Contradictions

Il faut le dire. Pour un non spécialiste, écouter ou lire les économistes officiels a de quoi laisser perplexe.  Non seulement ils se contredisent en permanence, surtout sur les chaînes télévisées, laissant entendre que la science économique n’existe pas, mais lorsqu’ils sont d’accord, la contradiction règne en maîtresse exigeante au sein même de leurs propos.

Prenons cet exemple.

Pas un de ces économistes professionnels pour nier que l’Europe est en difficulté à cause de la montée des pays pauvres devenus des tigres économiques. La Chine et ses centaines de millions d’esclaves pas chers, pas chers, représentent un danger mortel pour nos emplois et notre prospérité. Ne parlons pas du Brésil ni même de l’Afrique qui est désormais « bien partie ».

Parlent-ils de l’Europe et voilà que le schéma s’inverse : l’Allemagne est puissante et va tout manger, car le renard a toujours l’avantage sur le tendre poulet dans le poulailler européen.  

Il faudrait se décider : ou le fort est toujours le plus fort dans le libre échange ou le faible a l’avantage de compétitivité sur le fort, mais on ne peut pas énoncer ces deux « règles » en même temps.  

A moins qu’il y ait deux sphères économiques avec deux jeux de lois économiques différentes selon qu’on se trouve dans la zone Euro ou au dehors. 

Comme cette assertion est un peu difficile à avaler, la contradiction montre l’espèce de déchéance intellectuelle qui a frappé le petit monde des économistes universitaires ou professionnels, déchéance qui est confirmée par la nécessité pour ces malheureux de se grouper car la force de leur raisonnement est si faible qu’il faut toujours l’étayer soit en se cachant derrière des titres et des fonctions,  soit en se groupant à quarante ou à cent quarante.     La posture et l’engagement  ont remplacé la rationalité de la science. On affirme absolument n’importe quoi ; on ne voit rien ; on ne comprend rien ; on se rattrape aux branches comme on peut. Mais on cause ; en groupe. Comme les bandes de loubards de banlieue, l’homo economicus officialis se sent si lâche et si faible qu’il ne retrouve des dents qu’en meute.

Des dents, mais pas de cerveau.

La contradiction est facile à lever. La science économique est unique et s’applique à la zone Euro comme au monde entier.

La règle du commerce international et de son système de paiement est qu’ils ne peuvent fonctionner durablement au bénéfice commun que si et seulement si les déséquilibres majeurs sont empêchés ou rapidement corrigés. Tous les traités, comme nous l’avons montré dans un article précédent, prévoient que l’ouverture mondiale du commerce, nécessaire, et le libre-échange, souhaitable, ne sont possibles que si les partenaires à l’échange respectent les grands équilibres. Il ne faut pas qu’un des acteurs accumule des dettes et qu’un autre accumule des créances indéfiniment. Il faut interdire les déficits commerciaux ou les excédents commerciaux permanents et vertigineux.

Dans un système de monnaie unique, l’empêchement est réalisé par la gouvernance et s’il n’y en a pas par la déflation dans les pays déficitaires, qui est politiquement inacceptable.

Dans un système de monnaie internationale contrôlée, où les monnaies sont rattachées à une valeur de référence commune mais où des ajustements concertés des changes peuvent être effectués, c’est l’altération des valeurs monétaires qui assurent la réalisation de l’objectif, en association avec tous les moyens de politique économique aussi bien dans les pays excédentaires que déficitaires.

Dans un système monétaire de monnaies administratives dont la valeur externe est laissée aux forces des mouvements de capitaux alors que la puissance des partenaires à l’échange ou leur situation respective sont très différentes, rien ne peut s’ajuster et on aboutit  à des déficits et des excédents cumulatifs noyés dans une création monétaire hystérique qui provoque crise sur crise.  

L’équilibre des échanges, qui, en mode de croissance,  s’analyse comme une succession de déséquilibres nécessaires mais maîtrisables et corrigés, n’est possible :

-          Ni dans un système de flottement généralisé

-          Ni dans une zone monétaire unique sans institution de pilotage.

Nous vivons dans un système mondial où le flottement est généralisé et dans une Europe où il n’y a pas d’institutions de pilotage

Il est parfaitement normal que nous soyons  dans la difficulté, avec une prime à l’Europe qui subit les deux défauts.

La solution est limpide comme l’eau de roche :

-          A l’échelon mondial revenir à un système de monnaies coordonnées avec référentiel non national commun et une instance de coordination et de sanction.

-          A l’échelon européen, créer une institution de pilotage disposant des pouvoirs de réguler les écarts de croissance, d’échange et de taux d’intérêt, ou renoncer à l’Euro pour le système précédent.

Il n’y a qu’une seule science économique.  Nul besoin de se mettre à quarante, à cent quarante ou à quatre cent mille pour le comprendre et énoncer diagnostic et solutions.

 

Didier Dufau pour le Cercle des économistes E-toile

Commentaire
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