« Couple franco-allemand » : le mythe peut-il encore survivre ?

La création de la Communauté économique européenne avait, au départ, le but d’empêcher l’Allemagne de redevenir dominante en Europe. On n’a pas voulu qu’elle expie durablement ses crimes et on n’a pas repris l’antienne des réparations qui avait gâché l’après-guerre de quatorze. On l’a dégagée de toute obligation militaire. On l’a coupée en trois et occupée. On l’a encoquillée dans une union économique.

L’Allemagne de l’Ouest a compris qu’elle devait s’en sortir par le travail et l’exportation en devenant très compétitive, doctrine partagée par le Japon. Et accepter le nouveau suzerain, les Etats-Unis ! La « construction européenne » était vue en Allemagne comme une volonté américaine qui offrait à l’Allemagne de l’Ouest démocratique une place diplomatique de fondateur et la réintégration dans le concert des nations, sous réserve de respecter le suzerain… tout en évitant de passer sous les fourches caudines de la France, seule puissance libre en Europe.

Dans une Europe des six avec l’Italie, ex fasciste, l’Allemagne, ex-nazie, et le petit Benelux, la France, force occupante en Allemagne, tenait un rôle crucial. Vainqueur au côté des Alliés, avec un siège ad hoc à l’ONU, elle seule pouvait parler haut. La France a cru disposer du pouvoir de direction de l’Europe, l’Allemagne déconsidérée jouant le jeu de l’économie partagée. L’Allemagne serait le cheval et la France le cavalier ! Un couple, mais assez spécial propre à créer les conditions d’une Europe de la coopération renforcée et de la paix entre les anciennes nations ennemies.

Le Général avec le traité de l’Elysée croyait pouvoir réaliser ce tour de force, en coupant la tutelle des Américains sur l’Allemagne. Les dispositions sympathiques mais triviales du traité s’imposèrent mais le préambule voté unilatéralement par le Bundestag, introduisait «expressément et explicitement les mots et les concepts mêmes que de Gaulle avait opiniâtrement écartés » :

  • « Étroite association entre l'Europe et les États-Unis d'Amérique »,
  • « Admission de la Grande-Bretagne » (qui intégrera la CEE lors de son premier élargissement en 1973),
  • « Défense commune dans le cadre de l'Alliance de l'Atlantique nord »,
  • « Abaissement des barrières douanières avec la Grande-Bretagne et les États-Unis d'Amérique, ainsi que d'autres États, dans le cadre du GATT ».

La réconciliation a eu lieu. Des relations de confiance ont été établies à plusieurs étages (jeunesse, villes, gouvernement…). Mais il n’y a jamais eu de couple franco-allemand.

Jusqu’en 1971, les excédents allemands ont été partiellement et provisoirement corrigés par les mécanismes de Bretton Woods, avec des réévaluations parfois sévères des taux de change allemands (deux fois entre 58 et 71). Jusqu’aux évènements de mai 68, le commerce extérieur français était satisfaisant. Le budget était tenu, bien que le Général de Gaulle fût exaspéré par la politique personnelle de Giscard déjà obsédé par l’impôt et la dépense publique, souvent soutenu par Pompidou. « Pas plus de 32% de prélèvements obligatoires ! » disait-il. La démographie était excellente soutenue par le retour des Français d’Algérie.

Pompidou allait être l’homme du réalignement de la France sur les Etats-Unis et sur l’européisme sous suzeraineté. L’apport gaulliste va être mis au panier.

-            Il accepte l’entrée du Royaume-Uni dans la CEE, y affaiblissant la position de la France

-            Il fait préparer une réforme monétaire permettant à l’Europe d’avoir une monnaie en propre,  préparant une perte de souveraineté.

Tout cela allait être aggravé par deux actions venues des Etats-Unis :

La première « révolution  de couleur », en mai 68, est une vengeance des Etats-Unis qui n’ont pas apprécié le discours du Général de Gaulle exigeant le retour à l’étalon or et la fin des privilèges du dollar. Pompidou, premier Ministre, croit devoir finasser avec les étudiants en révolte et cède tout, entraînant l’effondrement de la monnaie…  du budget et de l’Education nationale.

La destruction des accords de Bretton Woods, met fin aux Trente Glorieuses, provoque la crise de 1973 et met la France sous rançon des pays pétroliers. Pompidou malade laisse l’Allemagne imposer les changes flottants qui seront avalisées par Giscard à la Jamaïque.

Giscard pousse la construction européenne et impose l’énarchie compassionnelle et bienveillante en France : et le président et son premier ministre sont hauts fonctionnaires et diplômés de l’ENA. Le septennat sera totalement fiscaliste, sociétaliste et européiste. Les Allemands sont en difficulté : leurs réserves en dollars ont été dévalués et le coût de l’énergie fait vaciller leur mercantilisme. On dit en 1980 qu’ils sont l’homme malade de l’Europe. La France a fait le choix du nucléaire et se lance dans le TGV et les plans de relance industrielle.

La querelle Giscard Chirac fait le lit de Mitterrand qui assomme la France avec le programme commun, renforce l’emprise de l’Enarchie … et prépare le passage à l’Union Européenne et au traité de Maastricht, après quelques simagrées avec le chancelier Kohl qui prépare la réunification de l’Allemagne. La terrible crise de 1992-94, provoquée une fois de plus par les changes flottants, fait venir Jacques Chirac au pouvoir, qui déjeante très vite, et le sinistre Jospin vient finir de détruire le pays et sa compétitivité, en faisant dérailler l’effort nucléaire, en créant des impôts insupportables, en ruinant la compétitivité des entreprises avec notamment les 35 heures,tout en ruinant le budget pour longtemps, la dette commençant à prendre une belle ampleur.

L’élargissement de l’Union Européenne désormais fédérale à 27 états a totalement marginalisé la France, tandis que l’Allemagne a retrouvé sa domination sur toute l’Europe centrale. L’alignement sur les Etats-Unis avec mépris pour « les prétentions françaises » y est généralisé.  

Depuis 2000, le mercantilisme allemand s’est aggravé permettant au pays d’accumuler d’énormes excédents. La volonté allemande de s’opposer à l’énergie nucléaire française a été constante. Le choix débile de l’éolien l’a conduit à se mettre en les mains du gaz russe alors que le marché chinois lui permettait d’exporter ses machines, créant un concurrent mondial extravagant. Nous sommes contraints à soutenir une énergie éolienne néfaste et dont on n’a pas besoin, à cause des Allemands. Les Etats-Unis lassés de payer la sécurité de l’Allemagne et de subir les excédents de l’Allemagne augmentent de 15% les droits de douane des produits…français.  

L’Europe allemande aura été à nouveau un drame pour la France. L’élection de présidents nullissimes comme Hollande ou le catastrophique, demi-fou et dérisoire Macron a tout aggravé.

Où est le couple franco-allemand ?

Nulle part. Le fantôme s’est transformé en illusion méprisée sur laquelle on ironise. On apprend que l’Allemagne va devenir la première puissance militaire de l’Union et qu’elle se fournira en tout aux Etats-Unis. Elle a encore besoin du suzerain américain. Et la désinformation officielle française nous indique que le nouveau chancelier allemand veut rétablir de bonnes relations avec la France…

L’Allemagne n’a pas besoin de la France et en fait désormais à sa tête au PPE et à la Commission. Une autre histoire a commencé. Il faut en prendre acte. Elle est glauque pour la France, surendettée, vulnérable, et devenue à peine plus influente qu’Andorre ou le Luxembourg du fait des caprices grotesques de l’enfant-roi, malade d’anti-France et de lui-même, qu’elle a renouvelé de façon stupide et inconsidérée à sa tête.

Le mythe du couple franco-allemand est mort sans fleurs ni couronnes. RIP !

Alain Minc en souffrance, voire en panique

Alain Minc est un penseur de l’économie particulièrement remarquable qui, depuis plus de 40 ans, joue un rôle réel dans la vie intellectuelle du pays. Pendant ces décennies il a été l’avocat éloquent et précis de la mondialisation heureuse, de l’Union européenne qui, comme l’Euro, nous protège, de l’ouverture des marchés et de la concurrence internationale contre les vilains protectionnistes, de la financiarisation inévitable et bénéfique des relations économiques internationales, de l’excellence des mouvements de personnes sans intrusion des frontières rétrogrades et, en France, d’un centrisme social-démocrate en France, dominée par l’Enarchie compassionnelle et bienveillante, et il a vivement soutenu l’aventure un peu étrange d’Emmanuel Macron. Tous les textes qu’il a signés, livres ou articles, portaient la marque d’un style élégant et d’une pensée claire et raisonnée.

