SNCF : une déliquescence tragique.

Départ de Bellegarde vers Genève, dans un train dans un état lamentable : sièges en tissu totalement souillés, parfois déchirés ; plafond noirci par endroits comme si un incendie avait laissé des traces ; impression générale glauque au possible. Il s'agit d'une rame venant de Lyon, c'est-à-dire ce qu'on trouve de mieux sur cette ligne. La rame de base est encore plus vieille et plus ignoble. Le train est plein. En première pratiquement toutes les places sont occupées … par des douaniers ! Les non fonctionnaires disposant de places de première sont priés de voir ailleurs. Les douaniers n'ont  aucun billet et refuse de laisser la place.

Peu après la sortie du premier tunnel un énorme boom avec un éclair impressionnant fait sursauter la rame. Deux secondes après rebelote.  Au troisième arc lumineux le train s'arrête. Il n'y a qu'un employé de la SNCF à bord. Il s'empare bravement du micro : "Nous avons un problème et allons appliquer la procédure prévue dans ce cas".  Notre ermite sort de sa cabine un manuel à la main et feuillette pour savoir ce que dit la procédure…

Il est évident que la liaison entre le pantographe et le caténaire, où l'arc électrique se produit , est fautive. Il faut les séparer. Le livre indique qu'il faut le faire en utilisant une échelle et une manivelle. Il n'y a pas d'échelle ni de manivelle ! Une fois le pantographe censément baissé avec les moyens du bord un essai de redémarrage provoque deux nouveaux arcs ! Trois heures et de demi après, le train est remorqué à Bellegarde.

Un train suisse arrive peu après : il est impeccable. Il arrive à l'heure à Genève. Les douaniers n'ont pas pu s'installer en première… Au total 4 heures de retard pour un trajet d'une demi heure.

Pendant le voyage les discussions courent.

Une voyageuse vient de Montpellier. Elle a déjà du changer de train deux fois. Elle aura mis 11 heures pour atteindre Genève. Sa correspondance pour Zurich est perdue.

Une autre, partie d'Aix, a été descendu à Grenoble. Pas question d'aller plus loin. Il a fallu trouver un train pour Lyon et prendre un troisième train pour Genève. Sept heures de retard.

Pour avoir pris récemment un train Lyon-Vienne, avec 75 minutes de retard et un train absolument dégoûtant, je sais que le réseau non TGV est en difficulté. Mais après 3 heures de cancans dans une voiture où il était interdit d'ouvrir les fenêtres et où les portes des toilettes étaient désormais bloquées, l'accumulation de témoignages de trajets plus horribles les uns que les autres a rendu clair que la SNCF est dans un état complet de déshérence et ne contrôle plus rien sur son réseau secondaire.

Le rapport sur une catastrophe mortelle récente, liée à un aiguillage mal entretenu, publié il y a quelques jours, est accablant pour la SNCF. Il souligne l'effondrement technique de la desserte de la Région parisienne.

Restaient les TGV. Un rapport de la Cour des comptes souligne le caractère intenable de la gestion actuelle. Des augmentations déraisonnables de salaires (la crise connait pas !), une politique tarifaire élitiste fondée sur les techniques d'optimisation de l'aviation, des investissements politiques sans aucun sens économique dans des lignes impossibles non seulement à rentabiliser mais même à simplement justifier, ont rendu le réseau problématique.

Sur les lignes conjointes (Thalys, Lyria, …) on voit des conducteurs étrangers de plus soixante ans, alors que les Français grévicoles, sont à la retraite à 52 ans et parfois moins.

Techniquement, le TGV français est moins performant à tout point de vue que le Shinkansen japonais. Pour l'avoir pris récemment, je peux témoigner de son confort supérieur (place pour les jambes ; logements pour les valises, pas de roulis) et la qualité de l'exploitation (personnel impeccable ; horaires respectés, absence de pannes). Il s'avère donc impossible d'expoter notre savoir faire car non compétitif.

L'industrie des fournitures ferroviaires est à l'arrêt. Près de 10.000 postes sont en danger.

