La sortie de crise n'est pas pour tout de suite

"Une trentaine de représentants de haut niveau de pays membres et non-membres du G20 planchent sur les défis que représente la finance internationale à Paris, ce jeudi", annonce le Figaro.

Il y aura du beau monde. Le ministre des Finances britannique ou encore le gouverneur de la Banque centrale chinoise Xiaochuan Zhou… Au total plus d'une trentaine de représentants de pays membres et non-membres du G20 (qui regroupe les vingt principales économies développées et émergentes), ainsi que les principales organisations internationales comme le Fonds monétaire international (FMI)".

Depuis l'abandon des disciplines mises en place à Bretton Woods en juillet 1944, les réunions d'experts n'ont jamais cessé. Elles sont même ritualisées. Réunion des gouverneurs de banque centrale, réunion de Ministres des Finances, réunion des chefs de gouvernement, réunion des chefs d'Etat, aucun niveau n'est épargné par la réunionite. Depuis 1971, il y en a eu des centaines. Et pendant ce temps-là les trois grands malheurs économiques constitutifs de la crise se sont approfondis :

- Baisse décennale continue du trend mondial

- Gravité aggravée des crises périodiques

- Inversion de la courbe de l'endettement global jusqu'à ce qu'elle atteigne des sommets impossibles à maintenir sans drame.

Le nombre de ces réunions comme leur inefficacité est un des phénomènes les plus intéressants et préoccupants de la mondialisation. Il marque que l'appel rituel à un "nouveau Bretton Woods" n'a aujourd'hui plus de sens. C'est Bretton Woods tous les matins !

Quel est le nœud du problème ?

On a déconstruit en 1971 un système de coopération organique pour finalement bâtir en 1976, à Kingston, en Jamaïque, un non-système, traduisant un rapport de force géopolitique et masqué par une ritournelle de progrès basé sur les trois libertés du commerce, des mouvements de capitaux et des mouvements de personnes. À chaque déboire, on rappelle le mantra et on cherche aller encore plus loin dans la déconstruction de tout l'encadrement qui permettrait à ces trois libertés de s'exercer sans drame. Avec, à chaque fois des résultats contraires aux objectifs affichés.

Le monde diplomatique, en matière économique, vit dans une double soumission. Soumission aux Etats-Unis et à ses dépendances comme la Commission de Bruxelles. Soumission à l'idéologie dérivée qui veut que les libertés ne doivent pas être organisées, sinon au profit du plus fort.

Le système mis en place est structurellement non coopératif et la réunionite ne cherche qu'à masquer ce fait en évoquant sans cesse et la nécessité de la coopération et celle de ne jamais mettre en place une canalisation des désordres provoqués par cette coopération purement verbale sur fond de guerre des monnaies.

En matière de développement économique international, il n'y a pas de main invisible heureuse guidant les marchés comme l'Esprit Saint et permettant l'optimisation globale des ressources et des investissements.

On n'est pas en face d'individus mais d’États qui désormais ont en main l'essentiel des ressources. Les monnaies ne sont plus des biens tangibles extérieurs aux Etats mais des abstractions gérées par des administrations.

Les Etats ont des objectifs. Les superpuissances, des objectifs géostratégiques mondiaux. La destruction des accords de Bretton Woods a permis aux Etats Unis de gagner la guerre froide contre l'URSS. "Ce n'est pas Philippe qui a gagné la guerre mais l'or de Philippe" dit-on d'une guerre contemporaine de la création des monnaies. La monnaie est historiquement l'enfant bâtard du sabre et du goupillon. Bretton Woods avait été une tentative partielle de sortir de cette logique en disant aux Etats : vous n'êtes pas seuls au monde et votre monnaie est aussi notre problème. Elle doit être sortie de l'arsenal des conflits entre Etats.

Les monnaies ont été mises au râtelier et la surveillance du râtelier accordée au FMI.

Ce qui s'est passé en 1971, c'est tout simplement l'ouverture du râtelier et l'autorisation donnée à chacun de faire ce qu'il pouvait faire des armes. Et que le meilleur gagne.

Comme on ne pouvait pas le dire comme cela, on a baigné le retour à la non-coopération structurelle dans un pathos hyperlibéral faisant fi du fait que les libertés s'organisent, surtout lorsqu'elles concernent des mouvements transnationaux. Une des conséquences a été l'affaiblissement structurel du FMI et la montée en puissance des banques centrales dont on sait qu'elles sont en fait impuissantes à arbitrer des conflits géostratégiques. Comme nous le répétons sans cesse, les banques centrales ne savent régler, comme les psychanalystes, que les problèmes qu'elles ont elles-mêmes créés. Elles sont un faux-semblant et on voit bien qu'elles ne peuvent que s'engager dans une politique d'expédients de plus en plus contraires aux principes affichés. L'échec du G.20 est également significatif. Son seul résultat a été de mettre au pas la place financière Suisse et d'imposer Fatca à tous, un objectif de la puissance américaine, avec en prime des sanctions délirantes contre les banques européennes, qui sont désormais hors courses dans les grandes opérations de la finance mondiale. En imposant par la force la loi américaine à tout utilisateur du dollar, le gouvernement des Etats unis a levé le masque. "Le dollar est notre monnaie et votre problème" disait Connally, un secrétaire d'Etat américain des années soixante-dix. Nous n'en sommes plus là. Le message subliminal actuel est :" Notre monnaie est notre instrument de puissance internationale et nous voulons vous y soumettre. Notre crainte est le Yuan. Le dollar va nous permettre de mener la guerre contre la Chine. Il nous faut un traité transatlantique pour avoir les mains libres en Extrême Orient. Nous le négocions avec nos féaux à la Commission".

Face à cette brutalité, les réactions ouvertes  sont inexistantes en Europe, devenue un mouton bêlant et qui n'a pas réagi à Fatca, qui s'est soumise humblement face aux exactions contre les banques européennes, et qui négocie le dos courbé le traité transatlantique.

L'Allemagne et le Japon sont des nations soumises au diktat américain sans même la moindre discussion.

On a lu dans le Monde un article d'une douceur angélique du gouverneur de la banque centrale de l'Inde pour évoquer l'idée que peut-être un peu plus de coopération serait nécessaire.

Seule la Chine résiste et on a vu à Shanghaï, comme on le verra aujourd'hui, que certains se cachent derrière la Chine pour tout de même faire un peu changer les choses. 

La réunion d'aujourd'hui sera comme d'habitude un hymne aux masques idéologiques de la domination américaine sans aucune perspective de coopération structurelle. On grattouillera aux marges en regrettant que rien ne marche comme prévu mais sans oser affronter les Etats-Unis bille en tête. Comme ces derniers n'ont pas voulu qu'on les gratouille en profitant de la résistance chinoise, ils n'ont envoyé qu'un sous fifre à la réunion parisienne.

Il ne sera pas facile de faire le bilan de la réunion : il n'y aura pas de communiqué. On saura si le grenouillage de Paris a eu des conséquences lors de la prochaine réunion des chefs d'Etats à Hangzhou, en septembre. les petites manoeuvres ne font pas les grandes décisions.

"Il n'y a pas d'alternative" : il ne peut pas y avoir de collaboration dans un système structurellement non coopératif. Il ne peut pas y avoir de projet commun dans un système de soumission globale, d'échappatoires idéologiques hypocrites ou de petites manoeuvres de couloir. Il ne peut pas y avoir de retour à la prospérité sans explication des causes de la crise sévère qui perturbe le monde depuis 2007.

Nous voyons bien que l'analyse des causes est un exercice quasiment interdit. Le FMI, l'OCDE, le G.20 se sont bien gardés de faire l'exercice. Les Etats se sont tus. Les Etats-Unis ont dit : "voyez, nous,  nous y arrivons ; c'est vous les nuls, quand vous n'êtes pas des gangsters". Et ils ont maintenant sur le dos Trump et Sanders. Le complexe militaro-financiaro-industriel n'a plus la cote. Les citoyens américains ont bien compris qu'ils étaient un simple enjeu de pouvoir et que la politique menée avait certes des avantages pour certains chez eux, mais que les gros bataillons ne s'y retrouvaient pas.

La France est représentée par l'Énarque Sapin, ami du président énarque Hollande, qui, tous deux, ont intégré au plus profond d'eux-mêmes qu'ils n'avaient aucune prise sur rien, sinon leur carrière, et qu'il fallait filer doux en silence, surtout après avoir mis le pays par terre par impéritie militante. La France est dans un tel état qu'elle ne peut plus avoir de diplomatie économique. Le seul mot de France évoque encore aujourd'hui à l'étranger les impôts à 75 % et les 35 heures. Nous sommes un repoussoir ridicule. La réunion aura lieu au milieu de grèves absurdes, vu l'état actuel du pays, avec cette dimension comique des fédérations socialistes de parents d'élèves (dominées à 100 % par des socialistes fonctionnaires), prétendant accompagner leurs doux adolescents menés par la FIDL (dominée à 100 % par des mouvances socialistes d'adultes fonctionnaires ou espérant le devenir) dans la révolte contre des mesures qui ne concernent pas les fonctionnaires.

