L'étrange malédiction de Valéry Giscard d'Estaing

L'élection présidentielle au suffrage universel, voulu par De Gaulle et votée par les Français met sur le pavois des personnalités dont la psychologie et la compétence deviennent cruciales pour le pays. De Gaulle était un pragmatique capable de faire table rase et de construire une pensée longue et coordonnée, source d'une action réfléchie poursuivie dans la durée. L'inspiration de base était que la France n'était pas tout à fait rien et qu'il fallait la maintenir au plus haut de son influence possible. Il a défini un cadre institutionnel qui dure encore près de 50 ans après sa mort, et les grands axes de sa politique étrangère restent sous-jacents même s'ils s'estompent peu à peu. Son déficit personnel tient à son étatisme militant. Il a largement préparé l'émergence de l'Enarchie. Mais elle n'était pas compassionnelle. Il faudra l'arrivée de Pompidou pour infléchir l'orientation générale vers une plus grande importance de l'économie privée.

Après ces deux premiers présidents, la quasi-totalité des élus au poste présidentiel seront des habiles manœuvriers politiques et des ambitieux narcissiques tout heureux de se retrouver sur le pavois.

Valéry Giscard d'Estaing a été le premier de la liste des politiciens madrés et blanchis sous le harnais qui ont réussi à obtenir leur Graal personnel. Sa longévité politique est tout à fait étonnante. Il porte le chapeau d'Edgard Faure dès les années cinquante et se retrouve en 2015 (65 ans après, tout de même) à donner des conseils écoutés pour l'avenir de l'Europe. À part la Reine d'Angleterre, qui a d'autres soutiens institutionnels, personne n'a fait mieux. Il s'agit bien d'un phénomène politique. Il est malheureusement affecté d'une malédiction étrange. Tout ce que ce président a signé s'est retourné au point qu'il en est venu à dénoncer lui-même toutes les conséquences perverses des décisions qu'il a prises.

Il a voulu adopter la législation du pays à ce qu'il voyait comme l'évolution des mœurs et il a préparé la mort du mariage traditionnel, en mettant fin aux mesures qui freinaient l'adultère et en facilitant le divorce. À la fin de ce processus, il a regretté que le mariage ait perdu de sa fonction sociale fondamentale.

Il a signé les Accords de la Jamaïque qui actaient la fin des politiques de changes coordonnées et l'abandon des disciplines de balances commerciales et de paiements. Ces mesures ont été la base légale de la création d'une économie baudruche qui a fini par exploser. Aux grands regrets de VGE qui considère désormais que l'instabilité générale est dommageable à la prospérité.

Il a promu l'élection du Parlement européen au suffrage universel, donnant un vernis démocratique à la construction bureaucratique qu'était la CEE. Beaucoup d'observateurs avaient considéré que cette décision marquait le début d'un processus de dissolution de l'influence française perdue dans la masse des populations de petits pays. Gulliver a créé lui-même les liens qui l'ont enserré. VGE affirme maintenant que le Parlement a violé les règles et trahit l'Europe en abusant de son pouvoir pour imposer le président de le l'UE.

Il a mis fin à l'émigration de travail mais en mettant en marche le regroupement familial. Ce faisant il a imposé aux "commuters" qui faisaient l'essuie-glace entre le Maghreb et la France de s'installer. Un peu plus tard, il dénoncera "l'invasion" des immigrés.

Il a mis fin à la possibilité pour la Banque de France de financer directement l'Etat, rendant le seigneuriage aux banques et en privant l'Etat. Il regrette aujourd'hui que les règles de l'Europe basées sur le même principe empêchent de sortir certains états de la crise de la dette où ils sont enfermés.

Il a constamment voulu aller vers un couple Franco-Allemand, sorte de Directoire de l'Europe. À la fin l'Allemagne fait ce qu'elle veut et ne tient en rien compte de ce que veut la France. On a promu un Etat mis à l'index de l'Europe après les crimes atroces du nazisme, qui, depuis la réunification, mène une politique nationale contraire aux intérêts fondamentaux de l'Europe.

Il a milité pour l'Euro, annonçant partout qu'une monnaie unique était la seule possible et qu'il fallait en finir avec l'idée d'une monnaie commune. Il regrette aujourd'hui l'état économique lamentable de la zone.

Par un effet pervers étonnant tout ce qu'il a prôné est devenu pour lui un objet de douleur.

Les Français ont voté contre son projet de Constitution. VGE ne sera pas le Père fondateur de l'Europe fédérale, même si Sarkozy l'a fait voter par le Parlement dans une version identique sans le nom de Constitution, tout à fait abusif. Les résultats ne sont pas fameux. VGE s'en insurge. Trop de Commissaires, pas assez de subsidiarité, trop de pays, trop différents. Tout cela est exact.

La solution de VGE : Europe. On fond l'ensemble franco allemand en une seule entité. Les Français ne le veulent pas. Et VGE, quand il aura 120 ans, nous expliquera sans doute que cette nouvelle institution, comme les précédentes, s'est retournée contre l'intérêt national. L'ennui, c'est qu'il n'y aura plus de France !

Bien sûr on peut ricaner de certains travers de VGE. Une forme de fatuité, les déjeuners à l'Elysées avec les éboueurs, les dîners en ville dans le bas peuple, l'imitation ridicule de la communication à l'américaine, avec son épouse en pot de fleurs distingué lors des vœux, sa sortie grotesque après sa défaite aux présidentielles de 81, son afféterie à affirmer qu'il a couché avec Diana,

Il est sans doute plus juste de remarquer que par tempérament politique, VGE a cru qu'il pourrait enfourcher le politiquement correct sans avoir une vision propre et réfléchie des buts de son pouvoir. Il a cédé à l'esprit du temps parce qu'il y voyait sans doute un "progrès", facile à vendre politiquement, puisque cela était congruent avec l'idée qu'il se faisait de son image "jeune et moderne". La phrase qui lui a fait gagner son combat contre Mitterrand en 1974 (vous n'avez pas le monopole du cœur) est malheureusement la clé de son échec. Il aura prouvé que glisser sur la pente du politiquement correct avec le cœur en bandoulière était plutôt dangereux pour la nation et que la com' ait finalement contre-productive, même si elle est compassionnelle. S'exhiber à ski sur les pentes ensoleillées. de Courchevel ne l'a pas empêché de prendre une gamelle électorale. Le résultat aura été un septennat fiscal, où toutes les tendances qui sont à l'origine des difficultés actuelles ont été favorisées.

Malheureusement, tous les présidents suivants ont choisi plus ou moins la formule "giscard". Habileté manœuvrière et politiquement correct, nappés de fiscalité.

Mitterrand était, par nature, un ambitieux narcissique et, par vice, un pourrisseur. Ses deux mandats ont affaibli la France aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur. Il a porté l'Etat fiscal à son plus haut et la France à son plus bas.

Chirac, que l'on déguisait en "fasciste" dans les années soixante-dix, s'est révélé un bel animal politique. Une fois au pouvoir il s’est lové dans une attitude de ni ni, qui revenait à laisser la France glisser sur la pente du déclin et du politiquement correct émollient.

Sarkozy défendra une attitude pro américaine presque aussi caricaturale que celle de Lecanuet, tout en sombrant dans l'électoralisme de bas étage et la soumission au politiquement correct. Lui aussi est un animal politique. Toute coïncidence avec l'intérêt national ne serait qu'une coïncidence. Il aura prouvé qu'en ne prenant de mesures qu'en vue de sa réélection, on pouvait la perdre. On attend toujours une vision construite de l'avenir du pays.

Hollande a copié Sarkozy en prétendant reprendre les habits de Mitterrand. Ici aussi, il ne s'agit que d'une aventure individuelle qui fait de lui un Lou Ravi de la fonction. Il ne la mérite pas mais il en jouit sans entraves. Le pays ? Quel pays ? L'élection, voilà le Graal et l'unique objet de mes pensées et actions. Il a simplement abaissé le débat au niveau le plus bas : les cadeaux aux peuples. "Maintenant je distribue ; c'est pas cher c'est l'Etat qui paie. Je les aurais à la "tchatche", tous ces c… qui voteront pour moi".

On se prépare à un nouvel affrontement entre Foutriquet et Bidochon, sur fond de manœuvres de communication, d'opérations images, de démagogie suintante et de politiquement correct majestueux, agrémenté de croche-pieds judiciaires ou autres.

Ne faudrait-il pas plutôt mettre fin à la parenthèse tragique ouverte avec l'élection de VGE. Plutôt que de mettre en cause le principe de l'élection présidentielle, ne faut-il pas promouvoir un homme et une équipe capable de reconstruire le pays sur des bases un peu sérieuses. Tout est à reconstruire :

- l'organisation internationale, notamment dans le domaine des monnaies, de la finance et du commerce international.

- l'organisation occidentale avec une réforme de l'Otan et des relations transatlantiques

- l'organisation européenne, qui doit cesser de desservir les nations.

- l'organisation de la zone euro qui doit sortir d'un système dépressionnaire structurel

- l'organisation publique de la France, avec la séparation du pouvoir politique et du pouvoir administratif.

Il faut désormais un président constructeur. Pas un ludion qui suit les courants d'opinion et s'incline devant les pressons des tiers en les exploitant à des fins insignifiantes de carriérisme personnel.

Le dernier à avoir eu les épaules assez larges pour cette entreprise est le Général de Gaulle. Il serait peut-être temps d'installer à la tête du pays autre chose qu'un petit malin narcissique.

Il faudra qu'il conjure la "malédiction de Giscard", qui a frappé tous ses successeurs : obtenir des résultats contraires à tout ce qu'on espérait, en se laissant couler au fil du politiquement correct et de la communication politicienne de bas étage, en envoyant la France au tapis.

Une réforme radicale de l'école

L’école est comme l’Eglise. La hiérarchie est courte : le maître, le directeur et le ministre (le curé, l’évêque, le pape) ; Moins on touche aux dogmes mieux l’enseignement passe.

De même que Vatican II a envoyé l’église catholique dans un déclin profond, l’abandon de l’instruction publique, basée sur les disciplines et l’effort, en vue de fournir le minimum de connaissances nécessaires à tous, tout en dégageant une élite indispensable à la nation, au profit d’une éducation nationale, qui n’a plus rien de national, qui n’a jamais éduqué, qui refuse de sélectionner au nom de l’égalité et de la fraternité et de sanctionner au nom des libertés, a lessivé une institution qui avait fait ses preuves depuis des lustres.

L’école comme l’église dépend de la qualité de sa piétaille. Le maître et le curé sont la  base fondamentale. L’Eglise a toujours su que le séminaire était la clé de voute de l’institution. On y sélectionnait les meilleurs, venus de la plèbe en général. L’ascenseur social fonctionnait dans les clochers. Il fallait des esprits éclairés pour sortir des ténèbres un peuple de catéchumènes constamment renouvelés et des dialecticiens efficaces pour lutter contre les attaques de l’intérieur et de l’extérieur.

Il faut des esprits assez subtils  pour expliquer comme Mgr Marty en son temps que l’Esprit Sain avait conduit les cardinaux à choisir un pape débile et mal portant pour permettre un peu plus tard de choisir un pape non italien !  Malgré tout, il vaut mieux ne pas changer de dogme lorsqu’on a fini de convaincre une classe de jeunes séminaristes que Jésus, Dieu et l’Esprit sain sont une même chose et que le premier a été enfanté par l’immaculée conception pratiquée sur Marie.

L’Eglise s’était emparée de l’enseignement. La République l’en a largement dessaisi. Elle a imité son modèle en prenant soin de former des instituteurs et des professeurs au meilleur niveau possible. L’école était sévère et son but était clair : les meilleurs passeront l’examen qui ouvre vers les études secondaires et supérieures ; les autres auront un certificat d’étude et se débrouilleront avec cela dans la vie active.  Comme l’Eglise, les instituteurs prenaient bien soin des meilleurs, quelle que soit leur origine sociale, pour leur faire prendre l’ascenseur républicain ; les premiers de la classe ont rarement été les rejetons de la haute. La statistique et le nombre veulent cela.

Faute de bible et de saintes écritures, l’école républicaine s’est fondée sur la nation, ses hommes illustres, ses auteurs remarquables. Les Lumières étaient son socle comme la Lumère était celui de l’enseignement clérical.

Dans les deux systèmes la discipline et le respect étaient de rigueur. Personne n’était là pour rigoler. Personne n’était là pour arriver. Mais pour y arriver.   Ecrire sans pâté ; comprendre le sens des mots ; utiliser le mot juste, en élargissant son vocabulaire par l’étude et la lecture ; comprendre l’orthographe et la grammaire ; compter bien et compter vite ; réciter de mémoire ; résoudre des « problèmes » ; exposer correctement par écrit.

L’école républicaine comme l’Eglise savaient que les disciplines de l’esprit n’étaient pas tout, ni qu’elles étaient à la portée de tous. Elles en concluaient toutes deux que seuls les esprits aptes aux études devaient les poursuivre au-delà du niveau de base indispensable. Il s’agissait avant tout d’une école d’intellectuels. Que la société civile s’occupe des non intellectuels, homme d’affaire,  commerçants, artistes, artisans, paysans, marins, puis ouvriers.

L’une comme l’autre aussi savait qu’il fallait différencier  l’enseignement des filles et celui des garçons à partir de la puberté. Elles ne partaient pas de préjugés mais d’une réflexion élémentaire sur l’incompatibilité des études intellectuelles et des travaux pratiques sexuels.

Distinctions de genre et d’esprit permettaient des filières efficaces. Un enseignement est toujours coûteux. Inutile de le dispenser à qui ne peut en profiter à un bon rythme. Le don et le travail étaient tous deux chéris. Il ne fallait pas gâcher ses dons. Les bonnes graines devaient s’épanouir.

Pour qu’elles le fassent, il fallait les protéger. Le lycée était sinon une caserne au moins un lieu protégé qui enfermait moins qu’il n’évitait l’intrusion de l’extérieur.

Le baccalauréat était le passeport pour la vie active un peu ambitieuse. Seule une fraction s’engageait dans une vie universitaire qui avait pour but singulier de fournir des cadres de bons niveaux d’abord à l’enseignement  et à la Science, puis aux missions publiques : le droit, la santé.

Systèmes républicain  et clérical  étaient délicieusement coupés de toute préoccupation mercantile.  Les curés avaient fait vœux de pauvreté et les instituteurs ne gagnaient guère plus que la parentèle de leurs ouailles. Les professeurs, issus de l’enseignement supérieur et de l’agrégation, étaient des petits bourgeois et entendaient bien le rester. Proviseurs et inspecteurs du ministère comme les évêques se considéraient comme  une élite sociale.

Ce système a parfaitement fonctionné jusque dans les années cinquante. Sur une génération de 800.000 jeunes, presque tous parvenaient au certificat d’étude, permettant d’alimenter les écoles normales en solides futurs instituteurs. 80.000 passaient le bac et près de 8.000 achevaient des études supérieures, permettant de fournir un nombre adapté de professeurs du secondaire et du supérieur.

Le système scolaire fonctionnait largement en vase clos. Il fournissait les cadres de sa propre reproduction. Ce qu’on appelait l’ascenseur social était le passage d’un fils de paysans, d’artisans ou de femmes de ménage au statut d’instituteur, de professeur et, rarement,  de « docteurs ».

L’école publique comme l’école religieuse n’a jamais su faire que cela : donner le minimum intellectuel à tous et dégager des élites intellectuelles pour les propres besoins de sa propre reproduction.

Ce système correspondait assez bien à une économie où la majorité des emplois, dispersés sur tout le territoire,  étaient dans l’agriculture, l’artisanat  et le commerce.  Le niveau de vie était bas et la croissance qui  ne dépassait pas 1% par an au dix-neuvième siècle, révolution industrielle ou pas, n’avait pas encore commencé son abrupte montée.  

Le niveau du certificat d’étude était largement suffisant pour ces secteurs, la piétaille militaire, le bâtiment, le travail en usine et les services domestiques.

La notion de « cadre » était peu nette. L’entreprise d’avant-guerre était majoritairement le fait de commerçants qui avaient réussi et dont le niveau dépassait rarement celui du certificat d’étude. Même si la « grande industrie » avait ses connexions avec la haute société et la haute banque.  La majorité de la progéniture de la « haute » s’abstenait de faire des études supérieures, perte de temps et d’argent.

Il faut comprendre pourquoi ce bel édifice a sombré.

Les premiers facteurs sont démographiques :

-          La France, spécialiste du malthusianisme qui permettait de transmettre le capital paysan et commercial, a connu une hécatombe de ses mâles lors de la guerre de 14-18. Lors de la suivante, quatre générations d’hommes ont été se clochardiser dans des camps de prisonniers, juste à l’âge de la grande bascule scolaire, universitaire et professionnelle. De pareils retards ne se rattrapent jamais complètement.  Le résultat a été de bloquer le système de reproduction du système scolaire.  Le corps des instituteurs très masculins, du fait de la répartition autoritaire des postes sur le territoire, qui déplaisait aux femmes,  s’est féminisé. La maîtresse a supplanté le maître. Pour les mêmes raisons, le personnel des lycées s’est fortement féminisé. On trouvera là la principale raison de la suppression de la mixité. On ne trouvait plus assez de professeurs pour les lycées de garçons. La féminisation et la mixité ont eu des conséquences graves. Chahut généralisé, violence jusqu’à la délinquance,  irrespect, compétition pour le partenaire, irruption des marques, démotivation des garçons. En cassant les « casernes » pour des ensembles ouverts à tout vent, on a aggravé les choses. Trafics et rackets ont fait leur apparition. La triste affaire Russier a montré que la mixité pouvait entraîner quelques désordres.

-          Le baby boom  a aggravé les choses ; Associé à la volonté de massifier l’enseignement secondaire, il a cassé la chaîne d’alimentation du système scolaire en professeurs en nombre et qualité suffisants. Les mots traduisent bien la chose : les enseignants prennent le pas sur les professeurs. Au final il ne s’agira plus que de « mettre un adulte en face des élèves ».  Le phénomène est aujourd’hui particulièrement sensible en mathématiques où on trouve, même dans les grands lycées parisiens, des incapables et même des fous. Mais il touche toutes les grandes disciplines universitaires boudées par les femmes. Les lettres, le latin et le grec ont longtemps résisté, avec des femmes compétentes et bien formées. Mais pratiquement plus un homme.

-          L’immigration  massive  a provoqué l’apparition d’élèves, intégrés d’office en venant d’ailleurs, dans des classes que beaucoup ne pouvaient pas suivre. L’âge des élèves par classe s’est élevé au point que l’on trouve des adultes dans le secondaire. Le mélange des races et des origines, s’est ajoutée à la mixité pour compliquer sensiblement la tâche des « enseignants ». On est arrivé au stade où, dans certaines classes,  il n’y a plus un blanc et des élèves  de couleurs, provenant d’une dizaine d’origines nationales et ethniques différentes. Comme dans bien des cas les parents n’ont pas souhaité apprendre le Français, et que beaucoup arrivent pour la première fois dans le système français, faire la classe devient un exercice d’équilibriste.  Les autochtones fuient ces classes comme la peste, ce qui aggrave encore le phénomène. Bien entendu, races, couleurs de peau, origines n’ont pas une importance dirimante du point de vue du devoir d’enseigner ni même du point de vue du résultat de l’enseignement. Un enfant qui a fait toutes ses études dans le système, hors contexte familial et social, peut en bénéficier de la même façon quelle que soit son origine.  Dans la pratique, on constate que les enfants d’immigrés nés en France, intégrés de façon minoritaire dans des classes normales réussissent très bien. En revanche, ceux qui ont fait une partie de leurs études (ou de leur absence d’études) ailleurs et qui intègrent des écoles entièrement composées d’immigrés (parce que tel est le quartier ou la ville)  ont beaucoup de mal. C’est évidemment l’honneur des enseignants de faire face bravement à cette situation. Mais rapproché de la féminisation et de la déqualification  du corps, les conséquences ne sont pas fameuses.

La seconde série de facteurs dérangeants tient à l’évolution de l’économie :

-          Urbanisation et tertiairisation, accompagnant la chute de l’agriculture, du petit commerce et de l’artisanat, puis les besoins de reconversion des sites textiles et extracteurs a déraciné l’essentiel de la population qui s’est retrouvé sans autre capital que le capital-compétence largement fourni par l’enseignement.  Le système scolaire n’avait plus seulement à fournir une élite nationale et une alimentation de qualité  du système scolaire.. Il lui fallait offrir de la compétence professionnelle.  Issu de l’enseignement ecclésiastique, le système scolaire est totalement incapable de répondre à cette demande.

-          L’internationalisation provoque un nouveau défi. Pour la même raison que précédemment le système est capable de fournir de bonnes études littéraires dans une culture différente à une élite scolaire mais strictement incapable d’enseigner les langues vivantes.

-          La structure professionnelle s’est complétement transformée, avec de plus en plus de postes dans les médias, les arts et le sport, où la compétence que fournit  l’éducation nationale n’a pas de pertinence ; De même le besoin en techniciens supérieurs a explosé, dans tous les domaines. Et l’éducation nationale est strictement incapable de former des techniciens de qualité. L’informatique en est un des exemples les plus frappants et ne parlons pas de l’économie de l’internet.  Contrairement à l’Allemagne, la France ne sait pas former son middle management.  On passe directement de l’OS à l’ingénieur. En même temps les produits sont de plus en plus abstraits et demande une capacité de conceptualisation forte, rendant les formations intermédiaires délicates. Ce sont les ingénieurs qui finissent par occuper les places de programmeurs ou d’encadrement intermédiaire, lorsqu’ils sont stagiaires.  La banque et les services financiers sont totalement étrangers à l’éducation nationale.

On est donc arrivé à cette curiosité que le système scolaire français a sombré dans ce qu’il avait de fort et a été incapables de trouver les solutions là où il était faible ou inexistant.  Cette dégringolade est ennuyeuse parce qu’elle est cumulative. Plus le système est mauvais plus les enseignants sont mauvais etc.

Comment se sortir de ce mauvais pas ?

Il faut à la fois restaurer le système scolaire classique pour qu’il puisse  perfectionner son système de reproduction, alimenter les facultés, l’encadrer l’Etat, et fournir une élite intellectuelle aux grandes professions.  Cela veut dire que l’on doit porter 25 à 30% d’une classe d’âge au niveau d’un bac classique sérieux et 10% à 15% au niveau de licences et masters de qualité sans parler des grandes écoles.

Et il faut inventer un système qui permette de donner de vraies perspectives professionnelles (petits entrepreneurs, techniciens moyens et supérieurs, encadrement, artistes, grands professionnels du sport, e l’rtisant, de l’informatique etc.) aux autres, sachant bien qu’il restera une frange qui malheureusement restera employée dans les postes d’exécution, que ce soit dans les services à la personne, la distribution, l’agriculture et l’industrie, le service aux entreprises, la restauration etc.

La difficulté est d’éviter que le passage dans les filières professionnalisantes ne soit considéré comme un rejet dans des poubelles stériles pour nullards déclassés, comme il l’est actuellement.

Il faut prendre acte que le système scolaire public actuel n’est pas capable de s’occuper de sport, de langues vivantes, de matières manuelles, d’enseignement artistique, de langues vivantes, d’informatique…

Sur ces bases, que faire ?

Laissons de côté l’école primaire.

Le système secondaire sera séparé en deux parties :

-          La filière classique, dans la grande tradition française, chargée de façonner une classe intellectuelle  littéraire et scientifique et de dégager les élites dont la nation a besoin.

-          Cette filière classique sera aménagée en :

- Un système de lycée d’état de la 5ième à la terminale

- Un système équivalent mais régional.

Les programmes sont exactement les mêmes. Les lycées d’Etat rassemblent l’élite scolaire  et dispose des meilleurs professeurs (essentiellement des agrégés). Les lycées régionaux regroupent le reste.  Des passerelles sont aménagées entre les deux ensembles. On entre en cinquième dans les lycées d’Etat sur concours avec présentation par les établissements primaires. On entre sur dossier dans les établissements régionaux.

Un lycée classique est séparé, à partir de la seconde, en filière scientifique et en filière littéraire.

Plus original, l’activité d’enseignement purement intellectuel, que le système sait faire de tradition, est séparée des activités de « gymnase », qui n’ont pas de finalité élitistes.

 Activités de lycée :

-          Lettre (français, latin, une seconde langue majeure, grec ancien), mathématiques, physique-chimie, sciences de la vie, histoire et géographie, économie…

Activités de gymnase :

-          Sports, arts (chants, musiques, peinture, danse, etc.) , disciplines ludiques (échecs, aéromodélisme…), informatique, mécanique, électricité, plomberie, cuisine, couture  et autres artisanats, langues vivantes, cours de rattrapage …

Chaque groupe d’activité est  calé sur une demi-journée.

L’enseignement classique occupe cinq fois quatre heures dans la semaine. Le gymnase se fait dans des locaux distincts de ceux du lycée.  Chaque établissement travaille en continu avec une fournée du matin et une fournée de l’après-midi. Permettant l’optimisation de l’emploi des locaux.

Les activités de gymnase répondent à un état d’esprit totalement différent de celui du lycée. Les matières y sont choisies par l’élève. Il doit progresser avec des grades qui lui permettre de se situer dans l’acquisition d’une discipline.  Les activités de gymnase sont obligatoires mais ne sont pas sanctionnées par des examens de passage.  En revanche l’assiduité et le sérieux dans les activités de gymnase comptent pour le passage à une classe de lycée supérieure.

L’enseignement des activités de gymnase n’est pas codifié comme celuidu lycée. L’anglais pratique peut être enseigné par quiconque peut prouver au responsable qu’il en est capable. Pareil pour le sport. C’est la responsabilité des chefs de cellules de trouver les bons professionnels. Des clubs privés peuvent être sollicités, notamment pour le sport, ou des académies pour les arts, voire des conservatoires. Les activités de gymnase ne sont pas nécessairement totalement gratuites. Les cellules pourront faire appel aux dons et prévoir des cotisations. Des systèmes de bourse seront mis en place.

Les gymnases sont partagés par tous les circuits scolaires disposant d’une telle filière, c’est à dire la majorité d’entre elles, permettant un mélange des origines et des groupes. On peut être excellent en mécanique et nul en sport, très bon pianiste et nul en latin etc. L’émulation dans les activités n’est plus fondée sur la sélection intellectuelle, mais sur les dons et l’application de chacun.

Toutes les activités d’enseignement autres que les lycées classiques sont sorties du système de l’éducation nationale et deviennent de la responsabilité des régions et des professions.

On créera des lycées mixtes mélangeant une partie de disciplines intellectuelles et une partie de disciplines techniques. Ces établissements gardent des passerelles avec les lycées classiques régionaux   pendant au moins deux années. Ils disposent d’activité de gymnase comme les autres lycées. Ils débouchent sur des métiers de techniciens et sont organisés en stage d’entreprise en fin de circuit. Le but est de fournir le contingent nécessaire de techniciens intermédiaires et supérieurs dont la nation a besoin.

