avec un maroquin. C'est dire l'importance du sujet.
Qui parle du redressement de la production d'œufs, protéine peu coûteuse pour temps de crise et de l'emploi des éleveurs ? Parions qu'on ne fera pas du redressement productif au cul des poules !
Et comment le pourrait-on puisque le sujet est hors de portée du gouvernement national.
Nos casseries sont à la casse du fait des tracasseries de la Commission de Bruxelles.
Monsieur "moi président", le très honorable Hollande, n'a rien à en dire, rien à en faire. Ce n'est plus son boulot.
Ah qu'elle était belle cette initiative qui a poussé au vote unanime de la reconnaissance des droits de la poule. Pendant tout le temps où on discutait de la nouvelle "constitution européenne", les thuriféraires de la chose n'arrêtaient pas de bassiner l'électeur avec la "subsidiarité". L'Europe, c'est pour les choses cruciales disaient-ils. Pas pour les détails auxquels la dimension européenne n'apporte rien.
Nous vivons des temps où la compassion exige la multiplication des "droits à". Pour avoir des "droits de" il fallait une conscience et une autonomie d'action. Pour les "droits à", la volonté du sujet de la législation n'est pas nécessaire. Alors on a inventé les "droit à" des animaux, à l'image des "droits à" des hommes. Nous avons depuis 48 une charte internationale pour la prévention et la sanction des génocides. Pourquoi n'aurions pas une charte des droits des animaux et une charte de la poule pondeuse ?
Quelques philosophes, sans doute ringards, se tuent à répéter qu'il faut hiérarchiser. Mais dans notre relativisme général, la poule vaut bien l'homme. L'examen des questions au gouvernement pendant les années 2000 sur cette question grave des droits de la poule pondeuse à 25 cm2 de plus dans sa cage, montre qu'il n'a pas manqué un parti pour "exiger" du gouvernement qu'il montre dans cette affaire toute sa diligence à faire passer dans les actes internes la merveilleuse directive de 1999.
Ah ! Quelle est belle, qu'elle est généreuse, la voix émue de l'élu(e) prenant la pose à la tribune devant un hémicycle vide pour crier ses exigences, son impatience, sa vertueuse indignation; devant les retards mis à satisfaire la poule pondeuse !
"La puissance de l'homme sur la poule lui commande des devoirs. C'est à la manière dont on traite la poule qu'on mesure le degré d'humanité d'une nation, d'un état, d'un régime. Voici venu le temps des droits de la poule et du citoyen ". Voici venu le temps des Déroulède volaillers !
Le plus comique dans l'affaire est de voir la Bretagne, anciennement MRP et convertie désormais au socialisme européiste de rosaires et de rosières, frappée la première (mais hélas pas la seule) par l'effondrement de la filière. Le pays de l'or jaune rie jaune, à la grande joie mauvaise des Verts. La madeleine est à un carrefour, en croix et en pleurs.
Quelle serait touchante l'amicale claque du député "farouchement mobilisé pour l'emploi" sur le dos du patron ruiné et l'épaule de ses salariés au chômage et émouvant son discours : "Grâce à nous les poules ont Poule emploi, une jolie norme que nous avons voté à l'unanimité et qui prouve notre souci humanitaire. Elles auront désormais 25cm2 sous les pattes dans les cages agréées. Et vous vous aurez Pôle emploi et 25 cts de l'heure au RSA pour ranger les cages déclassées. Ne dites pas qu'on ne fait rien pour un monde meilleur".
Oh ! La normalisation de la cage n'a pas été une mince affaire. Il fallait au moins trente énarques, une centaine de spécialistes des 2x pays, et quelques Mamamouchi d'importance pour en valider les contours.
-"Mon cher je crois que l'orientation du cul des poules dans cette cage n'est pas absolument optimale"
-"Ma chère, votre sens des droits de l'homme est au plus haut. Comme vous avez raison. Le cul de poule c'est farouchement tendance pour un œuf constitutionnel et garanti par la charte".
- "Mon cher, vous parlez d'or mais je me demande si votre bouche ne commence pas, elle aussi, à prendre un drôle d'air."
- "Ma chère, me prendriez-vous pour Balladur ? "
Bref, alors que la crise la plus grave depuis 1929 frappe la France, l'Europe, le Monde, nous, nous cherchons la gloire dans l'affirmation rigoureuse et impitoyable des droits "humains" de la poule pondeuse, au prix du chômage de milliers de personnes dans l'Europe, d'une aggravation de la fiscalité, de la ruine de familles d'entrepreneurs, de l'inflation des prix à la consommation et de déficits extérieurs aggravés.
20% des poules pondeuses ont été abattues en Europe, le plus beau massacre de poules depuis le début du marché commun.
Sûrement en totale conformité avec la charte européenne de l'abattage des gallinacées.
Quelle belle âme européenne nous avons !
Miam ! Miam ! (en toute subsidiarité).
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |