La France, suspendue à un fil
Visiter les provinces apprend beaucoup à l’observateur. On n’y perçoit pas d’inquiétude majeure. Le nombre de retraités y est important surtout près des côtes. Une part importante de la population est employée dans une administration ou une autre. Les artisans ont du mal à recruter mais le travail ne manque pas. On cherche à s’occuper légèrement et agréablement. Le RSA et diverses allocations permettent à une part de la population de ne pas trop s’inquiéter pour l’avenir. Les bons sentiments et les opérations caritatives sont partout. Le sport est à l’honneur dans toutes les classes d’âge. Il n’y a pas beaucoup d’enfants. Les classes ferment. Mais bon !
C’est là le paradoxe de la France d’aujourd’hui : un contraste éloquent entre une vie quotidienne finalement plutôt heureuse, et une vulnérabilité de plus en plus évidente au fur et à mesure que le fil se tend.
La valeur ajoutée des entreprises privées est autour de 1600 milliards comme la dépense publique. Mais une bonne partie de cette valeur ajoutée se crée sur des marchés administratifs dépendant de l’argent public.
Quand on ajoute les enfants, les retraités, les employés publics de toute catégories, les chômeurs, ceux qui vivent uniquement ou majoritairement d’assistance et les salariés dépendant de marchés administratifs, il reste environ 13 millions de personnes.
La population de 20 à 59 ans décline doucement en volume mais constamment, comme celle des enfants, alors que les plus de 60 ans augmentent rapidement.
La confiscation des biens et des revenus par l’impôt a dépassé les limites tolérables et la France sombre dans le socialisme « slumdog millionnaire », celui qui veut qu’on se sépare de ses actifs intimes, rein, cornée, pour faire une improbable soudure. La production est directement affectée par la baisse de la population active. La sortie de crise par la production devient de plus ne plus problématique. Cela signifie que le financement de la dépense publique dépend obligatoirement de plus en plus de la dette.
Alors ! Vive la dette ?
Ce fil devient très ténu et vulnérable.
S’il casse, ce qui devient possible sinon probable, la vie en France s’arrête. Comme elle s’est arrêtée en Grèce en 2011. Quinze ans plus tard, les Grecs malgré un rattrapage sain, n’ont toujours pas retrouvé le PIB par tête de 2010 ! Il leur faudra probablement 25 ans.
La panique commence à diffuser derrière une façade placide. Politiquement elle se traduit par une concentration des extrêmes à plus de 50 %des suffrages, et la pulvérisation des partis dits de gouvernement qui sont totalement incapables de définir un programme cohérent.
LR qui, après l’échec de Hollande et de Macron, devrait normalement prendre la main sur la nouvelle séquence politique, s’avère strictement incapable de définir un programme sérieux. On l’annonce tous les jours, avec une floraison d’adjectifs qualificatifs avantageux : il sera courageux, de rupture, dynamique, sérieux, approprié, non aventuré mais coupant les nœuds gordiens... Les votes à l’Assemblée montrent que la division règne sur absolument tous les sujets. Le rejet de la correction minimale de la justice des mineurs et le vote d’un investissement parfaitement inutile de 300.000 milliards d’euros de plus pour les Enr, ont reçu le soutien d’une large partie de la droite. Ces faits sont emblématiques.
Les « partis de gouvernement » refusent obstinément de définir un programme européen, judiciaire, écologique, démographique. Ces questions sont trop clivantes et risqueraient de créer de nouvelles scissions. Alors, depuis près de 1992 la mouvance dont LR est issue accepte tacitement de se présenter de facto comme malthusienne, soumise au gouvernement des juges et au justicialisme, européiste, écologiste, fiscaliste. Elle consent à distribuer les « droits-à » et des gratuités comme un vulgaire parti socialiste. .
La haute fonction publique qui a phagocyté la politique devient folle ; le dernier livre de Villepin est délirant. Celui d’Edouard Philippe ne vaut guère mieux. On apprend qu’il est « en colère » et qu’il faut arrêter de payer « le prix de nos mensonges ». Mais il a servi ces mensonges tout le temps où il a été premier ministre.
Il est amusant, et consternant à la fois, de voir se mettre en place une incroyable cohue de candidats à la future élection présidentielle en provenance de l’ex UMP. Darmanin, Bertrand, Barnier, Lisnard, Pradié, Retailleau, pour les civils, Villepin, Pécresse (qui veut en appeler de son échec), Wauquiez (qui n’a pas dit son dernier mot), Lharrivé (qui veut arriver), Copé (qui revient sur la Seine), Edouard Philippe bien sûr, Dupont Aignan, Asselineau, pour les hauts fonctionnaires. Evidemment cela manque un peu de femmes. Ne désespérons pas : nous compterons bientôt 15 candidats. L’écurie Aubert a été freinée par l’échec électoral de son leader aux législatives. Mais il ne faut pas de faire oublier.
Les écuries présidentielles ne veulent surtout pas de programme. Surtout pas ! Les éléments de langage et les postures suffisent : on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment, c’est bien connu. Votez pour moi parce que c’est moi ! MOI ! Vous dis-je ! Ne rien dire et sourire ! En flottant sur l’air du temps.
Dans ces temps d’immobilisme et d’exaltation politicienne pour les places, le fil ténu se tend un peu plus. Il pourrait bien casser avant 2027 qui risque de devenir l’année terrible !
Didier Dufau


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Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |