Neuf mois après « l’alignement des planètes »…

Neuf mois après « l’alignement des planètes », le miracle ne s’est toujours pas produit. Rappelons-nous : presque deux mois de propos hyper optimistes, dans tous les médias télévisés, radio diffusés ou écrits,  sur la reprise « mécanique » et obligatoire de la croissance forte en Europe et surtout en France ; de fines analyses sur le génie du Président Hollande qui pourrait très rapidement se vanter d’avoir enfin enrayer la hausse du chômage ; des affirmations péremptoires un peu partout autour de l’idée que « la crise était finie » et que tout était en place pour une croissance à nouveau soutenue. 

Les calculs les plus subtils démontraient qu’une baisse massive de l’Euro vis-à-vis du dollar et du Yuan restaurerait radicalement la compétitivité française, que la baisse tout aussi massive des taux d’intérêt  permettrait un boom de l’investissement, que la baisse des  cours du pétrole générerait du pouvoir d’achat et donc de la demande, et que, cerise sur le gâteau, l’Union Européenne, par l’intermédiaire d’un Plan Juncker mirifique allait se lancer dans des  investissements massifs.  Les entreprises et les ménages seraient à la fête pour la première fois depuis 2008. La « demande globale » serait confortée et une saine dynamique économique se mettrait en place.

La suite ? L’affaire a fait « pschitt ». Aucun des merveilleux effets de la conjonction des planètes ne s’est manifesté aux hauteurs annoncées dans les six mois suivants. Nous attendons les chiffres du  troisième trimestre qui devraient être meilleurs.  Mais personne n’espère rien de spectaculaire.

Comme toujours, personne ne s’est pressé de donner l’explication de ce flop.

L’explication n’est pas compliquée.  L’effondrement de la valeur de certains actifs, et particulièrement des matières premières, ne marquait pas le commencement de la fin de la crise, mais la suite d’un dégonflement inévitable, au fur et à mesure que l’économie baudruche finissait d’exploser.  L’indicateur principal était le commerce international. Nous avons souligné immédiatement qu’il était quasiment stationnaire et ne portait plus l’expansion.  La spéculation qui avait porté à des sommets intenables la valeur de certains actifs a été partiellement brisée.  La valeur de l’immobilier n’a pas cessé de baisser, partout et  beaucoup plus brutalement qu’il ne l’est dit dans les medias.  La sur-fiscalisation a partiellement bloqué les achats de précaution.

L’alignement des planètes était plus le syndrome d’une économie flapie que le signe d’une renaissance formidable.  Les banques centrales ont créé pour 13.000 milliards de dollars de monnaie pour compenser les 12.000 milliards de pertes sur « des engagements de rembourser »  intenables que nous avons signalés dès 2007. Ce n’était pas mouvement « pro actif » mais défensif pour éviter la mort des banques.  Cette création extravagante et les taux d’intérêts nuls qui en résultent n’ont pas pour but de relancer l’économie. Mais de permettre aux banques de se renflouer.  J’emprunte à taux zéro ; je prête aux Etats à quelques % de plus ; j’emploie mon bénéfice à amortir mes pertes.  Le processus est loin d’être terminé. Comme les législateurs ont « étouffé l’amplificateur »  monétaire en corsetant les banques, toute cette gymnastique n’a pas d’effets massifs sur l’économie réelle.  Comme la fiscalité, devenue partout agressive, prive d’argent les particuliers, la consommation ne suit pas.

Le sauvetage des banques par les banques centrales et les Etats, au prix d’un double endettement public (celui, visible, des Etats, celui moins visible, des banques centrales)  a poussé la fiscalité à des sommets en même temps qu’il provoquait  la stagnation.  

Une danse de Saint Guy frénétique s’est alors produite sur les marchés des changes, puis sur celui des  matières premières, dont le pétrole,  alors que la déflation touchait tous les marchés.  Le repli vers les Etats-Unis considéré comme plus sûrs dans la panique générale a provoqué, comme en 97-98, la hausse conjointe du dollar et de la bourse américaine et  l’effondrement dans les pays en voie de développement, comme on le voit en Chine, au Brésil, en Russie, sans réel bénéfice pour les autres pays développés (Europe, Japon, Corée etc.), à la différence de 97-98.

On vient d’assister à la correction de la correction.  Rien à voir avec un alignement positif des planètes.

Tout cela est totalement instable.

Pour la France, les derniers résultats produits par l’INSEE sont parfaitement clairs.  L’année 2014 a été pire sur tous les plans que 2013, que nous avions définie comme une année « Hollandilbilis ».  En dépit du virage annoncé après l’affaire des « bonnets rouges », une révolte provoquée par les mesures fiscales absurdes  (Manuel Valls a fini par le reconnaître cette semaine)  prises personnellement par Hollande, qui, paraît-il, se voulait un génie de la fiscalité avec des idées saugrenues mais  bien ancrées.  2015 ne pouvait qu’être dans la lignée de ses deux devancières, puisque rien de fondamental n’avait  changé.

Aujourd’hui, plus que jamais, il faut surveiller deux fronts économiques partiellement disjoints.

Celui de l’économie réelle reprend des couleurs, mais avec une lenteur remarquable.  Le commerce mondial des marchandises repart un peu, même si le phénomène est masqué par la baisse des mouvements de pétrole.

La préoccupation reste toujours aussi grande sur le front des 400% d’endettement qui pèsent  au dessus d’elle.  Certes les dettes ont été en partie « fixées » par l’action des banques centrales et des Etats. Mais sans croissance ni inflation, l’enveloppe ne se dégonfle pas ou très peu.  Croire que la baisse peut s’opérer par la fiscalité est un rêve qui tourne au cauchemar partout où l’on a essayé cette fausse solution.

Il faut revenir à des politiques concertées de croissance avec une inflation à deux ou trois pour cent.  Cela ne peut se faire qu’en stabilisant le front des monnaies, donc en interdisant les grands déficits et les excédents  symétriques, et en encadrant partiellement les mouvements de capitaux à court terme.  En Europe, si on ne veut pas mettre fin à l’Euro, il faut créer une entité de coordination qui gèrent les déséquilibres internes et externes de la zone.  Seule la concertation permettra de relancer de façon équilibrée et en une vingtaine d’années, on sera revenu à un taux d’endettement global entre 150 et 200%. 

Croire que chaque nation s’en tirera par des déflations compétitives et des hystéries fiscales est totalement absurde.  Oui, il y aura une certaine reprise en 2016 mais si faible qu’un nouvel effondrement localisé de la banquise de dettes  suffira à l’annihiler. Les énormes masses de liquidité n’ont plus d’emploi rationnel.  La fin de la monnaie gratuite aux Etats-Unis est constamment repoussée parce qu’on ne veut pas que le dollar monte plus.  Dans l’incertitude ainsi créée,  personne ne peut rien dire de l’évolution du cours dollar/euro.  Rien ne marche comme on voudrait dans un système de changes flottants.  La bourse américaine a atteint un sommet, comme d’ailleurs les bourses européennes, avant une belle correction.  Elles peuvent encore craquer un peu plus si la reprise demeure aussi faible. Les pays émergents sont dans le désordre le plus complet. Les prix de l’immobilier restent incertains.  Les matières premières sont dans les choux.  Les banques sont étranglées par les réglementations et toujours grevées de créances douteuses. Les engagements obligataires et les opérations « over the counter » deviennent hyper dangereuses.   Il n’y  pas de vraie baisse des prélèvements fiscaux.

La spéculation est dans l’impasse. Les Etats sont dans l’impasse. Les banques centrales sont dans l’impasse. 

En attendant le scénario le plus probable, si rien ne bouge, est une petite accélération de la croissance. Elle suggérera des propos enchantés  dans la presse,  surtout dans cette période de campagne électorale présidentielle en France. Elle sera  probablement suivie par un mini krach entre 2017 et 2018 qui affectera  plus la couche des actifs reliées aux dettes que l’activité elle-même, comme entre 2001 et 2003 et qui fera trembler l’Europe, sans doute une nouvelle fois par une crispation grecque.

On ne voit pas trop comment les banques centrales et les Etats pourront réagir efficacement.  Seul un changement du système monétaire international permettrait réellement d’en sortir.  S’il avait lieu immédiatement après le mini krach, les leçons de l’histoire économique des quarante dernières années étant enfin tirées, nous pourrions retrouver un terrain propice à une croissance plus rapide et à une reprise de l’emploi, les ressources quittant le domaine de la spéculation pour s’employer dans l’économie réelle.  Mais peut-on compter sur la pédagogie des crises pour briser des tabous intellectuels associés à des positions de pouvoir géopolitiques ? C’est tout l’enjeu des cinq prochaines années.

 

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile.

L'émission Zemmour & Naulleau en grand danger

L'émission de Zemmour et Naulleau, sur Paris Première,  prend un mauvais tour. La nouvelle charte graphique de l'émission est très laide. le rythme des séquences est inconfortable pour le spectateur qui n'a pas le temps de véritablement s'installer dans un débat. Le choix des invités est tellement convenu, avec des personnalités tellement "vues  à la télé" qu'on sait à l'avance tout ce qu'elles vont dire. Pire encore, l'originalité des critiques, principalement celles de Zemmour, s'est perdue depuis que ses thèmes de prédilection sont au centre même du discours médiatique.  L'apport d'une présentatrice chargée de cadencer l'émission est quasi nul. Sa présence a réduit le rôle de Naulleau qui était jusqu'ici le "modérateur" de l'émission à une prestation incertaine, parfois fantomatique. 

En un mot la spontanéité, la vérité incongrue mais tenace, la fraîcheur, ont déserté l'émission, alors que la présence d'un comique, certes sympathique mais que l'on voit et entend désormais partout, apparait décalée.

Rien n'était plus frappant lors de l'émission du 28 octobre 2015.

Inviter Pierre Larroutourou pour la nième fois ne pouvait que se terminer en désastre. Cet agitateur a la spécialité de "faire de la chaleur" et jamais aucune lumière. Il chauffe l'émotion comme un prédicateur et empêche tout le monde de parler. Impossible de finir une phrase quand il est là. Et les âneries s'enchaînent avec véhémence. Croire que cette véhémence et cette grossièreté servent "le dynamisme du débat" est une grave erreur.   La charmante directrice de l'Ifrap a été interdite de finir une phrase ou un raisonnement pendant tout le temps du "débat" qui n'a strictement rien produit d'utile, sinon qu'Agnès Verdier-Molinié préfère cette situation d'oratrice châtrée à pas d'apparition du tout,  et que Hollande a eu bien tort d'inviter son contradicteur qui n'a pas cessé de l'insulter pendant l'émission.

