Deux mots sur la dette française

L'INSEE vient de présenter dans ses Tableaux la dette françaises hors intitutions financières à fin 2013.

Notons d'abord le retard à fournir des chiffres cruciaux. 14 mois, c'est bien trop. Le chiffre devrait être connu et publié dans les deux mois, au pire d'un trimestre sur l'autre.

Notons ensuite que l'on oublie les dettes du secteur financier qui sont extrêmement difficiles à bien cerner et à consolideer avec la quote part de dettes de la BCE.

Au 4.500 milliards de dettes, hors secteur financier doit s'ajouter les dettes cumulées du secteur financier. Les quatre pincipales banques françaises ont une dette cumulées (non consolidée) de plus de 6 000 milliards. 

On en est déjà à plus de 10 000 milliards, sans compter la BCE et le reste du réseau des institutions financières françaises.

Ce qui veut dire que notre taux d'endettement global est  bien supérieur à 400% du PIB et croit encore.

Ce chiffre doit être rapproché de la production des entreprises de plus de 1 personne du secteur non financier qui était fin 2013 autour de 1.200 milliard d'euros.

Croire que la production privée française va permettre de rembourser les dettes encourrues par les agents économiques français et la banque centrale européennes est une triste fadaise.

Face à cette réalité, le gouvernement Valls présente la loi Macron, dont l'effet sur la croissance du secteur privé non financier doit être environ d'un dixième de pourcent de PIB. Il aurait aussi bien fait d'attaquer la dette avec un cure-dent.

Un jour, on s'étonnera....

 

 

 

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Réflexion sur le SMIC (suite)

Il manque généralement un élément dans la discussion sur le salaire minimum : l'existence ou non d'une population miséreuse. Ce qu'on oublie dans le riche Occident, c'est que les deux tiers de l'humanité vit avec moins de 150 Euros par mois, c'est-à-dire dans la situation qui prévalait en France au XIXème siècle et qui s'y est maintenue, dans bien des contrées, jusqu'au début des années 50. Pour avoir bien connu la campagne à moins de soixante kilomètres de Paris en même temps que les quartiers populaires comme l'était à l'époque la rue Mouffetard, je témoigne qu'une majorité de personnes n'avaient pratiquement rien à elles, sinon une valise en carton et quelques vêtements. Les ouvriers agricoles qui louaient leurs bras avaient une tenue du dimanche et couchaient dans les granges. L'alcoolisme était omniprésent. Dans les troisièmes cours de la rue Mouffetard, on vivotait, avec juste de quoi meubler un chambre, sans l'eau courante et sans sanitaire, et souvent sans électricité (la lampe à pétrole et le broc en fer blanc étaient des objets précieux).  Encore moins le gaz. Etre abonné au gaz était une distinction qu'on affichait sur sa carte de visite et les immeubles équipés portait fièrement l'inscription "gaz à tous les étages".

Existe-t-il un socle de pauvreté qui empêche toute croissance rapide ? Certainement !. La protection des femmes et des enfants pauvres et leur éducation gratuite ont été reconnues en Allemagne puis en France dès le milieu du XIXème siècle. On a ajouté le logement. Puis la garantie d'un certain niveau de salaire en cas de travail. Jamais le "marché du travail" n'a été un pur marché. Les salaires n'ont jamais suivi, même au dix-neuvième siècle, les fluctuations de l'économie dont les dépressions atteignaient souvent 30% à 40% de baisse du PIB . Personne ne licenciait pour réembaucher moins cher, lorsqu'on avait les moyens de l'embauche. On préférait déjà licencier pour se retrouver au niveau de la demande, mais sans toucher réellement aux salaires. D'où la question de la misère. Les paysans qui avaient quitté la terre pour l'industrie n'avaient pas de capital et souvent aucun autre logement que celui de l'employeur (satané paternaliste !). En moyenne la croissance était de 1% par an. C'était donc très difficile d'organiser un filet de protection. Les deux guerres et la crise de 29 n'ont pas permis de progresser beaucoup sinon dans les mots.  

C'est la forte croissance d'après guerre qui a permis de garantir d'abord "le minimum vital" aux femmes et aux enfants, étant entendu que des conventions collectives devaient permettre de garantir un salaire de base en croissance au bas de l'échelle mais compatible avec la compétitivité.

Les minima sociaux prennent leur intérêt au moment du décollage des économies. Le fordisme correspond exactement à la même idée. A partir du moment où on se détache des minima de subsistance, il faut que les masses participent pour que la croissance s'accélèrent. Que cela passe par l'Etat, le paternalisme bien compris et la charité, ou tout autre moyen, il n'y a pas de décollage sans instruction publique, soutien des familles (de la femme et des enfants) et croissance des très basses rémunérations avec effet de cliquet en cas de récession.

