Mondialisation et fiscalité : éviter l'hystérie nationaliste !

Nous sommes en crise. Les Etats du sud de l'Europe sont à court de ressources pour couvrir leur énormes dettes et déficits budgétaires.

La France va atteindre en 2014 ou 15 les 100% de dettes d'état par rapport au PIB, se rapprochant des situations définitivement ingérables. Elle se signale par une hystérie fiscale de circonstances qui fait suite à l'accroissement continu de la part de l'Etat dans l'économie qui est telle que les prélèvements excédent notablement la valeur ajoutée des entreprises non financières et que des milliers de contribuables paient plus de 100% de leur revenu en impôts.

La voilà à la chasse aux revenus et aux avoirs de ses ressortissants hors de l'Hexagone et aux recettes fiscales des étrangers exerçant en France via internet.

L'urgence est là. Soit !

Si on regarde un petit peu plus loin que ces mesures d'urgence, peut-on imaginer un système fiscal mondialisé coopératif qui nous sorte de l'hystérie et permette la fin de nombreux abus, tout en assurant un financement régulier et raisonnable des Etats ?

Un tel système ne sera stable que s'il s'appuie sur des principes eux-mêmes solides, non contradictoires, non offensants  et donc susceptibles d'être reconnus par tous.

L'hystérie fiscale nationaliste n'est pas un tel principe

Le premier principe est que tout individu a un droit naturel au monde et que le développement de l'exercice pacifique de ce droit est un progrès. La civilisation mondialisée se construira sur la possibilité croissante pour chacun, d'aller et venir et de contracter au civil et au commercial où il l'entend. Il faut donc admettre que le citoyen d'un Etat pourra consommer, résider, être propriétaire, faire des affaires hors de son pays et même dans plusieurs pays étrangers simultanément. Les nouveaux acteurs économiques du monde ouvert, du village global, exercent leurs droits économiques où ils le veulent et gagnent leurs ressources et l'emploient là où ils le souhaitent.

La question posée aux Etats est de savoir s'ils vont courser leur nationaux à travers le monde pour tout connaître de leurs actes économiques, afin de les taxer selon les règles nationales.

Les Etats-Unis ont répondu oui à cette question :  du coup ils sont obligés de mettre en place un système totalitaire vis-à-vis de leur citoyen et impérialiste vis-à-vis des pays où un américain viendrait à exercer un pouvoir économique (posséder un bien ou générer un revenu). Le système Fatca ne concerne que les banques mais est la marque évidente de la tentation tentaculaire du fisc américain. Pour tracer tous les mouvements de revenu et de patrimoine de ses nationaux, ce pays impose à tous les autres des règles de notification administrative extravagantes. Elle le fait au nom de son impérium.  Il est évident que si tous les pays du monde faisaient de même, les banques seraient toutes obligées de se conformer en même temps à toutes les législations nationales et à s'adapter en permanence à leur évolution.

Ce serait de la folie pure. Le système américain n'est donc pas généralisable et ne peut pas servir de base à un  système mondialisé.  Il entrave les libertés des citoyens américains  tout en faisant peu de cas de la souveraineté des autres pays.  On voit que la surveillance généralisée exercée par les Etats Unis sur les communications notamment téléphoniques et Internet va dans le même sens et pose le même problème de respect de la vie privée des citoyens et de la souveraineté des nations. Quand on cède à la tentation de Big Brother et du Big Stick, on le fait malheureusement  totalement.

L'affaire est d'autant plus curieuse que l'administration américaine a séparé complètement la solution pour les particuliers et celle appliquée aux  entreprises. Elle a autorisé les entreprises américaines, bancaires comme commerciales, à conquérir le monde hors fiscalité à partir de plateformes off-shore en les laissant utiliser tous les moyens rendus possibles par la technique pour fuir les impositions nationales. La tentation impérialiste a été ici encore la plus forte.

Les Etats étrangers sont, pour les Etats-Unis, une terre de conquête économique pour les entreprises américaines, tout en devant être les auxiliaires du fisc pour les particuliers américains.

Ce système doit-il être la base de l'organisation du village global ?

Nous, nous répondons non.

Absolument et résolument non ! Le flicage bureaucratique généralisé des citoyens,  associé à la guerre économique basée sur des paradis fiscaux,  ne peut être le pilier d'un système durable et concerté de fiscalité coopérative mondiale.