L'autre invité était l'ineffable et increvable président du Modem, ce parti politique qui ne comporte que deux membres et ne vit que par la télévision. François Bayrou est le prototype même du politicien à dents de Rastignac qui n'a strictement rien à dire et dont tout le programme se résume à "Moi Je". Il n'est pas le seul, mais dans le cas du Béarnais, cela commence à se voir beaucoup.

Déjà en 2007, lors de la campagne présidentielle, nous avions essayé de décrypter le programme du Modem. Sur tous les chapitres sans exception, le schéma était le même : "le PS et l'UMP sont incapables de résoudre le problème ; mais moi j'y arriverai". Pourquoi ? "Parce que moi et mes gens nous sommes formidables". "Mais avec quelles mesures précises ?". "Nous aviserons car nous sommes les meilleurs". M. Bayrou fustige mais ne propose rien sinon de revenir à la Quatrième République, mais en conservant l'élection présidentielle au suffrage universel qui est son seul objectif réel. Une fois qu'il sera là, il se fait fort de monter des gouvernements d'alliances entre factions pour le meilleur bien du pays.

Impossible d'en tirer la moindre mesure concrète, puisque la politique naîtra de "compromis utiles". Dénonciation des autres, dénonciation de la situation, intolérable, nécessairement intolérable, et …rien. "Chassez les vilains, cassez les grands partis par la proportionnelle, élisez-moi comme président  et vous verrez comme nous sommes formidables".

Voici donc François Bayrou annonçant son soutien "sans faille" à M. Juppé. Avec dès le départ une contradiction gigantesque.

- Quelle est la question la prioritaire, celle où vous pensez devoir faire porter tout de suite l'essentiel de votre action ?

- L'éducation nationale.

- Monsieur Juppé vient de publier un livre sur ce sujet.

- Je suis totalement opposé aux préconisations de ce livre. Il faut faire exactement le contraire.

Voilà donc le soutien sans faille en désaccord immédiat et irréconciliable sur la question nationale la plus grave.

On se souvient que Mme Virginie Calmels avait déclaré lors de l'émission "On n'est pas couché" qu'elle soutenait Alain Juppé pour "rajeunir la politique française". Ce qui avait bien fait rire.

Il n'y a pas que le Modem à choisir l'oxymore comme programme électoral.

Comme l'a très bien remarqué Naulleau, un éclair dans la grisaille : "Vous soutenez Juppé comme la corde le pendu" ; "des amis comme vous, c'est pire que des ennemis". Si Juppé ne parvient à gagner les primaires, Bayrou se présentera aussitôt, au risque une fois de plus de faire passer François Hollande.

Évidemment, il n'a aucune ambition personnelle. Pouah ! Pas de cette vilenie. Il se sacrifie simplement pour porter son message indispensable que personne, à part lui, ne porte. On a vu qu'il n'y a pas de message. Il paraît qu'il faut rire et que le cynisme en politique est la base de tout et qu'il n'y a qu'à laisser faire. On ne cède plus à "l'insistance de ses amis". Il est vrai que les amis de M. Bayrou, on les cherche. On les trouve parfois dans le bureau de M. Hollande, comme le rallié Benhamias. Désormais on se présente aux élections parce qu'on est seul à porter un message fantastique même s'il est subliminal. C'était déjà l'argument de Mme Morano.

En attendant, il a tenté de populariser une idée qui, pour le coup, est totalement fausse. Quelle est-elle ? "

- La France est seule responsable de ses malheurs et peut s'en sortir toute seule comme une grande (si je suis élu président) .

Belle posture, virile et tout. Mais qu'elle est le diagnostic sous-jacent  des malheurs qui nous frappent ?

L'effondrement global de l'économie baudruche et du système financier mondial n’est pas dû principalement à la France. La crise est bien venue de l'extérieur. Donc la solution ne peut venir au moins pour cette partie, que de l'extérieur par application du principe de la symétrie des causes et des effets.

L'Euro a certainement facilité la débauche des certains états membres de la zone Euro dans l'économie baudruche internationale mais n'est pas la cause majeure de la crise financière. En revanche, elle a terriblement compliqué la réaction à la crise, provoquant une catastrophe dans le sud de la zone et entraînant tout le monde dans une fiscalisation aberrante. Les instances de la zone ont été obligées de violer tous leurs principes pour tenter d'en sortir. Commentaire de M. Bayrou ? Rien. Si : "L’Europe nous protège". Il y a du cabri chez cet éleveur de chevaux.

On a vu que le programme de la France qui-peut-tout-toute-seule est inexprimé.

L'émission de Zemmour et Naulleau n'a donc servi qu'à "des opérations image", sans aucun contenu réel derrière.

Si le but de l'émission n'est que de promotion, d'autres le font mieux et plus agréablement.

Conseillons à ces Messieurs  de ne pas chercher absolument l'audience du "prime time", qui a déjà rendu inaudible la télévision jusqu'à 22 h 30. Le but de l'émission ne doit pas être de proposer un spectacle avec chaleur, émotion, sottise propriatoire, com' outrancière. Mais un moment d'intelligence et de décryptage.