La Borsa Familia brésilienne est typique de cette approche : on donne une allocation conditionnelle à des mères de famille (pas au père qui est prié d'aller bosser), la condition étant de mettre ses enfants à l'école et de faire attention à la santé de tous  (et de ne pas tremper dans les trafics). L'Inde et la Chine arrivent à la période où la massification des marchés intérieurs exigent la mise en place de mécanismes de ce genre. Une des erreurs les plus graves du FMI en Afrique est d'avoir exigé de supprimer la gratuité de l'enseignement public de base et des soins dans certains pays en difficulté. Il est vrai que ces pays avaient calqué leur système sur celui de l'ex colonisateur sans en avoir encore les moyens.

Minima sociaux et gratuités publiques sont indispensables à l'accompagnement du décollage économique.

Maintenant regardons les faits en face. La borsa familia, c'est moins de 70 Euros par mois. La surveillance des soins se fait par des infirmières, pas par des médecins. L'enseignement primaire dans les campagnes au Brésil est très inégal. Les populations indiennes sont encore loin d'être couvertes. Le décollage se traduit par l'urbanisation. Sans aide et sans travail il est impossible de vivre honorablement dans les villes. Urbanisation et soutien social vont de pair.

Passons maintenant de l'autre côté du miroir. Si les instruments de lutte contre la pauvreté sont détournés pour devenir des instruments politiciens après le décollage, on aboutit à des absurdités. Les gratuités et les transferts sociaux  comptent actuellement en France pour environ 1/3 de la richesse produite (alors que la dépense publique représente 100% de la valeur ajoutée des entreprises non financière de plus de une personne). Lorsqu'on compare le SMIG envisagé en Suisse et celui de la France, ils ne sont pas tellement éloignés si on rajoute la salaire net, le salaire différé, les prestations assurées et les gratuités.

On ne peut pas comparer la borsa familia  de 67 Euros avec une garantie familiale d'environ 3.000 Euros (quand on compte tout). Il n'y a pas seulement changement d'échelle mais aussi de nature.

La sortie de la misère est favorable à la croissance. Des taux de prélèvements qui représentent pratiquement 100% du PIB marchand  ne le sont pas.

On ne peut donc pas raisonner sans tenir compte du niveau de développement.

Il faut dénoncer en France l'extension déraisonnable de l'emploi public ou quasi public (associatif subventionné et sociétés à statuts), la hausse déraisonnable du champ des gratuités, le détournement du politique par des "cadeaux au peuple" qui sont empoisonnés et se retournent contre le peuple, la hausse déraisonnable des impositions qui aboutissent à arrêter l'investissement et l'emploi.

Il faut encourager le décollage des économies où la misère est encore largement présente, par le soutien familial, l'éducation primaire généralisée et une garantie de salaires pour les postes les plus bas, alors que l'urbanisation s'accélère.

Le système qui consiste à massivement investir dans les pays en développement en transférant les machines et la totalité des productions vers des marchés aux ressources humaines très pauvres et inépuisables, au lieu d'un développement maîtrisé et "homothétique", fait exploser les systèmes sociaux avancés sans les recréer ailleurs. Tout devient déséquilibré, aussi bien dans les pays qui subissent l'avalanche d'investissement et se retrouvent avec des réserves inutilisables, et dans les pays développés qui perdent d'autant plus pied qu'on essaie de rétablir par des transferts publics ce qui aurait du venir de l'économie.

La mondialisation aurait du se faire par le rattrapage économique progressif des pays anciennement socialistes et non par le transfert massif des capitaux et des productions vers les pays dictatoriaux ou par le gonflement d'une rente pétrolière obscène par bien des côtés .

En l'état, la France a été beaucoup trop loin dans le gonflement politique des "cadeaux au peuple" avec des résultats catastrophiques pour tout le monde. Il est donc légitime de s'interroger sur une meilleure gouvernance sociale. Ce n'est pas la même chose de manquer de tout et d'avoir des fins de mois difficiles, bien nourri, bien soigné, logé, souvent  bien, bien éduqué, avec une voiture, la télé et le téléphone portable. Bien sûr il existe un quart monde qui est très difficile à résorber, soit que l'immigration illégale empêche le fonctionnement normal des garanties sociales ou les faussent, soit que des problèmes psychologiques ou sociologiques lourds entrent en jeu. Mais ceux qui sont au contact de ces difficultés savent que ce ne sont pas la hausse du SMIC ou l'extension de la gratuité hors de toute limite qui permettront d'y faire face.