On sent dans la France socialiste actuelle des pulsions pour aller dans le sens américains.  Comme Poutine avec les Tchétchènes, les socialistes au pouvoir souhaitent aller chercher le revenu et le patrimoine des Français jusque dans les "ch…." étrangers où ils pourraient se trouver. M. Attali souhaite qu'on en vienne à une fiscalité attachée non plus à la résidence mais à la nationalité. Les règles applicables pour toutes les situations économiques rencontrées à l'étranger seraient celles de la France. Les accords récents avec la Suisse dans le cas de l'héritage vont dans ce sens. Vous êtes résident suisse de nationalité française. Vous mourrez. La loi sur l'héritage français doit s'appliquer aux héritiers. De la même façon qu'à la mort d'un américain résident en France, le droit qui s'applique n'est pas le droit français.

Le seul ennui est qu'un tel principe ne peut pas s'appliquer à tous les actes économiques. Un principe qui n'est pas généralisable n'est pas un bon principe.

L'essentiel de la fiscalité est basé, partout, sur la consommation. Elle représente entre 50 et 80% des ressources taxées partout dans le monde. Le national qui réside à l'étranger et le simple touriste, supportent les impositions du pays de consommation pas celles du pays de sa nationalité. Changer cela est impossible.  Nous avons obligatoirement une imposition "démembrée" pour la consommation. Le citoyen  paie les impôts sur la consommation là où il consomme. Il est un sujet fiscal multiple, sans centralisation nationale.

Tant que citoyenneté et résidence étaient pratiquement synonymes et que le cas d'une consommation extérieure était marginal, le problème fiscal était mineur. Il ne l'est plus depuis que le tourisme, les mariages internationaux avec multi résidences, les fonctions itinérantes, le business à cheval sur les différents pays, se sont généralisés. On voit de plus en plus de retraités chercher du pouvoir d'achat en fuyant les pays fiscalement chers. Des parents de couples composés de deux nationaux différents passent désormais du temps chez l'un ou l'autre. Un commercial international passe plus de temps hors de son pays que chez lui. Etc. Etc.    

La conséquence : il est impossible d'imposer la consommation d'un citoyen avec les règles nationales partout où il consomme. La règle fiscale du pays de consommation s'exerce seul. La fiscalité sur la consommation est bien "dénationalisée" et le restera.

La consommation n'est pas le seul acte ayant une dimension fiscale. Les pays dirigés de facto par des fonctionnaires comme la France, ont pratiquement taxé tout ce qu'ils pouvaient taxer, notamment les différentes formes de revenu, les plus values, les cessions de biens, les successions, la possession de biens etc.  

De plus en plus de nationaux ont des biens et des revenus  à l'étranger, soit qu'ils résident à l'étranger, soit qu'ils séjournent à l'étranger soit qu'une partie de leur épargne se trouvent à l'étranger, soit qu'ils travaillent pour partie à l'étranger, soit qu'ils gèrent des entreprises qui ont une activité à l'étranger.

Pour les pays qui ont fait des choix spoliateurs pour leurs nationaux taxant tout de façon non pas proportionnelle mais fortement progressive, ces avoirs et revenus étrangers posent obligatoirement des difficultés sérieuses. S'ils ne sont pas déclarés volontairement, la recherche de la preuve doit se faire via les opérations bancaires, tout finissant ou commençant dans une banque.  Ces pays sont donc à la fois tentés par des sanctions disproportionnées pour terrifier autant que possible les non déclarants volontaires, et désireux de  mettre un système d'échange de données bancaires le plus automatique possible.

Si toutes les sources taxables doivent être contrôlées, on entre rapidement dans un enfer législatif et règlementaire d'autant plus complexe et désespérant que les pays où l'acte économique a lieu ont leur propre mode de taxation. Il faut que les agents économiques puissent produire les bases nécessaires aux états fiscaux  des deux états concernés et que des conventions évitant les doubles-impositions existent. Et qu'il existe des moyens de contrôles et la volonté de les exercer.

Dans un état qui ne taxe pas les plus values, les banques ne fournissent aucune information utile sur les bases taxables françaises. Dans un état où il n'y a pas d'impôt foncier, la valeur locative des biens est inconnue ou improuvable. De même l'estimation d'un bien immobilier détenu à l'étranger est souvent impossible ou improuvable.

Chercher pour chaque nation à imposer ses règles propres à ses nationaux pour tous les actes économiques faits à l'étranger impose de telles contraintes qu'elles entravent les libertés.