En tout cas, c'est comme cela qu'on l'aimait. Et pour cela qu'on l'écoutait. À plusieurs reprises Éric Zemmour a dit : on en parlera tout à l'heure. Et on n'a parlé de rien.

Attention, Messieurs. Votre émission est en grand danger. C'est tout de suite qu'il faut réagir.

Retour sur ce que disait l'Express en septembre 2009 pour juguler la crise

Au moment où les illusions d’une reprise franche, massive et riche en emplois s’estompent, preuve que la crise n’a pas été totalement comprise et que les mesures prises n’ont pas eu les effets escomptées, il est intéressant de revenir sur ce que disait la presse à la rentrée de 2009, alors que la récession était à son maximum, après s’être développée depuis juillet 2007. 

Prenons par exemple l’Express n° 3038, qui annonce « Crise : plus jamais ça ». « Après deux ans de chaos,  la nécessité de repenser le capitalisme s’impose ». « Les idées neuves commencent à émerger ».  L’Express  a sollicité quatre intellectuels de renom pour esquisser la forme que pourrait prendre demain le capitalisme ».

Pour Philippe Aghion, membre du CAE et de la commission Attali, marques de renom s’il en est, « les pays comme la France […] ont mieux résisté que le Royaume-Uni ou les Etats-Unis qui ne disposaient pas de stabilisateurs automatiques ».

On voit six ans plus tard où l’on en est. La France a le double de chômeurs, sa dette devient incontrôlable, et son taux de croissance est moitié moindre.

Il préconise une intervention massive de l’Etat dans la régulation bancaire et même dans les décisions au jour le jour comme les rémunérations. Il omet de signaler que toutes les banques sont en faillite virtuelle et ne cherche pas à savoir pourquoi. Ce sont finalement les banques centrales qui sauveront les banques en leur permettant d’emprunter à coût nul et de prêter aux Etats, le gain servant progressivement à amortir les pertes. Le processus est loin d’être terminé, comme on le voit avec les restructurations massives de nombreuses banques, contraintes de dégonfler rapidement et leurs en-cours et leurs effectifs. En revanche une législation incroyablement tatillonne a été mise en place qui est étouffante, sans que les restructurations majeures n’aient été faites (séparation des banques de dépôts et des banques d’affaires ; arrêt des cotations en continu ; encadrement des mouvements de capitaux à court terme, stabilisation des changes, …).

Les autres suggestions sont d’une parfaite banalité (fiscalité punitive, avec la fusion de la CSG et de l’IR, surtaxe sur les très riches, formation et recherche, environnement, protection nationale des sources de croissance mais dans le cadre des règles du marché unique). On ne craint jamais les oxymores  et la résolution des contraires par le verbalisme.

Rendons hommage aux membres du CAE : ils ont eu suffisamment d’influence pour faire avancer leurs idées. Les banques sont corsetées ; les Français sont fiscalement pillés ; on ne parle que d’environnement source des progrès et de l’industrialisation future. Et nous sommes dans la situation où nous sommes.

Pourquoi ce contraste, tout de même un peu fâcheux ? La raison est simple : il n’y a aucun diagnostic des causes de la crise. Pas un mot sur le grand retournement de la dette globale à partir de 1971 et sa montée jusqu’au-delà de 400% du PIB presque partout. Pas un mot sur les défauts d’organisation de la zone Euro. Pas un mot sur les défauts d’organisation du système des changes. Pas un mot sur l’excès de dépenses publiques françaises.

Alors on glose sur des thèmes sans danger de carrière. Et on ne propose que des banalités sans effets sur la réalité tout en prétendant « réformer le capitalisme ». On voit que cette philosophie est encore de règle dans les milieux de l’économie officielle et qu’elle nourrit les politiques de tout bord.

L’Express en appelle alors à un certain Richard Senett, de la London School of Economics. « Le développement des idéaux de performance et d’autonomie fait que ces gens pensent ne pas avoir été à la hauteur ». Ces gens sont ceux qui ont vu leur carrière hoqueter à cause de la crise. Dans les années 70, nous avons personnellement réorganisé une société de gestion d ‘archives d’entreprises. Lourde réalité : divorces et suicides sont la conséquence des faillites dans beaucoup de ménages. Les femmes cherchent un protecteur. S’il flanche, elles partent. La grande nouvelle ! Après trois récessions destructrices les drames se sont succédé. La vraie question est d’éviter les graves dépressions économiques. Pas de « réhabiliter la notion de métier », ni de « concentrer l’action syndicale sur les questions de santé », pour que le salarié puisse acquérir de la « continuité narrative ».

Notons- le, un nouvelle fois : l’absence totale de diagnostic de la crise est criante. Les autorités ont bien compris le message de Senett. Nous voici avec la notion de dossier  professionnel continu du salarié, censé faire face à la discontinuité des carrières.  Au moment où le rêve de tous est de devenir fonctionnaire, un « métier » où la « continuité narrative » est assurée. Mais pas la valeur ajoutée.

