Langue de bois à la BRI et économie-baudruche.

Nous aimons bien la Banque des Règlements internationaux qui a presque compris que l’économie mondiale fonçait dans le mur en 2007 et au premier semestre 2008, alors que le FMI s’enfonçait dans l’erreur, sous la tutelle nonchalante de DSK, entraînant la majorité des gouvernements dans la passivité morose.

L’ennui avec  les responsables de la BRI, est leur tradition de frôler l’essentiel sans jamais l’atteindre vraiment.

Le dernier rapport est de cette eau-là.  Il dénonce trois dangers qui sont réels.

Le premier est d’avoir peur de la finance et de retarder toute action visant à la mettre sous contrôle par peur des réactions sur les marchés.

Le second est pour les gouvernements d’espérer que l’argent presque gratuit des banques centrales leur permettra de retarder indéfiniment les réformes nécessaires, en maintenant un haut niveau de dettes publiques.

Le troisième est la surestimation du pouvoir des banques centrales et du potentiel naturel et automatique de sortie de crise.

Il signale que la seule solution est dans une collaboration très étroite et la prise de conscience que les relations économiques croisées des nations ont une extrême importance.

On reconnaîtra ici un certain nombre de nos thèmes préférés. Nous disons depuis longtemps que les banques centrales sont comme les psychanalystes : elles ne savent soigner que les maladies qu’elles ont créées. De même nous ne croyons pas à la bienveillante main invisible des marchés financiers et monétaires libres, en régime de changes flottants. Enfin nous développons l’idée que ce sont les énormes excédents et déficits croisés de balances extérieures qui ont provoqué la hausse du taux global d’endettement depuis le retournement de 1971-72.

Nous ne cessons d’affirmer que le G.20 a fait un pari pascalien en ne réformant rien du système monétaire international en 2008 et 2009. Et qu’il l’a perdu.

On ne sort pas de la queue de la comète récessive de 2008-2009 parce qu’aucune des mesures globales nécessaires n’a été prise.

Ce que le BRI n’ose pas dire, c’est que pour atteindre les trois objectifs qu’il se fixe il faut prendre une décision majeure : mettre fin aux changes flottants et réactiver les règles du traité de La Havane et du Statut du FMI,  qui interdisent les excédents et les déficits massifs de comptes extérieurs.

Si les Etats redeviennent responsables de la valeur externe de leur monnaie, alors ce ne sont plus les marchés qui s’en chargent. Et ils doivent être tenus en laisse. Le premier objectif est atteint.

Les grands équilibres macro-économiques n’ont jamais été de la responsabilité solitaire des banques centrales. Tous les moyens de l’Etat moderne doivent concourir à l’exercice. Un mix raisonnable entre politique monétaire, politique budgétaire et fiscale, et politique sociale doit être construit.

Le FMI redevient, dans un tel système, l’observateur naturel des déséquilibres croisés et doit y mettre fin.

Du coup la coopération internationale devient le mode de fonctionnement normal de l’économie monde.

Faute d’aller aussi loin qu’il serait nécessaire, la BRI passe pour un mauvais coucheur qui empêche les bonnes nations éprises de keynésianisme de créer de la monnaie et de la dette sans limite, seule solution pour redémarrer la croissance dans la joie et le bonheur pour toute une couche d’économistes de la facilité.

Nous proposons d’appeler « économies baudruches » les économies qui dépassent 300% de dettes globales par rapport au PIB. Dans de telles économies, rien ne se passe selon les théories valables pour des économies où on ne dépasse pas 100 à 150% d’endettement global.

Dans une économie-baudruche  les règles d’investissement habituelles ne fonctionnent pas. La raison en est simple : les gains de production (le compte d’exploitation) ne permettent pas de rembourser le principal et les intérêts. Par conséquent la dette qui est créée ne peut se justifier que de deux façons :

-          Par l’absence de tout espoir de remboursement : on crée de la dette perpétuelle par création monétaire

-          Par l’espoir d’une plus-value, ce qui suppose une bulle sur une classe quelconque d’actifs.

On comprend que tous ceux qui sont accrochés à des rémunérations d’Etat prêchent pour le financement monétaire de déficits publics de plus en plus monstrueux.

On comprend aussi que tous ceux qui ne peuvent espérer de gains sur crédits  que sur une plus-value d’actifs, poussent à un gonflement perpétuel de l’alimentation monétaire par les banques centrales.

Lorsqu’une récession cyclique « normale » touche une économie globale  non encore boursouflée, et organisée autour de changes fixes, ouvrir temporairement le déficit budgétaire et financer l’activité par la création monétaire est efficace.

Le faire dans un système de changes flottants où tous les mouvements de capitaux sont libres et les décisions portant sur les changes non coordonnées,  alors qu’on reste autour de 400% de dettes globales par rapport au PIB, comme dans le G7, ne conduit qu’à une fuite en avant sans fin avec des déséquilibres persistants.  Cela fait maintenant 7 ans qu’on a ouvert toutes les vannes. Sans autre effet que d’avoir stabilisé le taux de dettes global à son niveau le plus élevé tout en ayant mis les Etats sous oxygène fiscal pour ne pas être étouffés par des dettes qui continuent à croître.

L’économie réelle reste anémiée, asphyxiée par les dettes et la fiscalité. L’argent ne va pas vers la production. Seulement vers des potentiels de plus-values sur classe d’actifs sensibles à l’alimentation monétaire ou vers les Etats pour payer leurs dépenses courantes.

En indiquant que le maintien d’une politique de fuite en avant dans la dette et la dépense publique incontrôlée grâce à une  sur-alimentation en monnaie banque centrale, sans aucune vraie réforme,  ne conduit à rien de bon,  la BRI a raison et naturellement attire toutes les critiques des Martin Wolf, Krugman etc. qui voient de tout temps la solution miracle dans le déversement de milliers de milliards en  monnaie banque centrale dans les marchés et dans les budgets d’état.

Son tort est de ne pas aller jusqu’au bout du raisonnement : il faut mettre fin à la liberté absolue des mouvements de capitaux et la subordonner à la gestion ordonnée de changes fixes mais ajustables, avec interdiction des déficits et des excédents massifs de balances extérieures. A partir du moment où les Etats sont responsables de leurs comptes extérieurs, la fuite en avant dans les déficits n’est plus possible,  les gains de plus-value se réduisent, un horizon économique apparait qui permet d’envisager à nouveau des investissements et  une reflation coordonnée a une chance de fonctionner au service de l’activité et non pas de la spéculation.

La deuxième erreur de la BRI est de croire qu’il existe deux types de cycles différents : les cycles courts « commerciaux » de 8 ans et les cycles financiers » de 20 ans environ. En fait il n’y a qu’un mécanisme cyclique de 8 -10 ans avec des crises alternativement dures ou molles. Lorsque le souvenir d’une crise dure est dans la tête, les excès de crédit restent mesurés : la crise sera faible. Lorsqu’on a oublié ce qu’est une crise dure, et il faut 15 à 20 ans pour cela, soit l’apparition d’une génération ignorante aux commandes,  l’emballement des crédits devient extrême et le réajustement est important.  Cela fait plus de 200 ans que cela marche comme cela.

Les économistes et responsables de la BRI sont sur le bon chemin. Il faut qu’ils acceptent de faire un pas de plus en avant. On se souvient que dans le film « les aventuriers de l’arche perdue », l’accès au Graal supposait de marcher avec confiance sur une passerelle invisible.

Certains croient qu’abandonner les changes flottants  serait un saut dans le précipice.  Ce n’est pas le cas. Dès que le premier pas aura été fait, la passerelle s’illuminera et on sortira enfin de cette crise actuellement sans solution dans le cadre actuel.

 

Didier Dufau pour le Cercle des Economistes e-toile.

L'économie à l'abandon

Quelle crédibilité accordée aux travaux des économistes réunis à Aix en Provence sur le thème de l’investissement  ? Que dit la synthèse finale ?

  1. 1.       La première exigence serait de mettre en place un cadre réglementaire et fiscal clair et stable dans le temps.

Ce cadre, en France, est clair et totalement spoliateur. Il faut surtout ne pas le garder. Quand les familles aisées ne pensent plus qu’à se protéger et à partir, oubliez toute chance d’investissement !

  1. 2.       Les pays développés peuvent prendre exemple sur les « build-operate-transfers » du Royaume-Uni : l’administration publique délègue au secteur privé la conception et la construction d’infrastructures.

La France est gorgée d’infrastructures (ronds point, médiathèques, aéroports régionaux sous utilisés, etc.) et ne produit plus.  

  1. 3.       Nous avons trop d’épargne mal utilisée. Afin d’orienter celle –ci vers le financement des entreprises et des projets de développement, ayant un impact immédiat sur l’emploi, la croissance et l’innovation, il faut une fiscalité plus favorable pour les revenus des capitaux mobiliers et du travail, et au contraire une fiscalité plus forte sur le patrimoine non productif (immobilier, œuvres d’art, matières premières comme l’or, etc.). Le taux d’imposition des revenus de l’épargne dédiés à l’investissement productif  pourrait être forfaitaire, entre 30 et 35%. Développer la titrisation peut être un bon moyen de pallier la difficulté de financement des petites et moyennes entreprises redonner confiance aux jeunes et valoriser les seniors

La question est de comprendre pourquoi l’épargne est mal utilisée. Ce qu’on appelle l’épargne représente quatre fois la valeur du PIB ! Comment voulez-vous qu’elle soit bien utilisée ? La peur est partout. Ajouter la spoliation fiscale et vous obtenez une fuite vers la protection, le plus souvent illusoire. Tenter d’éviter de perdre tout est l’essentiel du travail des épargnants. Comme de toute façon l’économie est en croissance nulle, le besoin d’investissement est nul. Les banques ne savent pas quoi financer ; les particuliers n’ont pas de projets industriels à financer.

Ce qu’il faut, c’est comprendre pourquoi on vit avec une telle couche de dettes, de crédits,  d’épargne,  de liquidités, de classes d’actifs décalés et comment on peut espérer réduire tout cela par rapport au PIB.  

Accroître la pression fiscale sur l’immobilier est une folie quand on sait que les prix baissent fortement malgré les informations bidons qui règnent dans une presse qui ne veut pas contribuer à une psychose, alors que la peur de la disparition de l’Euro demeure, que l’affaire de chypre terrorise les détenteurs de dépôts, que des banques continuent à s’effondrer, au Portugal, en Espagne et que même la BNP est en danger.  Il suffit de constater les baisses de mises en chantiers de logements neufs pour comprendre qu’avec plus d’impôts cela ne va pas s’arranger. Construire du neuf, ce n’est pas investir. Chacune sait cela !

Quant aux œuvres d’art, elles quitteront la France en moins de deux ans si on en taxe la possession, alors qu’elles ne rapportent rien d’autre qu’un plaisir esthétique ! Et quelle inquisition à prévoir !

Ce n’est pas par des prélèvements marginaux de 60 à 75% sur le rendement de l’épargne qu’on attirera les épargnants vers les investissements productifs si tant est qu’il y en avait.  Au moins cela semble avoir été compris à AIX.  Mais ce n’est pas en jouant sur la fiscalité « incitative » qu’on arrivera à quoi que ce soit. Toute incitation, après tout, est une « niche fiscale » à proscrire…

  1. Adopter, au niveau européen, une politique d’investissements dans les infrastructures et les secteurs porteurs de croissance.  Pour cela on peut essayer d’appréhender, autant que faire se peut, les domaines d’activité susceptibles de se développer davantage, comme la France vient de le faire avec ses 34 plans de «reconquête industrielle ».  

On voit que cet effort administratif a tout changé en France ! La reconquista bat son plein… Bien sûr cela permet à des commissions et à des « experts » de se faire un peu d’argent. Rappelons que c’est le job des entrepreneurs de trouver des marchés  et qu’ils le font dans le contexte qu’on leur impose. Pas aux fonctionnaires. L’invocation de l’Europe comme cadre miracle est ridicule, sinon qu’on sait qu’il reste un peu d‘argent à prendre dans ce cadre-là pour des missions futiles.

  1. 5.       Allonger  la maturité de la dette publique Les positions sur les dettes dans le monde ne sont pas du tout les mêmes. Depuis le 19ème siècle, la dette britannique a une maturité beaucoup plus longue et pose donc moins de problèmes.

Quand la dette globale est à 400% du PIB, et la dette publique à deux fois la valeur ajoutée des entreprises de plus d’une personne du secteur privé non financier, vous pouvez l’allonger autant que vous voulez, vous aurez toujours des difficultés. L’important est d’abord de comprendre comment elle est venue, ensuite de cesser de l’accroître, et enfin de savoir comment la réduire. Les artifices c’est bien mais cela fait déjà 7 ans que le blocage du marché monétaire interbancaire a eu lieu.

  1. 6.       Assouplir les règles de l’immigration qualifiée.

Plus de producteurs nous permettra plus de production : avec 5 millions de chômeurs, et 7 millions de « disoccupati », c’est sûr.  Il n’y a pas d’immigration choisie possible avec les règles de l’Europe qui a interdit de sanctionner le vagabondage, de considérer les immigrants illégaux comme des délinquants condamnables, de renvoyer chez eux  les mendiants et petits délinquants, de cibler les aides sur les nationaux etc.

Mieux vaudrait essayer de comprendre pourquoi les jeunes sont dégoûtés de la France et la fuient.  

===========

Au total, on se retrouve dans l’incantation. Et les phrases creuses. Finalement un journal comme le Monde ne veut retenir que des projets d’impôts punitifs nouveaux.

L’explication de la situation est inexistante. Comme on attend, du côté des économistes officiels,  des subsides pour faire des conférences, des études, participer à des commissions, on caresse le pouvoir dans le sens du poil sans faire mal là où le bât blesse.

Tout cela est de la pensée mécanique : oui cela serait mieux si la croissance était là, la demande forte, les investissements productifs rentables etc.  Si ma tante en avait ce serait mon oncle. Oui. Et alors ?

Pour qu’il y ait de l’investissement, oui il faut de la croissance, de la stabilité, de la confiance,  mais  dans le monde, en Europe et pas seulement en France.

Si les balances de paiements de certains sont totalement déséquilibrées, dans le déficit ou l’excédent, si les monnaies flottent de façon totalement erratiques ou manipulées, si la création monétaire est massive, créant inlassablement de la liquidité, alors que les paquets de dettes ne sont jamais résorbés, il ne peut y avoir d’investissements productifs, seulement des placements spéculatifs à court terme.

Si l’Europe de l’Euro est acharnée à provoquer des déflations dans la moitié des pays  membres, il ne peut pas y avoir d’investissements. Seulement des rachats d’actions et des réductions de capital, pendant que l’Allemagne gorgée de liquidité ne sait pas quoi en faire et spécule sans investir l’essentiel de la manne accumulée.

Si la France continue à ne faire aucune réforme significative  de son monstre administratif par réduction massive du cadre et de l’ampleur  de l’action publique, avec un gestion purement politicienne et démagogique, tout en ruinant les « possédants » (ce sont eux qui ont des réserves pour investir) par une fiscalité spoliatrice qui tourne au vol et à la prédation caractérisés, il ne peut pas y avoir de reprise de l’investissement.

Comme les causes de la crise n’ont jamais été anticipées puis jamais explicitées à Aix, et que l’insignifiance y règne en maîtresse exigeante depuis toujours, ces vacances dans le midi sont d’abord de la  vacuité intellectuelle et de la posture politiquement correcte insignifiante.

On peut le regretter. La saison des festivals subventionnés  dans la région est tout de même bien agréable. Il suffit d’affirmer près d’Avignon qu’il faut taxer la possession « bourgeoise » de l’art et de subventionner la « culture vivante » de façon non intermittente  pour avoir la paix estivale méritée  de l’homme qui a « conscientisé les masses ».

Bonne sieste et bon pastis.

PS : Nous invitons ceux que cela intéresse à consulter les travaux de l’été 2008, juste avant la nouvelle « pire crise depuis 1929 ». Inconscience et prétention dans le néant total…

On se moque de ceux qui traitaient du sexe des anges avec les barbares à leur porte. Que dire de ce blabla ridicule juste avant l’effondrement ?

Les Actes des rencontres 2008.

Les nouvelles responsabilités de l’Entreprise

Le souci du développement durable s’est imposé dans la vie des entreprises comme au plan macro-économique, avec pour l’entreprise, plusieurs dimensions : allongement de l’horizon de décision et de gestion, contribution des firmes à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, développement des normes sociales et environnementales et de la notation extra-financière (à côté de la notation financière), importance de la qualité de la « corporate governance ».

Les marchés financiers et les analystes financiers tiennent-ils compte suffisamment de ces évolutions ? Faut-il choisir entre l’objectif de ROE à court terme et des objectifs de développement durable ? La dynamique de la « corporate governance » est-elle adaptée aux nouveaux objectifs, aux nouvelles contraintes et normes ?

L’Entreprise du 21e siècle

Les interrogations spécifiques à la période : aptitudes des entreprises à faire face au contexte de la mondialisation, dimensions stratégiques spatiale et temporelle des décisions, dualité micro locale et projections internationales, tension entre court terme et long terme.

Les entreprises productrices de biens immatériels, les activités immatérielles des entreprises, la protection des activités immatérielles, la concurrence entre modèles ouverts ou fermés, les conflits entre propriété intellectuelle et concurrence.

Aux frontières du savoir

L’entreprise produit-elle du savoir, ou est-ce le savoir qui bénéficie à l’entreprise ? Les rapports entre l’entreprise et la recherche fondamentale.

La nationalité de l’entreprise

Le concept de nationalité de l’entreprise a-t-il encore un sens ? Les liens entre les marques et la culture des pays - le « made in » a-t-il encore un sens ? Les liens entre la nationalité et la culture de l’entreprise. Nationalité et responsabilité sociale et environnementale.

Entreprises, nouvelles conquêtes et nouveaux conquérants

Les nouveaux entrants, la concurrence des émergents, la confrontation des univers régulés et non régulés.

L’entreprise face aux innovations financières

Les modes de financement modifient aujourd’hui l’économie réelle. Les entreprises profitent-elles des innovations financières : gestion des risques, titrisation, déconsolidation ? Les LBO, le private equity, les hedge funds, les fonds souverains, modifient-ils la stratégie et le fonctionnement des entreprises ?

Les nouvelles formes de gouvernance

Au-delà des débats usuels sur la corporate governance et son évolution : les questions de gouvernance posées par une série d’évolutions exogènes (internationalisation et fusions-acquisitions transfrontières ; déterritorialisation du financement ; normes comptables ; poids du capital humain ; private equity).

Les dimensions sociales de l’entreprise

Évolution des relations salariales dans les entreprises des pays industrialisés ; leurs répercussions sur la performance des entreprises, sur la qualité de vie des salariés. Selon les pays, l’État, les partenaires sociaux, les représentants des salariés, la loi et la négociation collective exercent des influences très différentes sur les relations salariales. Perspectives sur les évolutions des dimensions sociales de l’entreprise.

Performance et management : de l’art à la science ?

Aujourd’hui, les entreprises et leurs dirigeants sont confrontés à une véritable injonction de performance dont les déterminants sont à rechercher dans les mécanismes de gouvernance caractéristiques du capitalisme contemporain. Dans la conduite de la gestion stratégique et opérationnelle, cette injonction de performance détermine les processus et les critères de prise de décision, cette nouvelle donne influence également les techniques de management.

Le retour de Schumpeter

Le tissu des entreprises change constamment, mais la démographie de leurs dirigeants en Europe, en France notamment, va accélérer le processus dans les quelques années qui viennent. En même temps, d’autres entreprises françaises ou européennes pourront-elles assurer la relève et permettre de rattraper ce gap de taille ? Les fonds de « private equity » seront-ils assez présents, venant de collecteurs d’épargne française, européenne, ou bien de fonds souverains ?

Entreprises et politiques publiques

À l’heure de la globalisation, que peuvent bien attendre les entreprises des Etats ? Politiques publiques en phase avec les mouvements de l’économie mondiale, priorités d’investissements, capacités d’adaptation au changement, aptitude à saisir les opportunités pour soutenir les « gagnants » de la mondialisation tout en maintenant les équilibres, optimisation des infrastructures vitales, utilisation stimulante du capitalisme « réglementé ».

Quelle régulation internationale pour l’entreprise du XXIe siècle ?

La croissance en (faux) procès

Après que plusieurs indicateurs ont marqué définitivement la fin de l’espoir d’une croissance en France au premier semestre 2014, la presse ne désemplit pas d’hymnes aux théories de la décroissance heureuse. Comme si le moral des Français devait être préservé malgré les pires nouvelles, en cette période estivale caniculaire à Paris. « C’est moins grave que si c’était pire. Une croissance stoppée peut-être un bienfait ! ».

« Le 1 », le curieux journal de Fottorino, est allé le plus loin dans l’exercice en consacrant sa dernière livraison  à  la « Croissance, pourquoi il ne faut pas y croire ». Dans Le Point, ce sont les opus de Zygmunt Bauman, « Le coût humain de la mondialisation », « La vie liquide », « La société assiégée » et le dernier « Les riches font-ils le bonheur de tous » qui sont mis en vitrine.

 Il est amusant de se pencher sur les arguments avancés contre l’idée même de croissance.

-          La religiosité : la croissance serait une religion.

« La croissance. Mot fétiche qui résonne comme une incantation ».

« Ne pas troubler la communion des fidèles ».

« On se trouve face à une forme de religion ».

La croissance devrait « guérir tous les maux de la société ».

« La croissance fait office de panacée »

« La croyance en la croissance est plus forte que le savoir »

« Un faux Dieu »

« Elle a tout d’un dogme »

« Un mot magique » 

« Il faut dénoncer le culte de la croissance pour la croissance »

-          L’atteinte aux libertés et au vivre ensemble

« Parler de décroissance serait obscène », comme il l’était de parler de certains sujets au XIXème siècle pudibond.

« Il faut transformer en marchandise la nature et les relations sociales » pour obtenir de la croissance.

« Il faut oublier nos griefs, nos particularismes ». La croissance nous dépossède de nous-mêmes.

L’usine ou le bureau : « Un lieu carcéral »

« …dans le jeu sans fin du désir d’être au-dessus des autres, un jeu où se tenir les mains et se passer les menottes, où l’étreinte amicale et l’incarcération, tendent à se confondre ».

La croissance crée « des besoins qui nous asservissent ».

Il faut « défier une féodalité ».

« Elle traite le monde et tous ses objets animés ou inanimés comme autant d’objets de consommation ».

-          L’illusion

Une augmentation du PIB n’entraîne aucune amélioration du « bien être subjectif moyen », « alors à quoi bon ».

« La décroissance des ressources naturelles va faire décroître les productions qui entretiennent l’illusion d’un avenir meilleur ».

La croissance « a un coût exorbitant ».

Le goût de la croissance n’existait pendant les « 30 Glorieuses » que parce que « les privations de la guerre l’avaient exacerbé ».

« On ne peut croître à l’infini sur une planète aux ressources finies ».

En rajoutant dans le concept du PIB la prostitution et autres activités déplorables, on aura « 10% de PIB supplémentaire ». C’est bien la preuve d’une amoralité consternante du PIB, non ?

Si la croissance revenait, aurait-elle le même effet que celle des trente glorieuses : « certainement pas ».

« J’ai compris que nous menions un mauvais combat en chevauchant les illusions de la croissance ».

La croissance est « un alibi ».

-          La course à l’abîme

« Je suis un objecteur de croissance ».

« Vivre mieux avec moins ».

En arrière-plan de la croissance : « des injustices sociales dont l’ampleur s’étend, au milieu d’une nature amochée, de déchets à foison, de pollutions multiples ».

« La croissance des plus riches est au prix de la relégation humaine, du chômage et de l’exclusion »

« La grogne sociale et la mise en danger de nos écosystèmes seront accompagnées d’effets encore plus dramatiques » [famines, guerres].

« Avant le chaos qui s’annonce ». Il faut faire en sorte que « les gens cessent de dépenser l’argent qu’ils n’ont pas pour des choses dont ils n’ont pas besoin ».

« La frénésie suicidaire du productivisme ».

« L’autre défi est la menace de devenir un déchet ».

 

Comme on le constate, nous ne sommes pas dans l’analyse rationnelle mais dans la disqualification.

Les tenants de la croissance sont des agents du mal.

On utilise les ressorts de l’anticléricalisme pour les interdire de paroles et surtout isoler le bon peuple des mauvais prêtres. Pertinence ? Zéro.

On utilise le réflexe révolutionnaire contre l’Ancien Régime. Pertinence ? Zéro.

On utilise la crainte de l’apocalypse, ce qui est un outil habituel des religions, pour terroriser les craintifs.  Pertinence ? Zéro.

En qualifiant d’illusionnistes les tenants de la croissance, on les assimile à des charlatans et on les prive de crédibilité tout argument qu’ils pourraient présenter. C’était traditionnellement le rôle des imprécateurs. Pertinence ? Zéro.

En plus ce sont des « salauds » au sens sartrien du terme (voyez les inégalités) comme au sens propre : voyez les atteintes à l’essentiel de la vie. Pertinence ? Zéro.

En un mot tout économiste qui souhaite la croissance est un dévot, un pudibond, un antirépublicain, de surcroît antisocial, mal intentionné et stupide jusqu’à l’idiotie, et qui nous conduit tout droit en enfer.

Si ce genre de propos nourrissait la réflexion et la recherche de bonnes solutions, tous les lecteurs de ces articles anti-croissance seraient déjà au Paradis depuis longtemps.

Lancer des anathèmes, disqualifier des adversaires mythiques,  les vilipender sans retenue, sont de ces méthodes qui visent l’émotion plutôt que la raison,  et animent la guerre idéologique et psychologique.

Mais comment pourraient-elles convaincre ?

Tous les anathèmes se retournent comme des crêpes.

Religion ? Ce sont les religions qui ont toujours prôné la sobriété et les vertus dont l’abstinence. Jusqu’ici, c’était des prêtres ayant fait des vœux d’abstinence qui prêchaient, en mettant en avant leur exemplarité. Désormais ce sont des laïcs qui jouent les Savonarole.

Atteinte aux libertés : la décroissance organisée porte nécessairement atteinte aux libertés et notamment à tous les droits issus de la révolution française.

L’illusion : celle de croire que les problèmes de l’humanité se résoudront en réduisant la production et la richesse est sérieuse.

Course à l’abîme : engager le monde dans une décroissance volontaire est le faire retomber dans les abîmes d’où il a émergé. Le paradis perdu n’existe pas.

Faut-il répliquer comme dans les cours de récrés : « c’est celui qui le dit qui l’est ! ».

Les contradictions internes sont tellement nombreuses qu’on n’en citera qu’une poignée. Tous ces gens crient haro sur les riches qu’il faut naturellement tondre à zéro. Mais pourquoi si la richesse est un malheur ? Qu’on les laisse dans leur géhenne ! Et pourquoi donner aux moins riches, contraints à l’emballante sobriété qu’on nous prêche et qui ne connaissent pas leur bonheur ? A partir de quel revenu  s’embrasse-t-on sans se passer les menottes ? Et pourquoi diable une monnaie dite « locale » serait-elle meilleure pour l’humanité qu’une monnaie légale ? C’est l’émetteur de la monnaie qui construit le bonheur ou le malheur ? Ce n’est pas le bien qu’on acquiert et le service dont on bénéficie ?  Qui est empêché de vivre en phalanstère ou en anachorète ? Pourquoi faut-il libérer la femme de sa condition de mère au foyer, alors que la vie familiale, le gynécée, était le dernier berceau d’une économie du don et de la gratuité ? Oui ou non faut-il « marchandiser » la vie de la femme en la versant dans le circuit économique de production de richesses supplémentaires ?

Naturellement, tous les lanceurs d’alerte sont bienvenus. Personne ne défend la destruction des sols et des insectes à une échelle telle que la vie peut s’en trouver altérer. La surexploitation des océans est un scandale que nous-mêmes dénonçons depuis…1974 et les premiers ratissages des fosses profondes. La pollution de l’air et de l’eau sont des sujets sérieux. La société doit être observée et critiquée. Nous-mêmes ne manquons pas de contribuer à cet exercice. Toute pièce a toujours son revers et chaque étape du développement amène son lot de difficultés.

Reposer inlassablement la question des valeurs, du bien et du mal, de la nature et du destin de l’homme est parfaitement légitime. Comme l’écrit feu Dominique Venner,  Homère nous « a légué à l’état de condensé ce que la Grèce antique a offert par la suite à la postérité, le respect de la nature sacrée, l’excellence comme idéal de vie, la beauté comme horizon ».

L’homme doit se méfier de l’Hubris.

Mais qui parle aujourd’hui de détourner le cours des rivières à la bombe atomique,  de multiplier les cités dortoirs, d’enlaidir le monde ?

Le développement, c’est-à-dire la capacité d’aller aussi loin que possible dans le progrès matériel et l’accès au plein emploi des capacités individuelles et collectives n’est ni une illusion ni une religion. Simplement une application légitime du génie humain.

Chaque homme, chaque collectivité, chaque nation et l’humanité toute entière est à son tour  confronté à des défis qui demandent de lourds investissements. Etudes, travail, développement des capacités de relations humaines exigent des efforts. Construire une collectivité demande du temps et des ressources. Pensons à l’âge et aux maladies. Assurer un destin à l’humanité n’est pas sans frais. Qu’on pense aux activités spatiales. La paix coûte cher.

Sans développement, sans tension créatrice, rien n’est possible. Bien sûr il faut les asservir à un projet de civilisation. Mais pourquoi les diaboliser ?

Plus prosaïquement, il est impossible pour le monde de sortir de son sur- endettement actuel sans croissance.

La promotion des populations des blocs communistes réduites à la misère pendant 75 ans est nécessaire, en Bulgarie comme en Chine, en Ukraine comme en Pologne.

La démographie de certains pays, comme le Nigéria, qui sera plus gros que la Chine quelque part dans ce siècle, entraîne de lourdes difficultés ainsi que la croissance démographique globale.

La défense contre certaines entreprises mondiales contestables, comme l’hégémonisme américain, le nationalisme Han ou le goût de certains musulmans pour le califat  et sa violence coutumière, se traduit par de multiples combats dont aucun n’est gratuit.

Alors oui, le PIB est une notion compliquée à manier (nous l’avons expliqué ici cent fois : voir « la parabole de l’esquimau »), certains modes d’organisation sont délétères, certaines attitudes compliquent tout.

Mais la croissance est nécessaire, pour longtemps encore. Que ce soit une croissance « maîtrisée », « durable », « sociale »,  ou soumise à tout qualificatif utile, d’accord. Mais pourquoi vouloir absolument tout arrêter en multipliant les anathèmes et les propos à l’emporte-pièce ?  

Réfléchir, oui. Invectiver et dénigrer, non !

Nouvelle poussée du lectorat de ce blog

Le 7 janvier 2014, le nombre cumulé de lectures étaient de 500.000. Nous en sommes au 7 juillet à 580.000. Ces 80.000 lectures en six mois marque un nouvel accroissement de l'intérêt porté à des questions économiques plutôt austères.

Les élections municipales et européennes sont certainement une des causes de cet intérêt renouvelé.

Nous pensons que la persistance de la crise est la vraie raison. Une inquiétude grandit dans le pays que nous ne en sortions pas. Après les éruptions sociales de l'automne 2013, le Président de la république avait fait marche arrière toute, annonçant l'embellie de la conjoncture et un nouveau cours de son action.

L'embellie était fictive. Le changement d'orientation de la politique fiscale, sociale et économique est resté verbal.

Les Français se demandent si on ne va passer de l'échec répété au désastre définitif. Nous sommes conscient que l'augmentation des lectures est associée à celle de l'angoisse du pays.

De l'échec au désastre ? Est-ce là le destin qu'on nous prépare ? Sept ans de crises, de faillites en augmentation, de chômage en augmentation, de dette en augmentation, de pression fiscale en augmentation, de déficits jamais jugulés.

Et rien ne change. Mme Hidalgo élue à Paris sur la promesse : "plus d'augmentation d'impôts", annonce qu'il manque 400 millions pour boucler le budget, veut doubler la taxe de séjour hôtelière, veut doubler le taux des amendes, …

Le budget n'est pas tenu et les engagements solennels pris vis-à-vis de l'Europe ne seront pas atteints.

On songe à rendre progressive la CSG mesure qui, ajoutée à toutes les autres,  marquera la mort définitive non seulement des fortunes et de la bourgeoisie aisée en France, mais de tous les espoirs de renouveau de l'esprit d'entreprise.  Comme au RU à la fin des années 70, la France entre dans une spirale de suicide national.

La France est aujourd'hui sur le fil du rasoir. La situation politique est désastreuse. La droite est embourbée dans les différents chemins de traverses de la gestion Sarkozy. La gauche est prisonnière de la désinvolture du Président qu'elle a porté au sommet de la République et  de l'indigence sectaire des apparatchiks qui tiennent le Parlement. Le peuple se détourne vers les extrêmes, l'indifférence ou la révolte. La presse, ruinée par l'innovation qui touche le secteur,  ne s'intéresse qu'aux problèmes de communication et de personne . Elle refuse toute étude de fond.

On le voit à Aix.  Les économistes officiels parlent d'investissement à un pays où il a disparu sans qu'ils expliquent réellement pourquoi.  Il suffit de relire les minutes des débats de 2006 et 2007 pour vérifier qu'ils n'avaient rien prévus, rien compris à la crise qui nous a frappé.

Dans ce désarroi général, il ne reste qu'une voie de sortie par le haut : comprendre. La connaissance précède toujours l'action. Observer les faits sans a priori en remontant suffisamment haut dans le temps pour ne rien manquer.  Confronter les analyses pour gagner en justesse et éviter approximations ou courtes vues.

Tant qu'on en restera au niveau zéro de la pensée, les" élites" françaises de gauche ou de droite seront discréditées. Les causes de la crise ne sont toujours pas au centre du débat public. Les moyens d'en sortir ne peuvent donc pas être discutés et compris.

On laisse les pulsions politiques emporter tout. Malfaisance idéologique à gauche, idiotie aveugle à droite.

Il faut prendre un autre chemin.

Espérons que nous y contribuons à notre humble mesure.

En tout cas cette nouvelle croissance de notre lectorat nous y encourage.

Crise économique, guerres et révolutions.

L'histoire des années 30 est encore tellement prégnante que le lien entre dépression économique et guerre est presqu'automatique.

La crise que nous connaissons est indiscutablement très sévère. Elle dure. Elle est tout sauf terminée. Elle met en cause sinon le capitalisme du moins certaines de ses modalités.

Les "printemps arabes", pour autant que le concept soit totalement clair, ont été indiscutablement provoqués par la récession économique mondiale. Même les évènements ukrainiens, d'un genre tout à fait différent, sont les enfants de la récession et de la déréliction économique du pays, sous l'effet de la prédation Ianoukovitch. Les tensions en Extrême-Orient sont indiscutablement liées à l'accès au pétrole et à la rente correspondante qui devient vitale dès lors que l'expansionnisme par les exportations flanche.

Pour autant, les drames des années trente sont-ils à nos portes ?

Les deux déterminants majeurs de la situation qui prévaut au début des années trente sont d'une part les effets psychologiques et matériels de la guerre de 14-18 et d'autre-part la montée en puissance du socialisme violent vu par certains  comme l'alternative souhaitable au régime capitaliste.

L'Allemagne qui se donne à Hitler a perdu la guerre et a perdu son épargne lors de la grande inflation du début des années 20. Elle a subi une tentative de révolution socialiste. Elle doit des réparations importantes notamment à la France. Elle a des voisins qui sortent d'une guerre qui s'est terminée par le traité de Brest-Litovsk mais qui reste larvée. Le traité de Versailles a reconstruit de façon dangereuse les ruines de l'empire allemand et l'empire d'Autriche-Hongrie. Partout les nationalismes sont excités.

La violence en Union Soviétique n'est pas liée à la crise de 29. Lorsque les héritiers de Lénine finissent de se déchirer pour le pouvoir absolu et que Staline lance son grand tournant, Hitler n'est pas au pouvoir et la crise de 29 n'a pas commencé.  On sait que de 28 à 33, le "socialisme réalisé" va tuer près de 10 millions de personnes, dont le moitié en Ukraine  et dans le glacis européen. Le prurit socialiste, gratté par les révolutionnaires dépendant de l'URSS, saigne partout provoquant des réactions violentes.  Le fascisme comme le national socialisme repose sur les mêmes critiques du capitalisme que le communisme, avec le même goût pour la violence, le même soucis de l'agit-prop, l même contestation de la religion. Les hommes qui dirigent ces mouvements viennent presque partout du socialisme, à l'instar de Mussolini et de Doriot.   

Le monde a découvert le rôle de l'information de masse, le rôle de le puissance industrielle. Manipuler les masses et vaincre par la puissance industrielle devient l'axe de la réflexion politique.

L'Angleterre reste la principale puissance mondiale mais les Etats-Unis l'ont rejoint et ont le potentiel de la dépasser.  L'Allemagne et le Japon ont un potentiel industriel important. La France, au sommet de sa puissance n 1930, va tout perdre en 10 ans, minée par sa démographie déclinante depuis un siècle, les pertes de la guerre de 14, et son retard dans le commerce et l'industrie. C 'est encore un pays de paysans, avec une frange urbaine et industrielle brillante mais réduite. Elle vit sur l'élan de son passé.