Le tableau est effroyable, entre la maltraitance des voyageurs, allant jusqu'à la mort, les pertes abyssales, et la perte de l'écosystème associé. Le ridicule achevé des décisions qui ont fait retenir des wagons futurs non compatibles avec l'écartement des quais dans de nombreuses gares est la cerise sur le gâteau.

Comment expliquer un tel naufrage ?

Depuis la guerre, la SNCF est gérée par un statut mis en place par les communistes à la Libération, en vue d'en faire une forteresse rouge, à toutes fins révolutionnaires. Raoul Dautry en a fait aussi une forteresse technique et économique inexpugnable, un état dans l'état, où une coupole d'ingénieurs s'est fait plaisir en interdisant toute risque de concurrence pour le transport des voyageurs (en interdisant les services d'autocars interurbains) et même le transport des marchandises (en interdisant la construction de camions). Le cumul de ces deux attitudes monopolistiques et syndicalo-politiques, a eu un coût très élevé pour la collectivité.

Elles ont interdit de bien gérer le sureffectif phénoménal de la compagnie.  On peut calculer qu'un réseau efficace en France ne demande pas plus de 100.000 personnes. On en était à 750.000 environ en 1947.  Au lieu de redéployer ces effectifs excédentaires, on les a conservé bêtement au prix d'un climat délétère, d'une inactivité ruineuse, du maintien de durées de travail ridicules et de la non réorganisation pendant des décennies de services qui ne servaient à rien, de départs à la retraite massifs aux frais du contribuable, d'investissements colossaux et sans rentabilité.

Nicolas Sarkozy obsédé par la "paix sociale" a privilégié des accords avec la CGT. François Hollande est obsédé par le risque de coagulation des mécontentements et lâche tout. Il essaie même de faire venir une ligne non rentable dans son fief corrézien.

Le résultat est celui que l'on constate. Le transport de marchandises et la messagerie par chemin de fer est une activité morte. Les compagnies de transports maritimes anciennement liées à la SNCF sont mortes (il ne reste qu'à les enterrer). Et les trois activités voyageurs (banlieue, TER et TGV) sont en pleine déliquescence.

Il faut en tirer une leçon : ne jamais créer des statuts qui empêchent les licenciements. La flexibilité industrielle impose des redéploiements d'effectifs. Les bloquer ruine tout le monde.

Comme les Suisses l'ont fait, il faut supprimer les statuts qui prévoit ce genre de blocage, sauf pour les postes régaliens (fonctionnaires de catégorie A, militaires) et les secteurs où les postes difficiles à pourvoir et qui doivent être répartis de façon plus ou moins autoritaire (Instituteurs).

Garantir l'emploi à vie dans une entreprise industrielle ou commerciale est la certitude de faire le malheur de l'institution et de ses salariés. Pour avoir travaillé des années au service de la SNCF, je sais mieux que quiconque la qualité de la majeure partie de l'effectif. Les erreurs d'organisation tue le bienfait d'hommes formés et compétents qui doivent devenir des saints pour être utiles et donner leur mesure.

Dans un système débile, les meilleurs hommes se perdent.  

Il faut d'urgence restructurer de fond en comble la SNCF : statut, finance, organisation, technique, compétition, tout doit y passer.

Didier Dufau pour le Cercle des Economistes e-toile

Une autre erreur économique commune

Parmi les erreurs que l'on retrouve de façon assez généreuse dans la presse et parfois dans les rapports des grandes institutions économiques mondialisées, figure l'idée que les pays émergents tireraient la conjoncture et serait la solution aux difficultés des économies "vieillissantes". Nous avions déjà dénoncé ce travers , dès 2009, dans le dossier :

http://cee.e-toile.fr/index.cfm/2009/3/8/Non-la-Chine-ne-nous-sauvera-pas-

Nous donnons ci-dessous le graphique de l'évolution du PIB chinois tel qu'il nous est désormais connu. On voit qu'il n'y a pas eu de miracle. La Chine a suivi l'évolution générale. Ses énormes réserves ont permis des poussées spéculatives ou défensives d'achats divers (terres rares, pétrole, ports étrangers, achats africains, etc.) qui ont laissé croire à une reprise du commerce international. En réalité le commerce international, largement basé sur la santé des circuits financiers car on échange des biens contre du papier étranger, s'est totalement effondré en 2009 et n'a jamais véritablement repris.