Le périodique appelle alors à la barre le « Philosophe de service ». Depuis Platon, la corporation méprise l’activité commerciale et la production. Très bien payé comme professeur « travaillant » (horresco referens) très peu à l’université de Lausanne, ce curé des temps modernes (le prêche sans le sacrifice) nous assène : « il faut arrêter de penser que l’enrichissement matériel est une fin en soi ».  Faites l’expérience : proposez à ces olibrius un retour au niveau de vie moyen de l’URSS, pour ne pas remonter au XIXème siècle. L’œil devient vitreux, le discours se raidit :   « Il est scandaleux que les professeurs soient aussi peu reconnus dans la société de consommation : des sous, des sous ! ».

Mais force est de constater que ces discours moralistes portent et nous voilà à l’aube de la COB21. La croissance détruit la planète. "Salauds de capitalistes avec leurs économistes suppôts qui sont des génocidaires pires qu’Hitler."

La solution : « forcer les chambres hautes à se consacrer aux seuls enjeux de long terme avec une approche qualitative et non monétaire ». La monnaie, pouah, c’est sale et ça tâche.

Les désordres actuels sont liés à une organisation monétaire défaillante On voit la pertinence de tout cela. On imagine que ce brave garçon envisage d’être un des nouveaux sénateurs. Il pense si « politiquement correct » ! Et faire la morale, dans l’opulence, il n’y a que cela de vrai.

Voici pour finir la saga des penseurs de la refondation capitaliste un directeur de recherche au Centre d’études européennes de sciences-po. Que faire ? C’est tout simple. Permettre aux Brics de prendre toute leur place dans les institutions mondiales. L’Europe sera marginalisée et l’Occident aussi, mais ce n’est pas grave. Il faut supprimer le droit de veto à l’ONU. La gouvernance du FMI doit être réformée.

L’auteur remarque justement qu’ « il est anormal que le FMI n’ait pas pu jouer son rôle d’alerte » et qu’il n’a servi qu’à relayer les exigences américaines. Mais il ne dit pas que le FMI, créé pour réguler un système de changes fixes n’a pas de rôle autre que de sous-diplomatie américaine à trois balles,  dans un système de changes flottants.

La crise est une de fois de plus associée à une dérégulation excessive des marchés financiers, sans voir que cette dérégulation est consubstantielle à un système de changes flottants. Il faut bien que les marchés s’exercent pour fixer la valeur respective des monnaies. On a vu récemment Mme Lagarde se réjouir que la Chine libéralise un peu la gestion de sa monnaie dans la perspective de la mise sur le marché du Yuan.

Huit ans après, l’émancipation de la Chine, le retour de la Russie sur le plan international, rend tout ce verbiage inopérant. L’Occident est toujours de toutou des Américains qui détruisent allègrement leurs concurrents bancaires européens et s’emparent de la finance mondiale comme jamais (100% des grandes syndications sont pilotées par des banques américaines) ; Le soft power a montré son impuissance en Ukraine et au Moyen-Orient.  Les bruits de bottes deviennent un peu sonores et des millions de personnes déplacées viennent ajouter à la crise globale, sur fond de stagnation économique de longue durée.

Au total, la pertinence des quatre sauveurs du monde capitaliste se révèle totalement nulle et à côté de la plaque. Aucune réflexion sur les vrais problèmes :

-          Le dégel du monde communiste qui met sur le marché des centaines de millions de salariés au moment même où tous les marchés sont ouverts à la puissance américaine.

-          Les désordres monétaires internationaux liés aux changes flottants et à l’abandon des grandes disciplines de balances de paiement, avec notamment la montée d’un endettement incontrôlable.

On ne parle que normes aggravées, là où il faudrait engager le fer sur des questions d’organisation et de politique au jour le jour.

Pas un mot sur l’Europe et le feu qui couve dans les déficits associés à la politique de relance, à la crise, et à la garantie des pertes bancaires. Pas un mot sur la FED ou la BCE.

Bref,  une absence totale de  pertinence et une compréhension du monde d’une nullité abyssale.

On constatera que ces caractéristiques restent très actuelles. Ces quatre articles n’ont pris aucune ride et pourraient être resservis tel quel. La réflexion sur les causes de la crise et les vraies solutions est toujours à peu près inexistante dans les analyses présentées dans les médias et, plus grave, dans la littérature économique technique. Faire de la morale facile (à bas la finance, vive l’écologie, vive le travailleur qu’il faut protéger, vive les pays émergents) l’emporte aujourd’hui sur les préoccupations d’efficacité qui passent par la connaissance pertinente et l’action ciblée.

Le « triomphe de la volonté » n’est toujours pas à l’ordre du jour. La pénitence sous les anathèmes de pseudo-penseurs intéressés reste la règle.

Nous entrons dans la neuvième année de crise  avec pour la France, rappelons ces quelques chiffres :

- Un prélèvement public supérieur à la valeur ajoutée des entreprises du secteur industriel et commercial  de plus d’une personne.

- 7.5 millions de pauvres (près de 10 millions selon certains).

- 5.500.000 de chômeurs (certains disant 6 millions)

- Le plus faible taux d'occupation des femmes, des jeunes, des immigrés et des personnes âgées de tous les pays d'économie comparable

- Deux millions de personnes ne cherchant pas à travailler et à la gamelle publique.

- 2.200.000 milliards de dettes publiques et à peu près le même niveau  de dettes privées, soit quatre fois la valeur ajoutée des mêmes entreprises.