La crise de 1929 a été provoquée par les conséquences de la guerre de 14. D'énormes paquets de dettes ont été accumulés. Les créanciers américains disposent de l'épargne du monde et ne savent plus trop quoi en faire. Ils vont se lancer dans la pure spéculation. Il n'y a plus de marché mondial suffisant pour que le placement de leurs réserves monétaires puissent rapporter suffisamment. L'argent se place là où des espérances de plus values semblent exister. La boule se met à rouler.  

Jusqu'à ce que cette effervescence se heurte au fait que la bulle se nourrit d'elle-même c'est-à-dire de rien. Et on aura le Krach de 29. L'épargne américaine est ruinée. La crise enchaîne ses effets sur un pays peu préparé et sans filet de sécurité sociale.

Par le biais des dévaluations compétitives et des fermetures de frontières  au commerce,  la crise se généralisera. Elle touche l'Europe durement seulement à partir de la dévaluation britannique. Le gros des difficultés  portera sur les années 33-35. Entre 30 et 32, on est dans une phase de contagion progressive. On croit encore en 32 que la France ne sera pas touchée !

C'est dans ce contexte que Hitler arrivera au pouvoir fin 32. En costume de ville. Les Allemands y voient d'abord une volonté et un potentiel de redressement national. Ils voient la revanche possible vis-à-vis d'une défaite refusée qui a rogné leur souveraineté sur des territoires majoritairement allemands, la fin des désordres intérieurs fomentés par les mouvements socialistes, anarcho-syndicalistes ou communistes, une protection contre la possibilité d'agressions venant de l'est.

Le national-socialisme et d'abord l'enfant de la défaite et de la crainte de Staline et du communisme. La crise de 29 n'a joué qu'un rôle d'adjuvant.

On voit qu'aujourd'hui la situation est très différente.  En dehors de quelques guerres marginales, chauffées par l'URSS, essentiellement dans les pays anciennement ou nouvellement  colonisés, le monde a connu la paix.

One ne peut comparer une époque où on venait de sortir d'une guerre mondiale "totale",  d'une intensité jamais vue, avec des destructions inouïes rendues possibles par la puissance  industrielle,  avec un monde qui a vécu en paix pendant 3/4 de siècle.  

L'hypothèque socialiste a été levée, avec la disparition par auto dissolution interne de l'URSS et la conversion de la Chine au capitalisme sauvage.

La crise économique sévère que nous connaissons touche un monde pour l'essentiel paisible et embourgeoisé, qui est dix fois plus riches et qui dispose de filets sociaux importants.

Le seul nationalisme dangereux est celui des Hans. La conversion de la Chine au capitalisme internationaliste tient plus à la montée en puissance du Japon, des Tigres et des Dragons  qu'à une conversion au libéralisme. Les dirigeants chinois ont compris que s'ils laissaient  faire, la Chine serait bientôt un nain économique et militaire dans la région. La conversion au capitalisme est d'abord une volonté de retrouver la place de la Chine dans la région. L'imbécillité européenne et américaine et d'avoir soutenu de façon exagérée cette passion nationaliste. En transformant la Chine en atelier exclusif  de l'occident, les Etats-Unis et leurs alliés ont commis une faute majeure par myopie et angélisme.  

La Chine est désormais en querelle avec les Tibétains, colonisés et martyrisés, les Ouïgours, colonisés, marginalisés et réprimés, avec la Russie du fait de la colonisation de l'Est russe par les paysans chinois et de difficultés territoriales traditionnelles et  avec  tous ses voisins. Le Japon "réinterprète" sa Constitution, avec une seule idée en tête : la bombe atomique ! 

En dépit de ce climat, on ne voit guère ce qui pourrait se traduire par une véritable guerre. Le Japon est surtout inquiet de relancer une économie qui se traîne depuis que ses créances en dollars ont été anéanties au début des années 90, ruinant son système bancaire.  La Chine tremble de voir ses réserves  en dollars disparaitre et sa situation intérieure se dégrader du fait de la stagnation du commerce international. Les deux pays sont en dénatalité accélérée. La démographie joue contre l'idée même de guerre. Reste l'imprévisible Corée du Nord, mais qui est désormais lâchée par Pékin.

La Russie ? C'est un nain politique et elle le restera. Elle n'a pas d'économie et son capitalisme de prédation ne marche pas. Sans la rente énergétique, le pays n'est rien.  Son immensité accuse ses difficultés démographiques. L'affaire Ukrainienne ne saurait masquer ces réalités profondes.

L'Inde et le Pakistan forme un couple en colère l'un contre l'autre avec des bombes nucléaires par-dessus le marché. Si le Pakistan se risque à une attaque atomique préventive, il disparait aussitôt. Une telle attaque ne sera de toute façon pas liée à la situation économique globale.

L'Afrique est traversée par des tensions très diverses,  avec un pays, le Nigéria, qui est en passe de devenir le plus peuplé du monde et le plus instable. Il ne semble pas qu'il puisse y avoir de terreau pour une guerre mondiale.    

Reste le Moyen-Orient et la folie religieuse qui domine tout, aidée par la rente pétrolière. L'IRAN, Israël,  bientôt l'Arabie saoudite, ont la bombe atomique.  Shiites, sunnites, et juifs, une fois dotée de la bombe, règleront-ils leurs problèmes en s'auto détruisant ? C'est possible, mais cela n'a rien à voir avec la crise mondiale. Au contraire, cette dernière, en réduisant la rente pétrolière, joue un rôle…pacificateur.

Que le monde reste une poudrière, avec des conflits un peu partout, c'est évident.

Que l'on soit dans une situation du même type qu'au début des années trente est une autre affaire.

La crise a multiplié ses effets politiques. Cela continuera.  Aucune des conditions ne sont remplies pour qu'elle provoque une déflagration mondiale comme celle de la fin des années 30.  Nous en sommes à la septième année depuis le blocage du marché interbancaire. L'équivalent de 1937, si on veut à tout prix faire un parallèle. Hitler était déjà au pouvoir depuis cinq ans !  Un accord militaire secret avait été noué depuis longtemps avec Staline pour contourner les effets du traité de Versailles. Staline avait déjà  pris le pouvoir de façon absolue. Le pacte germano-soviétique se préparait. Deux dictatures sanglantes  préparaient à marché forcée leurs futures exactions. Où sont les puissances équivalentes aujourd'hui ?  

On ne refait pas l'histoire.

Il faut dénoncer cette crise économique majeure qui n'en finit pas. Il faut surtout souligner quelles en sont les causes et pourquoi  elle dure ainsi.

Voir tous ceux qui ne l'avaient pas prévue jouer les super Cassandre du future conflit mondial comme exercice de rattrapage a quelque chose de désolant et de ridicule.

Cette crise était évitable. On peut en sortir. Il faut pour cela la comprendre et mettre fin aux sources réelles de difficultés.  On ne le fait pas pour des raisons politiques obsolètes. Le socialisme fiscalo délirant  "hollandais" n'est pas la solution. L'Europe de l'Euro sans organe de pilotage monétaire extérieur réel et sans concertation forte des pays membres n'est pas la solution. Les changes flottants et l'acceptation de déficits et d'excédents  monstrueux de balances extérieures  ne sont pas des solutions.

La réflexion économique et politique doit être concentrée sur les conditions d'une réforme sensée permettant de surmonter les problème d'organisation actuelle. L'architecture monétaire et financière mondiale doit être repensée et  reconstruite.  

Préparons- nous à cela plutôt qu'à la troisième guerre mondiale .