Le cas de binationaux se pose immédiatement. De qui dépendent-ils ?    

Quelle serait la règle intelligente  ?

Il n'y en a qu'une qui soit simple, d'application facile, et respectueuse de tous les pays : les bases fiscales suivent les règles fiscales du lieu où le fait générateur s'est produit.

Si vous avez démembré votre activité et votre patrimoine à cheval sur plusieurs pays, chaque éléments suit la règle du pays d'exercice.

Vous consommez à l'étranger : vous payez les taxes du pays étrangers sans autres questions.

Vous disposez de revenus à l'étranger : ils suivent les règles du pays étranger tant que le produit reste à l'étranger.  Tous les détenteurs de revenus à l'étranger doivent donc être connus de l'état concerné. Il importe que chaque état impose de façon identique nationaux et non nationaux. Le forfait fiscal suisse par exemple qui avantage les étrangers par rapport aux nationaux serait interdit.

Vous disposez d'avoirs à l'étranger :  ils suivent la législation étrangère sur les droits de mutation, les impôts fonciers, les taxes d'habitation,  la fiscalité des plus-values et du patrimoine.

Lors du votre décès les règles qui s'appliquent sont celles où le bien se trouve. Vos héritiers éventuels disposeront à leur tour de biens à l'étranger subissant les lois fiscales étrangères.

Cette solution valable pour les particuliers doit l'être aussi pour les entreprises. La fiscalité des actes commerciaux doit être celle du pays où ils se produisent et où ils ont généré de la valeur. Il n'y a aucune raison pour avoir deux systèmes de valeur différents, deux jeux de principes fiscaux différents lorsqu'il s'agit  de particuliers ou d'entreprises.

On voit que l'avantage de ce système outre sa cohérence et sa stabilité est sa simplicité qui pousse à plus d'échanges, à plus d'ubiquité  et à plus de respect des libertés. La souveraineté des Etats est respectée autant que les droits individuels.  Il ne peut pas y avoir d'hystérie et de conflits effroyables. Fini le totalitarisme fiscal et l'impérialisme des plus forts.

Chaque état régit les actes qui ont lieu sur leur territoire quelque soit la nationalité de ceux qui les exécutent et se moque de ceux qui ont eu lieu ailleurs.

Quels sont les inconvénients ?  Ils ne sont réels que pour les nations qui ont décidé de frapper fiscalement les revenus et les patrimoines de façon fortement progressive.  Les revenus extérieurs  ne viennent pas s'agréger aux revenus intérieurs pour faire monter les taux d'imposition dans les hautes tranches. Tout le monde sait que les impôts progressifs sur le revenu sont littéralement mités par des niches fiscales et des exemptions pour éviter leur caractère structurellement néfaste : la progressivité casse la croissance et la détourne automatiquement vers la dépense publique tout en stérilisant les efforts supplémentaires de ceux qui peuvent en faire.

De même les impositions sur la fortune sont problématiques et à terme néfaste.

Nous avons déjà démontré cent fois que les impositions fortes sur le patrimoine avaient trois inconvénients inévitables : ils ne peuvent se boucler que par la vente du patrimoine national à l'étranger ; ils  font grimper les taux  d'imposition globale au dessus des seuils de spoliation, ils poussent les citoyens riches à fuir le pays. Par conséquent "l'inconvénient" concernant ce type d'imposition n'en est pas un. Dans tous les cas, un ISF est un mauvais impôt qui doit être proscrit.  Les taxes foncières, les droits de mutations, les droits de cession, les droits de successions peuvent être modulés de façon suffisante pour que l'équité fiscale soit obtenue. Qu'on abandonne mondialement les impositions sur la fortune globale n'a aucune importance et n'empêchera nullement la justice sociale. Rappelons que 99% des pays n'ont pas de fiscalité globale sur le patrimoine !

Passons à l'impôt sur le revenu. Il est clair qu'il est facile de faire naviguer d'un pays à l'autre le revenu des placements. Il suffit qu'un accord international définisse un taux forfaitaire global minimum. On ne voit pas trop ce qui pourrait rendre l'affaire difficile. Certes on supprime partiellement le rendement marginal de la pyramide des revenus taxable progressivement, là où ce système existe. Mais la forfaitisation du revenu des placements a été la règle pratiquement tout le temps et partout. C'est l'intégration dans le revenu global taxable qui est l'anomalie. Autant la supprimer.