Pour ceux qui ne peuvent intégrer ces filières, on prévoira une formation générale courte et des filières professionalisantes. Allant du plus simple au plus pointu.  On veillera sans cesse à garantir que ces élèves savent parfaitement écrire, lire et compter. L’analphabétisme doit être éradiqué, avec des cellules pour se faire. Les activités de gymnase seront un peu différente : certes conserve les arts et le sport, mais on met l’accent sur des ateliers de renfort des disciplines intellectuelles de base, enseignées avec des méthodes plus concrètes et plus adaptées).

 

La différenciation des approches est la clé. Si une immigré arrive d’un pays où il a suivi une filière générale mais parle très mal le français, tout en ayant le niveau requis dans les autres disciplines, les activités de gymnase seront orientées vers un rattrapage de la langue. D’une façon générale tous les cours de rattrapage deviennent du ressort du gymnase.

Un tel cadre suppose la disparition du ministère de l’éducation nationale comme on le connait. Toutes les activités de gymnase et tout ce qui n’est pas national lui échappe, sauf les programmes des lycées classiques et les concours d’entrée.  

Le recrutement des professeurs se fait par un comité de sélection sous la direction du chef d’établissement qui peut se débarrasser des enseignants qu’ils jugent insuffisants.  La qualité de l’enseignement est de la responsabilité du conseil de surveillance de l’établissement qui peut être composé pour moitié par des personnalités venus de l’extérieur de l’institution.

Tous les personnels d’entretien sont gérés directement par les régions.

A chacun selon ses capacités sans que tout soit joué sur le seul brio intellectuel et la capacité de soutenir des études difficiles de lettres et de sciences.

Meilleur brassage social avec partage d’enseignement de gymnase.

Possibilité de pratiquer une discipline technique, sportive, artisanale, pratique ou artistique très tôt et de façon continue pendant les études générales, afin d’arriver à un excellent niveau à la majorité.

Variété et choix personnalisé des disciplines de gymnase.

Emulation et mise sous tension positive partout.

Un matheux binoclard doit pouvoir être gradé en peinture et en plomberie tout en sachant jouer du violon.

Un littéraire peut savoir faire la cuisine, piloter des drones et être un roi de la programmation internet.

Une latiniste distinguée peut être en même temps une coureuse de fond, une infirmière qualifiée et une excellente pianiste.

Un futur polytechnicien peut se révéler un yogiste magistral, un hyperdoué des robots, et un golfeur émérite.

Un littéraire attiré par l’étude et non par les sports et les activités manuelles pourra parler sept langues et chanter parfaitement dans une chorale.  

Le côté sympa de la chose est qu’un classique qui aura choisi la mécanique pourra être cornaqué par un élève du lycée technique qui en saura un peu plus que lui dans sa discipline.

L’unité et la fraternité ne viendra pas de s’être vautré en traînant les pieds (on voit l’image) dans des classes de formation purement intellectuelle où tout le monde est un gêneur pour son voisin tant les niveaux et les ambitions sont différents. Mais du respect que l’on acquiert pour celui qui fait mieux que vous et qui vous perfectionne.  

L’efficacité viendra de l’homogénéité des classes et de la qualité des professeurs, une fois rétabli le circuit de reproduction des personnels de qualité dans le système scolaire.

La beauté du résultat sera une meilleure insertion dans la vie tout court et dans la vie professionnelle de tous.

 

DD

« C dans l’air » en apesanteur économique

L’émission d’Yves Calvi est une des rares qui se laissent voir dans le PAF poubelle audimatisé.  Comment a-t-il réussi à obtenir que chaque participant respecte la parole des autres est un mystère. Une émission qui cherche à faire de la lumière plus que de la chaleur est une bénédiction qu’il faut souligner.

L’émission qui nous a intéressés portait sur la croissance revenue avec des intervenants qui hantent les médias depuis longtemps.

Marc Fiorentino n’est pas économiste. Ce qui en soi n’a pas d’importance. Il promène une belle gueule qui passe bien à la télé et bonimente façon Bellemare, ce qui le range dans la catégorie des auteurs sympas « vus à la télé » qui vendent bien dans les supermarchés, même si on peut se passer de lire leurs ouvrages. Ces caractéristiques évitent qu’on s’attache trop à ce qu’il dit. En général il amplifie le bruit de fond avec l’air de celui à qui on ne la fait pas. Si le bruit de fond est raisonnable, cela n’est pas grave. Sinon, il aère les sottises façon ventilateur.  C’est un métier.

Eric Heyer est le très estimable animateur de l’Observatoire Français des Conjonctures Economiques (OFCE), qui publie chaque année une synthèse sur les données économiques française (le dernier : L'économie française 2014 – La découverte). L’OFCE est une excellente initiative de l’institut d’Etudes de Paris. Tout est propre et net dans ses écrits. On y prend bien soin de ne jamais  exprimer une idée contestable ou simplement discutable. Difficile de trouver une erreur dans ce qui est dit. Pas de démagogie non plus. Les évènements sont toujours correctement exposés et décrits. C’est dans l’analyse que cela pèche. Jamais de risque explicatif ! Alors les évènements flottent sans qu’on sache vraiment pourquoi ils se produisent et comment ils s’enchaînent. Ce côté « commentaire propre sur lui », façon Alain Duhamel dans le domaine politique, est un peu la marque de Sciences-Po. On reste toujours sur sa faim.

