Le RSA : un échec inévitable ?
Le RSA a créé la polémique par son mode de financement mais l’unanimité règne sur la qualité et l’efficacité de la solution. L’unanimité doit rendre méfiant : les mesures unanimes se révèlent souvent catastrophiques à l’usage.
Pour le non initié le RSA a pour vocation de briser la trappe à chômage qui s’est créée du fait de la trop faible différence entre les revenus du travail et ceux de l’assistanat. C’est comme cela que le système est présenté dans les médias.
Traduit en langage clair, cela signifie que le RMI, revenu minimum d’insertion, a non seulement échoué comme mécanisme de retour à l’emploi, mais qu’en plus il a enfermé une certaine population dans l’assistanat. Cette mesure symbolique de la « troisième gauche rocardienne » soutenue après coup par MM. Chirac et Juppé (qui l’avaient fermement condamnée à l’époque) a maintenant fonctionné pendant trois cycles économiques et a donc trois phases d’expansion derrière elle. Si cela avait du marcher cela aurait déjà marché. L’échec est bien définitif.
Le nouveau dispositif est censé donner de meilleurs résultats en créant un véritable attrait financier pour le RMIste qui pourra cumuler pendant quelques temps son salaire de nouvel employé et une assez belle fraction de son RMI.
Il faut trois conditions pour espérer le succès :
- Des emplois si possible à temps plein
- Un système au minimum plus avantageux que le précédent
- Une sensibilité des intéressés aux bénéfices du nouveau dispositif.
Pour les emplois, on sait qu’on entre actuellement en récession : le marché de l’emploi va se dégrader pendant deux à trois ans, frappant les nouveaux entrants et les personnes sans emplois plus encore que ceux qui seront licenciés et qui pourront malgré tout faire valoir une expérience. La probabilité va donc vers une augmentation nette des demandeurs de RMI.
La volonté des intéressés de sortir de la trappe à pauvreté est préjugée mais prouvée par aucune enquête précise et publiée. Les rares informations partielles que l’on peut trouver sur le RMI montrent que le nombre des bénéficiaires est assez stable, autour de 1.300.000 personnes, un tiers des allocataires sortant régulièrement du mécanisme et les deux autres tiers restant prisonniers de la fameuse trappe. Certains sont tout à fait inaptes à l’emploi et touchent leur RMI sans faire aucun acte de recherche, environ la moitié du groupe. L’autre moitié ferait plutôt un calcul rationnel : il est plus rentable de rester au RMI et au chômage plutôt que de prendre un emploi.
Il faut dire que les bénéfices indirects du statut de RMIste sont sérieux :
- La sécurité sociale gratuite via la CMU
- A Paris la gratuité de la carte Orange
- La gratuité des musées et d’un certain nombre de loisirs dans bien des grandes villes
- L’exonération de la taxe d’habitation
L’accès au fonds de solidarité pour le paiement de son loyer
- Des aides aux logements améliorées
- L’exonération de la redevance
- La réduction de sa facture d’électricité et de gaz
- La réduction de sa facture de téléphone
- L’accès facilité et prioritaire au logement social
- Le dégrèvement de la CSG et du RDS
- Des gratuités transports de la part de la SNCF
- L’accès aux Restos du Cœur
- L’accès à l’habillement
- L’aide voire la gratuité pour le passage du permis de conduire
- La gratuité ou le très faible tarif des cantines pour ses enfants
- La gratuité ou le très faible tarif pour les crèches
- Différents dispositifs de garde d’enfants pendant qu’il suit des formations
- L’accès facilité et gratuit à certaines initiatives municipales : vacances bord de mer ou montagne, journées vertes
- La prime de Noël de 152 Euros
- L’accès au micro crédit
- L’accès facilité aux commissions de désendettement
- La remise partielle et gracieuse de ses dettes fiscales
- …
Beaucoup de ces aides passent par le Conseil Général et elles sont différentes d’un département à l’autre voire d’une ville à l’autre. Il est très difficile d’être exhaustifs.
Toute personne qui prend un emploi à plein temps au SMIC perd instantanément tous ces avantages. Comme il a été très long et difficile de les obtenir, il est rationnel de ne les lâcher qu’en toute connaissance de cause. Le RSA ne change exactement rien à cette situation. Personne n’a cherché à chiffrer ces avantages et à les mettre en rapport avec le bonus qui sera versé par le RSA. Même si l’avantage financier était net et palpable, la décision de sortir du système serait très difficile, et cela d’autant plus que la population en question est souvent assez frustre. Un tient vaut mieux que deux tu l’auras. Et en plus on ne travaille pas et on s’est fait à la vie comme ça.
Il n’y a rien de changé sur ce point dans le RSA. Il n’y a donc aucune raison d’en espérer une efficacité plus grande que le système actuel.
Reste alors l’augmentation du bonus à l’emploi, c'est-à-dire du revenu accordé en cas de reprise d’emploi. Surprise, le RSA est moins favorable que la situation actuelle pour la première année d’emploi ! Le Ministre le reconnaît d’ailleurs sans fard dans la livraison du JDD du 31 Août 2008 !
Pour finir le système est le même pour la perte d’avantages annexes, le bonus d’emploi est moindre que précédemment pour un emploi court, et la conjoncture est plus mauvaise.
On ne voit pas comment le RSA peut avoir la moindre chance d’améliorer quoi que ce soit au moins pendant les deux années qui viennent.
Au contraire les nouvelles règles risquent de développer des stratégies perverses de la part de personnes qui dans le système précédent aurait recherché directement un boulot et qui préféreront passer par le stade RMI pour bénéficier pendant deux ans des avantages du RSA.
Au total, le RSA ne semble apporter aucune solution réelle au problème de retour à l’emploi tel qu’il est posé.
Il est obscur, complexe, ambigu et très coûteux. Il est même bizarre car on ne comprend pas pourquoi il faudrait des ressources supplémentaires par rapport au RMI sauf si par un effet d’aubaine des personnes qui auraient normalement évité d’utiliser la formule se décidaient à en bénéficier en masse. Ce ne serait plus qu’un transfert de revenu et non pas un système novateur d’incitation à l’emploi.
On dira : il y a eu des expérimentations ! L’ennui c’est qu’on ne sait absolument rien de ces expérimentations. Elles sont déclarées positives sans aucun élément pour fonder cette assertion. Au contraire les informations que l’on peut recueillir de ci de là et même au Ministère, sont peu engageantes :
- Malgré une situation conjoncturelle extrêmement bonne (le chômage global a baissé pendant près de trois ans et pendant toute l’expérimentation)
- Malgré des subventions annexes fournies par les départements souvent importantes
- Malgré une forte mobilisation des subventions d’accompagnement auprès des associations pour le coaching des bénéficiaires du RSA
-à il n’y a pas eu de résultats marquants. Le fameux noyau dur de ceux qui ne cherchent pas d’emploi est resté quasiment intact et le segment qui trouve rationnel de rester au RMI n’a bougé qu’à la marge.
Pendant trente ans on a maintenu le RMI « qui ne fonctionne pas » et la loi de 98, préparée par la droite et mise en œuvre par le gauche, n’a en rien modifié l’état de la pauvreté en France après dix ans de pratique.
Rien ne laisse penser que le RSA va changer la donne. Il serait quand même utile que lors du débat parlementaire quelques députés travailleurs posent les bonnes questions et fassent réellement le jour sur les chances de succès de ce nouveau système.
Sinon le risque est qu’on s’aperçoive progressivement que la loi n’avait pas vraiment le but qu’on lui assignait mais visait simplement à donner plus de ressources aux associations caritatives au contact du quart monde. Le RSA n’aurait été alors qu’un abus de confiance et un détournement de fonds perpétrés par l’ancien patron d’Emmaüs avec la complicité de politiques surtout soucieux de dire qu’ils ont fait quelque chose dans le domaine social même si ce n’est qu’un rideau de fumée.
Le bilan de l’opération se réduira au prélèvement de 1.1% sur les revenus du Capital des classes moyennes et un gaspillage ruineux de ressources de plus !
Didier Dufau
RSA : RMI Sans Amélioration ; Ravaudage Social Aléatoire ou Sans Attrait. Rémunération Supplémentaire Artificieuse.


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