Le faux effondrement de la productivité

Toute personne qui s'attelle  à la tâche d'étudier les crises économiques périodiques constate  l'apparition récurrente de raisonnements stéréotypés. Ils refleurissent comme les marronniers. 

La fin du progrès de la productivité est une de ces lancinantes resucées.

En 1929, on expliquait que les chemins de fer, c'était fini et que l'automobile avec Ford avait atteint son Acmé. La mécanisation et l'électrification avaient fait leur effet et il était parfaitement normal que l'on entre dans une période de stagnation de longue durée aux Etats-Unis. La croissance, c'était fini.

Sautons en 1973-74 et donc à la "première grande crise depuis 1929". Là deux idées ont nourri les commentaires :

- La fin du pétrole et donc de la croissance. La projection des tendances était sans concession : tout s'arrêterait au plus tard en 1985. C'était la fin de l'aviation, du plastique et de l'automobile. Tous les gains avaient été trouvés dans l'agriculture. Il n'y avait rien à faire. La stagnation, au mieux,  était définitivement installée.

- L'informatique était désormais à saturation : tous les programmes nécessaires avaient été mis en œuvre dans les grands groupes. Il était même indispensable de cesser de former des informaticiens.

Allons maintenant à la crise de 93, la "seconde crise la plus grave depuis 1929". Là, c'était totalement clair. Le travail, c'était fini. Il n'y avait plus de boulot. Ce qui devait être informatisé et automatisé l'était. Ne restait plus qu'à réduire le temps de travail  et à s'adapter à une société sans croissance.

Voilà la crise de 2007-20xx, à nouveau "la pire crise depuis 1929" et ça y est : le progrès c'est fini ; la productivité, on est au bout ; le travail, y en a plus. Etc.   

Toutes ces réactions sont naturellement des foutaises.. La crise crée un climat qui pousse à extraire de la réalité des faits analysés à courte vue et qui n'ont pas de sens. La psychologie l'emporte sur la raison.

En 1929 plusieurs révolutions étaient en marche : le petit équipement électrique, la télévision, la radio et les communications en général, le pétrole et ses applications notamment pour l'aviation, le marché des produits d'hygiène etc.  Beaucoup des grands groupes mondiaux actuels datent des années trente. En France, l'Oreal, Publicis, les magasins à prix unique etc.

En 1974, l'informatique connait une révolution : le temps réel avec l'interaction entre un opérateur et un écran, puis les mini ordinateurs, puis les micro ordinateurs, puis les progiciels grands publics… Les tour opérateur naissent avec la révolution des avions gros porteurs et le tourisme de masse. La santé est à la veille de progrès décisifs à peu près dans tous les domaines. La grande distribution s'installe. Le pêche industrielle se généralise. Etc.

En 1993, l'informatique connait une nouvelle révolution. Les réseaux de PC avec interfaces graphiques multicolores s'établissent d'abord en local puis, grâce çà internet, ouverts sur le monde entier. L'interconnexion permet l'émergence de marchés inconnus jusqu'ici. Le téléphone devient portable. Les imprimantes couleur à bas prix se généralisent. D'énormes marchés mondiaux se mettent en place. La révolution du container change le transport maritime. Les grands groupes s'allègent des activités mineures pour atteindre la taille critique mondiale sur leur cœur de cible. L'organisation du travail change. L'aviation connait un boom sans précédent, le "bougisme" atteignant les populations du monde entier, aussi bien pour le tourisme que pour les voyages professionnels et les salons. Le luxe se mondialise. Tous les ex-pays communistes s'ouvrent.

Bref, à chaque fois , les jérémiades sur la fin du progrès, la fin de la productivité, la saturation des marchés et la disparition du travail se sont trouvées démenties dans des proportions …démentes.

En revanche la vraie cause des crises a toujours été évacuée plus ou moins brutalement. En 1929, la concentration d'un paquet de dettes effroyable en Europe et d'une richesse fortement accrue aux Etats Unis  a provoqué des déséquilibres  que la crise a résorbés dans la douleur. Déjà le monde ne savait pas que faire des milliards de dettes en papier monnaie. Ajoutons le prurit révolutionnaire socialiste qui a pourri totalement la situation politique. On aura les sinistres années trente.

En 1974 la gravité de la crise décennale est entièrement liée à un changement de système monétaire international désastreux, lui-même provoqué par le désir des Etats Unis et de ses alliés (volens nolens) de répondre aux défis de l'Union Soviétique sur terre et dans l'espace.

En 1993, le monde soviétique a cédé. Mais on ne sait toujours pas quoi faire d'un système monétaire qui génère de la dette a tout va, provoque des crises à répétition et aggrave les crises bancaires décennales tout en réduisant le trend.

En 2007, le système monétaire international explose, après avoir permis l'établissement de déficits et d'excédents monstrueux de balances extérieures et met l'économie mondiale à genoux.

La productivité est toujours le rapport entre production et population en âge de travailler ou au travail (il y a mille productivités !). Il est arithmétique que si la population augmente et le PIB ralentit ou baisse, la productivité s'effondre. Pendant les crises périodiques, les effectifs les moins productifs sont envoyés au chômage pour tenter de rétablir un niveau de productivité compétitif.  Mais pendant tout le temps du processus de réajustement l'entreprise se trouve avec une activité en baisse, des prix en baisse, des frais généraux disproportionnés.  La productivité globale (le CA par tête) baisse.  

Le monde a connu depuis l'écroulement communiste, l'arrivée de centaines de millions de producteurs sur le marché du travail. La mécanisation s'en est trouvée ralentie : il était plus rentable de rapprocher la production des producteurs disponibles (délocalisation), ou les producteurs disponibles des usines (immigration) . La productivité a beaucoup augmenté en Chine et dans les pays de l'est. Moins en Occident développé.

Rien de tout cela ne trahit une baisse du potentiel de productivité soit par hausse de valeur de la production soit par des économies de facteurs de production.  

Dans une économie de soufflé monétaire, où une couche de 300% de dettes flotte au dessus de 100% de PIB, toutes les relations de valeur sont faussées. La notion de productivité devient fuligineuse. Pour une banque, emprunter gratuitement à la BCE et replacer cet argent en finançant les Etats, plus cher, est d'une formidable productivité : il faut une poignée de personnes pour brasser des milliards d'euros. Mais elle n'a aucun sens économique réel. De même la hausse des prix des biens immobiliers n'apporte aucun gain de productivité : c'est toujours le même parc immobilier !      Dans le cas français où on a accablé de charges le travail marchand, tout en ouvrant l'économie à la concurrence mondiale, l'ajustement s'est fait en éliminant les postes à basse productivité dans l'entreprise tout en augmentant dramatiquement le nombre de fonctionnaires à hyper basse productivité. Alors on constate que seuls les postes à haute productivité existent dans l'entreprise privée du secteur marchand. Nous avons une excellente productivité privée en France. Mais 7 millions de français ne sont plus occupés, dont 5 millions au chômage.

Ce n'est pas le rythme de l'innovation qui baisse. Il n'y a aucune raison qu'il baisse. Dans dix ans ou quinze ans nous rirons des imbéciles qui croyaient l'emploi fini, l'innovation arrêtée, la productivité en berne. Comme on rit aujourd'hui des imbéciles de l'entre deux guerres, des prêtres écologistes qui annonçaient la fin du pétrole pour 85,  ou de Michel Rocard ou Rifkin  annonçant la fin de l'emploi juste avant que plusieurs centaines millions de travailleurs-travailleuses entrent dans le circuit de production mondial.

Surtout si on surmonte les vraies difficultés actuelles :

- Gestion du rattrapage des pays anciennement soumis au régime communiste (sans aucune productivité, sinon du côté des bourreaux).