Nous ne dirons rien de Mathilde Lemoine dont nous n’avons pas lu le livre (Les grandes questions d'économie et de finance internationales. Décoder l'actualité-Mathilde Lemoine Thierry et Philippe Madiès-Ed. De Boeck (2012)).

Nous ne savons rien de Pascal Perri, sinon qu’il a une tête de Ministre des Finances grec.

L’émission passe en revue tous les signes de la reprise avec, comme thèmes principaux, sa réalité, sa solidité et sa capacité à terme de créer de l’emploi. Elle surfe sur la vigueur surprise de la croissance annoncée par l’Insee pour le premier trimestre 2015 : 0.6%. L’Insee avait annoncé dès l’automne 2014 un bon premier trimestre. Mais pas une telle croissance.

La surprise crée l’émotion et stimule la demande d’explication. L’explication banalisée est de justifier la croissance nouvelle par  l’effet de marée de « l’alignement des planètes ». La baisse du pétrole a libéré du pouvoir d’achat. La baisse très forte de l’Euro  a stimulé les exportations. Le taux très bas des emprunts (négatifs parfois) a évité des restrictions budgétaires trop fortes et stimulé les emprunts privés. Les entreprises ont réussi à reconstituer leurs marges.  La reprise nette aux Etats-Unis et au Royaume-Uni a un effet d’entraînement. La hausse de la bourse a créé de l’optimisme.  Etc.

Chacun des intervenants à son tour expose ou commente ces composantes du moment.

Le reportage sur l’Irlande fait valoir certaines opinions : les banques seraient devenues raisonnables : leurs dettes auraient été cantonnées rapidement ;  les efforts budgétaires auraient été payants même si la dette publique s’est envolée ; liée aux économies américaines et anglaises et favorisée par la reprise de ses deux voisins et les avantages fiscaux exorbitants offerts aux multinationales, l’Irlande se serait sortie d’affaires mieux et plus vite que les autres pays européens.

Les commentateurs commentent en fonction de leurs préférences idéologiques mais sur la pointe des pieds.  L’un qui veut des réformes de structure en France souligne qu’elles ont été faites en Irlande. L’autre exonère l’Etat comme source de la crise et incrimine le gonflement de la dette privée dans un pays qui était « le bon élève de l’Europe ».

La reprise sera-t-elle durable ? Chacun souligne la fragilité qui lui tient à cœur. L’un considère qu’il s’agit d’un feu de paille lié à une reprise « mécanique » de la consommation après des années d’abstinence. Mais faute d’une reprise franche de l’investissement, on n’ira pas loin. L’autre souligne que les planètes commencent à se désaligner : baisse de la croissance aux Etats-Unis,  remontée des taux, remontée de l’Euro et remontée du prix du pétrole. Les moteurs de la reprise commencent à crachoter.

Tous s’accordent sur une bonne activité en France pour au moins deux ans avec une accélération progressive en 2016.

Sur l’emploi on retrouve toutes les idées populaires  dans la presse :

-        Ce sont les petits boulots qui reprendront comme aux Etats-Unis, au RU et en Allemagne.  

-        Le manque de compétitivité de la France fera de la reprise de la consommation une aubaine pour les importations pas pour la production française, structurellement désajustée ;

-        La productivité croit plus vite que la croissance ; le progrès n’aura pas le temps de cascader vers les classes populaires.

La France, mauvais élève de l’Europe connaîtra un certain rattrapage mais ne doit pas compter sur une reprise franche et joyeuse.

Dans le fond de l’air grondent quelques méchants orages plus ou moins lointains : la Grèce peut provoquer une crise rapide ; La remontée des taux peut s’avérer tragique pour les marchés financiers ; la sortie du Royaume-Uni de l’Europe  pourrait faire plus mal encore.

Tout cela est le parfait miroir de l’air du temps, ce qui est bien la vocation de « C dans l’air ».

On ressent néanmoins un certain malaise en coupant le poste. Il provient comme d’habitude du caractère pointilliste de tous ces constats  et commentaires. Les évènements sont là et peuvent être expliqués par des éléments à court terme. La vision globale et à long terme manque.

Deux aspects sont presque totalement manquants :

-        La notion de cycle. Tout observateur connait le cycle décennal avec sa phase haute terminale ; Nous sommes dans la phase haute du cycle depuis quelques temps déjà. La vraie question est qu’elle est plus modeste et plus artificielle  à chaque cycle depuis 1971. Savoir si ce sera encore le cas ce coup-ci mériterait des développements un peu plus spécifiques.

-         La notion d’économie baudruche. C’est elle qui explique l’explosion de l’Irlande, qui avait participé à plein à ses mécanismes et c’est la méthode employée pour regonfler la baudruche qui explique aussi la reprise irlandaise qui tient beaucoup à des aspects purement spéculatifs.  C’est elle qui explique la précarité et la lenteur de la reprise.

Si on tient compte de ces deux éléments, l’issue de la période de « haute conjoncture » fait problème. Elle sera nécessairement explosive. L‘alternance connue des crises dures et molles en fin de cycle laisse penser que ce sera une récession boursière forte avec une récession des PIB modérés.  Ce point n’a pas été discuté, même si l’apparition de quelques bulles a été dénoncée.

On comprend que des schémas explicatifs globaux puissent paraître trop théoriques dans ce genre d’émission. D’autant que les pronostics  sont voisins : 2015 et 2016 devraient bien être plutôt meilleurs que les années précédentes.

Mais la question posée est d’être préparé à la fin de cycle car la France n’a plus aucune garde pour y faire face et l’ultime phase de haute conjoncture sera trop faible pour donner des marges de manœuvres. Le calendrier politique, de ce point de vue, est exécrable. Les cadeaux électoraux commencent à s’accumuler. Le dernier : la promesse de revenir sur les petites économies faites au Ministère de la culture  par Manuel Valls  qui ne pensait sans doute pas qu’à faire plaisir à sa musicienne de femme.

Un krach obligataire peut se produire à tout moment. La bourse américaine atteint des sommets qui ont plus à voir avec les 80 mille milliards de dettes américaines qu’à la hausse des profits des entreprises cotées qui, en 2014, sont…en baisse significative, avec des chiffres d’affaires également en baisse !

On a rajouté 57 mille milliards de dettes à la dette mondiale initiale, compensée largement par la baisse des en-cours des banques.

Tout cela reste très artificiel et  tient avec des bouts de ficelle.  

 Personne n’a tenté de dire pourquoi. Personne n’a évoqué les changes flottants et la désorganisation monétaire  mondiale. Seuls les défauts de la gouvernance européenne et française ont été évoqués. Sans approfondir.

La meilleure émission d’information télévisuelle reste dans le commentaire light ex-post. Sans que les experts invités prennent le risque de théoriser un peu profondément les évènements. Résultat ! Personne ne comprend rien et le doute reste fort ; il devient impossible de juger les politiques menées en l’absence de tout cadre méthodologique.

Le téléspectateur est Gros-Jean comme devant, mais il a désormais la température du fond de l’air.  

Note de conjoncture

Que nous soyons dans la phase haute du cycle décennal, nous l'affirmons depuis un moment.  Le schéma conjoncturel se répète de cycle en cycle depuis 1972 avec une belle régularité: crise ; rebond avec contrechoc ; stagnation puis reprise lente et deux à trois ans de folie spéculative.

Ce que nous constatons aussi, c'est que le trend baisse de cycle en cycle, les récessions sont de plus en plus violentes  et les reprises sont de plus en plus lentes et artificielles, surtout dans les pays qui comme la France ont fait le choix de voler radicalement leurs citoyens.

Ce qui se passe ces derniers mois est l'exact reflet de cette analyse. La reprise est née comme d'habitude des Etats-Unis , a percolé vers les pays ouverts, comme la Grande Bretagne et commence à s'étendre.  Mais le rythme de la reprise est très faible, encore plus faible qu'en 2006-2007, dernière phase haute du cycle, et elle extrêmement artificielle.

Il suffit pour s'en convaincre de relever les faits suivants :

- Le Baltic Dry Index est à son plus bas historique. On peut discuter de la pertinence de cet indice, mais on ne peut nier qu'il confirme ce qu'on sait déjà : le commerce international ne tire plus la croissance.  La pseudo activité des dernières années était due à la volonté de la Chine de sécuriser son tas de dollar en achetant des biens "réels". Cela a fait marcher un temps les exportations de quelques fournisseurs de produits agricoles et de matières premières. Et cela s'est arrêté avec la hausse du dollar : plus besoin de précaution pour un petit moment. L'effondrement de tous les cours est due à cette raison majeure à la quelle s'ajoute l'abandon de la spéculation sur les matières premières par les banques d'investissement pour des raisons de supervision étatique américaine. 

- Les entreprises, y compris en France, ont fait le choix de privilégier leurs salariés et leurs actionnaires. Les rachats de titres en bourse  n'ont jamais été aussi hauts, pour doper les cours et faire marcher les stocks options. Les salaires augmentent plus vite que le PIB.  C'est très net en France où la hausse des impôts est telle que plus personne ne souhaite investir. Alors on soigne son pré carré, quand on est assez solide pour résister à la morosité générale.

- Les écarts de prévisions d'un mois sur l'autre montrent bien qu'il est absurde de se battre sur les virgules quand on cite des chiffres.  Une croissance annuelle inférieure à 1% est dans l'épaisseur du trait. Les "vrais" chiffres ne sont connus qu'avec environ deux ans de retard. Le temps de remplacer les estimations par les constats.  La dernière phase de haute conjoncture en France n'avait pas dépassé un taux de croissance de 3.5%. On peut craindre qu'on atteigne pas 2% ce cycle-ci.

- Que la reprise soit artificielle ne peut être nié. La dévaluation massive de l'Euro, de près de 20%, n'aura d'effet durable que si les autres ne dévaluent pas à leur tour. Les Etats-Unis commencent à réagir.  Les inondations monétaires ont des effets pervers, comme de relancer l'économie baudruche.  les taux d'intérêt très bas ne parviennent même pas à stimuler le bâtiment, sinistré en France. Le BTP entre en récession en France.  Quand le bâtiment et le BTP ne vont pas, rien ne va.

- De nombreux pays sont à l'agonie : la Turquie est au bord de la rupture. La Russie est dans les choux. L'Ukraine est morte. Le Maghreb a plus que du mal. Le Brésil ne repart pas.  La reprise au Japon n'est pas au rendez-vous du fait de l'atonie des échanges internationaux. L'économie américaine s'essouffle.Etc.

Le schéma le plus probable est qu'après le sursaut habituel de fin de cycle, les bulles spéculatives  accumulées exploseront à nouveau. Elles sont petites. La crise sera donc relativement faible. Avec probablement un effet important sur les bourses mais peu marqué sur les PIB.

A quelle date ? Entre 2016 et 2018. Il est peu probable que cela craque vraiment en 2015, sauf initiative politique imprévue.  En revanche  Il  va falloir regarder les signes à partir de 2016 !



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Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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