L'effondrement pendant l'année 2014 (qui devait être l'année de la franche reprise) des prix du pétrole, de l'or, des matières premières, et d'une façon générale des biens qui servent de base aux échanges internationaux,  en est aujourd'hui la preuve éclatante.C'est cette baisse qui fait craindre au FMI un début de déflation généralisée. Mais le FMI n'en analyse pas la source. Pour cette institution c'est la stagnation européenne qui explique tout. En fait, l'explosion du système monétaire international, avec repli sur leur pré-carré de toutes les banques, sauvées par leur Etat, n'a conduit, sur le front international,  qu'à des mouvements erratiques soutenus essentiellement par la spéculation ou les pratiques défensives.

Les énormes liquidités créées par les banques centrales ont certes conduit les investisseurs à chercher des opportunités dans les pays émergents. La hausse de tel ou tel marché dans ces régions a été créée par ces mouvements spéculatifs qui ne reposaient sur rien. Jusqu'au moment où le néant sous-jacent est apparu clair à tout le monde et ce fut le repli en ordre dispersé. Le rôle des responsables de la gestion de fortune est de chercher à être au début du mouvement spéculatif et de s'en échapper à temps. Certains y arrivent. Mais, obligatoirement, la majorité d'entre eux se noit.Et avec eux les économies touchées : voir le cas du Brésil.

La vérité est toute simple : les économies importantes sont grevées par un stock de dettes irrécouvrables monstrueux qui pèse sur leur croissance. Les pays émergents peuvent être occasionnellement boostés par les flux de monnaie créés pour contrer le dégonflement global de l'économie baudruche mais ils ne sauraient tirer la conjoncture.

Le faible ne sauve jamais le fort.

 

 

 

 



La fausse "exemplarité" du marché des devises

Parmi les lubies de l'époque, et cela dure depuis la libération complète des mouvements de capitaux en 1990, figure l'exemplarité du marché des changes, présenté un peu partout et en particulier dans les cours d'économie financière, comme le parangon d'un marché quasiment parfait, permettant une confrontation à la seconde de millions de décisions  d'achat et de vente, et l'allocation optimale des ressources, en liaison avec le marché des taux d'intérêt.

Depuis cette époque nous ne cessons de répéter que cette doctrine est totalement aveugle aux réalités.

Le marché monétaire est l'exemple même d'un marché doublement imparfait :

- Il est dominé par quelques banques centrales qui peuvent intervenir avec des moyens tels que les changes n'ont que le sens qu'on veut bien leur donner (ou qu'elles veulent bien qu'on leur donne). On l'a vu avec la banque centrale suisse, qui a émis presque la valeur d'un PIB national pour arrêter la hausse des cours du Franc Suisse. On l'a vu avec l'émission de monnaie de la Banque centrale du Japon qui a noyé de liquidité les marchés pour faire baisser le Yen. Ne parlons pas de la FED et maintenant de la Banque Centrale Européenne qui ont émis près de 10.000.000.000 de dollars de monnaie gagée sur rien du tout en 7 ans.

- Les opérateurs au quotidien sur le marché des changes sont très peu nombreux et peuvent se coaliser facilement pour monter des coups permettant des gains faramineux en quelques heures ou quelques jours. Les gains sont minimes en taux mais les capitaux mobilisés sont tels et la durée des opérations si courte,  que les rendements sont extravagants.

Que constate-t-on aujourd'hui ?

- La condamnation des principales banques ayant manipulé le cours de certaines monnaies clés permettant de fixer des "trackers" sur lesquels on a pris des positions spéculatives à très court terme. On se rappelle que le Libor avait déjà été manipulé de la même façon. Cours de change et taux d'intérêt ont donc été constamment manipulés pendant vingt cinq ans. Merci pour l'allocation optimale des ressources !

