Comment réformer les systèmes monétaires dysfonctionnels ?

L'organisation monétaire internationale est viciée. Le chaos monétaire en cours qui voit les monnaies ou plonger ou s'apprécier dans des proportions massives (plus de 20% dans un sens ou dans l'autre, ce qui ne peut pas correspondre à des réalités économiques fondamentales), comme les cours de matières premières, avec des effets collatéraux parfois sinistres, comme la ruine renouvelée de collectivités territoriales françaises ayant souscrit des emprunts à clause de cours de change, les difficultés de l'industrie suisse soumis à une perte de termes de l'échange catastrophique qui entraînera une récession, ou la ruine de pays entier comme la Russie et le Venezuela, qui y avaient mis du leur, il faut bien le dire.

Le système monétaire est faussé de façon très différente selon les zones, parfois même de façon paradoxale , ce qui ne facilite pas la compréhension et la recherche de solution.  

1- Globalement le système des changes flottants, sans coopération autre que des bonnes paroles échangées lors de conférences le plus souvent stériles, avec liberté totale des flux de capitaux entre les principaux Etats, aboutit à des désordres financiers gravissimes. La manifestation principale de la malfaisance de ce système tient au gonflement permanent depuis son instauration en 1971 du ratio Dettes globales sur PIB, qui a dépassé allégrement les 400% pratiquement dans tous les pays développés, un taux intenable qui transforme le monde en économie baudruche. Nous avons mille fois expliqué ici les mécanismes qui lient le gonflement de la dette globale aux déficits/excédents monstrueux et cumulatifs de balances de paiement. Nous avons également décrit les conséquences directes du gonflement constant du taux de dettes sur le trend et sur la sévérité des crises périodiques.

2 - L'unification monétaire d'une zone plurinationale, sans organisation ad-hoc, et en se contentant du respect préalable de taux de déficits budgétaires et d'endettement public, devenus des normes plus ou moins strictes en droit, plus ou moins respectées dans les faits, montre des faiblesses importantes :

- Aucune convergence économique spontanée et durable ne s'est produite. Les facteurs constitutifs d'une valeur réaliste de taux de change ne peuvent se résumer aux taux de déficit et d'endettement publics. La contradiction majeure entre le plan Jospin et le plan Schroeder a provoqué par exemple une déséquilibre effarant dans les relations économiques franco-allemandes. S'il n'y a plus de change explicite entre deux zones divergentes, le rééquilibrage ne peut plus se faire que par la récession plus ou moins contrôlée de la plus faible ou la relance concertée dans la plus forte qui perd alors son avantage vis-à-vis de zones extérieures.

- L'insertion d'une zone monétaire unifiée mais sans organe de gestion commune du change, autre qu'une Banque Centrale dont les statuts précisent bien que ce n'est pas la mission, dans une zone de changes flottants, avec liberté totale des mouvements de capitaux, multiplie les difficultés. L'explosion de l'empilage mondial de dettes finançant exclusivement des spéculations sur des hausses nominales de valeur de "classes d'actifs" a provoqué un stress violent partout mais particulièrement dans la zone Euro soumis soudain à un risque de dislocation. N'ayant plus aucun instrument entre leurs mains, et devant le risque de disparition de l'Euro et ses conséquences imprévisibles, les responsables n'ont pris que des mesures d'urgence visant à sauver l'Euro et éviter une panique générale, au prix d'une forte récession dans de nombreux pays et d'une stagnation de longue durée pour les autres.

Pratiquement huit ans après le début de l'effondrement de l'empilage de dettes, nous en sommes toujours au même point. Aucune réforme n'a été faite du système monétaire international ni de la gestion de la zone Euro. L'économie spéculative est toujours en place au niveau mondial avec son cortège de bulles explosives. La récession est toujours le seul moyen d'ajustement dans la zone Euro.

Donc on en sort pas.

Le diagnostic fait, est-il si difficile de proposer une voie de sortie ?

Trois possibilités s'offrent aux dirigeants du monde.

1 - La première est le statu quo. On sait que les deux organisations mondiale et européenne sont viciées et incompatibles, mais on passe outre quelles que soient les conséquences. Pourquoi choisir cette passivité ? Essentiellement parce que personne n'aime se déjuger. Après avoir justifié pendant quarante ans un système, en expliquant, à chaque crise, que c'était "la faute à Jules", il est délicat de lâcher le bréviaire. Certains pays pensent que le système est dans leur intérêt particulier (La Chine, le RU, les EU, pour les changes flottants), d'autres qu'il est dans leur intérêt commun supérieur (les tenants de la construction d'une Europe fédérale). Se déjuger et se retrouver confronté à la hargne des fédéralistes européens et des tenants de la finance internationale débridée (qui tiennent la presse et les Etats endettés), c'est plus que téméraire.  Donquichottesque ! On aboutit à une impasse qui est celle où se trouve l'économie mondiale et qui n'ouvre la voie qu'à la perpétuation de ce qu'on connait depuis quarante ans : une baisse continue du trend, des crises périodiques graves, un chômage massif, un endettement incontrôlable, des boursouflures spéculatives tous azimuts.  C'est le chemin qui a été pris. A tort !

2 - La seconde solution est de casser l'un ou l'autre des deux sous-systèmes viciés.

Variante 1 : On garde les changes flottants  et la liberté totale des mouvements de capitaux et on casse la zone Euro. On ne règle aucunement la cause principale de la crise globale. On espère qu'en recouvrant leur souveraineté monétaire et à coup de dévaluations, les économies européennes retrouveront leur équilibre et leur croissance. On rêve surtout que la transition ne sera pas en elle-même une source d'aggravation de la situation. Outre le coup d'arrêt radical porté au projet de construction européenne, qui laisse la primauté monétaire absolue au dollar et au Yuan, il faudra subir les coûts du désassemblage des monnaies. Il se comptera en centaine de milliards d'euros ! Aucun scénario n'a été avancé qui permette d'éviter une perte colossale de valeurs d'actifs, quelle qu'en soit la modalité.

Variante 2 : on garde la zone Euro, si possible en modifiant son mode de gestion, et on met fin aux changes flottants. On revient à l'idée de Bretton-Woods : les grands Etats s'arrangent pour tenir leurs balances de paiements et maintiennent le plus possible la valeur de change de leur monnaie. On ne réajuste que de façon concertée et par petites touches. Naturellement on corrige quelques erreurs structurelles de la solution de Bretton-Woods. Le FMI n'a plus de tuteur privilégié ; les monnaies ne sont pas définies par rapport à une monnaie nationale. En Europe, un poste de Chancelier de la zone Euro est mis en place avec pour rôle principal la gestion du taux de change définis dans le cadre du système de changes fixes mais ajustables et pour rôle interne de corriger ou empêcher les divergences excessives de politiques économiques, sociales et fiscales, tout en soldant le passé.   

Le résultat prévisible d'une telle action serait de sortir de l'économie spéculative, de relancer le commerce international sur des bases saines et d'éviter les politiques de récession en Europe. Il est possible d'envisager une hausse du trend de croissance, un réduction de l'intensité des crises périodiques et une réduction progressive du taux de dette globale, sans déflation calamiteuse.

- Solution 3 : on casse les deux systèmes viciés. On passe au système de changes fixes mais ajustables aussi bien dans le monde qu'en Europe.  Notons que la  variante 2 de la solution 2 est le passage obligé avant de pouvoir envisager cette solution 3. Si on a stabilisé le monde et la zone Euro dans le monde, il devient plus facile de reconfigurer la zone Euro en recréant des écluses monétaires là où elles s'avéreraient nécessaires.

Notre préférence va à la création immédiate d'un système de changes fixes et ajustables, nouvelle manière, avec conservation initiale de la zone Euro, dont on aurait réformé la gouvernance par la création d'un poste de chancelier de la zone Euro.  C'est la solution la moins coûteuse et la plus prometteuse. Elle est facile à mettre en œuvre techniquement. On ne voit pas très bien ses inconvénients. Personne, en tout cas, ne les a décrit.  Elle permet toute évolution ultérieure, y compris la reconfiguration de la zone euro avec sortie éventuelle de pays incapables de trouver leur bénéfice dans  un système de monnaie unique. On peut même envisager à terme, quand les rattrapages de niveau économique (il fallait bien remettre à niveau les économies autrefois socialistes) auront homogénéisé les économies, qu'on revienne à des libertés de mouvements de capitaux plus franches.

La difficulté est politique et concerne la réticence des Etats-Unis, qui voient son avantage à conserver au dollar le rôle de monnaie mondiale et du RU qui voit son bénéfice à faire "turbuler" les flux de capitaux artificiels générés par le système de changes flottants.

Seule l'Europe  est capable de faire bouger les lignes.

- D'abord en refusant tout traité de libre échange avant que le préalable monétaire ne soit levé.

L'existence d'un chancelier de la Zone Euro aurait une influence décisive. Il parlerait d'une voix autrement puissante que celle de M. Hollande ou de Mme Merkel. Le bloc européen détient une part de l'économie mondiale supérieure à celle des Etats-Unis et de la Chine. Contrairement à ce que quelques sots affirment, ni les Etats-Unis ni la Chine ne peuvent se passer de l'Europe.

- Ensuite en sortant mieux qu'elle ne le fait de la crise actuelle, grâce à une politique intelligente et non punitive qui ne peut pas se mettre en place sans coordinateur.

- Enfin en promouvant un diagnostic correct de la crise actuelle et en faisant valoir que les tares du système des changes flottants sont aussi le pire risque pour les Etats-Unis et l'économie mondiale, comme l'histoire des quarante dernières années le montre.

La France aurait pu avoir un rôle majeur dans ce processus qui aurait été digne de ce qu'elle fut naguère. Il aurait fallu qu'elle fasse des choix politiques un peu moins démagogiques et ne s'enfonce pas dans le n'importe quoi politicien de longue durée. Voir Monsieur Hollande tenter désespérément d'exister, après avoir multiplié les enfumages et les échecs, en se mettant à la remorque d'un certain Tsipras, est une source de dégoût et de honte pour ceux qui ont connu une France gouvernée et à son rang.

- L'effondrement moral de la France dans un politiquement correct asservissant et débilitant aidé par des médias soumis à la fois à la pression commerciale, aux effluves du communautarisme à l'américaine, et aux idéologues post socialistes curetonisés issu du maoïsme ou du communisme et soucieux de créer un "homme nouveau" par destruction (on dit "déconstruction", c'est plus doux) des bases "bourgeoises" de la société,  et qui véhiculent une idéologie totalement contraire et hostile à ce qui a fait la force historique du pays ;

- Sa déréliction politique qui voit des profiteurs à la petite semaine accaparer le pouvoir, son argent et ses plaisirs par la démagogie et la comm' ;

- Son effondrement économique provoqué par l'idéologie et la démagogie politique ;  

ne sont pas seulement un désastre national.

Ces trois tares empêchent l'Europe de fonctionner bien et de se réformer. L'Allemagne était prête à remettre en cause certains de ces dogmes pour permettre une relance institutionnelle et économique en Europe. Elle l'a fait partiellement. Il aurait fallu, pour aller plus loin, que la France se montre à la hauteur et ne s'enlise pas dans les déficits. Deux ans et demi de finasserie socialiste à la Hollande ont tout aggravé : le chômage (500.000 chômeurs de plus malgré près de 500.000 contrats aidés, avec hausse du rythme des sorties d'emplois entre 2013 et 2014), les déficits  et la dette publique, les faillites, la fuite des hommes et des capitaux. La politique  de la France, qui se met à la remorque de Tsipras et de Podemos, est une trahison pour l'Europe, que marquent bien la nomination d'un ministre des finances ayant échoué lamentablement (M. Moscovici) comme Commissaire Européen, le recyclage d'une nullité incapable de gérer même le PS, comme Ministre des relations européennes, et l'envoi d'une majorité lepéniste à l'Assemblée européenne.

L'effondrement Français empêche la réforme du système monétaire européen et rend impossible tout rôle utile de l'Europe dans la réforme du système monétaire international alors que la réforme ne peut être initiée que par l'Europe. Il est à noter que M. Hollande s'est précipité pour défendre l'idée du traité de libre échange entre l'Europe et les Etats-Unis (toujours lâcher devant plus fort que soi et ondoyer), alors qu'il aurait du en faire le pivot d'une action réformatrice du système monétaire international. Quand on est faible et nul, on ne peut que pratiquer la politique du chien crevé au fil de l'eau en expliquant que la force du courant est la preuve d'un dynamisme intact.

Il fallait une France forte, pour permettre une réforme européenne et mettre l'Europe en position de négocier la réforme du système monétaire international qui est indispensable.

On touche ici une des raisons pour lesquelles les idées exprimées ici, qui ont été validées par les faits pendant 8 ans de suite, sans aucune fausse note, ne peuvent pas déboucher facilement dans le débat national. Remettre en cause le système monétaire international non seulement vous met en première ligne contre certaines influences anglo-saxonnes (qui tiennent la finance et les medias)  mais vous force à critiquer le projet européen autrement directement que par l'approche souverainiste (qui ne fait peur à personne)  et la déréliction politique de la France. Cela fait beaucoup.

Mais c'est indispensable.

 

Didier Dufau pour le Cercle des Economistes E-toile.

 

Quand la BCE finit de manger son chapeau allemand

La BCE vient de prendre la décision de fournir près de 1.100 milliards d'Euros de liquidités aux banques.

Cette décision stimule des commentaires plus ou moins ridicules dans les medias, en même temps qu'elle est totalement incompréhensible pour le citoyen de base.

Quelques rappels sont nécessaires.

Au départ de la crise on trouve une élévation, globale depuis 1971, du taux d'endettement dans les pays développés, jusqu'à dépasser 400%, un taux intenable.

La cause de gonflement est à chercher dans le phénomène de double pyramide de crédits rendu possible par le système des changes flottants et l'abandon de l'interdiction d'accumuler excédents et déficits de balances de paiements, dans un cadre de liberté quasi-totale des mouvements de capitaux.   

Cette mécanique funeste a fait passer progressivement l'économie mondiale dans un mode baudruche. Les crises décennales ont été progressivement plus violentes et le trend s'est ralenti jusqu'à être très faible.

Surtout, la baudruche a commencé à percer en 2007, avec le blocage du marché interbancaire puis a explosé en septembre 2008, avec la grande faillite de Lehman-Brothers.

Une perte potentielle de 10 à 12 mille milliards de dollars a alors frappé le système financier, mettant tout le système bancaire en état de faillite virtuelle.

Si aucun mécanisme compensateur n'avait été mis en place, la dépression aurait nécessairement suivi avec la perte de toute l'épargne financière mondiale et la faillite de la totalité des banques.

On sait que le G.20 a refusé de faire un vrai diagnostic de la crise, préférant l'imputer à des guignoleries (avidité soudaine des traders, mauvaises pratiques des agences de notations, règles comptables frelatées etc.).

Il aurait fallu revenir immédiatement (et si possible dès l'été 2007) à un système de changes fixes et coordonnés, et condamner radicalement tous déficits ou excédents excessifs. Et réformer  le système bancaire en isolant les banques de paiements, les banques de crédits, les banques d'affaires et les institutions de gestion de l'épargne. A cette occasion, il aurait fallu mettre sous tutelle voire nationaliser les banques les plus engagées dans des spéculations absurdes, en changeant les équipes dirigeantes.

On ne l'a pas fait, préférant mettre à la charge des contribuables, donc de l'activité, l'essentiel des dégâts, mais pas trop vite. On a retardé le plus possible le jour du jugement dernier. Le hanneton a commencé à pousser devant lui sa boule de crottin. Evidemment, il se fatigue. A chaque accès de faiblesse, la crise repart.

Les grandes banques centrales ont fait marcher la planche à billet et fourni de la liquidité en masse pour éviter un "credit-crunch" dévastateur. Du fait que le multiplicateur bancaire joue à la hausse comme à la baisse, le potentiel de restriction financière aurait pu atteindre 50 à 60.000 milliards de dollars.

Les banques centrales ont globalement créé près de 10.000 millions de liquidité banque centrale pour contrer ce mouvement.

La FED a presqu'atteint la moitié de ce nombre. La BCE n'est pas très loin derrière. Son émission de monnaie n'est pas du tout la première. Le bilan de la BCE est passé de 1.000 milliards à 2.500 fin 2012. Depuis nous en sommes à la seconde émission. Le bilan atteint 4.000 milliards fin 2014 et sera de plus de 5.000 milliards fin 2015, soit une hausse globale de près de 4.000 milliards. La seule nouveauté de l'émission actuelle  est purement juridique et concerne les actifs que la banque centrale accepte de refinancer.

Au total, les accroissements de liquidité des banques centrales atteindront plus de 12.000 milliards fin 2015. On retombe bien sur nos estimations des pertes faites dès 2008.

Pour les Français, l'intéressant est de comparer ce chiffre à la valeur ajoutée de ses entreprises de plus de 1 personne du secteur marchand commercial : 1.200 milliards en 2013.

La BCE créera cette année le même montant de liquidité que la production française privée non financière et non étatique. Elle avait déjà créé le double !

La nouveauté n'est donc pas économique mais seulement juridique. Il fallait faire tomber le dernier tabou : refinancer les dettes d'état. Le jugement de la cour de Karlsruhe a libéré le terrain.

Une décision à caractère juridique peut avoir un effet économique. Mais une création monétaire exceptionnelle a le même effet qu'elle soit basée sur le rachat d'actifs privés plus ou moins pourris ou sur de titres représentatifs d'une dette d'état. Un sou et un sou quelque soit son origine.

D'un point de vue juridique la décision de la BCE est une novation. Du point de vue économique ce n'est qu'une continuité.

En revanche, on voit comme l'organisation de la zone Euro était défectueuse. Une vision purement juridique ne permet pas de faire face aux situations économiques exceptionnelles. Tout faire reposer sur une banque centrale est également fautif.

On n'aurait pas du créer une zone Euro sans poste de chancelier de la zone avec des attributions permettant d'ajuster les économies internes et de s'adapter aux économies externes.

On donne à la BCE un rôle de gestion du change qui n'est pas dans ses attributions, alors que le change dépends de mille autres facteurs. On a aussi perdu énormément de temps.

Rappelons qu'au départ de la crise de l'Euro, lors de l'effondrement de la Grèce  et de l'attaque spéculative  sur les taux d'intérêts en Europe, il suffisait de 40 milliards d'euros pour passer le cap. On a préféré imposer à tous les pays du sud une déflation terrible avec une récession carabinée et un chômage de masse.  Et finalement on aura du créer ex nihilo 100 fois cette somme.

Il est bien prouvé que la crise est d'origine monétaire et liée directement aux défauts du système monétaire international et que l'organisation de la zone euro est imparfaite.

Comme dans les années trente, tous les grands pays auront finalement dévalué pour se retrouver Gros-Jean comme devant quelques années plus tard. Ces dévaluations successives, dans un monde de liberté des mouvements de capitaux,  auront entraîné des folies spéculatives et entravé l'économie réelle, sans apporté de vraie solution.

La décision de la BCE, connue de la BNS,  a forcé cette dernière à faire sauter son "peg" en urgence (son lien gérée entre Franc suisse et Euro) avant qu'un flux massif de capitaux vers le FCH ne l'entraîne dans des cabrioles dangereuses. Les imbéciles ont crié : "c'est bien la preuve qu'un peu de fixité est impossible. Vive les changes flottants". Les voilà, une fois de plus,  en adorateurs des causes de la crise ! En vérité aucune monnaie ne peut supporter que celle d'un partenaire commercial s'effondre. C'est la chute du Real brésilien qui a provoqué celle du Peso argentin. Et la chute du Real avait été rendue nécessaire par la brusque appréciation du dollar, elle-même liée à une double spéculation sur le dollar et les bourses américaines.

A partir du moment où le dollar avait dévalué, et la Livre britannique et le Yen Japonais, et le Rouble et le Won etc. l'Euro ne pouvait rester aussi haut.

Les mouvements récents ont mis par terre le Forex et tous les agents travaillant sur le marché monétaire. Les industries Suisse sont KO. Un désordre est toujours un désordre.

La Presse se demande si "cela va marcher", rappelant le succès américain, largement imputé au gaz de schiste, voire anglais, imputé à la place financière de Londres, mais aussi l'échec Japonais.

Cela marcherait si l'activité commerciale nationale et internationale repartait d'un bon pied. Les mesures prises depuis 8 ans n'ont pas principalement cette vocation. Comme nous l'avons vu, le but est de faire face à la perte de 12 mille milliards de dollars  encourue par l'économie baudruche. On a sauvé les banques artificiellement, en faisant intervenir les Etats. Maintenant on sauve les Etats qui sont à bout de souffle fiscal.

On évite un krach général. Mais on ne stimule rien. Les taux d'intérêt sont déjà extrêmement bas, presque trop bas pour une rationalité économique d'entreprise. Les entreprises ont besoin de demande globale. On ne peut leur restituer qu'en "rendant l'argent" aux consommateurs et en cessant de voler les entreprises et leurs propriétaires.

Au total, faute de vouloir réformer le système monétaire international, chaque sous-système est obligé de prendre des mesures d'urgence pour tenter de ne pas subir seul les effets de la crise et la crise perdure indéfiniment.

Une économie baudruche percée de toute part, avec des instances dépassées qui tentent de maintenir la quantité d'air de façon artificielle au lieu de colmater les brèches  n'est pas une organisation intelligente de l'économie internationale.

Il faut d'urgence que les pays du G.20 remette en place un système de changes fixes et ajustables, mettent fin à la liberté totale des mouvements de capitaux  et se mettent en position pour une croissance mondiale rapide, comme celle qui a vu l'endettement global d'après guerre passer de 400 à 200% en 20 ans, sous l'influence d'un système régulé qui interdisait grands déficits et gros excédents.

Il faut que la zone Euro achève sa mue en créant un poste de chancelier disposant des attributions nécessaires à l'ajustement en temps utile des différentes économie et à la gestion du paquet de dettes résiduelles. La BCE ne peut pas tout.

Il faut que la France sorte du socialisme fiscalo-étatiste antinational qu'elle est la seule à pratiquer à cette échelle et revienne dans les clous d'une économie équilibrée, après une réforme drastique de l'Etat et de ses dépendances.

Dans ces trois domaines, on joue la procrastination,  on évite, on tangente, on met la tête dans le sable, on enfume l'opinion, mais on est finalement obligé de plier. Trop peu et trop tard.

Résultat la crise est plus longue et plus coûteuse que nécessaire.

Regrettons une fois de plus que la terrible mais limpide leçon des faits ne soit pas entendue.

 

Didier Dufau pour le Cercle des Economistes E-toile.

2015 : pour qui sonne le glas ?

Dimanche dernier le glas a sonné. La France  directement atteinte en son tréfonds s'est réunie. Nous avons décidé de cesser tout commentaire pendant une semaine. Mais les grands deuils sont aussi la condition d'un sursaut si l'indignation et le chagrin n'interdisent pas l'action. Même si on n'a guère envie de revenir sur ce que fut la désastreuse année 2014, il importe d'en tirer quelques leçons.  

La question, en 2013, était de savoir si l'optimisme de commande des autorités était justifié alors que le budget de 2012 emmenait la France droit à l'échec économique. Nous avons eu la réponse  : une année Hollandibilis et horribilis se terminant par la révolte des Bonnets Rouges et l'annonce d'un changement important de politique. Le socialisme se transformait, au PS, en social-démocratie avec un siècle de retard ! Les augures intéressés avançaient que l'année 2014 serait enfin celle de la reprise. Les journalistes de cour accumulaient les sarcasmes contre les "déclinistes" et les spécialistes de la déprime nationale qui ne voyaient ni le monde, ni l'Europe et encore moins la France en grande forme. Fustiger les Cassandre est un marronnier qui refleurit chaque année à la période des vœux.  En début d'année, tout allait donc bien, Madame la Marquise. 2014 serait meilleur et la "boite à outils" mise en place par le chef des socialistes montrerait ses effets lumineux.

Seulement voilà : les faits sont têtus.

Le monde a encore connu, en 2014, une année désastreuse. Certes les Etats-Unis, appuyés sur une monnaie nationale qui est aussi la monnaie du monde (à plus de 80%) et un dynamisme pétrolier probablement temporaire mais indiscutable, sont repartis en croissance  et dans une moindre mesure la Grande Bretagne.

Au global, le commerce international est à l'arrêt, les flux financiers sont toujours déréglés et spéculatifs, et l'économie baudruche, percée de partout, et regonflée artificiellement par des injections gigantesques de monnaies banque-centrale n'est qu'une Montgolfière ballotée dans des cieux tourmentées.

Ce sera le cas tant qu'un nouveau système monétaire international ne sera pas mis en place.

L'exaltation juridique et nationaliste des Etats-Unis a conduit à la mise en œuvre de Fatca, une loi inique et grotesque qui a une conséquence imprévue : plus aucune banque mondiale ne veut ouvrir de comptes aux détenteurs de passeport américain. Les double-nationaux abandonnent leur nationalité américaine en dehors du pays. La volonté des Américains de faire croire que la crise est le fait de "méchants" les a conduit à infliger des amendes grotesques à des banques américaines mais aussi étrangères, portant sur des dizaines de milliards de dollars. Le système ne peut pas être mauvais, seulement les personnes ! En même temps, les entreprises américaines colonisaient le monde sans pratiquement payer d'impôts. Cette dualité intolérable est là pour durer. Elle n'a pas empêché la Chine de devancer les Etats-Unis, sur certains critères, comme première puissance économique mondiale. La faiblesse d'Obama, fait prix Nobel de la paix dès son premier jour de mandature pour lui rogner les dents et lui lier les mains, entraîne par ailleurs l'effondrement de la puissance  américaine, permet à Poutine d'annexer une partie de l'Ukraine et de créer la guerre civile dans l'est du pays, stimule la volonté des Japonais de retrouver leur puissance nucléaire et pousse le ressentiment musulman au delà de l'inhumanité absolue.  

Un désastre économique a toujours des conséquences politiques déplorables.