Et voilà que tout s’écroule. La dissolution voulue par son protégé Macron était un acte fou et inadmissible. Mme Van der Leyen va dans un golf pas clair signer humblement un acte de capitulation qui montre que l’Union Européenne ne nous protège pas. Poutine menace l’Europe qui s’avère totalement incapable de se défendre sans les États-Unis. Pire encore, l’Euro qui a permis à l’Allemagne de développer une politique d’excédents colossaux tant au sein de l’Euroland que vis-à-vis des États-Unis, est indirectement la source de l’ire des États-Unis, en déficit commercial permanent avec l’Union Européenne à cause de l’Allemagne. La France paie pour les excédents allemands. Le doux commerce n’a pas empêché la formation de dictatures majeures de grands pays. L’immigration Maghrébine et africaine envahit une Europe en pleine dénatalité, alors que la guerre au Moyen orient déclenche un antisémitisme forcené. L’énarchie est responsable d’un déficit budgétaire permanent depuis des décennies, qui n’est pas jugulé parce que nous pouvons emprunter à tout va, car les excédents offrent de l’argent à placer.

Tout le champ idéologique promu par Alain Minc est en ruine. On comprend sa souffrance qui fait peine. On voit avec tristesse, dans son dernier article dans le Figaro du samedi 2 août, qu’il ne parvient plus à garder sang froid et cohérence, face à cet effondrement brutal.

Les accords vocalisés par Mme Van der Leyen sont exécrables pour la France. Une preuve que l’UE ne nous protège pas ? Pas du tout : il n’y avait pas d’alternative ! C’est donc une mesure exécrable mais, en même temps, heureuse. On retrouve le TINA de Margaret Thatcher. There is no alternative.

Et pourquoi n’y avait-il pas d’alternative avec une direction de l’Union Européenne tellement qualiteuse en charge de façon exclusive de tout le domaine commercial depuis des lustres ? L’Europe institutionnelle serait-elle passée à côté d’aspects essentiels qui l’auraient rendue vulnérable ? Grand silence ! Chut !

Le grand coupable c’est… la France, pas les États-Unis dont Alain Minc vient d’acquérir la nationalité. La France est dirigée par une bande d’hypocrites fieffés qui a envisagé une « provocation contre le système monétaire international » que personne ne nous aurait pardonnée. Rappelons qu’il n’y a plus de système monétaire international, depuis que les États-Unis ont détruit les Accords de Bretton Woods qui stipulaient que les grands déficits et les grands excédents étaient interdits. Là, il y a eu destruction, pas provocation, et profonde hypocrisie. Il en a résulté six crises mondiales dont la dernière, celle de 2008 a failli tout emporter, et la crispation commerciale de Donald Trump. Les propos d’Alain Minc sont totalement incohérents et tournent à la vaticination.

Bien sûr, il a raison d’affirmer que lorsqu’on n’a mené en France une politique économique aussi mauvaise et déséquilibrée, et qu’on a si mal géré le pays, on manque un peu d’influence et beaucoup de capacité de s’imposer. Mais quel rapport avec la volonté mondiale de Donald Trump de rétablir les comptes des États-Unis avec un « big stick » et la décision de l’Union européenne de subir sans réagir, comme un pays vassal ?

La France est tellement nulle qu’elle doit se féliciter d’être dans la zone euro « qui nous protège » ! On sait que même si elle était hyperpuissante et bien gérée pour Minc elle devrait être aussi heureuse de s’intégrer dans une Union Européenne « qui nous protège ».

La guerre en Ukraine nous a rappelé que nous avions renoncé à disposer d’une armée forte. Pour la renforcer il faut de l’acier et des métaux. C’est vrai aussi pour Trump qui sait que les centaines de milliers de drones nécessaires à une guerre moderne exigeront de larges ressources en la matière, sans parler des chars et des autres types d’armes. Alain Minc y voit une résurgence inopportune et débile de la pensée du XIXe siècle, alors que les ouvriers dans ces secteurs « relèvent du débat sur les droits sociaux » ! Demandez aux Ukrainiens, aux Iraniens et aux Israéliens !

Pour conclure, Alain Minc rappelle qu’en période de conflits la vraie force est stratégique et militaire. Sans acier et métaux, cela risque d’être un peu faiblard. Mais là n’est pas l’important.

Pour Minc la solution est évidente : doter l’excellente Mme Van der Leyen, malheureuse victime des « hypocrites du bloc central », d’un véritable État fédéral superarmé, suggérant (sans le dire, ce qui est aussi un poil hypocrite) qu’après cela et Trump et Poutine n’auraient qu’à bien se tenir, sans parler de la Turquie, de l’Algérie etc.

Dans son palais idéologique éventré, Alain Minc montre un désarroi dévastateur !

Errare humanum est sed perseverare diabolicum.

Un conseil amical à ce grand penseur en détresse : « Cum errare humanum sit, discamus a nostris erroribus »

Le blog du cercle des économistes e-toile

Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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