- La danse de Saint-Guy actuelle des monnaies dont les cours sont manipulés par les banques centrales ou les Etats, ou de celles qui ont été affectées par des éclatement de bulles spéculatives. Le cours du pétrole, entièrement dominé par la spéculation, a fini par s'effondrer,provoquant aussitôt la chute de monnaie surévaluée comme par exemple le Rouble russe, lui-même victime de faits politiques. Le Real brésilien se porte mal du fait de l'arrêt des achats chinois qui avait permis une spéculation éhontée sur les "classes d'actifs" brésiliens dont la monnaie. L'Euro a fortement baissé par rapport au dollar du fait de l'action de M. Draghi.

Encore une fois, où voit-on un marché libre, liquide et parfait ?

De toute façon dans une économie boursouflée par la création monétaire massive, que nous avons appelé "baudruche", les marchés de capitaux n'ont aucun sens "réel". L'argent ne se place pas dans des projets de production mais dans des espoirs de gains en capital sur des valeurs nominales dépendant directement des émissions monétaires.

Tant qu'on n'a pas mis fin au mécanisme qui permet un gonflement des crédits  hors de tout contact avec les investissements de production, et qu'on laisse les banques centrales se faire la guéguerre monétaire, enveloppée dans l'encens des réunions périodiques sacralisées et pseudo consensuelles, les sanctions juridiques n'ont aucun sens.

La seule solution est d'en revenir à l'essentiel : les Etats doivent être rendus responsables de l'équilibre de leurs balances extérieures et du change de leur monnaie, avec des mécanismes de contrôle et d'aide pour limiter les effets des ajustements éventuels.  L'énergie est trop importante pour qu'on en laisse le prix flotter au gré de la spéculation. Il faut revenir à un système de monnaie internationale de référence, gagée sur des valeurs réelles, dont le pétrole mais aussi l'or, avec des monnaies au change fixe et ajustable par rapport à cette monnaie internationale.

Cette organisation, conforme aux statuts du FMI et aux accords de la Havane, mais corrigée par rapport au système de Bretton-Woods (suppression de la référence obligée au dollar, parité des droits et des devoirs au sein du FMI, intégration des grandes valeurs économiques de référence comme l'énergie, interdiction du "short" sur les monnaies, interdiction de la cotation continue), est la seule capable de mettre fin à l'économie baudruche et de canaliser le dégonflement de la masse d'endettement global qui frôle toujours aujourd'hui dans l'OCDE les 400%.

Cette réforme est SINE QUA NON.

Vouloir faire croire que la crise est circonstancielle et liée à l'action condamnable de quelques malfaisants est, au mieux, une naïveté.   

La crise a éclatée en juillet 2007. Sept ans après, l'empilage de dettes n'a pas été réduit. Le marché des monnaies est en pleine folie. "L'allocation optimale des ressources" est, comme la fameuse main censée la guidée "clairement invisible". En revanche la stagnation perdure ; les désordres perdurent ; le chômage s'étend ; les politiques économiques restent de pure panique.

Et pas un mot de la part des responsables pour faire le constat de ce sinistre tableau ni prendre la moindre mesure corrective. Où est M. DSK, l'ancien président adulé du FMI ? En train de tenter de se sortir d'un engagement fumeux dans la spéculation internationale. Où est Madame Lagarde ? En train de tenter de se libérer de son inculpation dans l'affaire Tapie. Où est le Président de la République Française ? En train de tenter de se sortir des mille et pièges qu'il dresse et dans lequel il tombe avec un certain plaisir. Où est M. Juncker, le Président de la Commission Européenne ?  En train de tenter de se sortir de l'affaire des avantages fiscaux donnés aux multinationales par le Luxembourg qu'il dirigeait, au détriment des autres pays d'Europe. Où est Poutine ? En train de reconquérir par la force une partie de l'Ukraine. Où est M. Abe ? En train de tenter d'interpréter la Constitution Mac Arthur pour construire la bombe atomique. Où en sont les Chinois ? En pleine exaltation du national-socialisme Han. Où est M. Obama ?  Qui est M. Obama ?

L'esprit de coopération économique et monétaire international a totalement disparu, noyé dans le "libre" marché des capitaux et la perte de toute réflexion économique collective sérieuse.

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile

François Hollande : de la désinvolture à la transgression.

Après l'épisode tragi-comique de la crise gouvernementale de fin août 2014, marquée par l'éviction de quelques ministres sans importance, l'épisode tragi-comique de la crise conjugale présidentielle, marquée par la vengeance livresque de la répudiée, l'épisode tragi-comique de l'enfumage de la Commission Européenne par un Président français bien décidé à s'essuyer les pieds sur l'obligation de maintenir le cap de la réduction des déficits publics, marquée par le retour de bâton de la Commission trompée mettant en lambeaux les fausses prévisions économiques du gouvernement français, après l'épisode tragi-comique de la crise idéologique marquée par le livre d'Eric Zemmour, qui montre une intelligentsia de droite et de gauche totalement aux abois devant l'énoncé de quelques évidences, après l'épisode tragique et comique à la fois de la "répression" des casseurs écologistes, s'opposant au barrage d'un ruisseau, marqué par la mort d'un manifestant tué par une grenade offensive, après l'exhibition tragi-comique d'un Ministre de l'Intérieur qui déballe en public "son cœur ému" d'avoir à assumer un "Malek Oussekine" de gauche et qui se rachète en annonçant très médiatiquement qu'il va monter une buvette pour les migrants qui prennent d'assaut Calais, … en 2015, voici venir l'épisode tragi-comique de la tentative d'assomption médiatique d'un Président à mi-mandat, qui a absolument tout raté, en divisant, meurtrissant, appauvrissant et affaiblissant par tous moyens la France et les Français, et qui prétend au milieu de la haine générale et notamment de ceux qui l'ont servi un temps, réfléchir "à un nouvel élan" pour la seconde mi-temps afin d'être à nouveau élu en 2017.

Compte tenu de l'impact économique de l'échec de la politique suivie depuis deux ans et demi, 500.000 chômeurs de catégorie A en plus, un et demi  à deux millions de personnes de plus ramenées à une vie soumise à la seule subvention publique, des dizaines de milliers d'entreprises en faillite, un sous investissement tragique, l'effondrement immobilier, le gonflement de la dette à près de 100% du PIB et 200% de la valeur ajoutée des entreprises non financières de plus de une personne, des déficits non maîtrisés qui s'accroissent au lieu de se réduire malgré la dégelée fiscale imposée aux Français, Il est intéressant de s'interroger sur le mode de fonctionnement du cerveau présidentiel et ses conséquences pour les trois années à venir.

Nous avions noté depuis les dernières élections présidentielles que ce Monsieur Hollande était désinvolte et n'avait pas de respect pour grand-chose. En fait on ne peut plus parler de simple désinvolture mais bien de transgression.

"La transgression est l'action de transgresser, de ne pas respecter une obligation, une loi, un ordre, des règles. Par extension, une transgression désigne le fait de :

- ne pas se conformer à une attitude courante, naturelle,

- progresser aux dépens d'autre chose, d'empiéter sur quelque chose, d'envahir,

- dépasser une limite  ou ses limites,

d'aller contre ce qui semble naturel."

Telle est la définition donnée par Wikipedia.

Transgresser n'est pas simplement bousculer les convenances. Transgresser prend toujours la forme du viol d'une règle généralement admise, car jugée par le plus grand nombre comme nécessaire à l'objet de la vie d'un groupe. Comme tout viol, la transgression signale le narcissisme du transgresseur, son sentiment de supériorité vis-à-vis du vulgaire, l'affirmation que son désir est au dessus de toute règle. 

On manquerait de place pour énumérer toutes les transgressions dont témoignent le parcours et l'action de François Hollande.

Engrosser à plusieurs reprises une femme sans l'épouser reste transgressif aux yeux de nombreuses Françaises et Français, même si les mœurs ont changé depuis 1968.

Cette première transgression en a amené d'autres.

                Premier président arrivant à l'Elysée avec une maîtresse en titre

                Premier président à évacuer sur une civière ladite maîtresse, bourrée de tranquillisants, peu après avoir été surpris avec une starlette vieillissante

                Premier président à vouloir installer plusieurs anciennes maîtresses à des postes de pouvoir (perchoir de l'assemblée, objectif raté, puis ministre pour l'une d'entre elle, maire de Paris pour l'autre), Mitterrand n'ayant promu sous les quolibets qu'une seule d'entre les siennes (mais c'était au poste de premier ministre et cela ne dura pas).