Du coup, le pétrole que les écologistes nous annonçaient à 200 $ le baril se retrouve à moins de 50, ruinant les pays rentiers dont la Russie et le Venezuela. L'Arabie Saoudite, alliée surprenante des écologistes les plus sectaires, expulse plusieurs millions de personnes "allogènes" et fait patiemment fermer toutes les exploitations pétrolières coûteuses de ses concurrents. Les imbéciles qui prétendaient que la crise du pétrole était simplement un fait de marché lié aux excédents temporaires de production, doivent constater que toutes les matières premières sont en repli avec parfois des baisses pires que celles du pétrole. C'est l'abandon radical de la spéculation sur les cours de matières premières, liées aux mesures de contrôle mises en place aux Etats-Unis qui est à la source du renversement total des perspectives. La manière dont la spéculation a été conduite par quelques fonds et grandes banques est, elle, clairement délictueuse.

La réaction judicaire américaine a donc des effets contradictoires : elle arrête des modalités de spéculations dévoyées, tout en empêchant les grandes réformes nécessaires !

Le désordre international est donc un peu plus profond en fin d'année 2014 qu'il n'était en fin 2013. Il suffit de constater ce qui se passe actuellement sur le front monétaire international pour constater des désordres que l'on peut qualifier d'inouïs. La BNS a tué les spéculateurs du Forex. L'Euro s'effondre comme de nombreuses monnaies alors que la BCE annonce qu'elle va faire exactement tout ce qui était jusque là interdit. Il ne restera rien du chapeau dont s'était affublé M. Trichet.   

L'Europe de la zone Euro, étranglée par ses politiques déflationnistes, asphyxie par contagion ses principaux clients. L'année 2014 aura été celle de la consolidation à un niveau très bas. Faute des institutions de gestion nécessaires à une zone de monnaie unique, l'illusion qu'une reprise serait possible uniquement par la grâce d'un président de la BCE non conformiste, s'est dissipée dans les nuées. Depuis huit ans, nous crions inlassablement qu'une Banque centrale est comme la psychanalyse, incapable de soigner quelques maux que ce soit, sinon ceux qu'elle a créés.  

L'Europe est à la traîne. Les élections européennes ont été un théâtre d'ombres, permettant aux pays les plus petits de s'arroger l'essentiel des places contre les piliers européens que sont la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni. L'idée Rooseveltienne d'une Europe lavette dont les nations puissantes auraient été noyées dans un lac de petites nations sans envergure et ficelées par une bureaucratie aux ordres, est désormais en place. Le choix comme président de la Commission d'un ancien chef du Luxembourg, état microbique dont le jeu est de s'enrichir en favorisant fiscalement les grandes multinationales étrangères et notamment américaines, est plus que significatif. Le risque de dissolution des grandes forces européennes a été aggravé par le referendum écossais, légal, et le referendum catalan, illégal. Si les grandes puissances historiques sont dissoutes dans des micros ensembles, elles n'auront plus aucun moyen de mettre en commun les ressources nécessaires à ne serait-ce que leur défense nationale.  L'Angleterre seule, sans l'Ecosse et le pays de Galles ne peut plus avoir d'armée significative.  L'Espagne sans la Catalogne et le pays basque non plus. Pas plus qu'une Italie coupée en deux. Ne parlons pas de la France, si l'Alsace, la Lorraine, la Bourgogne, la Corse, la Bretagne, la Savoie, la Normandie, le Jura, l'Auvergne, la Guyenne-Gascogne, le Pays basque, "l'Occitanie", la Picardie, les Flandres  et le Comtat-Venaissin venaient à acquérir leur autonomie. La dissolution de l'Europe en micro états de dimension vicinale est la mort de l'Europe tout court.

A l'occasion des élections européennes, le Parlement s'est permis un "coup d'Etat" (selon l'expression de VGE), liant le résultat du vote et la présidence de la Commission. Pourquoi se gêner ?  Quant aux résultats de ces élections en France, on l'a vu : après une campagne électorale creuse et même, pour l'essentiel, carrément inexistante, où les grands Partis se sont contentés d'ajouter quelques recalés du suffrage universel direct à leurs européistes qualifiés, le Front national a emporté la mise, sur fond d'abstention débilitante, entraînant une réaction de marginalisation de la France dans toutes les institutions. Ce qui veut dire que l'idéal européen est en lambeaux, et que la France a les pieds pris dans les déchets.

Quant à la France ! Commencée dans le vaudeville, l'année présidentielle a enchaîné sur des convulsions politiciennes grotesques, avec la disparition sans gloire du gouvernement Ayrault, puis une crise gouvernementale de l'équipe suivante, sans causes nationales sérieuses, aboutissant à l'éviction de deux ministres, dont le ministre de l'économie, parti aussitôt apprendre la gestion dans une école de management ! Le scénariste le plus délirant n'aurait pas osé imaginer une histoire aussi débile.

Comme chacun sait, l'histoire est tragique. Voici qu'un Français a été décapité dès son arrivée sur un sol arabe, sans aucune réaction du gouvernement et dans la foulée, des musulmans en folie foncent dans les foules françaises à Noël. Des centaines de musulmans nominalement français mais qui ne se considèrent pas comme tel, partent massacrer, violer, terroriser dans les pays où l'islamisme, enflammé par les conquêtes et exactions occidentales puis israéliennes depuis des décennies et nourri par la rente pétrolière, a été libéré par des Occidentaux malavisés des régimes forts qui le contenait.

F. Hollande qui pensait se faire une image de chef en envoyant ses troupes contre l'Islam à l'étranger se retrouve avec un second front intérieur, alors que, suivant les recommandations de Terranova, il avait fait du terreau musulman son électorat privilégié. A peine a-t-il recommencé à le courtiser en proposant l'élection des étrangers aux municipales que deux frères délinquants séduits par la violence illimitée islamiste et le surmoi qu'elle permet aux faibles d'esprit, entraînés au Yémen par Al Qaïda, mais qui sont représentatifs d'une forme d'irrédentisme musulman proprement national qui s'amplifie depuis des années, massacrent toute la rédaction d'un journal marginal mais sympathique et qu'un troisième tue à répétition aux portes de Paris de façon synchronisée. L'arrogance d'une fraction croissante des enfants d'immigrés musulmans vis-à-vis des "gaulois", leur volonté de ne pas s'assimiler, leur revendication identitaire et religieuse dans la cité, dans l'armée et dans l'entreprise, la provocation vestimentaire ou alimentaire permanente, le refus d'accepter le contenu républicain et national de l'enseignement public, la tendance à la délinquance de ses jeunes, le romantisme du combat armé sans règle humanitaire depuis la guerre de Yougoslavie, attisé par la conscience d'une domination démographique dans certains territoires de la République Française, créent les conditions d'une guerre civile larvée.  En nous embarquant dans des guerres religieuses au Moyen-Orient et en Afrique, nous n'avons fait qu'attiser un feu qui couve depuis des années.

On a accepté de changer l'enseignement de l'histoire et les règles de l'école pour ne pas fâcher les élèves musulmans, on a toléré que l'hymne national soit sifflé en masse au Stade de France, on a trouvé expédient de substituer aux Français dans les logements sociaux des millions d'étrangers n'attendant souvent de la France que des indemnités, on a chanté inlassablement aux Français qu'ils étaient des "beaufs" et des "salauds au sens sartrien du terme". La veille des assassinats politico-religieux des frères Bouaki, la télévision passait le film de Tavernier, "Coup de torchon", présentant les Français au temps des colonies comme des porcs bons à être saignés par un justicier pas très propre sur lui. "Français vous avez des devoirs vis-à-vis de ceux qui vous tuent, car vous avez péché". Déjà, le jour où des avions démolissaient les tours jumelles de New York, le fameux "11 septembre", un excité s'exaltait à condamner les Français sur France-Inter pour l'affaire de Sétif ! Rappelons qu'Hollande lui-même a tenu à stigmatiser, il y a moins d'un an, la répression d'une manifestation interdite du FLN de 1961, à une époque où les commissariats étaient protégés des exactions des Fellaghas par des guérites en béton. Les autorités n'avaient pas voulu laisser la rue et le haut du pavé au FLN. Pas plus qu'elles n'avaient voulu que l'OAS y fasse régner la terreur. Sans faiblesse et même sans pitié.

Nous voici avec un 7 janvier 2015, où les menaces contre la liberté d'expression et de pensée ont été mises à exécution par des musulmans dignes justement du FLN, de l'OAS ou d'Action Directe. Ce passage à l'acte ouvre une autre période de l'histoire française.

Sur le terrain économique, les cartes sont désormais étalées. La France finit l'année avec des déficits aggravés, des dettes aggravées, un chômage aggravé en nombre et en durée, des faillites record, une construction à des niveaux ridicules, des familles ruinées par les impôts, des jeunes, des patrons, des retraités et des entreprises en fuite vers l'étranger. La réponse est une loi poudre-aux-yeux promue par un certain Macron qui fait du tort aux professions que les socialistes n'aiment pas et qui n'a strictement aucun intérêt économique autre qu'anecdotique ou politicien, comme on voudra.