A la grande surprise des ignorants, la croissance mondiale et la lutte contre la pauvreté ont comme première condition une organisation économique et financière mondiale équilibrée. Le social passe par la stabilisation des changes et la maîtrise des mouvements de capitaux, l'équilibre des balances commerciales, la sortie de l'économie "baudruche" et un certain degré de contrôle des flux migratoires. Et en aucun cas par la démagogie politique dans les pays riches.

Les "capitalistes sauvages" et les "socialistes en peau de lapin" adorent le système actuel qui permet, aux uns, des plus-values nominales purement financières qui les comblent et aux autres, une usurpation politique commode qui leur permet de s'assurer des places, de l'argent et des honneurs.

Lorsqu'on regarde les réalités du moment on constate qu'une première étape du rattrapage des pays très peuplés qui stagnaient dans des organisations marxistes ou quasi marxistes a été réalisée. L'erreur aura été de croire du côté des socialistes qu'on pouvait continuer à perfectionner  les transferts sociaux  et l'encadrement des dominants au sein des pays développés en même temps que se produisait ce rattrapage. Du côté du capitalisme à l'anglo-saxonne, l'erreur aura été de penser que la mondialisation justifiait un débordement de dettes et de créations monétaires, avec transfert total de certaines productions vers les pays  émergents. Ces deux postures ont aggravé tous les déséquilibres, ralentit le trend, rendu les crises périodiques progressivement plus dures et finit par faire exploser la sphère financière.

On voit bien, avec le recul, qu'il aurait fallut faire l'inverse.  Assurer le décollage et un début d'organisation sociale solidaire dans les pays émergents et freiner l'étouffement fiscal et social dans les pays développés, tout en interdisant les grands déficits et les grands excédents.

L'énormité du réservoir de main d'œuvre chinois et des nouveaux marchés à ouvrir dans ce pays a créé des tentations qui ont tout déstabilisé. Il eût mieux valu que la Chine connaisse une croissance moins rapide sans accumulation d 'excédents gigantesques, avec organisation en interne des schémas sociaux qui permettent le transfert des campagnes vers les villes de la plus grande partie de la paysannerie et une croissance interne régulière, en éliminant les poches de très grandes pauvreté.

Les pays développés y auraient gagné une moindre pression sur les salaires et les marchés de l'emploi.

Tout ceci n'était possible que dans le cadre d'un système monétaire organisé, basé sur des changes concertés et l'interdiction des grands déséquilibres de balances commerciales et des capitaux. On aurait une hausse du trend global, au lieu de la diminution progressive constatée, une moindre perte d'emplois dans les pays développés, une réduction de l'importance des crises  périodiques de crédit.

Il n'y a pas d'autres priorités aujourd'hui que de recréer ce cadre, sachant que les mesures sociales de support du revenu, de santé, de formation minimale,  doivent d'abord être mises en œuvre dans les pays en voie de développement, dont elles sont une des conditions de l'éradication de la misère, et que les pays développés doivent d'abord assurer le plein emploi,  sachant que le revenu moyen atteint exclut la grande pauvreté si on a du travail, en dépit des nouvelles réalités autour des "travailleurs pauvres".  

L'Allemagne a compris qu'il fallait à la fois le plan Schroeders et la résorption des poches de misères issues de la RDA, avec éventuellement un SMIG définit par les Länders pour aider à la manœuvre.

L'erreur de la France est d'avoir fait le choix de la fonction publique et de la dépense publique, avec mise en place d'un corset fiscal et réglementaire débilitant, en détournant les mécanismes sociaux de leur fonction pour leur faire jouer un rôle électoral. Elle a récolté un chômage structurel gigantesque, l'étouffement des relations économiques et sociales, la fin de l'investissement.

Le rattrapage des pays pauvres, moral et nécessaire, supposait une stratégie de la part des pays riches. En France et en Europe, elle n'a jamais été élaborée. Les instances internationales, du FMI à l'ONU en passant par la BIRD, ont cru que les pays en voie de développement étaient un thème de charité publique. On a vu se multiplier les "Mère Thérésa", enchaînées aux multiples ONG qui vivent en symbiose avec les organismes multilatéraux.

L'ouverture organisée des frontières et le retour des pays communistes dans le giron du développement capitaliste exigeait une attitude fort différente. C'est la croissance interne avec  les organisations sociales internes correspondantes qui assurent le décollage, les investissements industriels (et non financiers) des pays qui peuvent épargner assurant le financement initial et l'apport de savoir faire.  La charité des organismes internationaux n'est pas nécessaire. Elle n'a d'ailleurs jamais prouvé son efficacité. En retour le déplacement des investissements vers les pays émergents supposaient une croissance temporairement moins rapide  dans les pays développés. Il fallait surtout ne rien alourdir pendant cette phase de transition. 

La France n'a pas eu de stratégie. Elle a fait exactement le contraire de ce qu'il fallait faire.

L'Europe des fédéralistes a proposé une politique de type "puceau mystique" qui n'était absolument pas à l'échelle des enjeux. Il y avait mieux à faire qu'à créer Schengen et l'Euro,  et il fallait une stratégie précise pour intégrer les pays de l'Est abîmés par 50 ans de "socialisme réalisé".

La place de Londres et Wall Street ont cru que le débridement de la finance mondiale et une création monétaire extravagante leur permettrait de gagner beaucoup d'argent à bon compte. Ils ont créé une économie baudruche qui ne se remet pas d'être percée de partout.      

L'absence de vision stratégique et d'organisation adaptée, a conduit au grand n'importe quoi.

Les organisations mondiales ne s'occupent plus que de préoccupations émotionnelles ; l'Europe s'est dissoute dans le néant des états minuscules triomphants mais sans levier d'action ; Les Etats-Unis, la Chine , le Japon, la Russie  et l'Allemagne réunifiée sont dans une perspective désormais purement nationaliste.

La France est sortie de l'histoire par le portillon des cloportes.

Le grand reproche  que l'on peut faire  aux deux derniers Présidents français est de s'être satisfaits de l'effondrement du pays, et à l'intelligentsia de s'être épuisée dans des querelles gauche-droite totalement à côté de la plaque. La responsabilité de la gauche socialiste est d'avoir constamment vécu les yeux dans le rétroviseur, cherchant à prendre des revanches sur les batailles perdues du XIXème siècle avant de penser aux caractéristiques du XXIème. La responsabilité de la droite est d'avoir été constamment en état de réaction contre la gauche sans jamais proposer une perspective stratégique claire et de n'avoir jamais proposé sa vision du monde et les moyens pour la France de tirer son épingle du jeu.

Le drame de Hollande est d'être arrivé au pouvoir sans avoir la moindre idée de ce qu'il fallait faire. Il n'avait qu'un canevas politicien en vue de se gagner les élections et de pouvoir se représenter à la prochaine. Cette préoccupation n'a aucun intérêt pour les Français. N'ayant aucun vision sur rien et fuyant jusqu'à l'idée d'en proposer une (on s'expose en exposant), il a fait une campagne de cadeaux au peuple et d'injures de l'adversaire. Il a complètement raté son quinquennat. Il en est aujourd'hui à chercher une majorité ! Il est paralysé par sa propre impéritie et la défection de ses troupes pour la seconde partie de quinquennat.  

Le drame de Sarkozy est identique. On ne lui demande pas une stratégie électorale pour 2017.  Le pays veut savoir ce qu'il faut faire pour sortir de l'ornière. Il a bloqué tout débat sur son quinquennat raté pendant trois ans. Il n'a toujours pas présenté ne serait-ce qu'une seule idée stratégique pour l'avenir. Il semble s'en être rendu compte puisque, ce matin, sur une radio, il a annoncé que la création d'un programme de sortie de crise était sa "seule" préoccupation, sa candidature aux présidentielles n'étant envisageables que s'il était le mieux placé pour gagner, ce qui n'était pas encore acquis.  

Le drame de la vie intellectuelle française telle qu'on la perçoit par ses organes dominants d'édition et de presse est qu'elle ne contribue en rien à l'éclairage des enjeux stratégiques. Les clivages idéologiques sont tellement sclérosés que l'oxygène ne circule plus dans les neurones de la "Grande Nation", au moment où on en aurait le plus besoin. 

Le débat sur le SMIC aura été une des nombreuses preuves de cette sclérose.

 

Didier Dufau pour le Cercle des Economistes E-toile.

Le rapport sur la dette du cabinet McKinsey

Deux mots à Jean-Christophe Mieszala, patron de McKinsey France.

Le cabinet McKinsey est avec la Deutsche Bank un des rares organismes qui ont cherché à cerner la dette mondiale et son évolution.

Malheureusement dans un cas comme dans l'autre on ne sait rien de la méthodologie employée et les chiffres doivent être pris tels qu'ils sont avancés sans être trop sûr qu'ils correspondent à une réalité parfaitement analysable.