- Réforme du système monétaire international

- Remise en place dans la zone Euro de mécanisme de croissance concertée

- Fin de la folie administrative et fiscale en France qui achève de détruire son système de production marchand.   

Seulement voilà : c'est plus facile pour les économistes officiels de gloser avec effets de manche sur la perte de productivité que de remettre en cause le système monétaire international, l'organisation de la zone euro et l'esprit de prédation fiscale  qui sévit en France depuis le septennat Giscard.  

Une erreur économique commune mais profonde

Lors d'une des émissions d'adieu de Philippe Bouvard aux "Grosses têtes", on parle monnaie avec Jean d'Ormesson.

Première erreur : "la monnaie date de 9000 ans".

La monnaie circulante date du 7-8ème siècle avant JC, soit moins de trois mille ans. La monnaie a été une invention, comme la roue et d'une importance cruciale sur l'évolution de l'humanité. Elle n'existe pas de toute éternité, ou même depuis 9000 ans.

L'idée de frapper d'un sceau officiel une pièce en alliage de métaux, de carat normé, n'est pas venue du commerce, mais "au carrefour du sabre et du goupillon" selon le terme employé dans notre livre sur la monnaie. Les trésors étaient dans les temples avec des obligations rituelles de donner. L'autorité royale les a monétisés pour payer des soldats. Qui les utiliseront immédiatement dans les temples où travaillaient les filles de joie.

Le prince, le curé, la prostituée et le soldat sont à la base du circuit monétaire moderne. Pas le commerçant.

Tout le monde sait que Sparte méprisait ces Athéniens qui utilisaient si vulgairement de l'argent. Les Phéniciens qui étaient les maîtres du commerce "mondial" de l'époque refusèrent longtemps d'utiliser ce "vil argent".

La dette et le prêt existent, eux, pratiquement de tout temps. Et le désir de mesurer la valeur relative des biens économiques également. Il est symptomatique que tous les noms de monnaies au départ sont des unités de poids.

La seconde erreur, tout aussi commune, est de croire qu'avant l'invention de la monnaie régnait le troc.

C'est une invention des premiers économistes. Personne n'a jamais pu trouver une société primitive fondée sur le troc. L'Egypte qui n'utilisait pas de monnaie, ne connaissait pas le troc. Pas plus que les civilisations amérindiennes. Toutes les enquêtes sociologiques de tribus primitives effectuées depuis 200 ans ont démontré qu'aucune d'entre elles ne pratiquait le troc.

Les sociétés hiérarchisées, primitives ou plus organisées comme Sumer, Ninive, l'Egypte des pharaons etc. n'étaient pas fondées sur le troc mais sur une division de la société. Chacun avait un rôle dans une hiérarchie stricte et le plus souvent inflexible. Le travail était fondé sur la contrainte, pas sur le libre échange. Le paysan devait porter son grain au collecteur qui le redistribuait selon des règles précises. L'artisan recevait sa pitance du prince. Certains biens étaient strictement réservés à l'aristocratie politique ou religieuse.

Le soldat était nourri et logé. Les extras étaient fournis par le pillage des peuples vaincus ou les razzias temporaires chez le voisin. Les survivants se voyaient dotés d'un champ ou d'une charge. De toute façon les objets produits étaient très peu nombreux. L'esclavage fournissait l'énergie, qui, de tout temps, a été le problème économique majeur de l'humanité. Les corvées, c'est-à-dire le travail forcé non rémunéré, étaient la base des travaux publics.

On mourrait tôt, de maladie ou de mort violente. Il n'y avait pas de notion d'épargne individuelle remplacée par celle de survie du collectif, de la race comme on disait à l'époque. Les dettes et les prêts portaient sur des aventures collectives ou sur des sanctions personnelles.  La sanction imposait une échelle de valeur. Le pénal est la base des barèmes d'indemnités ou de sanctions, donc des prix relatifs et par voie de conséquence des "mercuriales", sauf que ce n'était pas le dieu Mercure qui y présidait. Condamné à un bœuf, un coupable pouvait se libérer par des jours de corvées. On savait donc le rapport de la valeur du bœuf évaluée en jours ouvrés. Les rapports de valeur entre poulet et canard, ou entre or et argent, sont connus et (presque) stables pendant toute l'antiquité. Ils ne sont pas fixés par "le marché". Mais par décision de justice.

La monnaie permettra l'étagement des peines et la suppression des modes de paiement par "compensation", c'est-à-dire en nature ou en travail.  L'obligation et la dette ont grandement précédé la monnaie, mais ensuite la monnaie en a permis l'expansion.

La monnaie se développe essentiellement pour des besoins militaires dans la Grèce antique puis à Rome. L'accumulation de réserves monétaires et de dettes provoquent des crises monétaires et financières fort graves dès le début. La question du taux d'intérêt se pose très vite. Doit-on gagner de l'argent sur l'argent alors que seules la production et la consommation comptent ?

La circulation de monnaie ne deviendra réellement "commerciale" qu'à partir du moment où les productions se diversifieront et où les sociétés cesseront d'être hiérarchisées. La monnaie est bien de la "liberté frappée". L'indépendance des villes sera le maillon fort de cette chaîne d'évènements qui mènent à des sociétés "capitalistes", c'est-à-dire fondée sur l'accumulation de monnaie et de dettes, puis à la société de consommation. Tout cela est très récent. Quelques siècles à peine.

L'économie politique commence lorsque les manipulations monétaires des princes commencent à troubler la révolution industrielle. L'autonomie du monétaire vis-à-vis des Etats ne sera jamais obtenue.

Aujourd'hui encore, la monnaie est gérée par les Etats, malgré la grossière imposture de l'indépendance des banques centrales. Les désordres monétaires sont la source des plus grosses difficultés. La crise actuelle en est la preuve.

Nous ne savons toujours pas comment gérer une "fiat money", une monnaie de papier imprimée par des fonctionnaires. Surtout quand il y a plusieurs émetteurs et uniformisation mondiale des marchés.

La monnaie est de tout temps une affaire d'Etat, où l'Etat est à la fois nécessaire et partie du problème. Croire que c'est une affaire purement commerciale est une erreur historique et économique.

La crise actuelle étant d'essence principalement monétaire (un défaut du système monétaire international), elle ne pouvait pas être réglée simplement par les banques centrales.  De même la monnaie unique européenne est une absurdité parce qu'on a cru qu'elle pouvait être uniquement gérée par la BCE et des règles juridiques simplistes (qu'il a fallu violer en totalité par tout le monde…).

L'histoire comme toujours éclaire le présent. "C'est l'or de Philippe" qui a permis de vaincre Darius et Alexandre le Grand fondait l'or partout où il passait.  Le triomphe de Rome s'est assis sur la destruction des montagnes aurifères d'Espagne. La superpuissance américaine et les abus du dollar sont la cause des troubles monétaires, financiers et économiques actuels. Mais sans le dollar, il n'y aurait pas de superpuissance militaire américaine.

La difficulté de faire admettre une réforme du système monétaire international est justement là. Toucher aux changes flottants, c'est toucher à l'Impérium. Les dominés préfèrent filer doux. La première réunion du G.20 a servi à cela : réaffirmer qu'on ne toucherait pas à l'Impérium et à sa base monétaire, en dépit de la crise que cette dernière avait provoquée.

Voilà comment on passe des "Grosses têtes" aux "têtes basses" !    

 

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile

 



Le blog du cercle des économistes e-toile

Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

Association loi 1901

  
BlogCFC was created by Raymond Camden. This blog is running version 5.9.002. Contact Blog Owner