- 15 millions de retraités prévus pour 2016.

- 5.5 millions de fonctionnaires et on recrute.

- 15.5 millions de salariés.

- Un budget pour 2016 en hausse avec maintien du taux de prélèvement champion du monde. Une hausse massive des impositions locales.

- Une fuite continue des fortunes, des jeunes, des techniciens.

- Une baisse continue de la construction malgré la croissance de la population.

- Un investissement des entreprises historiquement mou.

- Un commerce international stagnant.

Globalement la guerre ravage le Moyen-Orient et les marges est de l’Europe. Le Japon réarme. La Chine devient exigeante. La Chine, le Brésil, la Russie sont en grave difficulté, comme la majorité des membres du Brics. La reprise américaine est la plus lente jamais vue depuis 120 ans.

Tout va très bien Madame la Marquise ! Le désastre économique est total mais puisqu’il est enveloppé de moraline facile, tout semble sous contrôle.

Il ne faudra pas 40 ans pour que nos enfants trouvent cette période particulièrement consternante.

Pour une diplomatie de la prospérité !

Jean-David Levitte est sans aucun doute le sommet de la crème de la crème de nos élites diplomatiques, françaises et européennes. "Diplomator" est son surnom qui marque bien l'admiration légitime que le milieu accorde à ses talents.

Les anciens de l'INSEAD l'ont invité ce matin pour un petit déjeuner-débat qui s'est révélé à l'image de l'invité : exceptionnel.

Exceptionnel, l'exposé brillantissime sur l'évolution des grands axes géopolitiques depuis quatre décennies, marquée par des novations majeures tous les dix ans. Le grand tournant est daté de l'arrivée de Khomenei aux affaires en Iran, accompagnée du second choc pétrolier et de la décision de la Chine de se lancer dans l'ouverture capitaliste. La situation diplomatique figée par la guerre froide se remet en mouvement. D'événements en événements (Chute de l'Union Soviétique et guerre en Irak, destruction des Twin Towers et guerre en Afghanistan), on se retrouve aujourd'hui avec une série de fragmentations, dont l'Asie mineure est le meilleur exemple mais qui touche aussi l'Afrique et surtout l'Europe.

Exceptionnelle, l'analyse de "l'échec dangereux" de la politique de Poutine qui est obligé d'intervenir en Syrie pour masquer son échec en Ukraine. Fils d'un père juif de la région russe d'Ekaterinbourg, devenue la ville ukrainienne de Dniepropetrovsk, Monsieur l'Ambassadeur a quelque raison de suivre les affaires locales avec attention. En proposant l'idée que c'est Poutine et son agression qui ont créé le sentiment national ukrainien, il pousse sans doute le bouchon un peu loin. Les massacres staliniens (Holodomor) avaient fait beaucoup et le nationalisme Ukrainien ne date pas d'aujourd'hui, même si la Crimée est Russe ("mais réclamée de façon un peu cavalière…") et qu'il y a en effet trois parties bien distinctes en Ukraine. Il fait de l'échec de la politique russe la source possible d'un nouvel embrasement. Il considère que le soft-power européen, si souvent décrié (notamment par nous-mêmes), a bien fonctionné. L'Union Européenne est généreusement réhabilitée avec une vision du nouveau traité entre l'Europe et les Etats-Unis plus que positive, même dans ses aspects d'arbitrages privés, qui nourrissent de violents débats dans la blogosphère et sur les réseaux sociaux. La raison : si les normes ne sont pas construites entre l'Europe et les Etats-Unis, elles le seront par l'Asie.

Exceptionnellement bien présentés, les efforts de la Chine pour réaffirmer sa suzeraineté sur tous ses voisins, tout en ne cherchant jamais à aller trop loin.

Où se niche le sentiment sinon de malaise du moins d'inachevé qui nimbe ce grand exposé ? Il est toujours difficile de bien cerner un sentiment diffus. Cela vous grattouille et cela vous chatouille sans qu'on parvienne trop à comprendre ce qui cloche. Jusqu'à ce que la lumière se fasse. Cet exposé ne comprend aucune analyse de l'évolution économique depuis quarante ans ! La diplomatie reste exclusivement géopolitique, façon Talleyrand, et ne s'intéresse pas au bain économique global.

Nous posons la question : "Depuis quarante ans chaque décennie voit la croissance ralentir, les crises périodiques devenir plus sauvages, la dette augmenter jusqu'à devenir intolérable, Pourtant le discours diplomatique sur ces sujets est inexistant. Ne devrait-on pas donner une dimension économique à la diplomatie, avoir aussi, en France et en Europe une diplomatie de la prospérité ? Nous n'avons pas de vision des causes de la crise, pas de diagnostic, pas de "guidelines" qui pourraient être le support d'une action diplomatique continue envers les gouvernances internationales dysfonctionnelles. Est-ce normal dans une période de mondialisation où nous dépendons des autres de plus en plus étroitement ? "