Reste finalement les revenus du travail. Ils doivent suivre les règles du pays où le travail est exercé, soit sous forme d'un forfait prélevé à la source, soit sous une forme déclarative contrôlée par l'employeur.

Un patron qui dirige "n" filiales de son entreprises à l'étranger pourra disposer des "n" salaires  taxés n fois selon les règles de chaque filiale. Et alors ? S'il veut rapatrier ses revenus nets, on peut les intégrer dans le revenu taxable. S'il souhaite les laisser à l'étranger libre à lui et grand bien lui fasse.

On ne le taxera pas à75% et plus ? Et alors ? Que les nationaux ouvrent milles entreprises à l'étranger et le pays n'en sera que plus puissant ! Les taxations débiles sur une minorité ne provoquent aucune recette importante et constante, mais justifient des comportements anti nationaux ou anti économiques.

Dans la durée, l'application du principe de taxation dans le pays d'exercice du droit économique  conduira presque nécessairement à une certaine harmonisation. C'est le principe le plus constant, le plus positif, le plus productif fiscalement, car tout finira par se compenser, les fuites vers l'extérieur subies étant équilibrées ou à peu près par les arrivées fiscales de l'extérieur.

L'homme libre devient la base de la société globale et pas le serf fiscal national traqué mondialement.

 Un grand progrès.

Fréquentation de juin 2012 à juillet 2013

Qu'est-ce qu'une monnaie électronique ?

Nous continuons l'examen de certains concepts bancaires qui sont souvent mal compris. Après nous être interrogé sur la nature assez particulière du contrat de dépôt bancaire, nous examinons ici la "monnaie électronique". C'est un terme que l'on retrouve un peu partout cet an-ci avec des emplois parfois incertains voire carrément fantaisistes.

Une monnaie électronique est une monnaie scripturale dont la preuve de la valeur est enregistrée sur un support magnétique.

Une monnaie est dite scripturale quand le témoin de valeur n'est pas un objet ayant une valeur intrinsèque, c'est-à-dire un bien consommable ou tangible. Un lingot d'argent a une valeur indépendante de tout rôle monétaire. Une pièce de monnaie en or, en argent, ou en alliage comme l'électrum, est depuis son invention par les Rois Lyciens au septième siècle avant JC, le prototype d'une monnaie métallique.

C'est avec la lettre de change et le billet de banque que nait la monnaie scripturale. Le billet est une reconnaissance de dette d'une banque. Le transfert du billet transfère la reconnaissance de dette. L'obligation de la banque vis-à-vis du déposant de pièces métalliques est consignée sur le billet.  La signature de la banque sur le billet légitime la valeur. Le mécanisme est le même pour la lettre de change, sauf que les dépôts n'ont pas été faits au même endroit.

Dans les deux cas le témoin de valeur est une écriture certifiée  sur un papier.

L'invention du chèque et du virement ne change pas fondamentalement le mécanisme : le témoin de valeur reste simplement dans les comptes de la banque. Pendant tout le temps où ces comptes ont été tenus manuellement, il s'est agi de lignes d'écritures sur un support papier. Les dépôts étaient des "monnaies de papier".

L'informatisation des comptabilités bancaires transforme le support du témoin de valeur : la ligne est stockée sous forme d'abord de cartes perforées puis de supports magnétiques. A partir de là, la monnaie est électronique car stockée sur un support électronique. L'informatisation permet de faciliter les virements de comptes.

L'arrivée de la carte bleue ne change rien. La carte fournit un élément prouvant la légitimité du débiteur, puis, avec le développement de la télétransmission, il permet de certifier la réalité du stock de valeur dont le virement est demandé et d'activer l'opération.

Ni le chèque, ni la carte bleue ne sont de la monnaie. Ce sont des instruments qui permettent de donner des ordres sur le compte où est stockée la monnaie.

L'arrivée des téléphones portables, dans la mesure où ils sont des terminaux de paiement, ne change pas non plus le fond des choses. La monnaie est toujours stockée sous forme de ligne magnétique sur les ordinateurs du banquier. Seul le moyen de passage d'ordre est modifié.