Ces grèves ont d'ailleurs un sens très précis : "nous allons perdre les élections de 2017 mais nous vous prévenons : le troisième tour "social" vous empêchera d'agir. Comme d'habitude, en dépit de vos postures de Matamor". L'emploi dans tout cela est un prétexte. Avis aux virils candidats aux primaires "de droite et du centre", ou aux candidates virilisées par "une greffe de c…", comme le dit la fofolle NKM, candidate à tout et à rien, dont le dernier livre est absolument vide de la moindre étincelle de réflexion sur les sujets majeurs que nous évoquons ici, comme tous ceux de ses concurrents à l'exception de celui de Fillon qui a compris que l'emprise américaine allait désormais trop loin mais qui n'a pas encore défini une vraie alternative.

En cette veille du premier avril, le poisson est déjà de sortie. Et sa tête montre de vilains signes de putréfaction.

La mondialisation-soumission, et son échec économique de longue durée, l'Europe soumise et ouverte à tout vent, avec son échec économique de moyenne durée, et la France du n'importe quoi qui n'a plus prise sur rien, et recule constamment sur le front économique depuis l'alignement giscardien à la Jamaïque puis les mesures d'étouffement prises par la coalition socialo communiste de 81, aggravées par Jospin puis Hollande, ne forment pas un joli spectacle.

Nous ne sommes pas près de sortir de "la crise" née en 1971.

Economie, primaires de la droite et élections présidentielles

Marcel Gaucher explique qu’il faut sortir de l’économisme et de l’énorme pression que cette doctrine impose.

Les Echos, en contrepoint affirme que les élections présidentielles se feront sur la question de l’économie.

Les deux ont tort.

L’économisme ne règne pas en France mais le socialisme moralisateur avec une dépense publique exorbitante, des dettes exorbitantes et un chômage d’une masse exorbitante. Si l’économisme régnait, il y aurait une trace de raisonnement économique. On la cherche. En revanche on ne compte plus les mesures vexatoires purement socialistes qui cherchent à priver de liberté les citoyens « riches », comme « la mixité sur le palier » de madame Hidalgo qui fait que la ville préempte à prix d’or, avec le produit d’impôts d’ampleur inégalée,  des appartements dans des immeubles cossus et y installe des familles africaines, arrivées en fraude  avec 14 enfants, sur le même palier que celui d’un dirigeant d’entreprise ayant payé cher pour vivre dans un milieu à sa convenance et non dans un faubourg de Ouagoudougou. Il est vrai que cette politique est menée à Paris sous contrôle socialiste par un communiste dont la doctrine est de faire payer par les riches la corde avec laquelle on va les pendre.  A Moscou, dans les bonnes années socialistes,  on pratiquait la mixité dans le même appartement. Encore un effort !

Les candidats aux primaires de la droite et du centre axent totalement leur campagne  sur la nouveauté alléguée « du monde qui se révèle » et la nécessité de ne pas se laisser influencer par la rue pour mettre en place les réformes adaptatives nécessaires. Mais on cherchera en vain une trace d’explication économique solide et on trouvera plus de postures et d’affirmations de virilité réformatrice que de raisonnements sur des faits observés sans passion.

Tout le monde sait que l’opinion française se cristallise  autour de deux réactions aussi fortes qu’instinctives. « Non aux impôts » ; « non à l’Islam ». Les « attentats » fiscaux de 2011 et de 2012, et les attentats islamistes abominables de 2015 sont les deux mamelles politiques de la France de 2016. Les cris mille fois répétés dans les médias, comme chez Ruquier dans On n’est pas couché,   de « vive les impôts » (des riches) et de « non à l’islamophobie » ont désormais un peu de mal à être entendus.

Ajoutons la dimension d’immédiateté propre aux réactions politiques, et on voit bien que les campagnes électorales vont se perdre dans les solutions radicales à ultra court-terme. Baisser « massivement » les impôts, « tout de suite » ; mettre au pas « impitoyablement » nos Molenbeek français, « sans attendre ».

Ce climat offre au Front National un boulevard, lui qui lie toutes les problématiques en une seule : immigration égale dettes, dépenses publiques, impôts, abaissement des valeurs nationales, délinquance et terrorisme.

 

 

L’offuscation de l’intelligence risque d’être la conséquence électorale la plus grave. Nous avons dit ici combien les différentes campagnes des élections de 2012 avaient été regrettables et même pitoyables. Les prochaines risquent d’être bien pires.

Les trois grandes libertés sont au cœur des difficultés. Les débats en sont rendus compliqués.

La liberté des mouvements de personnes se heurte aux migrations de masse et aux contradictions insurmontables des politiques de natalité. Si la population du  Nigéria dépasse celle de la Chine, en 2050, on ne voit pas à quel titre l’Europe devrait absorber les centaines de millions de migrants que cette politique implique.  Si certains pays du Maghreb ont l’ambition d’utiliser « le ventre des femmes musulmanes » pour envahir l’espace européen, nouvelle terre d’islam, on ne voit pas trop les arguments qui justifieraient que les pays européens cèdent à cette volonté.

La liberté des mouvements de marchandises entraine automatiquement une pression des pays à bas salaires sur les pays à hauts salaires, surtout si la compétition est inégale du fait d’une exigence différente en matière de normes de production. Le libre échange est nécessaire et positif entre pays qui équilibrent leurs échanges. Mais les énormes déséquilibres commerciaux sont-ils acceptables ?

La liberté des mouvements de capitaux est sans doute un des moyens de « l’affectation optimale des investissements ». Sauf si ces investissements sont purement financiers et alimentent les bulles moutonnières et endogènes d’une économie baudruche.

Si la liberté est un principe essentiel, les libertés s’organisent. Les débats fondamentaux du moment se doivent de porter sur l’organisation des libertés. Ils sont difficiles et sensibles. Il y a un gouffre entre les libertés individuelles et les libertés collectives. Ce qui est simple, à l’échelon individuel, devient nettement moins commode à gérer lorsqu’on change d’échelle.

Une nation n’a plus de politique si elle est totalement ouverte et si les mouvements venus de l’extérieur peuvent s’exercer sans limite avec des effets quantitatifs démesurés. Affirmer qu’il faut simplement s’adapter à ces pressions ne fait pas un discours politique audible. La culpabilisation des citoyens ne mène à rien. 

Les enjeux électoraux devraient tous être centrés autour des trois grandes difficultés de gouvernance.

Gouvernance française : pourquoi faisons-nous moins bien que les autres ?

Gouvernance européenne : pourquoi l’Europe fait-elle moins bien que les autres ?

Gouvernance mondiale : pourquoi, depuis quarante ans, le trend baisse-t-il, les crises périodiques s’aggravent-elle et le taux de dettes global s’est-il partout inversé jusqu’à atteindre les niveaux intenables qui ont entraîné la rupture de 2008 ?  

Pour être équilibré un programme électoral doit comporter deux piliers économiques :

-          Une action interne pour remettre le pays d’aplomb

-          Une « diplomatie de la prospérité », en Europe et dans le monde, pour éviter que la nation soit périodiquement ravagée par des crises gravissimes venues de l’extérieur.

La grande erreur des candidats actuels, putatifs ou réels, aux primaires de la droite et du centre, est d’escamoter complètement le second volet. Il est vrai qu’il est vain d’espérer peser à l’extérieur si le pays ne retrouve pas son allant, comme François Hollande le prouve tous les jours. Il est tout aussi vain de croire qu’un redressement unilatéral ne sera pas balayé, un jour ou l’autre, par un autre épisode de tsunami économique venu de l’extérieur, si on ne procède pas à des changements profonds de l’organisation économique mondiale. Giscard et Chirac n’avaient pas que de mauvaises idées. Ils ont été balayés par la crise de 74. Balladur avait une vision solide de ce qu’il fallait faire : il a été balayé par la crise de 92-93. Sarkozy et Fillon n’avaient pas un mauvais programme ; Il a été balayé par la crise de 2008-20xx.

A chaque fois, ce sont les conséquences du ressentiment né de la crise qui ont fait venir les socialistes au pouvoir, au sein de coalitions hétéroclites, alors qu’ils sont minoritaires dans le pays, quasiment structurellement. La France n’est pas socialiste et il n’y a pas de « peuple de gauche ».  A chaque passage,  les socialistes ont aggravé tout en étouffant plus étroitement les relations économiques et en poussant au maximum les dépenses publiques, la dette et les impôts, même dans les périodes de vaches grasses offertes par la conjoncture (comme Rocard et Jospin), quitte, à la veille des élections, à tenter de rebrousser partiellement chemin pour ne pas les perdre.

Les socialistes, qui ont poussé avec J. Delors, à la création de l’Euro appuyé sur une politique de libertés économiques absolument sans entraves,  ont baissé un tout petit peu les impôts en 2001 et déchargé l’entreprise du fardeau des allocations familiales ces dernières années. La mouvance peut affirmer qu’elle a été plus audacieuse que la droite. Mais les socialistes sont pris dans des contradictions insurmontables : soumission à l’Europe fédéraliste elle-même soumise aux Etats-Unis ; absence totale de volonté d’organiser les libertés ; abandon du terrain social ;  violence fiscale contre les entrepreneurs et « les possédants » ; immigration sans limite ; priorité théorisée donnée à l’altérité ;  président et ministres au dessous des qualités nécessaires pour gouverner. 

La droite, de son côté, ne comprend pas qu’elle doit lutter sur deux fronts : les conséquences internes du socialisme et les conséquences des crises venues de l’extérieur.

