Une traduction scandaleuse : lettre ouverte à l’éditeur !
Nous donnons par ailleurs une analyse du livre de Gillian Tett, l’Or des fous, paru au « Jardin des Livres ».
Nous voulons ici pousser un cri d’alarme devant la dégradation de la qualité des traductions en français des livres économiques et financiers anglo-saxons. On comprend l’urgence. On comprend la nécessité de contenir les coûts. Mais avec la traduction du livre de Gillian Tett, on atteint réellement le bout du chemin vers le n’importe quoi. Le traducteur ne connait rien à la finance. Il ne comprend visiblement pas l’anglais. Quant au français ! Le résultat est encore pire que ce qu’un cauchemar effroyable aurait pu vous faire craindre.
Passons sur le fait que le traducteur ait cru devoir remplacer toutes les prépositions du français par « au niveau de » ce qui donne au texte la grâce qu’on imagine. Passons aussi sur les mots à mots approximatifs, les lourdeurs de style qu’on reprocherait à un enfant de huit ans, les répétitions inlassables. Le traducteur n’aurait jamais réussi l’examen de sixième du temps où on le faisait passer. C’est tellement nul qu’on penserait que le traducteur l’a fait exprès pour protester contre la rémunération sans doute modeste qu’il a reçu.
Là où cela devient non seulement affligeant mais scandaleux, c’est lorsque les contresens et les erreurs de traduction s’accumulent au point de rendre le texte de l’auteur incompréhensible. S’agissant d’un sujet technique, les produits financiers complexes, où l’auteur recherche une forme de pédagogie, on peut parler de trahison complète. Le lecteur est volé dans l’affaire.
On pourrait rire, devant le comique de certaines traductions. Mais c’est la colère qui au final l’emporte car le traducteur, et l’éditeur français, nous font perdre notre temps en même temps que notre argent.
Quelques exemples :
« Un produit dérivé n’est rien de plus qu’un contrat dont la valeur provient d’un autre atout ». Formidablement clair, non ? Il est vrai qu’à travers tout le livre le traducteur va traduire Asset par atout ! Ce qui nous vaudra la phrase tout aussi éclairante : « La façon de s’isoler par rapport à cette volatilité extrême consistait à acheter un fonds diversifié d’atouts ». Et dix de der !
Plus étonnant encore le verbe « achieve » (réaliser) est traduit par « réduire ». D’où cette phrase exemplaire : « L’équipe réduisit une série de transactions de milliards de dollars ». Syntaxe créative fournie gratuitement en sus. Ou aussi : « La municipalité s’était rapprochée de JP Morgan pour lui demander de réduire une transaction similaire ».
Un « exchange » en anglais est normalement traduit par le mot bourse. La London Stock Exchange est la bourse de Londres. Pas pour notre traducteur pour qui un « exchange » est naturellement un échange. La « sécurisation » n’est plus la titrisation mais la sécurisation. Les « billions » deviennent des « billions » (sic). Le « revenue », chiffre d’affaire, devient le bénéfice. « Complete » (finir, achever) devient compléter. Les « politicians » (hommes politiques) deviennent des politiciens. Barbarismes, mots pris pour d’autres, faux sens, inversions de sens, rien ne rebute notre apprenti traducteur qui a dû confier le travail à son outil de traduction automatique pour aller plus vite.
On dirait ces versions latines où le malheureux a découvert dans le Gaffiot que tous les mots ont plusieurs sens et a choisi au hasard les termes qu’il a retenus sans même chercher à savoir si la phrase résultante avait finalement le moindre sens.
N’insistons pas sur les phrases dont les verbes n’ont pas de sujet, ou sont au singulier lorsqu’il y a plusieurs sujets, ou sont au passé en début de phrase et à l’imparfait en fin. La concordance des temps n’a pas plus de réalité pour le traducteur que la banque et la finance moderne. Les pronoms sans antécédent sont de règle.
A la limite la lecture devient un jeu pour essayer de déterminer le mot anglais mal traduit et le sens probable de la phrase source en anglais.
Mais rapidement on est terrassé par des phrases sans queue ni tête : « La question cruciale qui se posait se situait au niveau du temps ». Le soleil ne se lève il est vrai jamais sur la traduction ! « Le panorama est désorientant ». Mais pas autant que la traduction ! « Les fonds spéculatifs avaient tendance à être alloués ». Mais la traduction n’est pas à louer. « Les banquiers se consolaient en pensant que les transactions ne s’élevaient pas au montant de la nationalisation actuelle ». Le lecteur aura, lui, du mal à se consoler de son achat.
La fin du livre comporte un glossaire donnant le sens des concepts les plus complexes de la finance moderne. Il est à fuir absolument dans sa traduction française où le niveau de grotesque atteint le firmament.
Un exemple : « Corrélation : niveau auquel le prix de l’actif, les évènements ou les risques bougent de la même façon ». Quillet, Robert et Larousse sont enfoncés ! Il est vrai que la corrélation entre le texte original et la traduction, pardon « le niveau où ça bouge de la même façon » n’est pas perceptible.
Vous serez très avancés en lisant que le « marché repo » « est une façon d’emprunter ou de prêter des tires (sic) en échange d’argent ». La casse de Saint Ouen n’a qu’à bien se tenir !
Qui saura ce que signifie le galimatias suivant : « Les organes d’investissement structuré sont étroitement liés aux conduits » ?
Le conduit d’égout est certainement l’endroit où la traduction de cette madame Anne Confuron (Âne Confusion ? ) devrait finir. Le plus vite sera le mieux. Même si elle a commis cette provocation pour se venger des clopinettes qu’elle a reçues pour traduire (l’interprétation la plus favorable).
Mais quelle responsabilité a pris l’éditeur, Le jardin du Livre, Boîte postale 40704 Paris 75827 Cedex 17, 01.44.09.08.78, pour accepter de publier un tel torchon.
N’achetez pas la traduction française.
Ce n’est pas une traduction.
Et elle n’est pas écrite en français !
Indignez-vous
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
Il y a en France de bons traducteurs financiers, souvent regroupés au sein de la section Financière de la SFT.
Il n’empêche que ces traducteurs ont le plus grand mal à trouver des missions correctement rémunérées, les éditeurs étant souvent plus sensibles au coût de la trad qu'à sa qualité, à fortiori dans ce domaine qui est, pour eux, ésotérique.
Mais, là, l'éditeur et le traducteur méritent de figurer au Guiness Book of Records. (trad: Livre bière brune des disques) !
Il m'a fallu 3 jours pour arriver à la 50ème page tellement la traduction est incompréhensible. Quant on sort du "voyage" de Céline, ça fait drôle de tomber ci bas. C'est triste, le sujet avait l'air très intéressant.
Ça me fait de la peine car c'est moi qui l'ai conseillé à ma mère, et maintenant, j'ai peur qu'elle le lise et se rende compte que son achat (qu'elle a fait pour moi) est raté.