Le discours, limpide jusqu'ici, se fait hésitant et même incertain. "C'est à la France de s'adapter et elle ne l'a pas fait et ne le fait toujours pas". Pourtant ce n'est pas en France que la crise est née et pris son envol. On a pris en pleine figure l'explosion de la sphère financière internationale pilotée par les pays anglo-saxons. Certes on n'avait rien fait pour s'y préparer, mais les causes du saccage de la prospérité ne sont pas en France. Il serait donc logique d'élaborer une action diplomatique vis-à-vis des acteurs et des actions qui nous nuisent. Visiblement la nécessité et les contours d'une telle action sont totalement étrangers aux préoccupations diplomatiques françaises et européennes. Jean-David Levitte se contente de citer quelques pointures françaises qui sont au cœur de discussions réussies, comme la fin du secret bancaire ou la fiscalisation des multinationales. Sinon, c'est peut-être le destin de l'économie d'avoir atteint une sorte de sommet. Et puis tout semble aller mieux. Les banques ont été sauvées. Le Grexit a été évité. "La reprise est là en Allemagne, en Angleterre, aux Etats-Unis, même si la classe moyenne ne cesse de perdre du pouvoir d'achat". Dans la salle on entend quelques affirmations du type : "la crise est finie !" ; "Quelle crise ?" ; "La reprise est là !".

L'économie n'a toujours pas trouvé sa place dans la diplomatie. Une carrière diplomatique réussie suppose qu'on ne s'attaque pas à des sujets qui fâchent : une zone euro dysfonctionnelle qui a ruiné certains de ses membres ; un système monétaire international dysfonctionnel qui explique l'essentiel des grandes crises politiques qui se sont enchaînées et qui ont été si bien décrites par l'orateur.

Pas de Khomenei sans l'émancipation de l'Opep et l'arrivée d'une manne pétrolière démesurée. Pas de chute de l'URSS sans la rupture de croissance des années 73-89. Pas de changement de la politique chinoise si on ne comprend pas que les Tigres et Dragons étaient en train de dépasser la Chine en puissance économique et financière. Pas de crise actuelle en Chine si on ne comprend que l'accumulation d'actifs en dollars a été excessive et que comme au Japon après 92-93, le risque était de voir s'évaporer dans le néant des milliers de milliards de dollars de créances. Les révolutions dites du printemps arabe sont toutes les fruits de la misère consécutive à l'effondrement bancaire de 2008.

La trame de tous les événements qui marquent l'évolution géopolitique des quarante dernières années est liée aux défauts structurels du soubassement économique international et notamment à ceux du système monétaire international. De façon inextricable.

La diplomatie n'en a cure. Il n'y a pas de dimension économique de la diplomatie, analysée dans un discours construit et portée par une politique explicite. L'économiea été évacuée vers les banques centrales et les institutions financières internationales, ensemble hors les murs de la politique et de la diplomatie, sauf sur des sujets étroits et moralement indiscutables, comme la lutte contre l'argent noir ou l'évasion fiscale.

Le Général de Gaulle est le dernier président français à avoir élaboré une doctrine économique et monétaire internationale et pris le soin de l'exprimer.

Depuis les présidences françaises sont taiseuses. Les erreurs économiques massives commises en France ont fait perdre de toute façon toute crédibilité aux gouvernants français.

C'est pour cela que notre diplomatie économique est muette.

Il nous faut une "diplomatie de la prospérité" qui s'attaque aux systèmes internationaux dysfonctionnels. Le suivisme morose ne rime à rien sinon à l'effacement de la France en particulier et de l'Europe en général, dans une déréliction globale.

Diplomator doit être aussi Economator.

 

Didier Dufau pour le Cercle des Économistes e-toile

Une erreur majeure de perspectives

De nombreux livres paraissent qui tentent d'expliquer les difficultés économiques du moment par les évolutions supposées de la production. Le numérique tuerait l'emploi. "L'uberisation" de la société déboucherait sur un chômage structurel. La destruction du tertiaire n'alimenterait pas de quaternaire. Etc.

Où est l'erreur ? Dans ce fait élémentaire qu'au dessus de notre PIB se trouve une couche quatre fois plus épaisse de dettes. Les désordres actuels proviennent de cette couche ingérable de dettes, pas de la structure de la production ni de son évolution.

Considérons le fait majeur qui inquiète aujourd'hui même : le retour de la baisse des prix en Europe et dans bien des parties du monde. Est-il lié le moins du monde à Uberpop ou aux nouvelles technologies ? Pas du tout. En revanche la destruction monétaire provenant du dégonflement nécessaires des en-cours bancaires est un mécanisme tout ce qui a de plus pertinent pour expliquer la déflation des prix.

Les observateurs à courte vue mettent en avant la baisse du pétrole comme facteur principal de la baisse des prix et ajoutent que le gaz de schiste en est le vecteur. Le moindre approfondissement de l'observation montre que toutes les matières premières ont connu la même baisse. C'est l'arrêt du commerce international et l'abandon de la politique de sécurisation de son stock de monnaies mises en réserve par la Chine qui explique cette décroissance subite, pendant des politiques de spéculations pratiquées antérieurement.

Ces baisses ne proviennent pas de la production mais des mouvements spéculatifs antérieurs permis par la création monétaire prodigieuse des décennies précédentes et le non contrôle des déficits et des excédents majeurs de  balances des paiements.  

Le monde aimerait se débarrasser d'un stock de dettes vertigineux mais ne se met pas en position  d'enclencher des mécanismes concertés de croissance. Le résultat est la stagnation, le chômage et la déflation.