Si on s'arrête ici, on constate :

- que pratiquement toute la monnaie est désormais scripturale. Même la monnaie divisionnaire l'est : le support métallique qui porte le symbole témoin de valeur  n'a pas réellement de valeur intrinsèque. Il arrive que la pièce coûte plus à produire que sa valeur faciale mais la rondelle métallique n'a en elle-même qu'une valeur monétaire et pratiquement aucune valeur de consommation ou d'industrie. C'est, pourrait-on dire,  un billet non pas en papier mais en métal pas cher.

- que l'essentiel de la monnaie, celle qui se trouve sur les dépôts bancaires, est magnétique  et cela grosso modo depuis les années soixante.

On voit bien que la "monnaie électronique" existe déjà depuis plus d'un demi-siècle et qu'elle forme depuis cette date le gros de la monnaie.

Ceux qui parlent d'une innovation récente sont-ils des ignorants ? Au-delà de l'abus de mot, ce que recouvre généralement le vocable de monnaie électronique innovante est d'une part le porte-monnaie électronique et d'autre part les monnaies scripturales qui ne dépendent pas d'un intermédiaire de confiance.

Ne confondons pas portefeuille électronique  et moyen de paiement passant par l'électronique. On l'a vu dans le cas du téléphone portable, ce n'est qu'un terminal permettant de passer des ordres. Il ne contient pas de monnaie.

En revanche on peut imaginer que le témoin de valeur ne soit plus stocké dans les ordinateurs de la banque mais sur une ligne électronique contenu dans un dispositif extérieur à la banque. Dans ce cas la monnaie quitte bien la banque pour se retrouver sur le dit support.

Il faut alors bien distinguer deux modes de gestion de cette monnaie voyageuse.  Dans le premier cas, le dispositif est mis à disposition par un intermédiaire de confiance qui garantit le paiement effectif qui sera fait en cet monnaie. C'est le cas de toutes les cartes à puces, émises par un organisme bancaire,  sur lesquelles un transfert de valeur, garanti, a été fait à partir d'un compte de banque. Le récipiendaire de l'écriture électronique pourra faire valoir son droit à conversion dans son compte auprès de l'intermédiaire de confiance.  Des banques ont mis en place pour de petites sommes des systèmes de ce genre à travers le monde. L'idée est de diminuer au maximum le besoin pour elle de convertir en monnaie banque centrale (disons pour simplifier des billets) les dépôts dont elles ont bénéficié.    

Ces systèmes connaissent à ce jour un rôle marginal pour des besoins souvent liés au transport (exemple de la carte Monéo en France). Le terminal de paiement mobile est probablement la solution que préféreront les banques. Elles n'aiement pas que la liquidité sorte de leurs comptes ! 

Une idée plus originale en cours d'expérimentation est de créer une monnaie électronique sans intermédiaire de confiance. L'originalité ne tient pas au fait que la monnaie soit électronique mais qu'elle se dispense d'un intermédiaire de confiance.

Comment rendre crédible, pour un tiers, le témoin de valeur dont se prévaut un payeur et que le tiers va recevoir sous une forme électronique, si une institution de confiance ne garantit pas peu ou prou la réalité des droits de tirage ? Cela parait une gageure et pourtant des systèmes sont en cours de mise en place, sans qu'on sache s'ils prendront réellement de l'extension.

L'idée de manœuvre est de remplacer la banque par un logiciel sinon inviolable du moins suffisamment sûr, logé avec ses fichiers sur le WEB d'une façon insaisissable et indestructible, qui permette non pas de conserver mais d'authentifier les témoins de valeur libellés et les titulaires de comptes dans l'unité de compte gérée par le système. Le témoin de valeur serait une ligne conservée sur n'importe quel dispositif pouvant accéder via Internet au programme de validation des droits et d'exécution des ordres.

Au moment d'une transaction, la ligne serait présentée au programme qui serait à même d'attester que le titulaire est légitime et que le montant est bien disponible. Les difficultés techniques sont redoutables. Car la confiance ne pourra venir que de procédés cryptographiques particulièrement pointus.

Il n'est pas question ici de rentrer dans le détail des techniques utilisées. Ces techniques sont de toute façon les mêmes ou presque que celles qui sont utilisées pour sécuriser les cartes bancaires et les portemonnaies électroniques mis à la disposition par les groupements bancaires.

En revanche il est intéressant d'analyser les différents défis qu'il faut relever pour mettre en place un tel système.

- Le premier est évidemment qu'il ait un intérêt quelconque pour des utilisateurs. A quoi peut bien servir  un système totalement décentralisé, sans intermédiaire de confiance ?  