Juppé ne croit pas nécessaire de développer de véritables idées, mais seulement sa stature. Il se veut compatible avec Rocard et la droite de la gauche. Il est « droit dans les charentaises » de F. Bayrou. Cet unanimisme exclut qu’il prenne des options programmatiques fortes. Il moque ceux qui promettent « des larmes et du sang », en oubliant que le sang et les larmes, c’est « ici et maintenant ». Il n’aucune idée d’une « diplomatie de la prospérité ». Il ne veut pas s’aliéner les européistes ni les tenants de la mondialisation heureuse. Et il ne va pas s’attaquer bille en tête aux « forces sociales »  qui lui avaient valu une défaite en rase campagne en 96. Il n’est pas sûr qu’il résiste à une campagne contre François Hollande. Lorsque le challenger est trop proche du sortant, la prime va au sortant.

Sarkozy ne sait pas s’il pourra se présenter et jusqu’ici ne capitalise que sur des mesures ciblées par ses communicants sur le cœur de l’électorat : baisse immédiate et massive des impôts et attitude anti-migrants. « L’achat de votes » façon Hollande ne séduira pas.  Et il a déjà perdu une fois contre ce dernier notamment au cours d’un débat où il a été inexistant.

Lemaire et NKM capitalisent sur le fait qu’ils sont ou jeune ou femme. C’est bien court.

Copé est plus brûlé que Jeanne d’Arc ne le fut à Rouen. Et il passe pour Cauchon.

Reste Fillon qui a développé un programme sérieux de redressement interne et qui a esquissé un début de commencement de diplomatie de la prospérité en  refusant le traité transatlantique.

Beaucoup pensent qu’il n’a pas le charisme, l’énergie et la rouerie d’un chef de bande inoxydable. Il est ignoré par la presse qui se concentre sur les favoris des sondages dont on sait qu’ils dépendent directement de l’investissement qu’on fait dans l’exercice (Cf le livre de Villiers).

Pour le moment, c’est le seul qui soit moins engagé dans le chemin de la com’ que sur celui des idées fortes. Il est probable qu’il sera, après les débats télévisés, au second tour des primaires face à Juppé, surtout si Sarkozy est empêché, ce qui est désormais probable.

Cette confrontation dictera la suite des élections présidentielles et la politique des dix ans à venir. Celui qui pourra dessiner un avenir à dix ans convaincant, avec une méthode pour le construire, gagnera.  Cet avenir à dix ans exigera une action dans la durée. Pas seulement dans les 100 premiers jours (le syndrome Guéna). Il faut donc doser les réformes fondamentales à prendre vite et bien, sans esprit de recul, et l’action ultérieure, qui doit être le fruit d’une mécanique démocratique et sociale riche et continue.  Celui qui exigera qu’on s’adapte dans la douleur sans jamais laisser entrevoir d’issue positive à ce masochisme sera rejeté. Gagnera celui qui démontrera que l’étatisme et le « fiscalisme » insensé de l’ « Enarchie compassionnelle » est une des causes internes de nos problèmes et prouvera qu’il saura y mettre fin. Perdra celui qui sera l’homme d’une fonction publique aux effectifs déraisonnables et  bénéficiant d’une organisation protégée ruineuse, distincte du reste de la population.

François Hollande a lié sa candidature à la baisse du chômage. Nul doute que le chômage soit nominalement le sujet prioritaire préféré des politiques (car ils savent que la question de l’islam et de l’impôt sont les deux seules qui animent vraiment les Français et qu’elles sont dangereuses). Il est regrettable que l’annexe 8 de l’excellent livre de Bernard Zimmern : « A tout fonctionnaire son chômeur »  ne soit pas inscrite au programme de tous les candidats aux primaires. Elle montre une corrélation parfaite entre l’excès de personnels à statuts et  l’excès de chômage.  Le livre date de 98.  Cette corrélation reste entièrement valable aujourd’hui. Elle est même encore plus certaine.   

On peut tout de même exiger du pays que la confrontation finale ne se résume pas à l’affrontement d’un énarque de gauche qui a tout raté récemment mais qui croit à sa « baraka », avec un énarque de droite qui a tout raté il y a vingt ans mais qui croit à sa « stature ».

Les Français rejettent clairement un second duel entre Hollande et Sarkozy. Il devrait également rejeter une confrontation entre l’énarque Hollande et l’énarque Juppé. Cela ne veut pas dire que l’on souhaite que cela se termine par un débat d’images entre Nicolas Hulot et Nathalie Kosciusko-Morizet !

La politique de la chaleur et du casting doit faire place, quelque temps , à celle des lumières et des actions réfléchies et déterminées.

Du Canard enchaîné au cygne martyrisé

Du Canard enchaîné au cygne martyrisé

Le Canard enchaîné  daté du 23 mars 2016 se livre, par l’entremise de Jean-Luc Porquet, à un exercice que nous pratiquons de temps à autres : aller rechercher dans le passé des attitudes et des positions qui se retrouvent presqu’identiquement de nos jours.

Il déterre un vieil article du 24 mars 1975 publié dans l’Obs sur le thème : « la relance pourquoi faire ? ». L’auteur, André Gorz,  était un auteur intéressant même s’il n’était pas l’intellectuel le plus connu du moment et, dans le cas, il écrivait sous pseudo. L’objet de son ire : condamner l’espoir que la croissance permettrait d’obtenir le plein emploi. « La croissance a abouti à l’impasse ». « L’alternative n’est pas entre la prolongation de la crise présente et le retour de la croissance  destructrice et gaspilleuse du passé. Ce retour est impossible. Faire croire le contraire est pure démagogie ».  Ses solutions : « une transformation de la société à tous les niveaux », la baisse du temps de travail et l’utilisation de techniques écologiques « employant peu de capitaux et beaucoup de main d’œuvre ».

Cet article méritait d’être déterré à plusieurs titres.

Qui a enseigné pendant des décennies s’amusera de l’impossibilité ontologique des intellectuels, des politiques et notamment des jeunes étudiants à considérer que « les problèmes » ne sont pas toujours « modernes », exigeant une « adaptation à des temps nouveaux ».  La contestation de la société de consommation et donc de production a commencé dans les années soixante avec les enfants du baby boom gavés de biens de toute sorte et n’ayant pas connu la faim. On se souvient des prédictions apocalyptiques, début 70,  annonçant la disparition du pétrole dès les années 80 (c’est toujours dix ans après que la catastrophe arrive pour ce genre de prévisionniste).  Le vert qui se portait à droite avant guerre (relire les églogues du Mitterrand de l’époque) est passé à gauche dans les années soixante.  Les philosophes, à l’époque, citant Platon,  étaient en pointe pour exiger une réforme de la société fondée sur le loisir et non sur le travail « qui dégrade ». Si la société ralentissait et se contentait de ce qu’elle avait, en s’organisant comme dans un joyeux phalanstère, le paradis s’installerait sur une terre sauvée de la surexploitation et de la pollution. Déjà les premières analysent mettant en cause le « bougisme » pointait leur nez. On n’imaginait pas des migrations de masses ni des substitutions de population dans le phalanstère. La société était statique et idéalement close sur ses propres solutions. 

Cet article mettra dans l’embarras tous les adeptes du « pas de croissance » dès que sera posée la question suivante : Que se serait-il passé si la croissance avait cessé en 1976 ?   Pas de micro-informatique, par d’internet, pas de téléphones portables, pas de médicaments décisifs, ni les mille face du «progrès » etc. Quand on bloque la croissance, on ne sait pas ce qu’on perd.

Une seconde question s’impose immédiatement après : comment règle-t-on la question de la pauvreté dans le monde sans croissance ? Nous avons certes connu une baisse du trend pendant ces quarante dernières décennies, mais la croissance annuelle a été malgré tout, en moyenne, supérieure à 2% en France sur l’ensemble de la période, entraînant une hausse très importante du niveau de vie. Qui veut revenir à celui de 1976 ? Et la pauvreté dans le monde a beaucoup reculé. Des centaines de millions de personnes en sont sorties.

Ne parlons pas de la fameuse « réorganisation sociale à tous les niveaux ». Personne ne sait mettre un contenu crédible et même simplement acceptable sur cette profession de foi.  

N’insistons pas sur l’idée saugrenue, déjà dénoncée sur ce blog,  que les solutions coûteuses et improductives créent de l’emploi, sottise qu’on entend tous les jours ces derniers temps, y compris dans la bouche des politiques de droite.

Pour nous, la question intéressante est ailleurs. La relance giscardo-chiraquienne de 74 allait se révéler un grave échec.  Il n’a pas été analysé à l’époque et ne le sera pas par les économistes officiels dans les décennies suivantes. Une loi économique nouvelle venait de s’inscrire durement dans les faits  : en système de changes flottants, les relances ne fonctionnent pas et rapidement les gouvernements sont obligés de revenir en arrière pour tenir leurs finances.  Cette loi fondamentale est passée inaperçue. Toutes les relances ultérieures ont connu ce destin partout où elles ont été mises en œuvre. Pas une seule exception. La relance coordonnées et massive de 2008-2009 a mis partout les finances publiques et privées dans une situation intenable. Huit ans après on en est toujours à tenter de faire face par des expédients de plus en plus artificiels.

L’abandon de la réflexion est encore plus grave et fondamental que ça, puisqu’il porte sur la crise de 73- 74 elle-même. On l’a évacuée comme « crise du pétrole » provoquée par le vilain cartel des pays pétroliers. Comme je l’ai démontré, je crois, dans mon livre, l’Etrange Désastre, la crise du pétrole est la fille de la crise économique et non sa mère. 