                Liquidation du principe d'égalité dite "horizontale" pour les allocations familiales,

                Multiples attaques fiscales contre la famille

                Mariage homosexuel.

Ces transgressions à répétition ont fini par mettre dans la rue des centaines de milliers de Français, qui considèrent qu'on ne peut pas être à ce point désinvolte et transgressif lorsqu'on est chargé d'incarner un pays où la famille reste la cellule de base.

Si on s'en tient à la sphère purement républicaine, le principe assumé lors de la campagne présidentielle selon lequel 10% de la population paierait 90% de l'effort de redressement des finances publiques est clairement une transgression.

La règle républicaine veut que les citoyens concourent à proportion de leur revenu à l'effort national lorsqu'il est requis. Pompidou est le dernier Président à avoir répéter inlassablement ce principe. "Tous ensemble, nous sortirons rapidement de la difficulté".

L'idée que les 10% les plus riches devraient contribuer seuls et massivement au "redressement productif", symbolisée par la tranche à 75%,   une fois mise en œuvre,  a eu les effets délétères que l'on constate.

- Le mépris pour une aussi vile démagogie

- La mise au pilori d'un groupe  nécessaire à la croissance, provoquant l'arrêt de l'investissement et du marché immobilier, tout en provoquant une vague d'émigration en un temps où on aurait besoin de tout le monde.

- Le développement dans le public frappé dans son emploi et son revenu de l'idée que les riches suffiraient à payer la crise et ses conséquences, ce qui s'est naturellement révélé un mensonge éhonté dans les faits, mais qui continue de faire rêver d'une mythique "réforme fiscale" qui ferait enfin payer les riches, alors que le taux de prélèvement, tous impôts et taxes confondus dépassent 100% pour des dizaines de milliers de Français.  

Il est vrai qu'aussi bien Jospin que Sarkozy avaient commencé à franchir cette ligne jaune.

Jospin après avoir monter les prélèvements sur les hauts revenus et les fortunes à des niveaux intolérables, avait compris qu'il avait été trop loin (l'affaire de la cagnotte). Fabius l'avait aidé à comprendre le phénomène. Il a donc réduit les impôts mais de façon dissymétrique par rapport à la hausse. Au lieu de le faire dans les mêmes proportions qu'il les avait augmentés pour chaque groupe de revenu, il a choisi de transférer à ceux qui ne paient pas d'impôts une fraction de la hausse infligée par l'impôt progressif à ceux qui le paient. Ce fut le PPE, solution absurde, compliquée, injuste qui consiste à dire : je prends directement aux tranches hautes pour donner, sans conditions ni objet défini,  aux tranches basses. Il n'y a pas de limites à ce genre de distribution qui s'apparente à l'achat de vote plus qu'à une politique sociale.

Lors de l'affaire du RSA, Sarkozy avait pris directement (beaucoup) par l'impôt sur les intérêts de quoi doper (peu) les allocations des rmistes. Et c'était également de l'achat de vote.

On peut vouloir aider les plus démunis, et on le fait depuis des décennies, tout en conservant le principe du juste effort contributif en fonction du revenu.

La transgression du principe républicain est aggravée quand on brûle la chandelle par les deux bouts : impôt confiscatoire concentré sur un petit nombre, et prix différentiel pour les riches de l'accès aux services publics. 

Rappelons qu'une politique d'injures ad hominem concoctée, selon FO Giesbert, directement dans le bureau de F. Hollande  et appliquée à certains patrons et à l'acteur Depardieu,  est une véritable transgression. Jamais jusque là un président ne s'était abaisser à détourner les moyens de l'Etat pour injurier un particulier.

Faire écouter continument son principal rival politique est également une transgression.

Il ne faut pas croire que l'esprit transgressif de M. Hollande se concentre seulement sur la bourgeoisie possédante et les institutions traditionnelles comme le mariage.