Il n'y a que trois justifications importantes.

La première est d'éviter un risque sur la banque.

La seconde est de parer un risque sur la monnaie.

La troisième est de se prémunir d'un risque sur la confidentialité de la transaction. 

Une banque peut faire faillite et ses dépôts peuvent être saisis en tout ou en partie comme on l'a vu à Chypre il y a quelques semaines. La confiance dans l'intermédiaire de confiance est relative.

Le risque sur la monnaie est assez clair aussi : les monnaies officielles, qu'ils s'agissent de monnaies nationales, comme le Dollar ou la Roupie,  ou de monnaies plurinationales comme l'Euro, sont gérées directement ou indirectement par des Etats qui les manipulent.

L'affaire Argentine de la fin du siècle passé a montré qu'un compte bancaire pouvait être bloqué avec conversion obligatoire (l'affaire du Corralito). On parle régulièrement du risque d'éclatement de la zone Euro. La sécurité des systèmes de monnaies étatiques n'est pas assurée, sans même parler de l'inflation.

La confidentialité des transactions bancaire n'existe plus. Les Etats peuvent suivre à la trace tout ce que vous faites de votre argent. Il n'y a plus de vie privée. On sait que le secret bancaire est désormais une vieille lune.

L'idée d'échapper à Big Brother ou à des banques qui font n'importe quoi de votre argent et ne sont plus capables de satisfaire à l'obligation de restitution de votre dépôt à première demande, sous une forme qui vous agréé  et dans une monnaie sûre, n'est donc pas absurde.

- Une deuxième question est le caractère licite des transactions faites. Sur ce point, il faut noter que la licéité d'un achat tient au produit ou au service payé pas au moyen de paiement. Si vous troquer de la cocaïne contre des voitures de luxe, vous n'avez pas utilisé de monnaie, mais vous avez conclu une affaire illégale. Le troc n'est généralement pas interdit. On ne peut pas interdire en démocratie un outil sous prétexte qu'il peut faire l'objet d'utilisation illicite. Sinon il faudrait interdire tous les couteaux au prétexte qu'ils servent à des meurtres et des assassinats et les voitures parce qu'elles participent à des braquages.  Le raisonnement vaut pour la fraude. Ce n'est pas le transfert monétaire qui est le fait générateur d'une fraude, par exemple à la TVA, mais l'achat lui-même.

Conclusion : il est impossible de condamner a priori un système de paiement alternatif sans intermédiaire de paiement sous prétexte qu'il pourrait servir à des fraudes, sauf à éliminer jusqu'à l'idée qu'une société puisse être libre. Le fiscalo-fascisme est une tendance forte des sociétés dites libres, à Etat surdimensionné, qui doit être fermement combattue.

- Le véritable enjeux est la "faisabilité" du système. Comme jeu intellectuel et pédagogique sur la monnaie, l'exercice est excellent car il permet de passer en revue toutes les dimensions de la monnaie.

Le plus amusant est qu'un tel système a été mis au point et a déjà derrière lui plusieurs années d'existence : le système "Bitcoin".

Des spécialistes des logiciels cryptés ont créé une nouvelle unité de compte, le Bitcoin, monnaie sous forme de zéro et de un,  qu'il est possible d'acheter et de vendre sur des bourses et avec laquelle on peut transférer de l'argent d'un point à un autre du monde en toute confidentialité et éventuellement acheter et vendre des produits et des services.

La liaison avec des monnaies officielles se fait comme les autres devises sur une forme de marché de change : l'offre et la demande de Bitcoin en devise autre sont arbitrés sur une plateforme de marché.  La question cruciale : est-ce que le marché va être assez liquide pour que puissiez à tout moment récupérer tout montant de Bitcoin en monnaie officielle qui a seule cours légal dans les différents Etats. Rappelons que le cours légal est le dispositif de droit qui permet à une monnaie d'éteindre toute forme de dettes y compris fiscales. On ne peut pas payer ses impôts dans une unité de compte qui n'est pas légale et dans une forme monétaire non réglementaire.

Ces bourses sont le point faible du système. Dans la pratique plusieurs bourses de Bitcoin ont explosé provoquant des pertes financières et de confiance. Elles ont un coût. L'argument selon lequel le virement en Bitcoin ne coûterait rien est faux. L'accès à l'achat et à la vente du Bitcoin coûte, même si le transfert électronique des fonds est effectivement peu gourmand en ressource marginale.  C'est celui du transfert d'une ligne de texte sur Internet !         