Comme on ne veut pas voir que la crise est liée à une erreur tragique de gouvernance internationale, on impute ses conséquences à tous les dadas à la mode et on pousse les pions de théories moralisantes,  sociales ou politiques,  qui n’ont aucun rapport explicatif avec « la crise ».

Cette dernière s’aggrave, faute d’un accord général sur le  diagnostic correct et de thérapeutique adaptée. Ces théories deviennent de plus en plus hystériques, à mesure de la croissance du chômage et des difficultés économiques.

C’est là qu’on passe du Canard au cygne. Il faut savoir que les déjections des cygnes sont totalement incompatibles avec les prairies pour vaches. Les paysans suisses ont été confrontés à l’expansion du nombre des cygnes et ont commencé à les chasser de leurs champs. D’où une campagne complètement hystérique de certains écolos helvètes visant à sanctionner les promoteurs de la « shoah des cygnes ». La « reductio ad hitlerum » du producteur de lait dans les alpages, est-ce bien raisonnable ?   On est passé d’une réflexion sur la consommation et l’organisation d’une société frugale  à une guerre émotionnelle de dénonciation de « génocides ».

Quand l’intellect faiblit, la passion occupe tout l’espace. 

« Perseverare cretinissinum » conclut l’article.

D’accord !    Mais les "crétins" ne sont pas nécessairement ceux qu’on croit.

Des chiffres terrifiants mais significatifs

Nous ne cessons d'alerter sur la gravité de la crise économique proprement française. Nous refusons les facilités trompeuses qu'offre l'emploi du PIB pour évaluer la situation. Nous préférons la valeur ajoutée des entreprises du secteur industriel et commercial de plus d’une personne, qui est désormais près de 1 300 milliards d'euros.

L'Insee vient d'en donner une analyse.

"Sur les 3,3 millions d'entreprises (non agricoles et non financières) que compte la France, 3 000 étaient réellement au cœur de l'économie. De fait, elles concentrent 52 % de la valeur ajoutée, 70 % des investissements et 83 % des exportations!

Dans le détail, ce noyau dur d'entreprises réalise une valeur ajoutée de 986 milliards d'euros, « soit plus de la moitié de la valeur ajoutée de l'ensemble de l'économie ». Elles emploient 5,1 millions de salariés. À l'opposé de ces 3 000 entreprises, 3 millions d'entreprises contribuent assez peu à la valeur ajoutée et aux investissements."

L'important est naturellement de tirer les leçons de ces chiffres. Elles sont accablantes.

On ne voit pas comment ces 3 000 entreprises peuvent faire quelque chose de significatif pour les 6 millions de chômeurs. On notera que l'effectif des fonctions publiques est supérieur à leur effectif salarié.

Ce chiffre est à comparer aux départs des familles fortunées, généralement appuyées sur ces grandes entreprises : entre 20 000 et 30.000, selon un décompte (officieux et d'une fiabilité discutable) basée sur l'évaporation des déclarations de revenus supérieures à 100 000 euros.

Le goût français pour la fonction publique, la dépense publique, la dette et les impôts a radicalement tué notre société d'entrepreneurs.

On constatera également le caractère dérisoire des lois Khomry et Macron, qui était déjà notable  pour le CICE et autres fariboles hollandaises.

Il suffit que 20 % des entreprises de ce groupe disparaissent, soit par rachat étranger, soit par faillite, soit par délocalisation, pour que des centaines de milliers d'emplois soient encore perdues, dans le cœur même du réacteur économique. Malgré la reprise européenne de fin de cycle, ridicule par rapport aux autres épisodes du même type ces quarante dernières années, la tendance s'accuse.  

Sur fond de palinodies politiciennes tellement médiocres qu'on ne peut plus parler que de honte nationale.

Inlassablement, depuis 1997, nous rappelons que le nombre de salariés dans un pays comme la France (66 millins d'habitants) devrait être au-dessus de 25 000 000 si on disposait des ratios d'emploi salarié des pays les plus dynamiques. Globalement on nous annonce 16.5 millions fin 2014, dont on voit que le tiers se trouve dans 3 000 entreprises. C'est totalement dérisoire. L'énarchie compassionnelle et l'indigence de la gestion publique depuis les années soixante-dix ont coûté son économie privée à la France.

Rappelons qu'il n'y a pas un seul salarié du secteur marchand privé dans le gouvernement actuel composé uniquement de fonctionnaires et d'apparatchiks politiques.

Nicolas Baverez ajoute à l'endettement public de plus de 2.100 milliards, la dette connue correspondant aux retraites publiques qui est du même ordre. Mais il pourrait se contenter d'ajouter la dette privée et il arriverait à plus de 4 mille milliards selon l'Insee et près de  8.000 milliards selon McKinsey et la Deutsche Bank., chiffres dont  on se sait pas s'ils tiennent compte de la créances certaines des retraites publiques. En un mot : c'est encore plus grave que ce que vous croyez, cher Nicolas !

Là encore, la vraie question est de comprendre comment on en est arrivé là. Car ces ratios ne sont pas que français et c'est lorsque le monde a dépassé en moyenne un niveau de dettes de  400% du PIB que l'économie baudruche a explosé.

La singularité française est l'existence d'un noyau tout aussi dur d'économistes socialistes (sans trop le dire, mais tout le monde sait) qui tiennent à peu près tous les postes universitaires et leurs diverses succursales, qui viennent inlassablement au secours de la dépense publique, des impôts, des mesures d'asphyxie économique, et qui ont sorti la France du débat économique pour une servilité politique de mauvais aloi. Ceux là trouvent les chiffres cités normaux et sans danger.

On voit sur la TNT des  Henri Serdyniak  s'emporter inlassablement contre toute critique sur le niveau de la dépense publique. Encore ! Encore ! Eric Heyer se répand partout où il peut expliquer que toute libéralisation du marché du travail est une horreur absolue.  On constatera avec horreur qu'ils sévissent dans une institution dépendant de Sciences Po. Emile Boutmy et Leroy Baulieu doivent se retourner dans leur  tombe. Comme si l'institut d'études politiques se devait d'être inlassablement les propagandistes du plus d'état, du plus de dépenses publiques  et du plus d'impôts.

Un pays pourrit toujours pas la tête. La défaillance des élites universitaire explique pour les chiffres terrifiants que nous avons commentés ne provoquent aucune réaction publique.  Ceux qui devraient être le fer de lance de la réflexion, ont mis leur carrière au service de petits intérêts politiciens et idéologiques.

L'OFCE , où sévissent Heyer et Serdyniak, est censé avertir de la conjoncture. Il a été incapable de voir le gonflement de la dette globale mondiale. Il n'a pas vu arriver la crise. Il a été incapable de prévenir les politiques. Cet institut ne sert aucune recherche économique utile. C'est une machine à décérébrer.  On voit qu'on a des tas de pistes pour réduire la dépense publique. Par exemple supprimer ce "machin".

Mais il est loin d'être le seul. Rappelons que les 1xx signataires de l'appel en faveur des 35 heures  à la fin du siècle dernier, mesure qui a fait tant de bien à notre pays,  sont tous dans des postes économiques  officiels. Ils sont des rats dans le fromage de la dépense publique et ils n'ont rien compris ni rien appris.

Expédients

La Banque Centrale Européennes prend des mesures "non conventionnelles" nouvelles. Tous les bons esprits essaient avec plus ou moins de subtilité, de décrypter les mesures prises par le sphinx monétaire, sans trop s'interroger sur le saugrenu de la situation : pourquoi aurions-nous donc besoin d'un sphinx monétaire ? M. Draghi, président de la BCE, après avoir voulu dévaluer l'Euro pour des raisons de compétitivité européenne défaillante, chercherait maintenant à relancer l'activité bancaire en payant les banques pour qu'elles prêtent. L'activité suivra. Toujours en noyant son projet dans la litote et le non dit puisque l'objet social de la BCE est de maintenir la valeur de la monnaie et donc de contrôler l'inflation. Bref, les médias tentent d'expliquer les modalités d'un viol répété et constamment aggravé des principes gravés dans le marbre du traité de Maastricht. On avait le "vol de l'Aigle", nous avons "le viol du sphinx". La règle était formidable. La violation de la règle encore plus formidable.

Pourquoi ne pas se contenter d'avouer vérité et de dévoiler la réalité ?  La perte globale mondiale générée par l'éclatement de "l'économie baudruche" en 2007 et 2008 est d'environ 12 000 milliards d'euros. Pour donner du sens à ce nombre, il suffit de rappeler que la valeur ajoutée des entreprises françaises non financières de plus de une personne en France est d'un peu plus de 1 200 milliards. En un mot, notre merveilleux système monétaire international, de dérèglements en sauvetages façon pompier pyromane, a réussi à créer une perte égale à 10 fois la production française !

L'essentiel de la perte étant logé dans les banques, et le capital de celles-ci ne permettant pas d'absorber ces pertes, il a fallu sauver les banques par une série d'expédients. Les Etats et l'impôt ont été sollicités. Mais cela ne pouvait pas suffire. On a protégé les banques de mille façons, la dernière en imposant que toutes les transactions passent par les banques, avec le but avouer de faire disparaître la monnaie de poche. L'essentiel a tout de même été de donner du temps aux banques pour qu'elles puissent progressivement éliminer les pertes latentes des portefeuilles de prêts.