En affirmant qu'il était social-démocrate, adepte de la politique de l'offre, il a clairement transgressé un interdit de la gauche marxiste. La nomination d'un premier ministre démonstrativement non socialiste et d'un Ministre de l'économie venant de chez Rothschild, a confirmé avec un certain sadisme sa volonté de transgression des règles de son camp.

Il en va de même en Europe. En ne respectant aucun de ses engagements, il vide de son contenu le traité de Maastricht, le traité "merkozy" et toute la mécanique de sortie de crise de la zone Euro, fondée sur la mise hors-risque de l'Euro avant de progresser vers de meilleures règles de gestion de la zone.  

Arrêtons la liste ici. Les lecteurs compléteront d'eux-mêmes.

Réfléchissons plutôt au rôle de la transgression. On peut faire évoluer des règles stables et généralement admises si elles provoquent un blocage nuisible à l'avenir de la société. Le bien commun  peut exiger la remise en cause d'habitudes de pensée invétérée, ou de comportements finalement nuisibles.

Cela impliquerait que l'équipe dirigeante, et particulièrement son chef, défendent de façon publique un bien commun clairement affirmé dont le changement de règle serait la condition. De Gaulle a transgressé le devoir d'obéissance militaire en partant pour Londres "relever le glaive de la France". Il se faisait "une certaine idée de la France" qui a fini par être largement partagée. Le légitime l'a emporté sur le légal.

L'ennui des transgressions "hollandaises" est qu'elles n'ont aucun rapport avec le bien supérieur de la nation. Elles ne se comprennent que comme adjuvants d'une carrière personnelle qui ne doit être entravée par rien. "Jouir sans entraves", comme son modèle, F. Mitterrand, narcisse devant l'éternel.

M. Hollande veut être réélu, tout en faisant ce qu'il lui plait. Tout son programme se résume à ce seul objectif. Le livre de Trierweiler le prouve à toutes les pages. L'éclat public qui a vu, nouvelle transgression, un Hollande, remettant de décoration à son premier ministre,  se payer la tête du récipiendaire, et se moquer de sa volonté supposée d'être Calife à la place du Calife, est suffisamment significatif (parmi 1000 exemples du même type).

Son programme est exclusivement accès sur sa réélection en 2017, même si le mépris que les Français lui témoignent aujourd'hui, rend désormais cette tâche compliquée.

Dès le départ il avait annoncé la couleur : Je solde la crise les deux premières années en ruinant "les riches", puis je me lance dans l'achat de vote.  Je cède tout aux minorités pour qu'elles me fichent la paix  et votent pour moi en 2017 : les fameuses "avancées sociétale du quinquennat", chargée de masquer l'incurie des deux premières années. J'évite tout conflit avec les forces qui peuvent coaguler des mécontentements. Donc je ne réforme rien et ne fait aucun tort sensible aux fonctionnaires et aux syndicalistes.  Je baisse ma culotte devant toute corporation un peu réactive : des bonnets rouges aux casseurs écologistes, en passant par les camionneurs, les taxis,  la Sncf etc.  En revanche je montre mon "courage" en frappant des minorités qui ne peuvent pas mobiliser. L'absence de réformes indispensables mais qui exigent un minimum de courage,  provoque naturellement le glissement dans la dette et le déficit  de toute la gestion publique. Mais, en 2017, il sera facile de dire : "je vous ai protégé, voyez ce que les autres veulent vous faire". Les trois cautions du dernier gouvernement :  Eckert, pour l'essorage des riches, Taubira et Belkacem, pour les minorités et les idéologies "anti-bourgeoises", prouvent cette volonté présidentielle de tenir les symboles pour ne pas compromettre sa posture électorale à venir. 

Reste la grande affaire : la crise économique et sociale dont le symbole est la baisse du revenu moyen par tête et la montée du chômage à des niveaux destructeurs de la cohésion sociale.

La tactique est, ici aussi, prête depuis longtemps.  "C'est la faute à Jules". Le Jules en question est protéiforme.

L'Europe : "C'est la faute à Merkel, malgré tous mes efforts qui ont tout de même empêché que cela soit pire"

Les Patrons : "On leur a fait un incroyable cadeau et ils n'ont pas joué le jeu".