Le risque technique n'est pas non plus totalement négligeable. Les programmes de cryptage ont été faits par une collectivité de programmeurs qui en connait les algorithmes et qui peut à volonté vider les portefeuilles en ligne. L'algorithme est de confiance mais pas le groupe qui le met en œuvre.  On retrouve le problème des cartes de crédit. La fraude peut exister et c'est l'organisme qui gère le système qui assume le risque et le répercute aux usagers sous forme d'un coût d'abonnement à la carte. Personne n'est là pour faire face aux fraudes dans le système Bitcoin et il y a eu quelques cas de pertes de Bitcoins de ce fait.

Le risque légal n'est pas non plus négligeable. Le principe du système est de reposer sur une relation entre particulier sans intermédiaire. La loi ne peut donc saisir un intermédiaire et doit, comme tous les systèmes "Peer to peer", entrer dans l'intimité des foyers si elle veut contrôler. L'exemple est la loi Hadopi qui interdit l'échange sous forme électronique des copies achetées de films et de musiques, alors même que la copie privée est autorisée.

La loi peut interdire d'échanger des Bitcoins. Dans un système de liberté, c'est difficile à envisager. Sur quelles bases juridiques interdire à deux personnes consentantes qui peuvent ne pas ressortir d'un même Etat, d'échanger des signes électroniques dont la valeur n'est pas fixée en monnaies légales ?  Aucune loi n'existe dans le monde en ce sens dans les pays démocratiques. Mais comme on y constate  l'expansion continue du "fiscalo-fascisme", on peut se demander : jusqu'à quand ?  Big Brother grandit toujours !

Le dernier risque est que ce marché soit tellement incommode et volatile qu'il décourage les usagers. Le côté pédagogique du Bitcoin a stimulé diverses formes de spéculations. On a vu se développer un marché des options sur ce marché des changes très particulier et apparaître des spéculateurs très techniques. Le résultat a été une bulle des cours  qui a fini par exploser, avec une perte de confiance  du "marché". La technique d'émission des Bitcoins, la délivrance d'un paquet de Bitcoin à chaque nouvel entrant jusqu'à un nombre fini de Bitcoins, est très pensée mais folklo. Elle privilégie de façon excessive les premiers entrants  et elle crée une rareté artificielle sur la fin. C'est malin pour faire venir les "prime movers" et retenir les "late movers" mais finalement cela limite gravement le système. Il faudrait à terme créer des Bitcoins2 et 3 etc. On sait depuis Copernic que les mauvaises monnaies chassent les bonnes.

Les monnaies électroniques sans intermédiaire de confiance autre qu'un logiciel libre permettant des transactions "peer to peer" resteront encore des phénomènes limités pour longtemps mais ce sont un laboratoire pour ceux qui s'intéressent à la monnaie et au logiciel libre.  

Pour terminer rappelons l'essentiel  : la monnaie sous forme de ligne sur support électronique n'est pas nouvelle et représente l'essentiel de la monnaie en circulation.  C'est la monnaie électronique sans intermédiaire de confiance autre qu'un logiciel libre mettant en relation  des individus sur une base paritaire,  qui est l'innovation.  

Au passagerappelons notre  propre définition de la monnaie : une monnaie est un dispositif permettant de stocker et d'échanger de la valeur de façon liquide. La liquidité du dispositif est définie par sa commodité dans les transactions, commodité elle-même définie par la sécurité de la preuve de la valeur et la facilité d'usage. Le Bitcoin par exemple est bien une monnaie mais dont la liquidité peut-être problématique. La monnaie la plus liquide est celle qui n'exige aucune conversion pour éteindre la plupart des dettes.  En France c'est le billet de banque émis par la BCE.  Compte tenu des limitations portées à l'usage du billet il serait faux de donner une définition du type : "qui permet toujours d'éteindre toute dette sans aucune conversion". Il faut convertir le billet en monnaie de compte pour payer de grosses sommes.

Les puristes qui veulent que le terme de monnaie ne doive s'appliquer qu'à une forme monétaire totalement  liquide (le reste étant de la quasi monnaie) ont une difficulté : il n'y en a plus aucune !

 

Didier Dufau pour les Cercle des économistes e-toile

Le blog du cercle des économistes e-toile

Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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