Une occasion de plus de dénoncer l'incurie des organismes officiels qui produisent des visions partielles et souvent contradictoires des dettes. On sait que la notion de dette est compliquée, que les définitions diffèrent d'un organisme à l'autre, que les risques de cumuls de données qui devraient se consolider sont nombreux. Il est dans l'ordre des choses que le concept de dette globale soit unifié officiellement  à travers le monde, que la collecte des chiffres constituants soit organisée sur des bases comparables et rapides, et que ces chiffres clignotent sur le fronton de tous les édifices publics concernés par la dette.

La seule dette à peu près définie est celle contractée par les Etats. Elle seule attire l'attention des médias. Ils font avec ce qu'on leur donne !

Merci donc à ces organismes privés de faire l'effort statistique minimal, bien que de qualité incertaine.

Que nous dit le rapport de McKinsey.

«Il était largement attendu que les économies, à l'échelle mondiale, se désendettent. Cela ne s'est pas produit. Au contraire, la dette a continué d'augmenter presque partout, en valeur absolue, et en valeur relative au PIB».

Selon nos propres analyses, la crise de 2007-21xx est d'abord une crise de la dette, qui a dépassé presque partout 400% du PIB, chiffre dont nous avons démontré qu'il était intenable sans énormes cahots financiers. Sur cette masse de dettes dé-corrélées de la production, une perte de 12.000 milliards de dollars environ est apparue. Pour la colmater, on a choisi de créer de la dette nouvelle.

Le rapport McKinsey conforte nos analyses en chiffrant l'accroissement de la dette globale à 57 mille milliards de dollars, soit à peu près cinq fois la perte encourue, et un surcroit équivalent à 17% de PIB.

La structure de cette dette a changé.

L'endettement des ménages n'a crû «que» de 2,8 % par an, à un rythme beaucoup plus raisonnable que les 8,5% d'avant la crise.

Le rythme d'accroissement annuel des dettes du secteur financier est passé de 9.4% à  2,9 %.

Celui des entreprises a en revanche progressé, atteignant 5.9%, l'effet de levier entre taux d'intérêt et taux de profit constituant une aubaine remarquable. L'opération récente de Microsoft est significative : la société a lancé une souscription d'obligations massive alors que la société regorge de trésorerie, permettant le rachat d'actions pour obtenir un ratio bénéfice par action plus avantageux. La dette ne sert toujours pas à mieux se corréler avec l'investissement mais à créer et distribuer des plus-values financières. Nous avions déjà analyser exactement la même opération faite en 2009, donc il y a près de 6 ans ! Plus cela change , plus c'est la même chose.

(voir : http://cee.e-toile.fr/index.cfm/2009/5/12/Que-penser-de-lemprunt-obligataire-de-Microsoft-)

Si on ne fait aucune réforme, on ne change aucun comportement.

L'endettement des Etats, lui, a augmenté sans limite. «En fait la dette publique a explosé depuis 2007, au rythme d'une croissance de 9,3 % par an, contre 5,8 % avant la crise»,

Les Etats comptent pour 25 mille milliards dans l'augmentation de 57 mille milliards de dollars.

Le rapport fait une analyse géographique de ce chiffre qui montre des poussées de dettes notamment en Asie, mais surtout signale des pays développés qui sont en risque de ne plus contrôler la hausse cumulative de leur dette : l'Espagne, le Japon, le Portugal, la France, l'Italie et le Royaume-Uni.

En France, souligne le rapport,  "Il faudrait, d'ici à 2019, réaliser un effort d'austérité budgétaire de 2,5 % de points de PIB, ou parvenir à engranger une croissance annuelle de… 4 %". Ce qui est jugé impossible, compte tenu que deux des leviers habituels (inflation et dévaluation) ne sont plus disponibles et que trop de pays doivent se désendetter en même temps".

En un mot, c'est l'impasse, comme la crise Grecque le démontre tous les jours.

Le rapport est incapable d'élaborer des plans de sortie de crise, parce que, s'il fait des constats, il n'en analyse pas les causes.

Il ne sait pas pourquoi les rythmes de croissance des dettes privées (ménages entreprises et institutions financières) augmentaient à des rythmes aussi décalés de la croissance du PIB avant 2007 (le rapport fait la césure en 2008 mais la crise commence en 2007 avec la blocage du marché interbancaire).