Comme nous l'avons dit il y a bien longtemps, on a adopté la technique du hanneton qui pousse sa boule de crottin devant lui. L'animal fatigue parfois. Il faut l'aider un peu plus à chaque faiblesse. La BCE intervient pour permettre de faire rouler encore un peu la boule de dettes à chaque fois qu'une incertitude grave vient toucher les banques. L'effondrement du cours des banques exigeait une réaction. Elle vient de se produire.

L'absence d'inflation rend l'opération d'élimination de la perte latente bancaire longue et aléatoire. Mais comment générer de l'inflation lorsque la perte latente pousse à une déflation phénoménale ?

Oui la BCE permet aux banques de faire des gains financiers sans cause réelle. Oui la BCE permet aux Etats de vivre malgré le poids démesuré d'une dette d'état qui s'est substituée en partie à la dette des banques. Oui la BCE entraîne la finance dans une zone inconnue où une part croissante de la dette porte des intérêts négatifs, c'est-à-dire subventionne l'emprunteur avec de l'argent banque centrale créé à partir de rien.

Aucune de ces mesures n'a de justification dans la théorie économique, ni ne correspond à aucun texte, ni ne répond à aucun des principes qui avaient conduit à la création du système de l'Euro.

Le but : survivre sans changer le système ; Maintenir un système de monnaie unique dans un monde de changes flottants ; Conserver la liberté absolue des mouvements de capitaux, de personnes et de marchandises sans rien organiser ni canaliser.

D'expédients en expédients jusqu'à la victoire finale !

Tout sauf s'interroger sur la perversité du système des changes flottants et la mauvaise gouvernance de la zone Euro.

Les Etats européens n'ont plus de responsabilité du tout dans l'efficience économique, sinon d'adapter les citoyens à la nouvelle donne. Les politiciens n'ont plus qu'un seul jeu : se faire réélire ou élire en finassant. François Hollande pratique ouvertement l'achat de vote. On le voit aujourd'hui même avec l'annonce de l'abandon du gel des rémunérations des fonctionnaires. La discussion porte sur le bon moment de la distribution, afin d'optimiser le gain électoral. Une hausse tout de suite pour créer l'ambiance puis une autre juste avant les élections pour amplifier le "feel good" électoral des fonctionnaires. Mais quand ? En octobre ou en janvier ? Dilemme fondamental ! En contrepartie, il faut faire semblant d'obéir à l'injonction bruxelloise de "réformer le marché du travail", qui, il est vrai, a été totalement étouffé en trois fois par les socialistes : mesures Auroux ; mesures Jospin-DSK-Aubry et mesures Ayrault. Mais l'injonction vaut pour tous les pays européens, avec comme objectif avoué de faire diminuer le coût salarial pour retrouver de la compétitivité mondiale, alors que la zone est… excédentaire ! Comprenne qui pourra.

La France est devenue un théâtre d'ombres. Plus d'intelligence. Plus d'intérêt général. Conserver des places et aider à survivre des systèmes bancals, voilà toute l'ambition. La presse prend bien garde à ne pas effrayer le Prince qui lui permet de survivre grâce à des subventions exorbitantes pourvu qu'elle ne dise rien qui fâche vraiment.

Il n'y a plus de réflexion économique publique. Il n'y a plus de politique économique de production. La science économique est à l'encan. Les mêmes économistes médiatiques qui n'avaient pas prévu la crise et même qui avaient nié qu'elle puisse survenir, expliquent que la déflation vient de "l'ubérisation" de la société. Quand on compare l'effet d'UBER aux 10 000 milliards de pertes latentes qui font stagner l'activité depuis 2007 malgré mille expédients, il y aurait de quoi mourir de rire.

Le pire : personne ne rit.

Il est vrai que plus personne ne pense.

 

Deux mots à Bruno Lemaire

Personne ne s'imposant sans discussion à droite, des élections primaires ouvertes ont été organisées, avec un nombre considérable de candidats. Du coup, l'électeur de droite est obligé de s'interroger sur les programmes et les personnes. S'agit-il d'une candidature réelle, ou d'une occasion de notoriété, ou d'un espoir de place dans le futur gouvernement ? La logique de la candidature est-elle programmatique ou l'occasion d'affirmer une image personnelle ou des thèses que l'on considère comme négligées ?

Bruno Le Maire s'est "posé en s'opposant" à N. Sarkozy lors de l'élection à la tête de l'UMP et il a obtenu un bon score. Il a prouvé dans l'exercice sa capacité à manœuvrer vite et à s'investir sans arrière-pensée. L'homme sait mouiller sa chemise. Il est réactif. Son discours n'est pas vide.

Avec la parution de son dernier livre "Ne vous résignez pas !" chez Albin Michel, il permet d'y voir un peu plus clair dans son projet.

Le livre est un appel et il ne manque pas de souffle, même si les contempteurs du candidat affirmeront que l'on brasse surtout de l'air. Contrairement à N. Sarkozy qui voulait faire une "rupture" et qui finalement ne l'a pas faite, contrairement à F. Fillon qui veut "faire", ce qu'il n'a pas pu mettre en œuvre du fait de la crise et parce que Sarkozy était aux commandes, Bruno LeMaire veut un coup de torchon générationnel. Il compte fermer le cycle détestable ouvert en 1968 et qui a vu l'alternance entre une droite partiellement de gauche et une gauche partiellement de droite, le système s'effondrant progressivement dans le n'importe quoi avec des dettes obscènes, des dépenses publiques incontrôlables, des impôts punitifs, et des abus partout, sur fond de dissolution de l'idée nationale. Il ne veut pas pardonner à ceux qui sont partiellement responsables de cette impéritie.

Il faut une grande lessive. Adieu Juppé, le complice du Ni-Ni chiraquien ; adieu Fillon, qui n'a pas osé s'opposer à Sarkozy ; adieu Sarkozy qui n'a pas osé faire la rupture. Place aux jeunes, donc place à lui, qui est le seul en situation de mener ce mouvement de rajeunissement, du fait qu'il a donné des gages de sa cohérence en démissionnant de la fonction publique, qu'il a eu des responsabilités ministérielles importantes et qu'il est le seul à avoir montré de réelles prédispositions politiques (NKM ayant sombré lors des Municipales parisiennes). Bruno Le Renouveau n'hésite pas à lâcher des formules assassines contre ses concurrents. Il brûle réellement ses vaisseaux.

Un tel engagement suppose une campagne qui vise moins l'aspect programmatique que de convaincre qu'il est l'homme d'un tel renversement. L'émotion est largement mise au service de cette démonstration. Bruno Lemaire incorpore sans réserve à son discours tous les interlocuteurs qu'il a pu rencontrer, et montre qu'il porte la croix de toutes les confidences qu'on lui a faite sur le désastre général qu'est devenue la situation française. Il utilise l'émotion à répétition. À notre avis un peu trop.

Le projet est clair : la France est un grand pays à qui on a fait perdre de l'intérieur et de l'extérieur tout ce qui faisait sa valeur. Le train de l'histoire, piloté par des nuls, a fait dérailler une belle nation qui doit restaurer tout ce qui a fait sa force. Français, on vous a engagé dans trop d'impasses ; redevenez vous-mêmes et chassez l'anti-France ; renoncer à la démagogie, à l'étatisme, au socialisme, au gauchisme attardé et retrouvez la force singulière a fait la réputation de la France dans le monde "Moi-même, je ne flancherai pas sur ce chemin". Voilà l'engagement.

Le problème de tous les chants en faveur du retour à la grandeur nationale, ce sont les paroles. L'air est connu et facile à fredonner. Fixer les paroles est plus difficile.

La plus grosse difficulté est, comme pour les autres candidats, que Bruno Lemaire n'explique pas la crise économique, ignore dans ses textes et propos les sources internationales du mal et donc ne peut pas prétendre les juguler. La "crise" n'est pas née en France. Elle n'est pas propre à la France. On voit en ce moment même aux Etats-Unis que les classes dites "moyennes" se révoltent aussi là-bas. Sur tout cela, Bruno Lemaire ne dit rien dans son livre. Comme pour les autres candidats, l'idée force est que la France doit s'adapter. D'autres pays l'ont fait et se trouvent mieux que la France. Alors faisons l'effort. Brisons les résistances politiques, étatiques, syndicales, et allons-y gaiement dans l'adaptation au monde du XXIe siècle.

Nous n'aimons pas ce discours. La modernité n'est pas, en soi, une valeur. Si l'organisation générale est mauvaise, pourquoi s'y adapter plutôt que réparer l'organisation fautive ? Et où en serons-nous une fois "l'adaptation" faite ? C'est le drame de tous ceux qui refusent d'avoir un diagnostic de la crise ou qui pensent que les causes étrangères de la crise sont hors de portée. "Ne théorisons pas notre impuissance et contentons-nous de faire au mieux dans la situation telle qu'elle est. De toute façon on peut faire mieux que ce que nous faisons actuellement. Restons dans notre pré carré et agissons sur les manettes à notre portée". Ce n'est pas dit comme cela ; ou on reste dans le non-dit. Mais voilà bien la démarche.