L'opposition : "Ils nous ont laissé une situation dont on avait pas compris qu'elle était aussi grave".

Les éléments de langage sont prêts et déjà rodés.

"Il faut faire de la politique" hurlent, chacun à leur tour, les responsables du PS et les proches du Président. Il faut traduire : l'objectif politique personnel de M. Hollande (et les places qui vont avec pour les affidés)  est la seule chose qui compte et tout doit être subordonné à cet objectif.

Imposer la proportionnelle intégrale aux élections législatives serait une nouvelle transgression de l'esprit des institutions. Elle ferait du Front National la première force politique du pays et rendrait la France ingouvernable. Mais selon les tenants de cette solution, elle permettrait de présenter Hollande comme le plus petit commun dénominateur capable de fédérer le magma. Ah, se retrouver seul face à Marine Le Pen ! Puis composer un gouvernement de quatrième république avec des factions !

La conséquence de la psychologie du Président Hollande, désinvolte et transgressif, est que la France sortira de ces cinq années de manipulations transgressives et d'objectifs égotistes dans un état lamentable. Aucunes des grandes questions dont la France aurait du s'emparer, comme la remise en cause de l'organisation économique de la zone Euro  ou la refonte du système monétaire international, n'auront été posées. Pour porter ces thèses, il aurait fallu restaurer la situation économique du pays et rétablir l'équilibre des finances publiques. La trajectoire initiée par les réformes de la fin du mandat présidentiel précédent permettait de l'envisager.   

La Commission a raison de prévoir que la politique du rat crevé au fil de l'eau ne débouchera que sur des résultats désastreux. L'économie française a été mise au service d'une ambition narcissique qui n'a aucun intérêt national. Les réserves des Français ont été pillées en vain.   Le détournement de la puissance de l'Etat pour rançonner fiscalement la partie des Français les plus compétents n'a servi qu'à cautionner une politique qui laisse filer dettes et  déficits publics.

La détestable stratégie hollandaise qui met la France à la remorque de son narcissisme transgressif, a-t-elle une chance de réussir ? Tactiquement oui, puisque la droite est divisée, que le FN a dépassé l'UMP, et que les centristes flottent. La droite est obligée de proposer les réformes dures que Hollande ne fera pas, donc d'inquiéter. Sur la gauche, les prétendants sont obligés de radicaliser leur discours, ce qui les rend peu crédibles : les Français ont compris qu'ils n'avaient pas besoin de plus de socialisme. Comme d'habitude les habiletés tactiques de F. Hollande le pousseront au centre du jeu.

Un grave évènement peut-il arrêter cette politique de petit malin ?  

L'affaire Léonarda a montré qu'Hollande tient suffisamment le PS pour qu'il empêche de lâcher les meutes scolaires et estudiantines du PS dans la rue. Les turbulences n'ont pas tenu quinze jours.

L'affaire de l'écologiste tué à la grenade offensive montre qu'il n'y aura de grandes manifestations comme dans le cas de Malek Oussekine. La droite ne songe pas à exploiter les "cadavres exquis".

La montée vertigineuse du chômage n'a entraîné aucune réaction sociale d'envergure. Il aura suffi d'arroser.

L'Europe s'agace mais ne frappe pas la France "too big to be really struck".

Les marchés ? Le retournement de la courbe des taux d'intérêt mettrait immédiatement la France en faillite. Mais elle est trop grosse pour que cela arrive. La zone Euro sauterait.

Il se peut aussi que la situation économique devienne à ce point détestable qu'Hollande se voit obligé de se montrer transgressif vis-à-vis de lui-même, appelant à rechercher immédiatement des solutions de consensus entre partis de gouvernement, avec un gouvernement d'Union Nationale et l'engagement de ne plus jamais se présenter à une élection présidentielle.

Ce serait la meilleure solution.

La France et l'Europe n'ont pas besoin des palinodies désinvoltes devenues transgressives de M. Hollande pour sept années et demi de plus.

Le blog du cercle des économistes e-toile

Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

Association loi 1901

  
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