Uberpop  et ses confrères n'ont rien à voir avec ces mouvements majeurs qui portent sur des milliers de milliards d'actifs plus ou moins faisandés.

En se concentrant sur des exemples marginaux d'évolution des produits et des productions, beaucoup des analyses publiées perdent le contact avec les réalités massives et ne produisent rien de  probant. C'est comme ci de subtils analystes voyant des villages entiers emportés par des crues gigantesques expliquaient le désastre par la forme du toit des nouvelles maisons ou la nature des nouveaux matériaux de construction.

La crue destructrice est le phénomène économique majeur. La numérisation de l'économie pas plus que sa mécanisation ou son électrification ou l'accroissement de la part psychologique dans la valeur des produits, ou la saturation des besoins, n'est la source structurelle d'une hausse du chômage. En revanche quand vous avez 400% de dettes par rapport au PIB avec une durée moyenne de l'en cours de 5 ans et un taux d'intérêt de 5%, le remboursement du principal et le paiement des intérêts prendrait 100% du PIB. Impossible !   Cà, c'est une vrai vecteur de chômage et de difficultés.

En se concentrant sur 1% du PIB (la part des nouvelles technologies problématiques) au lieu de s'attaquer aux 400% de dettes, toutes les subtiles analyses qui triomphent actuellement dans les medias ne sont qu'un vain exercice. Ce n'est pas la paille qui volète autour de certains marchés nouveaux qu'il faut analyser mais la poutre qui est plantée au cœur de l'économie et qui empêche son cœur de battre.

Didier Dufau pour le Cercle des Economistes e-toile

Une pétition déshonorante

Comme nous l'avons souvent écrit, lorsque des économistes se groupent en meute pour signer une pétition ou un article,  il s'agit toujours d'une erreur ou d'une opération médiocre. Si l'affaire était intelligente et utile, il n'y aurait pas nécessité de se grouper. Mille interventions individuelles permettraient de faire apparaître la bonté de la mesure ou de l'analyse. Chacun se ruerait pour prendre part à la gloire d'une réflexion pertinente.

Voici donc à nouveau 150 "économistes" qui se lance dans une opération de signature médiatisée. Avant même de lire la pétition, on sait qu'elle va être nulle. Leurs prédécesseurs s'étaient mobilisés pour les 35 heures, avec les résultats que l'on sait. Et aucun d'entre eux ne va crier sur les toits qu'il est l'un des signataires de cette proclamation triomphante de bêtise politicienne et idéologique déplorable.

Nulle, elle l'est en effet mais pire encore, elle est nauséeuse. Il s'agit purement et simplement d'une attaque ad hominem. On ne veut pas d'un homme à la tête de la Banque de France. Le malheureux a été, un temps, dans l'équipe de direction de la BNP. Alors haro sur le sagouin au nom des grands principes !

Ces méthodes sont détestables et détruisent le peu de crédit qui entoure les économistes "officiels".  Le gouvernement a persisté dans ses choix et écarté d'un pied méprisant ce petit crachat collectif. Il a eu raison.

Non pas que la consanguinité qui existe entre administration et banque ne soit pas un problème ; non pas que l'esprit de "fascio" pétainiste qui baigne l'organisation bancaire française ne soit pas condamnable ; non pas que la banque universelle ne soit pas le lieu de tous les conflits d'intérêts. Les énarques inspecteurs des finances règnent sur un petit monde entièrement cartellisé, cautionné par l'Etat (et la poche des contribuables)  et où les erreurs, les manquements à l'éthique ou les catastrophes financières ne perturbent aucune carrière.

On passe des cabinets ministériels à des postes de haute fonction publique ; de la tête des hautes administrations vers celles des hautes banques, on passe de contrôlé à contrôleur. Avec un peu de talent on arrivera à la tête d'institution internationale. Pour cela il faut un pedigree impeccable. La nomination récente anticipe sur la nécessité à terme de remettre un français à la tête de la BCE. On prépare le cheval.

Tout cela se passe entre vingt énarques qui coiffent la politique et l'administration, donc la banque et l'essentiel des médias, totalement entre les mains des banques.

Alors les roquets peuvent aboyer, cela n'a pas d'importance.

Que les 150 économistes utilisent l'argent que leur donne généreusement l'Etat, directement ou indirectement, pour analyser les défaut de la banque universelle, pour établir le lien entre le système bancaire actuel et l'économie baudruche qui a explosé en 2008 ! Qu'il regarde la gestion de la zone euro et qu'ils en dénoncent les dysfonctionnements ! Qu'ils agissent pour séparer la haute fonction publique de la sphère politique ! Qu'ils analysent les défauts du système monétaire international !

Tout reste à faire dans ces domaines.

C'est certes plus difficile que de se déshonorer dans des opérations médiatiques menées contre des personnes.

Mais cela rehausserait l'image d'une profession qui a perdu avec la crise l'essentiel de son crédit, faute de l'avoir prédite, prévenue et au moins expliquée. Ne parlons pas de chemin de sortie de crise. Là les 150 économistes pétitionnaires baissent le nez et prennent bien garde aux tâches. Une carrière de minables plutôt que le risque de la pensée et l'observation juste. Bien au chaud dans la meute.

Détestable !

Le blog du cercle des économistes e-toile

Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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