Nous-mêmes, au Cercle des Economistes e-toile, nous la récusons. Et appelons les tenants de cette ligne, y compris Bruno Lemaire, à regarder au-delà de cette ligne Maginot intellectuelle. Si la cause principale de la baisse du trend, de l'inversion de la courbe de l'endettement global et de la violence nouvelle des crises périodiques est à chercher dans les défauts du système monétaire international, alors il faut le dire et agir pour corriger le cours des choses. François Fillon s'est, sur la pointe des pieds, lancé sur ce terrain en refusant le traité transatlantique et indiquant que la dictature du dollar était intolérable. Pourquoi Bruno Lemaire n'a-t-il aucun discours en la matière ?

Sur la question de l'Union Européenne, il a pu vérifier concrètement qu'elle ne marche pas. Il propose de mettre fin à Schengen qui nous fait perdre toute maîtrise des flux migratoires et entraîne une dé-civilisation. L'Euro doit voir sa gestion modifiée. Il faut un coordinateur des politiques, qu'il nomme secrétaire général de la zone Euro et pas un gouvernement de la zone Euro. Il exercera à Strasbourg. Sinon arrêtons l’Euro. Nous retrouvons nos propres thèses : un "chancelier" de la zone Euro chargé de la coordination, appuyé sur des représentations spécialisées des parlements nationaux, le tout sis à Paris. Notre projet est plus complet. Mais c'est la même inspiration. Alors bravo !

La réduction de l'emprise de l'Etat et, automatiquement, la réforme des fonctions publiques, forment un bloc important du programme Lemaire. Il est classique. Étant haut fonctionnaire lui-même, la crédibilité de sa volonté est plus grande que celle des autres, notamment de celle de Juppé : il s'est appliqué à lui-même les règles qu'il veut étendre à tous. Avec lui, ce que nous appelons l'Enarchie Compassionnelle sera cassée. Réduction du nombre de postes d'élus, à tous les niveaux, réduction massive du nombre de fonctionnaires, alignement des règles de retraites, contractualisation de préférence à la mise sous statuts exorbitants des règles de la Sécurité Sociale, réduction effective du mille feuilles, suppression des doublons partout où ils ont fleuri, toute la gamme des mesures bien connues est présente dans le programme. Il va même plus loin que nous sur un sujet : la suppression totale du statut des fonctionnaires territoriaux, alors que nous préférerions conserver les règles de la fonction publique pour les hauts postes.

Pour l'économie, les recettes sont classiques. Desserrer les freins fiscaux, et défaire le carcan qui étrangle la relation entre entreprise et salarié, propriétaire et locataire, producteur et consommateur…

La crédibilité de ce programme économique et social tient tout entier à la réponse à la question : pourquoi en est-on arrivé là ? On peut avoir deux approches :

- C'est la faute "au socialisme". Il faut sortir la France du socialisme et vaincre durablement les socialistes. Si la bataille politique est gagnée, alors tout suivra.

- Si la droite a été jusqu'ici si faible dans la correction des abus idéologiques socialistes, ce n'est pas faute de volonté mais du rapport de force nécessaire. La résistance des Français, habitués à la défense des "avantages acquis" et des privilèges, devenus accros aux droits et allocations dans une approche de plus en plus clientéliste de la politique, et bien organisés pour bloquer toute réforme, est la principale cause de l'impuissance de la droite. Comme dit Giscard "si la jeunesse descend dans la rue, on est obligé de céder". On voit aujourd'hui la rue scolaire et étudiante se mobiliser contre "la précarité", alors même que le PS, au pouvoir, est le parti qui pilote habituellement les organisations syndicales scolaires et étudiantes, et qu'on pensait qu'il avait, jusqu'ici, le pouvoir d'étouffer les mouvements (comme on l'a vu dans l'affaire Léonarda).

La tactique des candidats de droite est d'affirmer que l'élection présidentielle emportera tout si on agit dans les 100 premiers jours. Nous avons montré en citant le livre de Guéna, décédé ce jour même, dans un article précédent, que cet espoir n'a jamais été justifié dans le passé. Référendum et ordonnances dès juin 2017 peuvent-ils forcer les Français à l'abandon de certains réflexes de défense des avantages acquis ? La crainte d'une potion sauvage peut faire perdre les élections. Rappelons la réélection de Mitterrand qui a été une catastrophe pour le pays mais qui tient entièrement au conservatisme des Français. Hollande pratique la "triangulation" pour prouver "qu'il fait ce qui est socialement possible dans la concertation". Le but est de mettre en cause le "jusqu'au-boutisme fascisant d'une droite impitoyable" et de faire valider la méthode réformiste douce de l'habile Hollande. On voudrait être sûr que les adversaires de F. Hollande ont une vraie réflexion tactique pour éviter de tomber dans ce piège Sur le fond on attend d'eux un peu plus que des slogans à l'emporte-pièce. Il faut une vision sociologique et historique forte, et un minimum de maillage du terrain. Marine Le Pen rode qui s'appuie également et entièrement sur le conservatisme des Français.

Là où Bruno Lemaire possède une vraie originalité, c'est dans le domaine de l'éducation et de la culture. La partie de son livre consacrée à ces questions est un hymne. Il a toutes les qualités requises pour porter un message fort ; plus que d'autres. Notons toutefois qu'il s'agit d'un message conservateur : maintenir et cesser de déconstruire. Toute l'Education Nationale est mobilisée pour fabriquer des demi-intellectuels visant des postes publics ou semi-publics, avec, malgré tout, une certaine capacité à dégager des élites, que les socialistes du domaine ont tendance à réduire. Elle ne parvient pas à régler la question de la masse. Des dizaines de milliers d'enfants sortent depuis toujours du système sans aucune formation utilisable. Jusqu'à mai 1968, l'affaire était claire : la masse s'arrêtait au brevet avec malgré tout une formation minimale solide (orthographe, calcul, etc.) ; une élite de 80 à 100 mille personnes allait jusqu'au Bac. Une super-élite d'un dizaine de milliers de personnes passaient les grands diplômes. Giscard a voulu casser cette sélection sociale avec le collège unique. Puis tout est parti à vau l'eau, avec cet objectif de Jospin de 80 % d'une classe d'âge au bac, quitte à vider le bac de sa substance. Changer le cours des choses aujourd'hui ne peut pas consister seulement à dire : "je reforme des filières d'élite et je lance le reste vers l'apprentissage" ! L'affaire est tout de même un peu plus compliquée que cela. Le drame de la droite est qu'elle ne tient aucun discours cohérent et compréhensible sur cette question centrale.

Au final, la force de Bruno Lemaire est bien dans l'idée que seule peut agir une génération nouvelle balayant les hésitations du passé, et refusant radicalement l'état lamentable dans lequel se trouve le pays. Sa faiblesse tient moins à son manque de charisme, une accusation répétée ad nauseam par les commentateurs politiques et les humoristes, ni à sa jeunesse, qu'à la faiblesse opérationnelle de l'indignation. Bruno Lemaire est indigné. Il n'a pas tort de l'être. Nous le sommes tous. Mais l'indignation ne suffit pas. Pour devenir efficace, l'indignation doit s'appuyer sur la raison et le rapport de force. Le diagnostic des difficultés récurrentes du pays est encore trop pauvre. On ne peut pas agir en excluant de son discours les causes principales de "la crise" et en ne proposant rien. Le rapport de force social est une autre question difficile. On ne gouverne pas seulement pendant 100 jours en fonction de l'élan électoral. Il faut mettre le temps avec soi pour convaincre et construire sur des bases acceptées.

Ces réflexions valent pour l'ensemble des candidatures de droite, mais très particulièrement pour celle de Bruno Lemaire, tant il a souhaité mettre l'émotion au centre de sa démarche.

Sa crédibilité personnelle n'étant pas encore tout à fait suffisante pour gouverner et donner le coup de balai générationnel qu'il espère, on peut craindre que sa candidature affaiblisse ceux qui dans son camp, sont en situation de gagner et qu'il entend écarter du pouvoir en raison  de leur responsabilité alléguée dans la situation désastreuse qu'il dénonce. En cas d'échec, il risque d'être marginalisé, l'imprécateur se retrouvant contraint à regarder "les mauvais" tenter de sortir du pays des difficultés qui l'accable. L'exemple de Bayrou, contempteur solitaire du système et candidat perpétuel sur le thème "ils sont nuls avec moi cela sera mieux", devrait l'éclairer.

Les réalités nationales, européennes et internationales sont compliquées. L'évolution des technologies est réelle et pose de nombreux défis. Les Français sont chahutés et meurtris par des évolutions qu'ils ne souhaitaient pas et sur lesquelles on n'a pas demandé leur avis, médias et politiques s'accordant à leur expliquer qu'elles étaient formidables et qu'il fallait s'y adapter. Le Front National a réussi à capitaliser sur ces rancœurs et arrive aux portes du pouvoirs. Il a plus de crédibilité que les politiques issus des partis de gouvernement pour tenir un discours genre "coup de balais".

Ce qu'on entend un peu partout laisse penser que les Français veulent un président décidé et responsable capable de sortir le pays de l'impasse, en tenant compte de ce qu'ils sont, de ce qu'ils ont et de ce à quoi ils tiennent. Sans laisser de place à l'aventurisme , à l'esprit partisan et à l'exaltation narcissique soutenue par la communication. Hollande est partiellement sur ce créneau, en affirmant qu'il conduit, cahin-caha, l'aggiornamento d'une gauche dont le socialisme a prouvé qu'il ne marchait pas, mais qui a des relais puissants dans la société et peut encore contrer toute politique de droite. Il y a fort à craindre, pour ceux qui veulent l'éjecter du pouvoir qu'une simple posture de coup de balai générationnel ne suffise pas. Il vaudrait mieux expliquer pourquoi cette politique n'a pas marché et ce qu'il faut faire, sans drame, pour réellement sortir le pays du marasme.  