L'important, pour tout ce petit monde, est la stratégie politique présidentielle de M. Hollande qui n'intéresse pourtant que lui-même et ses clans mais qui doit s'imposer aux Français. Surtout pas de réformes sérieuses qui pourraient coaliser des masses ou des énervés disposant d'un pouvoir d'agitation. Alors on ne redéfinit pas à la baisse  les missions du moloch étatique : la fonction publique et toutes les mille-et-unes organisation publiques et parapubliques, c'est électoralement sacré. La SNCF s'effondre ? Tant pis. EDF et le CEA forment un Etat dans l'Etat de plus en plus nul et coûteux. On s'en fiche. Les intermittents du spectacle ? Le déficit de leur régime extravagant de financement par les autres de leur temps d'inactivité est sanctifié, sacralisé et "sanctuarisé" ! Mais oui, le Premier Ministre a parlé de sanctuaire. Les déficits démagogiques, c'est malsain mais c'est saint !  Alors qu'il ne s'agit que d'un abus délirant responsable du tiers des déficits de la branche chômage pour un nombre ridicule, mais en forte augmentation, de bénéficiaires. On se pince, mais tout cela est vrai.

"L'achat de vote" recommence. On rajoute aux impositions déraisonnables et spoliatrices, portant sur les réussites, l'impôt que l'on supprime à "9 millions de foyers" ! Raisonnable et républicain ?

On perfectionne les gratuités, notamment dans le domaine de la Santé, afin de rendre les situations vraiment inextricables, au prix d'une dérive bureaucratique de qualité soviétique . Il ne s'agit rien de moins que de supprimer les libertés médicales. Les médecins, qualifiés et utiles, devront demander, avant de lancer des traitements, l'autorisation préalable à des sous-fifres sous-qualifiés, planqués dans ces usines à incapables que sont les Agences Régionales de la Santé. Leur rémunération dépendra du bon vouloir de bureaucrates dont la compétence peut s'apprécier tous les jours, à la mesure de nos déficits et des désordres de plus en plus graves qui agitent le domaine. Une occasion de plus de rappeler que tout le secteur dit social est entre les mains de pseudos-cadres, marqués politiquement, sortis d'enseignements le plus souvent très faibles, ivres d'un pouvoir à peu près totalement incontrôlé, ayant acquis une presque totale indépendance et nourris par des prélèvements constamment croissants. Pour eux : "la crise connait pas". Le gouvernement Valls reflète assez bien cette sous-bureaucratie politisée, sans mérite et sans valeur, à qui on a laissé trop de pouvoir. Autant dire que l'année 2015 s'engage sous les meilleurs hospices !

La France est désormais plus qu'engagée dans le maelstrom du déclin. Son revenu par tête a encore baissé en 2014. Son rang économique aussi. Ce n'est pas le pseudo pacte de responsabilité qui changera quoi que ce soit. Ce dispositif est purement politicien et n'a pour but, malheureux mais évident, que de renvoyer sur les entreprises l'échec socialiste et lui permettre d'avoir quelque chose à dire pour faire réélire son chef. Quo non descendam ?

Voilà le monde largement à l'arrêt économiquement et sous la pression de musulmans fanatisés en armes sur plusieurs continents. Pendant que la France pleure 17 morts, Boko Haram vient d'en tuer 2.000, en rasant 16 villages, avec vieux, femmes et enfants, pratiquement sans un mot dans la presse française. L'Europe est en pleine dérive. La France renifle des effluves de guerre civile. Elle flirte avec la déréliction économique irrattrapable, avec un président requinqué par le sursaut d'unité nationale des Français et  qui frétille de bonheur déplacé de pouvoir s'exprimer sans être aussitôt sifflé. Après tout le massacre historique que l'on vient de connaître a été évité en Belgique et subi en France. Le succès de la police de doit pas grand-chose au Ministre de l'intérieur qui indiquait en été 2014 : "Ce n'est pas un délit de prôner le djihad" (RTL - 5 Août 2014), ni une garde des Sceaux, incapable d'assurer le suivi judiciaire de condamnés dangereux à qui elle cherchait à éviter une "prison qui empêche la réinsertion".   

Politique et économie sont liées. Lorsqu'on atrophie l'économie par idéologie et esprit politicien, on met aussi en cause la stabilité politique d'un pays. Et lorsqu'un pays pourrit par sa tête politique, son économie souffre aussitôt. Peron a mis l'Argentine par terre. Chavez a ruiné le Venezuela. Papadopoulos a abaissé la Grèce et aggravé ses tares traditionnelles. Castro a laminé Cuba. Mugabé a tué et affamé son peuple. Le FLN a fait de l'Algérie un pays intolérable que fuit sa jeunesse. L'Iran des Mollah est une infection. Poutine ruine la Russie.  

L'économie française se défait par la politique. L'échec économique défait la France. L'équipe que dirige M. Hollande, a prouvé en deux ans et demi qu'elle n'était pas au niveau des missions qui devraient être les siennes, et qu'elle n'a pas les moyens de sortir le pays de l'ornière dangereuse où il se retrouve.

L'unanimité des bons sentiments dans le chagrin et la pitié est une bonne chose, à laquelle nous nous sommes associés totalement. Les moments d'unité nationale sont trop rares pour les bouder.

Elle ne pourra pas longtemps faire oublier qu'aucun Français digne de ce nom ne peut  admettre que la France en général et son économie en particulier tombent si bas. Le drame de l'insurrection musulmane djihadiste qui s'enracine en France et risque de s'étendre et de s'aggraver encore, sur un terreau social dégradé, s'ajoute au drame que sont les résultats économiques de 2012, 2013 et 2014.

Puisse les Français comprendre dans leur tréfonds national que la vocation de la France n'est pas l'effondrement économique, la déréliction sociale, la dégénérescence du politique dans la démagogie clientéliste et la comm', la dissolution nationale dans une Europe croupion, et l'épuisement dans une variante larvée de " guerre des civilisations".

Un cycle historique qui a vu la France s'enfoncer si bas doit se refermer. Et un autre commencer. Il implique une autre vision de l'organisation mondiale, de la construction européenne et de que doit être la France.

L'échec économique global, l'échec européen et l'échec français ont tous les trois des causes précises. On ne peut en rester là.

Nous avons écouté le glas. Maintenant il faut entendre le tocsin !

 

PS : Nous donnons ci-dessous, comme chaque année, les résultats de la fréquentation de ce blog qui a dépassé 690.00  lectures cumulées de personnes différentes, soit une hausse de 190.000 en un an (grosso modo le nombre des chômeurs supplémentaires en France. Espérons qu'il n'y a pas de corrélation !).  Trois articles font leur apparition dans le palmarès des articles les plus lus. Ils touchent à l'essentiel et nous sommes heureux que leur importance soit ainsi reconnue. La question de l'organisation bancaire est centrale. "L'étrange nature du dépôt bancaire" est désormais un thème qui retient l'attention, bien que le chemin reste long vers les banques de paiements et les spécialisations bancaires que nous préconisons. Les observations de J. Rueff sur les doubles pyramides de crédit sont fondamentales pour comprendre la situation actuelle. Nous nous réjouissons de les populariser ici. Plus surprenant notre bulletin de conjoncture de juin 2008, annonçant clairement la crise, a fini par retenir l'intérêt des lecteurs avec 6 ans de retard. Nous avons ici prévu une crise dure et longue en temps voulu, malgré tous les propos des nigauds qui ne cessent de répéter que cette crise était imprévisible. L'important n'est pas la gloriole du "je vous l'avais bien dit" mais de comprendre les chemins de cette prévision et le diagnostic qu'elle sous-tend. Plus que jamais, nous persistons et signons :

- Il faut mettre fin aux changes flottants et recréer un système monétaire international coopératif.

- On ne peut pas gérer une zone de monnaie unique uniquement avec des normes. Il faut créer une chancellerie de la zone Euro distincte de la Commission de Bruxelles.

- L'asphyxie fiscale française est un désastre auquel il doit être mis fin.



Les Français ont bougé. La France bougera-t-elle ?

Dès la connaissance de l'attentat dévastateur contre Charlie Hebdo, nous avons suspendu l'article que nous avions écrit sur la situation économique de la France après une année 2014 calamiteuse.

Le temps n'était plus à la critique. La gravité de l'attentat a fait sortir les Français de leur longue léthargie. Nous  avons aussi marché dimanche.

Pour dire stop ! Cela suffit ! On ne peut plus aller plus loin dans l'abaissement national.

Nous ne voulions pas qu'un article fortement négatif, forcément négatif, s'agrège à la désespérance indignée que suscite l'exécution par des Français de ce qui fait le cœur de l'esprit français : la liberté d'expression, la fraternité républicaine, la France éternelle. Cette rébellion est identique à la colère rentrée mais générale devant la répression du soulèvement de Budapest qui déclenchera le déclin du vote communiste, ou la mobilisation autour de Solidarnosc prélude à la chute du Mur.  Le monde entier avait porté le badge, comme le monde entier aujourd'hui "est Charlie".