Cette absence totale de diagnostic est ravageuse. La conclusion est une divagation sur les éventuelles manipulations et jeux d'écritures magiques qui permettraient de gommer les dettes ou les rendre inactives. Ces martingales n'existent pas.

La vérité est beaucoup plus simple : il faut sinon stabiliser la dette du moins faire en sorte que l'ensemble des acteurs ne fassent pas grimper la dette de plus de 2 à 3%, avec un taux d'inflation globale de 2 à 3%. Il faut donc que les entreprises recommencent à investir et stoppent leurs manipulations purement financières et que les Etats cessent d'accroitre  le rythme de croissance de leur dette pour revenir également à des taux inférieur à 3%.

Il faut dégonfler doucement l'économie baudruche et non pas souffler du vent dans le ballon crevé comme le font les banques centrales.

Le premier acte est de mettre fin à la machine infernale qu'est le système actuel de changes flottants et de revenir à un horizon monétaire stable et concerté à travers le monde, avec interdiction des excédents et des déficits majeurs. Il faut que les systèmes locaux dysfonctionnels soient réparés. C'est le cas de la zone Euro gérée uniquement avec des critères juridiques sans instances de pilotage. C'est aussi le cas des Etats qui ont gonflé au-delà de toute limite leur taux de prélèvements et de dépenses publiques comme la France.   

Croire aux solutions magiques n'a pas de sens; Messieurs de McKinsey. Le chemin à prendre est celui emprunté en 1944 après les accords de Bretton Woods : créer les institutions et les méthodes permettant une forte croissance et un peu d'inflation pour éliminer un stock de dettes qui dépassait aussi à cette époque 400% du PIB.

 

Didier Dufau pour le Cercle des Economistes E-toile.

Réflexion sur le SMIC

Le SMIG a 65 ans. Cette règle sociale fait encore discussion.

Les partisans du socialisme en font une conquête sociale marquante qu’il s’agit de conserver, perfectionner et étendre, parce qu’elle évite que le loup libre mange les poules libres dans le poulailler libre et qu’il y a quelque décence à ne pas faire travailler un citoyen à un salaire de misère.

Les économistes partisans des thèses libérales soulignent que le marché à un prix d’équilibre qui permet d’employer le plus possible de facteurs de production. Le travail est un facteur de production comme les autres. Forcer un prix au-dessus de la valeur d’équilibre du marché ne provoque que du chômage.

Nous reconnaissons un de ces faux-débats dont les Français sont friands. Tout est évidemment controuvé dans cette manière de voir les choses.

D’abord tout ce qui concerne le SMIGa été mis en place par la droite. C’est une loi Pleven qui créé le SMIG. Ce sera la droite qui unifiera les différents SMIG en 68 et qui créera le  SMIC (on passe d’une indexation sur les prix à une indexation sur la croissance). C’est encore la droite qui initiera la politique des « coups de pouce » au SMIC.

Le Parti Communiste, sous la direction directe des soviétiques,  mènera une lutte acharnée contre « cette ruse du capitalisme honni», la SFIO multipliant les réserves.

Il est vrai que Pleven a présenté cette mesure comme un moyen de lutter contre le communisme. Ce qui fait écrire aux communistes que sans leur pression, la mesure n’aurait pas été prise …

En vérité le SMIG avait une double fonction :

-          Sortir des blocages de la guerre qui ont perduré bien après la défaite de l’Allemagne. Salaires eet prix étaient administrés.

-          Eviter que l’inflation ne ruine les bas salaires.

Le salaire minimum inter-professionnel  était fixé bas, parce qu’il appartenait aux acteurs sociaux de définir des minima par branche. Les conventions collectives proposaient obligatoirement des minima qui étaient différents d’un secteur à l’autre.

Les SMIG étaient régionaux (une vingtaine de zones)  parce que le coût de la vie n’était pas les mêmes partout et parce que les niveaux de salaires historiques étaient trop divergents d’une région à l’autre.  « Placer le SMIG en Lozère au niveau de celui de Paris  n’avait pas de sens », selon l’expression de l’époque, «  et serait désastreux pour la Lozère dans le cadre de la politique de décentralisation ». C’était l’époque où le livre ridicule d’un certain Gravier (Paris et le désert Français) était à la mode. Bientôt le Plan deviendra une « ardente obligation ».

Sagement, on avait créé un salaire minimum agricole plus bas que le SMIG général.

Une fois le « miracle français » réalisé et les « glorieuses » bien mûres, l’idée générale dans les sphères politiques et administratives étaient de « faire dépérir le SMIG ». Comme il n’était pas indexé sur la croissance mais seulement sur les prix, son importance relative par rapport aux minima de branche qui eux étaient révisés par la négociation chaque année s’accusait de plus en plus.