Quelques aspects cachés de l'indemnisation du chômage

Le débat politique sur l'indemnisation du chômage est totalement bloqué dans les clichés depuis des lustres. Il le reste en dépit des protestations d'énergie, d'audace et de courage de tous les candidats aux prochaines élections présidentielles.

 Pour la gauche, le chômeur est toujours un salarié privé de sa vie professionnelle par un vilain capitaliste qui a voulu encore accumuler plus de profits. Donc, il est une victime et celui qui l'a licencié quasiment un "salaud", au sens sartrien du terme, qu'il s'agit d'entraver et de sanctionner. La rémunération du chômeur doit être la plus élevée possible et sa durée aussi longue que nécessaire. Baisser le montant, ou la durée, de l'indemnisation est une exaction planifiée contre les pauvres.

Pour la droite, c'est exactement la même chose. M. Bertrand n'a fait que répéter cela à la télévision ce dimanche 28 février 2016. Le précédent quinquennat n'avait pas touché aux indemnités ni à leur durée de versement. Au contraire,  la réforme du RSA a eu pour principale conséquence la création d'un impôt nouveau sur le revenu du capital pour améliorer l'indemnisation, alors que les besoins explosaient.

Il n'y a pas de différence entre la droite et la gauche de gouvernement.

Les quelque six millions d'allocataires n'ont donc jamais été mieux indemnisés et plus longtemps que maintenant. Le système est le plus généreux du monde. Les obligations du chômeur sont de pure forme (remplir une fiche de situation et prouver, de temps à autre, qu'on s'agite pour retrouver du travail, tout du moins jusqu'à 5x ans). Curieusement, comme les chiffres récemment publiés le montrent, le régime est équilibré et ses pertes viennent uniquement des versements faits à Pôle Emploi, le système public totalement inefficace et effroyablement coûteux de "gestion" des chômeurs.

Les cotisations chômage sont très fortes en France. Elles viennent aggraver les charges salariales, donc le manque de compétitivité et donc le chômage. Le serpent se mord la queue. On en est alors venu à dégrever les charges sur certains emplois, ce qui revient à faire payer le chômage par la dette sociale et/ou l'impôt, ce qui réduit la demande globale etc. Le serpent se remord la queue.

Le système est remarquablement contradictoire. Il est impossible à réorganiser sans contrainte extérieure forte. On l'a vu en Grèce : quand l'argent emprunté a manqué, le chômeur s'est retrouvé seul avec sa vraie misère. L'explosion des systèmes mal foutus fait toujours beaucoup de mal aux pauvres.

Les candidats aux candidatures présidentielles se tortillent pour sortir de cette équation à zéro solution. Oublions les propositions qui consistent à sortir les chômeurs de leur statut en les envoyant en stages bidons, en emplois plus ou moins fictifs, au service civil et militaire, ou en formation bidon etc. Oublions également les vaticinations contre les faux chômeurs qu'une répression accrue permettrait de débusquer.

La question de l'emploi ne concerne pas seulement les chômeurs, mais aussi ceux qui pourraient travailler et qui ne le font pas pour différentes raisons, ou qui ne peuvent pas travailler officiellement pour des raisons légales, comme les réfugiés, certains SDF européens et les immigrés clandestins ou ceux qui n'ont pas droit à l'indemnité parce qu'ils sont en fin de droit ou qu'ils n'ont pas encore travaillé, donc n'ont pas acquis des droits au chômage.

Mettons en exergue quelques anomalies délirantes. Un fonctionnaire qui a une garantie de l'emploi paie pour le chômage des autres mais pas son patron : deux anomalies en une seule. Les frontaliers paient des cotisations chômage à l'étranger mais touchent le chômage en France ! Cette réalité méconnue a été publiée dans la presse la semaine dernière et il s'agit de sommes vertigineuses. Aucune réaction du gouvernement. On reste frappé qu'aucun programme n'offre de s'attaquer ne serait-ce qu'aux situations absurdes. Comme si l'absurde était normal par le seul fait qu'il existe.

En matière d'emploi tout reste figé dans la posture et les faux-semblants.

Est-il possible d'affirmer une politique économiquement sensée et pas simplement "réactionnelle" dans ce domaine ardu de l'indemnisation du chômage ?

Une condition préalable est ne pas voir le chômeur comme une victime mais comme un agent économique conscient qui sait faire ses calculs, même si ces derniers sont parfois à courte vue.

Quelques exemples montreront pourquoi ce changement de point de vue est nécessaire.

L'énorme majorité des jeunes Français cherchent à se faire employer dans les différents services publics. Ils savent que s'ils y parviennent, la question du chômage est réglée pour eux et qu'ils auront certes une vie restreinte en capacité d'évolution et de pouvoir d'achat, mais que le travail sera modeste, les loisirs importants et la protection syndicale forte. On peut même faire de la politique et espérer les forts revenus qui lui sont aujourd'hui associés. Cette aimantation est dramatique pour le marché de l'emploi privé qui devrait être la norme. L'emploi industriel, comme celui du secteur du bâtiment, est laissé de plus en plus aux nouveaux arrivants. La fuite devant l'apprentissage vient autant de la préférence massive pour les petits postes dans les trois fonctions publiques que du mépris de l'Éducation Nationale pour cette activité trop près des entreprises.

Une des priorités nationale est de casser cette aimantation. La solution est simple : réserver le statut de fonctionnaire protégé à la catégorie A et contractualiser tous les autres postes. l’Etat serait obligé de payer les cotisations patronales sur ces postes professionnels en même temps que les salariés seraient au régime général. Les recettes disponibles pour le chômage seraient fortement accrues, facilitant bien des évolutions, comme notamment la baisse des cotisations dans le domaine marchand non protégé. L’Etat perd son avantage dans la compétition pour les salariés puisqu'il est obligé de payer comme les autres et non pas moins que les autres. L'alignement des systèmes de retraite est l'autre moyen de supprimer cette funeste aimantation.

Il deviendra à nouveau, pour les familles, rationnel de s'intéresser à autre chose qu'aux petites filières demi-intellectuelles alimentant les trois fonctions publiques. L'apprentissage reprendra sa valeur. L'emploi privé aussi, ce qui réduira cette véritable anomalie qui est l'impossibilité de recruter des salariés de qualité et bien formés pour les petites entreprises à potentiel de croissance.

Ceux qui connaissent des économies étrangères comme celle de la Suisse ou de l'Allemagne se rendent compte immédiatement de l'anomalie française qu'est la préférence nationale pour l'emploi protégé public. Ceux qui observent ce qui se passe en Grèce ou dans le sud de l'Italie, savent que certaines populations ont fait un choix encore plus radical et plus intenable en faveur de l'emploi public subventionné. Nous avons la Corse. C'est pas mal non plus.

Il doit redevenir rationnel de penser en France que c'est l'emploi professionnel (public ou privé, les conditions seront les mêmes) qui doit être la priorité. Actuellement il est rationnel de viser l'emploi public. Cela déforme tout.

 L'emploi est d'abord un calcul. Les calculs individuels, quand ils se consolident, ont des conséquences majeures. La France a recruté depuis trente ans près de 3 millions de personnes dans les postes subventionnés par l'argent public et créé six millions de chômeurs. Un emploi public = deux chômeurs. La loi est d'airain. Le PS a gagné politiquement depuis trente ans parce qu'il était le principal pourvoyeur d'emplois publics nouveaux. Ce clientélisme a payé électoralement. Tant que le nombre des chômeurs était gérable. Il s'effondre parce que ce mécanisme est désormais impossible du fait des déficits, de la dette et de la surimposition générale avec les résultats que l'on sait sur le nombre de chômeurs.

Rappelons une réalité que personne ne souligne jamais : nous avons le taux d'emploi salarié privé quasiment le plus bas du monde d'économie comparable. Si nous avions les taux de salariat des pays comme l'Allemagne, l'Angleterre ou les Etats-Unis, nous aurions 25-27 millions de salariés privés et non 16 millions ! Un écart structurel de près de 10 millions tout de même.

On voit qu'on est loin des polémiques sur l'indemnisation stricto sensu. Mais la réalité est telle que ces considérations sont un préalable obligatoire à toute étude d'indemnisation. Pas de politique contre le chômage tant qu'on ne supprime pas le statut de la fonction publique pour tous les fonctionnaires actuels qui n'ont pas la catégorie A et une partie de ceux qui l'ont. Certains voudraient supprimer le statut du fonctionnaire territorial. Nous sommes d'accord pour le conserver pour les très hauts postes, ne serait-ce que pour imposer le recours au concours pour recruter. Le clientélisme est agaçant pour les postes de jardinier. Mais il serait désastreux pour les hauts postes administratifs régionaux.

Donnons maintenant quelques exemples qui montrent que le régime d'indemnisation peut entraîner des comportements rationnels favorisant le chômage.