Le Français s'est montré, ces dernières décennies, extrêmement résilient. Sa patience a des limites. Nous n'assistons pas à une crise de l'identité française. Cette identité française vit intensément au sein du peuple français et elle est même comprise et aimée à l'étranger. En vérité, nous assistons au conflit ouvert entre l'identité française profondément inscrite dans les neurones des Français et sa négation répétée par les dirigeants politiques et les grandes forces qui tiennent les médias.

Cette immense rassemblement n'avait ni slogan ni leaders. On ne saurait donc le faire parler de façon catégorique. Plusieurs discours y étaient latents. L'erreur serait de n'y voir qu'une simple commémoration, une simple indignation.

Un psychologue de bazar explique doctement dans la presse que si les Français marchent c'est pour se défouler du choc des attentats. Des petites natures, sans doute,  à qui il faut des cellules de soutien psychologique. Non ! Les Français ne se défoulent pas.

Ils parlent. En silence mais avec la force tonitruante du nombre.

Décoder ce message inarticulé tourmentera les observateurs pendant des années.  

Dès le lendemain de ces manifestations monstres, les récupérations politiques et idéologiques ont commencé.

On relance la culpabilité française vis-à-vis des Juifs. Mais les Français ont-ils exprimé autre chose qu'un refus des distinctions identitaires ?  On rebat à nouveau les oreilles du peuple français sur la question de la condition des immigrés en France. Mais ils savent combien la condition des pauvres est dure dans une France qui régresse économiquement et que ce n'est pas une question de race. Naturellement les marxistes de toujours veulent régénérer le vieux discours anti-bourgeois. Mais ils patinent dans des thèses que personne ne veut plus entendre même s'ils tiennent encore une part notable des médias et de l'Université.

Les Français ont bougé. Notre analyse est qu'ils ne veulent plus de la culpabilité dont on les accable ni des contraintes où on les enserre. Ils se dégagent des tutelles qu'on leur impose. Ils ne veulent pas de guerre importée, ni même de guerre tout court. Ils veulent que la France se redresse, affirme ce qu'elle est; mette au pas ses minorités, reprenne le chemin de l'expansion et cesse ses combats politiciens sans intérêt  qui se réduisent à des conflits de personnes au sein de partis obsolètes et dépassés.

Ils veulent que la France bouge et se bouge. Tel est en tout cas la communion que nous avons perçue.  Depuis mai 1968, elle a cultivé les voies et plaisirs de l'absence de volonté, de la pleurnicherie, de la coulpe que l'on bat jusqu'à ce que toute la lie soit bien vidée. Jusqu'à ce qu'il soit devenu clair qu'elle perdait sa substance à ce triste jeu.

Dans l'hommage à Cabu, à Wolinski, et à tous les autres, elle salue une dernière fois les utopies amusantes de mai 1968. Mais elle les enterre aussi. On criait CRS=SS ; on applaudit les cars de police et on exige un "grenelle de la police" et le déploiement de l'armée dans les rues. On disait  à l'Odéon : "Les faits sont fascistes" ; Les fascistes djihadistes sont des faits. On chantait : "demander l'impossible". L'impossible est arrivé et ce n'était pas celui qu'on appelait. Une anti-culture n'est pas une culture. Une anti-société n'est pas une société. Une anti-économie n'est pas une économie. L'anti-France n'est pas la France.

Le vide national et le laxisme général conduisent au meurtre et à l'abomination. Il conduit également à la ruine. Les Français ne viennent-ils pas d'affirmer qu'il faut arrêter la descente aux enfers !

Le défi des politiques français est de répondre à une France qui se considère comme une tradition, une valeur et une volonté et qui l'a affirmé avec force le 11 janvier 2015.

Ce défi est loin d'être relevé. Tout grand évènement a de multiples visages. Les moins sages rêvent de tout maintenir comme avant, dans l'exaltation d'un n'importe quoi plus ou moins politiquement correct tout en laissant la France au Front National. D'autres, aux extrêmes, de grands soirs mirobolants. Réactionnaires et révolutionnaires se trouvent également confortés.

Notre impression est que le gros des bataillons de marcheurs veut surtout que la France cesse de s'auto-détruire et trouve la voix du renforcement d'elle-même. Ils sont prêts à plus de remises en cause qu'on ne l'imagine pourvu que des résultats positifs soient là. Encore faut-il que les partis politiques  et les hommes de réflexion  lui montrent un vrai chemin.

Les Français sont de retour. Pas encore la France.

Contresens sur le concept de "zones monétaires optimales"

La monnaie est une terre fertile en inepties de toute sorte. Une des sottises du moment est tout à fait remarquable : elle consiste à partir de la pensée de Robert Mundell, un sage parmi les sages, hostile aux changes flottants (ce qui nous le rend sympathique), et favorable à l'Euro, pour "prouver" que l'Euro est condamné par les économistes. C'est une thèse que l'on retrouve pratiquement chez tous les contempteurs de l'Euro, d'un commentateur comme Eric Zemmour à des hommes politiques comme Mme Le Pen ou M. Dupont Aignan.

La science économique aurait défini, par son meilleur prix Nobel sur le sujet, les règles de création d'une bonne zone de monnaie unique. L'Europe ne répond pas à ces règles. Les Zélotes de l'Euro, niant la science pour la foi, aurait péché contre l'esprit et créé "un monstre intenable et dangereux".

Tous ceux qui ont suivi, ne serait-ce que d'un œil, tout le débat économique sur la création d'une union monétaire dans la CEE savent que Robert Mundell a développé ses idées pour permettre de la construire. Il est un des pères de l'Union Monétaire Européenne. Paradoxe, tout de même, de voir que les arguments du principal promoteur de cette union soient considérés comme la preuve "scientifique" de son impossibilité, même si la couverture médiatique des débats économiques de fond en matière de système monétaire international, est, de tradition , quasiment nulle.

Il faut d'abord relever une erreur tout aussi grotesque. On affecte de penser dans les milieux médiatiques que la monnaie unique est le fruit de la pensée profonde de M. Mitterrand, qui aurait arraché le DeutschMark à l'Allemagne et à M. Kohl, pour prix de sa réunification après l'effondrement du bloc socialiste. Cette fable a été dénoncée récemment par l'ancien ministre des Finances d'Helmut Schmidt. A juste titre.

La préoccupation concrète d'une monnaie européenne remonte aux premiers effets des défauts structurels des accords de Bretton-Woods et de la licence prise par les américains dans la gestion du dollar.  De tensions en tensions on ira jusqu'à la rupture du lien avec l'or, en été 1971 et à la mise en place du désastreux système des changes flottants.

Cela fait plus d'un demi siècle que les Européens se posent la question de l'unité monétaire de l'Europe. Ces efforts se concrétiseront à La Haye, en 1969, où seront signées d'une même plume la création d'une union monétaire européenne et l'entrée de la Grande Bretagne dans la CEE avec ses pays compagnons.

Avant même cette conférence, les experts se sont affrontés sur l'opportunité d'une monnaie unique. L'affrontement est oublié aujourd'hui, mais il fut rude. Les principaux opposants étaient les économistes… allemands. Parmi les partisans de l'unification : Robert Mundell.

L'examen des conditions optimales d'un rapprochement monétaire entre zones économiques est un exercice de l'esprit qui a simplement pour but de déterminer les mécanismes qui jouent dans ces relations. Il s'agit bien ici de régions, pas de nations. Par un travers commun à trop d'économistes (L'influence du modèle Walraso-parétien n'a pas fini de faire des victimes), Mundell  part  d'un "déséquilibre" modifiant un état précédent réputé équilibré. Et regarde ce qui se passerait selon les différents régimes monétaires.  Dans un but pédagogique, pourquoi pas, après tout. Il montre comment réagit le système en faisant varier différents paramètres et cherche à savoir dans quelle configuration la monnaie unique serait le plus efficace.

En simplifiant à l'extrême, on peut réduire les facteurs favorables à deux catégories :

- Des arguments purement micro-économiques

- Des arguments politiques.

Les arguments économiques sont du genre tautologique : si tout est pareil alors, la monnaie peut l'être aussi. Si rien n'est pareil, c'est plus dur. Si les économies qui fusionnent ont la même structure, sont bien imbriquées et connaissent une bonne fluidité intra-zone des facteurs de production, alors une monnaie commune posera moins de difficulté que s'ils sont totalement divergents en terme d'exportation, de consommation et de production et que les facteurs de production sont figés.