Preuve qu’un système de salaires  minimum n’est pas en soi contraire au plein emploi si on le gère intelligemment.

Certains se demandaient même s’il ne fallait pas abroger les différents SMIG qui ne servaient pratiquement plus à rien sauf dans des cas très marginaux, du fait du quasi plein emploi. Le SMIG servait essentiellement à condamner les employeurs au noir un peu comme la législation sur la taille minimum des pièces à louer sert à coincer  les « marchands de sommeil ». Avec à peu près les mêmes résultats.

Mai 1968 est arrivé, et « l’énarchie compassionnelle » a considéré que la paix sociale exigeait que l’on remette sur le métier un instrument d’affichage social de portée national permettant au complexe politico-administratif de montrer sa belle âme et continuer de régner comme avant.

On a donc commencé par supprimer les 20 zones de SMIG, sans grand dommage, puisque les minima par branche étaient tous supérieurs au plus haut des SMIG. L’ennui, c’est que l’instrument devenait national et permettait au politique d’agir facilement et globalement sans avoir à mener des discussions locales.

C’est donc Chaban-Delmas (assisté de Delors), qui va remettre en selle une institution sans danger et utile marginalement pour éviter des abus, dans le cadre de la  « nouvelle société ».

On quitte alors le concept de « minimum vital » pour celui de petits salaires devant participer  à la croissance générale. On est en pleine réflexion au Club Jean Moulin sur la politique des revenus. Les énarques commencent à croire que leur devoir est de régler la répartition des revenus créés par l’entreprise, qu’ils entendent également « réformer » (Le livre de Bloch Lainé, « Pour une Réforme de l’Entreprise »,  est aujourd’hui illisible sauf pour son comique involontaire).  

On est à la fin des « trente glorieuses » mais on ne le sait pas. La crise du syndicalisme est manifeste en France où la négociation ne fonctionne pas ou très mal. La  CGT refuse toute « collaboration » avec le capitalisme honni et tient les autres organisations syndicales sous sa pression.

Il est intéressant de noter que le passage au SMIC ne soulève pratiquement aucune objection dans les milieux patronaux. Il s’agit d’être « moderne » et de ne pas « injurier le futur ». La paix sociale d’abord.

L’histoire ultérieure du SMIC  sera celui d’une catastrophe politique et économique. Une véritable leçon de chose de démagogie à effets pervers.

Disposant d’un instrument national à fort affichage politique (« le salarié pauvre » va faire son apparition dans le vocabulaire politique, au même titre que le chômeur comme objet de cadeau au peuple), les politiques vont commencer une saga qui, avec le recul, prend l’allure d’un délire.

D’abord, on va « charger » le SMIC. Progressivement les charges vont représenter plus que le net. Au sommet de l’évolution, quand une entreprise payait net 100 F au salarié, les prélèvements complémentaires étaient à 120-130.

Ensuite on va vicier le mécanisme de croissance du SMIC en le faisant croitre plus vite que le PIB. Cette démagogie va commencer avec Giscard d’Estaing et s’amplifier sous Mitterrand, et grimper sous Chirac jusqu’à un pic délirant sous Jospin.

Seulement voilà : les trente glorieuses sont mortes en 1971 avec le changement de système monétaire international.  Dix années de « Stagflation », mise sur le dos du pétrole, et le programme Commun de la gauche, ont mis l’économie française par terre. Elle ne va plus se remettre.

Le résultat est radical :

Le SMIC dépasse puis laisse sur place  tous les minima prévus dans les conventions collectives qui du coup laissent les partenaires sociaux sans « grain à moudre ». La négociation sociale perd tout contenu.

La hiérarchie des salaires s’écrase au point que l’essentiel des salariés est payé au SMIC.

Sous le double effet du chargement du SMIC et de la hausse de son taux, le chômage devient massif. On passe de quelques centaines de milliers à quelques millions.

Le SMIC aura été l’instrument privilégié de la préférence pour le chômage. Jospin complètera le dispositif avec les trente-cinq heures et le blocage administratif de la vie sociale dans l’entreprise.

On construit cette horreur au moment même où Delors et les Enarques de gauche considèrent qu’il faut faire entrer l’économie française dans une concurrence mondiale totale.

La contradiction entre des coûts d’emploi aggravés et une concurrence terrible des pays à bas salaires,  est évidente, avant même les mesures Schroeders qui, elles, dopent la concurrence d’un pays exportateur du fait de la puissance de son industrie.  La compétitivité des activités de main d’œuvre française s’effondre.