Lorsque Giscard et Chirac ont annoncé une indemnisation de deux ans à 90 % du dernier salaire des salariés licenciés, on a vu des choses étranges. Certains cadres supérieurs jeunes ont demandé qu'on les licencie "économique". C'était pour eux une décision parfaitement rationnelle. J'ai déjà  cité dans un article de ce blog  le cas d'un ingénieur en chef d'une société de conseils américaine qui exigeait ce licenciement et ne comprenait pas qu'on le lui refuse. Il avait calculé que son revenu augmentait (d'environ 10 %) compte tenu de l'arrêt de certains prélèvements ; il n'avait plus à payer son loyer parisien, car il comptait s'installer pendant deux ans dans la maison de vacances de ses parents à La Baule, tout en, s'inscrivant en doctorat à l'Université de Nantes. Il ferait le moniteur de voile en été et de ski en hiver. Sa femme ne travaillait pas. Tout dans tout, le revenu du ménage augmenterait de près de moitié pendant deux ans et sans travailler. Il pensait, à juste titre pouvoir retrouver un emploi sans difficulté avec ses qualifications professionnelles acquises et son nouveau statut universitaire. Il ne comprenait absolument pas pourquoi on lui répondait "non". C'était du déni de droit.

Leçon : il ne faut jamais offrir un cadre d'indemnisation durablement garanti permettant des calculs économiques rationnellement en faveur du chômage indemnisé.

On dira : votre exemple est un peu vieux. Donnons-en de plus récents.

Deux cadres supérieurs travaillent dans un fleuron de l'industrie cosmétique française. Ils s'aiment d'amour tendre et veulent après leur mariage mettre un enfant au monde dans les meilleures conditions. L'entreprise a pour politique de décimer régulièrement son portefeuille de jeunes cadres dynamiques, pour ne garder que les meilleurs. Elle indemnise généreusement les partants. Nos tourtereaux savent qu'ils pourront bénéficier d'une indemnité très forte : près de deux années de salaires. Ils regardent maintenant le régime indemnitaire du chômage et constatent qu'ils peuvent pratiquement passer trois ans avec une indemnité au plafond et que ce plafond est élevé : près de 6 000 euros par mois.

Le calcul est vite fait. Ils louent pour deux ans leur appartement à Paris et emménagent dans ce cas aussi dans la maison de vacances sise dans une île magnifique de la Méditerranée. Le bébé a été très heureux pendant deux ans, merci ! Et nos glorieux parents ont retrouvé sans difficulté chacun un emploi de direction le temps venu. Que ce bel effort ait été financé à hauteur de 200 000 euros d'argent public ne les a pas troublé : "on paie tellement d'impôts en France. Il faut se défendre et voir les choses comme elles sont".

Leçon : il ne faut utiliser les indemnités publiques qu'après épuisement des indemnités privées (sur la base d'une indemnité mensuelle de 54 % du dernier salaire, deux ans de salaires d'indemnités privées pourraient financer quasiment quatre ans au chômage avant que l'argent public ne soit sollicité). Il faut également plafonner les indemnités par ménage. Si ces mesures avaient été prises, nos tourtereaux auraient probablement choisi de faire carrière. Au total le gain net pour les fonds d'indemnisation du chômage aurait été solide.

On trouve ce genre de calcul dans l'ensemble de la chaîne d'indemnisation, avec des niveaux de dépenses publiques différents selon l'ambition des calculs individuels. L'échec du RSA est venu entièrement d'une mauvaise compréhension des calculs rationnels des rmistes. Ceux qui, au prix d'une grande ténacité, avaient réussi à cumuler tous les avantages du chômeur et trouvaient leur situation acceptable, n'entreprirent surtout pas d'entrer dans le nouveau statut. Les expérimentations l'avaient prouvé de façon très claire.

Autre exemple : des maires de stations balnéaires ont créé des "villages de femmes isolées avec enfants" pour conserver leur école et leurs services municipaux. Le cumul des aides municipales, départementales, régionales et nationales, permet à ces familles de vivre assez confortablement sans travailler officiellement, tout en ayant le toit et le couvert, les soins, et l'enseignement,  offerts. Inutile de dire qu'il ne faut pas trop vérifier le caractère "isolé" desdites femmes, ni la réalité de leur patrimoine ni le travail au noir. La fraude arrive très vite. Tout le monde est complice. Ajouter quelques hommes en invalidité permanente grâce aux bons soins de l'équipe médicale locale, et vous vous retrouverez en… Corse !

Autre cas classique, le commerçant qui recrute un parent le temps d'accumuler les droits au chômage et qui le licencie immédiatement après pendant tout le temps de l'indemnisation. Et on recommence. Aujourd'hui beaucoup de jeunes prennent un emploi pour quelques mois afin de pouvoir ensuite se retrouver au chômage pendant un temps, subventionné par Pôle Emploi.  Demandez à tous les gestionnaires de fast food ! Evidemment il faut parvenir à se faire virer. Ambiance garantie dans la boîte.

Évidemment le cas le plus flagrant d'un calcul collectif portant sur l'exploitation des indemnités du chômage est celui des intermittents du spectacle. Si on est passé en trente ans de 10 000 employés sous ce statut à plus de 200 000, ce n'est évidemment pas du fait de l'extension de l'industrie du spectacle. Le calcul conjoint du salarié et de l'employeur est rapide et sans ambiguïté. "Il faudrait être un imbécile pour ne pas en profiter".

On est loin dans tous ces cas, du pauvre salarié qui se retrouve malgré lui au chômage, à un âge élevé, sans grande qualification, dans un marché du travail atone.

L'indemnisation du chômage est un art tout d'exécution. Pour éviter que son coût ne devienne intolérable, il faut obligatoirement bloquer les calculs rationnels qui en font, pour un temps,  un moyen de revenu  suffisant.

Pour cela il faut rendre clair que l'emploi professionnel privé est quasiment la seule voie de l'emploi "normal" et que la décision d'être chômeur ne doit pas être un choix rationnel, et encore moins comme actuellement, avec la dernière loi Macron, le fruit d'un pacte négocié avec le patron.

L'entreprise qui licencie prend en charge le temps normal de retour à l'emploi qui devait être entre trois et six mois selon l'âge. Si le salarié n'a pu retrouver du travail dans cette période et peut prouver qu'il a tout tenté pour en retrouver un, il peut prétendre à une allocation de solidarité temporaire de retour à l'emploi. Elle n'est pas garantie. Il faut réellement avoir prouvé qu'on a tout fait pour revenir dans l'emploi. Elle peut être renouvelée mais dans des conditions de moins en moins favorables, par tranche de trois mois.

L'idée n'est pas de priver d'un secours légitime celui qui subit un licenciement. Mais d'éviter que certains construisent un plan de vie, momentané ou non, sur l'argent des autres.

On notera que nous n'avons pas parlé de formation. La question de la formation n'est posée que du fait de la préférence du système scolaire officiel pour la formation pour l'emploi administratif de demi-intellectuels. Comme la formation professionnelle actuelle est cannibalisée par les partenaires sociaux pour tout sauf la formation des chômeurs et que pôle emploi est pratiquement incapable de proposer une formation réellement qualifiante, ergoter sur la formation des chômeurs est au mieux, une licence poétique. Beaucoup de cadres fort bien formés sont au chômage.

De même, nous n'avons pas évoqué la question du plafonnement et de la contractualisation du mode de calcul de la prime de licenciement. Bien sûr, il est très dommageable qu'une entreprise ne sache pas au départ combien lui coûtera un licenciement éventuel et les contrats précaires sont naturellement l'effet non voulu des hyper-protections accumulées depuis les années 1970. Il faut néanmoins admettre que les situations sont très différentes. Un groupe prospère à capitaux étrangers qui liquide une entreprise ou un département rentable pour transférer tout ou partie de l'activité française à l'étranger, doit faire intervenir dans sa décision le coût des dés-économies externes que sa décision provoque et, notamment pour les très grands licenciements, être amené à payer très cher l'indemnisation de ces "externalités". Faciliter ces opérations est absurde. Dans bien des cas, le pays d'accueil finance des économies externes pour faciliter l'installation. Imposer la compensation du préjudice causé permet d'éviter ces violations grossières de concurrence. Même dans les contrats individuels, on peut imaginer bien des situations où le licenciement prématuré pourrait être "anormal", par exemple lié à la volonté de décapiter l'équipe d'un concurrent. Le juge doit donc garder un regard sur le licenciement "anormal" tant par son ampleur que par ses motivations. Les entreprises dynamiques qui recrutent des cadres et sélectionnent les meilleurs au bout de quelques années, comme on l'a vu dans un de nos exemples, ne doivent pas bénéficier de la complicité de la loi pour mettre en œuvre, à bas coût, son système d'épuration.

En revanche on peut fixer les règles d'une indemnité forfaitaire progressive "normale" pour les particuliers, les artisans et les PME-PMI de moins de 200 personnes.

Quand on regarde les programmes des candidats déclarés en matière d'indemnisation, on est frappé par l'absence de parler vrai, remplacé par des postures, par le manque de pertinence caché derrière des slogans ou par des options si générales qu'on ne peut savoir précisément ce qui changerait.

Une équipe présidentielle devrait pouvoir présenter non pas des idées générales mais des projets de lois, y compris les décrets d'application. On sort de l'ambiguïté à son désavantage dit le démagogue. La clarté sert le réformateur exigeant. Quand on passe cinq ans dans l'opposition, on a tout de même le temps, sur les questions clé de faire ce travail et de l'adapter continûment. Naturellement ce texte fera une fois élu l'objet d'un débat parlementaire. Mais au moins on saurait où on va.

Tout reste à faire.

Avis aux bons candidats !

Le blog du cercle des économistes e-toile

Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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