Les arguments politiques sont néanmoins l'essentiel : la monnaie doit être gérée ainsi que tous les facteurs qui en conditionnent la valeur. Sice pouvoir existe les divergences du terrain pourront être gommées et on peut envisager une monnaie unique. Après tout, pratiquement aucunes zones monétaires existant dans les années soixante n'étaient homogènes : ni l'URSS, ni les Etats-Unis, …ni la zone Franc.

De toute façon, selon Mundell, tous les systèmes économiques et financiers (notamment les taux d'intérêt)  finiront par converger si la monnaie est unifiée et pilotée intelligemment : la dévaluation n'est qu'un expédient, agréable du point de vue politique, mais sans grand effet à moyen terme sur le fond. Les inter-relations entre les économies, de plus en plus imbriquées, rendent d'ailleurs l'avantage à court terme d'une dévaluation de plus en plus réduit.

Pour Mundell, une conclusion s'imposait : les Américains font n'importe quoi et la politique du dollar est menée contre les intérêts à long terme de l'Europe. Il faut contrer cet hégémonisme qui contribue au désordre monétaire mondial en créant l'Union Monétaire Européenne. Pour que ce la marche, il faut fluidifier la circulation des facteurs de production et créer les institutions ad hoc.

En lisant Mundell, une conclusion s'impose : il faut à l'Union Monétaire Européenne une politique commune solide au dessus d'un marché libéré de ses entraves.

Tout de suite après la conférence de La Haye, le système monétaire de Bretton-Woods s'effondre et on entre dans la Danse de Saint Guy des monnaies.

La tentative de l'ECU, European Currency Unit, est un échec, détruite par la spéculation permise par les américains. Le Serpent monétaire explose. Les penseurs européens en concluent qu'il faut créer une monnaie unique pour éviter tout interstice où la spéculation puisse s'insérer. Elle doit faire masse pour exister face au dollar.

Les années 80 verront donc les Européens favoriser la fluidité des mouvements de facteurs de production au sein de l'Europe, vue comme un préalable, et à créer les conditions d'une monnaie unique.

C'est l'époque où nous-mêmes recevions mission de créer un système de comptabilité analytique à la Banque de France pour permettre de piloter une fabrication des billets compétitive lorsque les grands marchés d'impression de la monnaie unique seront lancés. A cette date personne n'envisageait ni l'effondrement de l'URSS ni la réunification de la RDA (et Chirac était au gouvernement).

Bientôt Delors propose de marcher vers le marché unique, en même temps que les bases de l'Euro sont négociés.

On oublie que, dans les années 80, la RFA avait besoin de digérer l'énorme perte de changes sur les dollars accumulés par ses excédents commerciaux du fait de l'effondrement du dollar. Dans les années 90, il lui faudra digérer l'absorption de la RDA. Alors qu'on fait de l'Allemagne le Raminagrobis trop content d'entrer dans le poulailler européen, ses économistes étaient plutôt sur la réserve.

Elle viendra à l'Euro en acceptant toutes les mesures de libéralisation des mouvements de facteurs de production, mais avec une réticence marquée vis-à-vis de l'unification des politiques monétaires et économiques.

C'est ainsi qu'a été construit le compromis de Maastricht :

- Monnaie unique mais sans organe de gestion autre que la BCE et deux critères de gestion : 3% de déficit public au maximum et pas plus d'endettement public que 60% du PIB. Pour bien faire on a ajouté la nécessité de prouver sa vertu dans le cadre d'une procédure d'adhésion marquée par le respect de différents critères de convergence.

Les idées de Mundell ont triomphé à moitié. La fluidité des facteurs de production a été mise en œuvre. La politique solide unifiée est restée dans les limbes. Les fédéralistes, façon Delors, savaient bien que le système était boiteux, mais pensaient qu'en mettant la charrue avant les bœufs, les inconvénients forceraient les ajustements institutionnels dans le mouvement. "Nécessité fait loi et l'Europe se construit de crises en crises" !

En dehors de la BCE, dont les objectifs sont définis de façon trop restrictive, avec juste un taux d'inflation comme mesure, et un fantomatique Eurogroupe longtemps présidé par le non moins fantomatique Juncker, il n'y a pas d'organe de gestion de la zone Euro.

Mundell a certainement surestimé la capacité de marchés libres, dans un cadre monétaire unique, à converger. Les Allemands ont exigé une convergence préalable. Mais beaucoup ont triché, comme la Grèce. Et rien n'était prévu pour la suite. C'est comme cela qu'on a vu le plan Jospin (35 heures et relations sociales coercitives, avec effondrement de la compétitivité ) s'affronter au plan Schroeders (redressement de la compétitivité avant tout). Et tout le monde se moquer des règles 3/60.

Une autre faiblesse de l'approche de Mundell est de s'appuyer trop sur la micro économie (les comportement de production et de consommation de micro acteurs) et pas assez sur les réalités globales, notamment la création d'une économie baudruche où le taux d'endettement est devenu massif et la finance totalement débridée.  

La construction de l'Euro aura donc une influence dépressive pendant tout le temps de l'obtention des critères d'adhésion, et conduira certains pays à gonfler trop facilement leur endettement public à partir de 2000.  Comme Mundell l'avait prédit les taux d'intérêt ont bien convergé rapidement, mais ils ont attisé l'endettement, rendant l'Europe vulnérable à un retour de conjoncture. Il n'a pas compris que la finance, faute de s'attaquer aux monnaies, jouerait avec le taux d'intérêt des emprunts d'Etats, avec le potentiel de les ruiner et de faire sauter l'Euro. Le résultat :

- Les pays de la zone Euro  ont divergé avant la crise (entre 2000 et 2008) et l'endettement global et public a trop augmenté

- La crise a mis à nu l'absence de politique commune et d'organes de pilotage de l'Union qui a réagi le dos au mur en violant toutes ses règles et en provoquant une récession sanglante dans le sud de l'Europe : chaque pays ne peut s'ajuster que par la déflation.

- L'Europe sort tard et mal de la crise, sans avoir crevé l'abcès du mode d'organisation d'une zone monétaire unique.

Aujourd'hui, il est parfaitement ridicule d'utiliser la théories de Mundell sur les zones monétaires optimale pour justifier la sortie de l'Euro.

Il faut au contraire perfectionner l'approche de Mundell :

- Oui il faut un Euro pour contrebalancer la puissance du Dollar et bientôt celle du Yuan (qui n'entrait pas à l'époque dans le champ de vision de Mundell).

- Non les ajustements ne se font pas tout seuls

- Il faut une instance de pilotage des la zone Euro (ce que nous appelons un Chancelier de la zone Euro) que nous voyons distinct de la Commission Européenne. La difficulté démocratique impose, contrairement à ce que pense VGE, une retouche institutionnelle, avec des organes de contrôles venant des parlements nationaux. Démocratie oblige.

- Compte tenu du système mondial de changes flottants et de finance sans contrôle, le pilote doit se voir confier des instruments qui ne sont pas seulement ceux de la BCE.

- Il faut militer pour la fin des changes flottants et de la licence de certains pays d'accumuler excédents et déficits massifs.

Cela suppose que la France cesse de s'enfoncer dans le désordre et le n'importe quoi. Il ne faut pas non plus craindre d'éjecter la Grèce, si les réformes s'y révèlent impossibles.  

La création de nouveaux organes et de nouveaux instruments ne peut se faire qu'après retour de certains pays laxistes à un minimum de sérieux. De ce point de vue là, la politique débile de F. Hollande est le principal obstacle au passage au stade d'organisation convenable de la zone Euro.

On voudra bien comprendre que la théorie des zones monétaires optimales de Mundell n'est en rien un argument contre l'Euro. C'est l'inverse. Et que cinquante ans après sa formulation il est simplement nécessaire de l'adapter aux leçons de l'histoire et surtout à celles des défauts du système de change mondial  et de la crise économique en cours.

 

Didier Dufau pour le Cercle des Economistes E-toile.  

2015, entre euphorie et ressentiment

Alors que s’achève une année 2014 désastreuse, qui devait être celle de la reprise si on en revient aux prévisions de fin 2013 que nous avions contredites  à l’époque,  avec en France une baisse historique de la construction, une nouvelle augmentation massive  du chômage, un endettement calamiteux, des impôts confiscatoires, des services publics en déshérence, un gouvernement réduit au bricolage et aux opérations médiocres de communication,  le climat général, tel qu’on peut en juger par le ton de la presse et les conversations privées,  est étrangement marqué par deux sentiments contradictoires : une certaine euphorie et en même temps la rage que donne le ressentiment.

Une constante des comportements collectifs en cas de crise est la survenue, lorsque tout va mal, d’une réaction populaire qui crie : stop ! Arrêtez de nous ennuyer avec votre pessimisme ! Vous créez la crise vous-même. De même que les gens en bonne santé se plaignent plus que les malades,  les sociétés abîmées ne veulent plus participer par la parole à la dégringolade générale dans le pessimisme.