En 2000, le « manque à gagner » dans les effectifs salariés privés atteint près de 10.000.000 d’emplois, en dépit de la très forte hausse mondiale de l’emploi des années 97-99.  Le chiffre est facile à calculer : il suffit de faire le ratio entre population totale et population salarié dans les 5 pays du monde les plus efficaces et de l’appliquer à la France. Pour 62 millions d’habitants on devrait avoir entre 25 et 28 millions de salariés. On en a entre 15 et 18 selon les chiffrages. 

Face au désastre, on commence à revenir en arrière avec des mesures de plus en plus imbéciles.

On détaxe les bas salaires pour leur rendre un minimum de cohérence avec les valeurs du marché. Mais les charges globales elles ne baissent pas : le massacre fiscal des entreprenants peut commencer ; on tuera l’investissement après avoir tué l’emploi salarié. 

On détaxe les heures supplémentaires, jolie démagogie Sarkozienne car il faut répondre à la question du consumérisme électoral :

-          « Qu’allez-vous faire pour le  (mon) pouvoir d’achat ? »

Mais qui paie cette libéralité ?

On détaxe les emplois familiaux. Même questions : qui paie ?

Qui paie, sachant que, déjà, il faut payer pour financer les trente-cinq heures ?

La France s’enfonce dans le chômage de masse, l’hyperfiscalisation, les artifices politiciens démagogiques, le sous-investissement, les déficits commerciaux.

Avec l’énarque Hollande, on passe à la dimension supérieure : l’asphyxie totale du pays.

La France passe au 7ème rang des pays pour le PIB. Elle s’enfonce dans la dette (près de 100% du PIB)  et le chômage (plus de 5 millions). L’hystérie fiscale bloque tous les marchés : le bâtiment s’effondre, l’immobilier suit, l’investissement industriel est ridicule, les entrepreneurs fuient.

La totale.

Devant un désastre devenu indécent, un nouveau changement à 180% se produit. Voilà Macron, en majesté, une réforme microscopique et un « pacte » qui redonne en partie ce qui avait été pris mais sans toucher aux vaches sacrées : SMIC en folie ; blocage social ; hyper-fiscalité aggravée etc.

Que conclure ?

Un salaire minimum n’est pas une catastrophe si on respecte quelques conditions :

-          Pas de gestion politique nationale

-          Codécision patronat syndicat par branche

-          Garantie de pouvoir d’achat (smig et pas smic) et valeur nettement supérieure aux garanties chômage minimales et aux minima sociaux.

-          Nombreuses dérogations pour aider les populations fragiles à trouver de l’emploi.

-          Filet de sécurité, certes, mais  par zones géographiques en fonction du niveau des prix locaux.  Paris n’est toujours pas la Lozère.

-          Revalorisation négociée et tenant compte du cycle et du nombre de chômeurs. 

-          Révision de la notion de charges sociales pour un concept de salaire différé, avec baisse du salaire différé par rapport au disponible.

Le drame actuel c’est qu’on considère les salaires minima comme des variables globales d’ajustement international. On dit : l’Allemagne doit créer des salaires minima pour diminuer ses excédents. On demande à la Grèce de diminuer les salaires minima pour faire face à ses dettes.  

Le SMIC devient un instrument global d’ajustement macroéconomique.

Alors qu’il doit être une valeur de contrôle des abus salariaux éventuels et géré dans la microéconomie au plus près des branches d’activité et des réalités régionales.

Tous ceux qui ont cru qu’ils pouvaient jouer au Monopoly avec les grandeurs essentielles de l’économie, soit par idéologie, soit par démagogie,  soit même par l’effet de bons sentiments, n’ont commis que des catastrophes. L’effet pervers est quasiment automatique. Le progrès social passe par une politique macroéconomique qui favorise et une micro-économie qui enrichit.

On peut constater que les cadres macroéconomiques qui ont été mis en place depuis 1971 aussi bien dans l’organisation mondiale, qu’européenne et française sont dépressifs et que la micro-économie a été mise sous tutelle au point de l’étouffer, ou sous des tensions telles qu’elle a fini par craquer.  

Un chiffre à connaître...et à méditer

Les exportations de l’Allemagne en 2014 s'élèvent à  1134 milliards : à peu près le montant de la production française des entreprises de plus de une personne du secteur non financier.

L’Allemagne exporte la même valeur que ce que la France produit et que l'Etat français dépense.

Le blog du cercle des économistes e-toile

Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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