On a connu cela début 2010. Après l’effondrement de 2009, les bons citoyens ont eu ras le bol de toutes les prévisions catastrophistes.  Et il y eu un rebond en 2010. On retrouve dans la presse aujourd’hui les mêmes manifestations de rejet du « déclinisme ».  Les sondages montrent que les Français n’ont jamais été aussi pessimistes sur l’avenir, mais les déclarations optimistes ou qui appellent à moins de pessimisme sont légions. 

La baisse simultanée des taux d’intérêt, de l’Euro par rapport au dollar et du prix du pétrole, avec les premiers effets du CICE, la fin des prélèvements électoraux à 75%, la suppression de l’impôt sur le revenu de plusieurs millions de foyers, ramenant à moins de 50% les Français qui le paient, des mesures de droite prises par le gouvernement , comme la loi Macron,  la relance des salaires en Allemagne, et le plan d’investissement européen, laissent espérer une croissance d’au moins 1% à la plupart des commentateurs. L’euphorie est telle que certains se prennent à annoncer 1.5% de croissance en 2015 si d’autres mesures de libéralisation sont prises,  et près de 2,5% en 2016 avec un début de décrue du chômage lorsque le plein effet du pacte de responsabilité aura des conséquences perceptibles, si d’autres mesures d’accompagnement viennent prendre le relais. En effet la baisse des prix par rapport aux salaires qui continuent de grimper assez vite, donne du pouvoir d’achat, même si la perception de ce gain de niveau de vie n’est pas  généralisée.

Cela donne un sentiment d’euphorie notamment au sein des sphères présidentielles, gouvernementales, et au Parti Socialiste. François Hollande en semble tout requinqué, la conjoncture politique à droite semblant mauvaise avec un retour poussif de Nicolas Sarkozy,  et une certaine décru du vote populaire pour le FN.

Il  y a donc, en ce début d’année, une bouffée d’envie que la crise s’arrête et une conjonction de facteurs objectifs qui laisse penser,  à  gauche,  que ce soit possible.

A droite, tout en soulignant les petits pas dans le bon sens, on insiste sur la fragilité du dispositif.  On remarque que la politique suivie est principalement d’affichage, d’enfumage disent les plus durs. Aucune réforme d’importance n’a eu lieu. On s’est contenté d’écraser d’impôts les entrepreneurs et les familles aisées. La loi Macro est « microbique »par rapport aux nécessités. On ne touche pas au Moloch étatique.  On se paie la tête de l’Union Européenne avec une aggravation à 4.4% des déficits publics par rapport au PIB au lieu de 4.3% en 2013. Le plan d’investissement européen est un recyclage de nombreux projets mitonnés  dans une nouvelle casserole mais qui ressemble plus à un effet d’annonce visant pour la nième fois à « créer la confiance » qu’à un vrai plan de relance. La chute des cours du pétrole et de l’ensemble des prix des « commodities » marque plus la fin de la spéculation effrénée par les banques d’investissements américaines et les » hedge funds » dans le cadre de l’amplification du dégonflement général de la bulle de crédit  qu’un véritable signal de reprise. La baisse du dollar est importante, mais seulement si l’entreprise est compétitive et la France a continué à jouer la hausse des salaires et la paix sociale plutôt que la compétitivité. Les parts de marché reculent. Le CICE est tellement bardé de condition et finalement si peu important quand on prend  le gain net après déduction de toutes les hausses de charges et si étalé, qu’il n’a pas une importance cruciale.

La politique suivie par M. Hollande est purement politicienne : transférer sur les entreprises la responsabilité de l’emploi, vider le programme de l’opposition des mesures qui ne font pas de mal, éviter toute réforme qui peut coaliser une opposition dans la rue. Après on laissera l’opposition se fragiliser en  proposant des mesures dures, tout en flattant l’électorat de gauche avec des mesures « sociétalistes, et en se flattant de « faire des cadeaux aux pauvres », avec la pénibilité ou la suppression de la première tranche de l’IR. L’achat de vote a encore de beaux jours devant lui. 

Cette approche suffira-t-elle pour pousser le pays à la réélection d’un président narcissique qui joue totalement le jeu de la communication en modifiant son look et jusqu’à sa voix pour faire énergique et compétent ?  Certains, à droite, le craignent, compte tenu de l’absence d’alternative réellement crédible dans leur camp et du poids du vote FN. Bien sûr, ils ont vu dans la prestation télévisée des vœux du président l’exercice de style totalement décalé d’un «Gamelin calamistré », prétendant tenir le front dans sa main alors que la débandade est partout.  Mais la « triangulation » fonctionne. On commence à louer Macron, voire Valls, pour leur pragmatisme.  Et la fusée Sarkozy a du mal à décoller.  Après tout il n’avait même pas un Macron dans les gouvernements qu’il a construit, juste une poignée de socialistes ralliés…

Tel est l’esprit public en ces premiers jours de 2015. On croit la croissance revenu et le combat politique rééquilibré. En se pinçant un peu tout de même.

Dans les tréfonds, le climat est autrement plus inquiétant. Le ressentiment est installé un peu partout.

C’est vrai pour les 5 millions de chômeurs, et les 2.4 personnes qui vivent du RSA. La durée au chômage s’est fortement allongée.  Des centaines de milliers de personnes sont au chômage depuis plus de trois ans. Pratiquement 80% des nouvelles embauches se font  sous un statut précaire.   Autant pour les niais qui prétendaient que les départs massifs en retraite allaient permettre une reprise facile de l’emploi.

C’est vrai pour les 100.000 entrepreneurs qui on perdu leur entreprise depuis 2008  et le gros de leur avoir, en constatant que les prélèvements fiscaux et autres ne leur ont pas permis de mettre de côté de quoi rebondir.  Ils représentent la valeur ajoutée  cumulée de Nantes, Rennes et Brest. Tout est rasé ! Circulez. Il n’y a plus rien à voir.

C’est vrai pour toutes les familles qui s’inquiètent de voir leurs enfants en difficulté de démarrage dans la vie ou qui s’expatrient.

C’est vrai pour le million de familles qui supportent l’essentiel du  poids des hausses fiscales et qui voient leur patrimoine disparaître.

C’est vrai pour les dizaines de milliers de familles qui se sont expatriées et qui vivent les difficultés et épreuves de cette condition.

C’est vrai aussi pour les ouvriers qui ont de plus en plus de mal à trouver un emploi et n’espèrent plus sortir de leur condition.

C’est vrai pour tous ceux qu’une loi absurde aggravant une conjoncture déjà détestable prive d’un logement.

C’est vrai en Europe pour tous ceux qui, dans le sud, ont connu la plus destructrice politique d’ajustement par la déflation des salaires menée depuis 1934.

C’est même vrai chez ceux de nos partenaires qui ne comprennent pas qu’on se moque de tenir nos engagements quand on a forcé les autres à les tenir.

Etc.

Le ressentiment est la force motrice la plus grave dans une démocratie. Elle peut conduire à tous les excès.

On le verra sans doute bientôt en Grèce et dans d’autres pays du sud de l’Europe.

L’adhésion de la Lituanie à l’Euro tient plus à la haine des Russes qu’à l’amour de la monnaie unique.

 Les crispations en Ukraine, au Moyen Orient, en Extrême-Orient sont le fruit de ressentiment enkystés mais qui purulent dès qu’on les gratte. 

Ces sentiments contradictoires, euphorie économique et travail en profondeur du ressentiment marqueront 2015.

Si on s’en tient strictement à l’économie, nous sommes toujours dans une économie boursouflée par les dettes, une économie baudruche, comme nous l’appelons ici. Elle est éclatée et totalement déséquilibrée. Le commerce international est toujours à l’arrêt.  Le Baltic dry index est près de ses plus bas et plonge depuis ces dernières semaines. Certains pays frôlent la ruine, comme le Venezuela, la Chine, l’Algérie,  la Russie, l’Indonésie, la Grèce, l’Ukraine, etc.  D’autres, vulnérables à une poussée des taux d’intérêt, sont si nombreux qu’on ne les comptera pas ici. A part les Etats-Unis qui transfèrent la crise par l’abus du dollar, on ne compte pas de pays réellement prospères.

Les politiques budgétaires et monétaires sont au bout de leur chemin.  Autant dire que les trois défauts majeurs qui pèsent sur la conjoncture  joueront tout leur rôle néfaste. Sans réforme du système monétaire international  pas de reprise équilibrée possible des échanges internationaux ; sans réforme de la gouvernance de la zone Euro, pas de levée des graves hypothèques qui pèsent encore sur la viabilité de la zone ; sans retour à un niveau décent des prélèvements fiscaux en France, pas de vraie reprise de l’investissement et de la confiance possible.    

Dangers et médiocrité seront  encore les mots-clés en 2015. Il eût fallu moins d’optimisme et moins de ressentiment pour qu’une politique collective sensée de réformes coordonnées, dans le monde, en Europe et en France, eût pu  être perçue comme pertinente et  menée dans la durée.

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Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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