Une fois de plus, on parle d'exonérer les "charges" sur les bas salaires. Cela fait des années que l'on considère que des exonérations de charges sont la panacée. Les candidats aux présidentielles avaient proposé d'exonérer les charges sur le premier recrutement supplémentaire fait par les PME, sur les jeunes, sur les vieux, sur les stagiaires, sur …
Nous avons toujours été très réservés sur le concept de charges, notamment sur celui de "charges patronales". En maniant des concepts faux on ne produit que des politiques à courte vue.
Quelle est la vérité économique d'un salaire ? L'entreprise donne en contrepartie d'un travail de quoi vivre, faire face à certains accidents de la vie et partir à la retraite lorsqu'on ne peut plus travailler. Mieux la structure du bulletin de paie traduit cette réalité de base, mieux on peut raisonner et meilleures sont les décisions.
Dans la pratique, les syndicats patronaux et salariaux, aimablement poussés par les gouvernements, ont tout fait pour embrouiller la situation. On a multiplié les canaux de prélèvements et tordu les circuits pour que plus personne ne s'y retrouve.
En haut de bulletin, on doit faire figurer TOUS les revenus du salarié, salaire de base et prestations annexes. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. Par exemple les tickets restaurants pour ne prendre que les petites choses ou les bénéfices d'un Comité d'entreprise pour prendre une affaire plus sérieuse sont absents. Les avantages transports de la SNCF, les réductions de factures électriques d'EDF, et tous les bénéfices annexes de ce type, doivent être pris en compte.
Si on supprime la notion de charges patronales, leur contre-valeur doit figurer en haut de bulletin.
Cela fait des changements radicaux.
Les charges patronales et salariales représentent à peu près 100% du salaire net. Cela veut dire que le salaire de base affiché sera, pour simplifier, deux fois plus importants que le salaire net actuel.
Si on ajoute la quote-part de subvention au CE, par exemple le 1% de la facture d'électricité des Français chez EDF, le salaire brut augmente encore plus sérieusement.
La physionomie du haut de bulletin change radicalement.
Par exemple le brut mensuel d'un smicard sera dans une PME autour de 2.500 Euros.
Un salarié d'EDF qui a un salaire de base de 3.000 euros se retrouvera autour de 5.800 avec intégration des charges patronales. Il faudra ajouter les avantages en nature.
Sous cette forme la vérité du bulletin et la comparabilité des situations sont assurées.
En matière de prélèvements, on ne doit faire figurer que les cotisations servant à assurer un revenu de compensation :
- retraite
- Indisponibilité au travail, en séparant l'absentéisme normal et le sur absentéisme (par exemple plus de 3% du temps de travail)
- chômage
Comme on a supprimé la notion de charges patronales, c'est sur le brut salarial que toutes les cotisations vont être prélevées.
Si le temps moyen à la retraite est de 20 ans et le temps au travail de 40 ans, le taux de prélèvement, pour faire simple, doit être de 50%.
Si le temps de chômage moyen sur une vie doit être de deux ans, alors la cotisation doit être 2/40ème du salaire brut, soit 5% .
Si le temps moyen d'indisponibilité médicale doit être de 10% du temps théorique sur une vie de travail, alors les charges doivent être de 10%.
Tous ces ratios sont connus et faciles à calculer et à actualiser.
Cela fait un taux de charges d'environ 80%.
Le net imposable sera donc de 20% du salaire brut globalisé comme dit.
Appliquons ces règles à un salarié EDF
Salaire de base : 3.000+ anciennes charges patronales 4.800 = 7.800
CE (quote-part) : 4.000
Avantages divers : 1.000
Salaire brut : 12.800
Revenu retraite différé - 50% SB 6.400
Revenu chômage éventuel 5%SB 640
Revenu compensatoire
d'indisponibilité
Maladie 10% SB 1.280
Surabsentéisme 500
Formation 500
Sous total revenu socialisé 9.420
Salaire net : 3.480
Impôts précomptés
- CSG 15% SN 522
- IR 20% SN 696
Salaire disponible 2.262
Bien noter qu'il n'y a plus de charges patronales(restituées au salarié) . Tout ce qui concerne le salarié est sur sa feuille de paie.
Le "sur-absentéisme" est la quote-part des frais subis par l'entreprise du fait d'un absentéisme supérieur aux 3% moyens, devenus légaux.
Cette présentation, qui est le reflet de la situation actuelle mais reclassé montre qu'on aboutit à un salaire disponible qui est à moins de 20% du brut. Ce qui est la réalité actuelle : la seule différence est que beaucoup des prélèvements ne figurent pas sur le bulletin soit qu'elles soient prises directement dans le compte d'exploitation de l'entreprise ou payé par des salariés ne travaillant pas chez EDF, ou facturé au client d'EDF. Trois abus !
On dira : c'est affreux. Vous avz vu le taux de charges. Mais oui c'est affreux. L'avantage de cette présentation est qu'elle permet au salarié de raisonner.
Pour retrouver du disponible, il peut :
- Renoncer à la quote-part CE. Il verra ses cotisations et ses impôts baisser à proportion.
- Renoncer au sur absentéisme et pousser ses collègues à être sérieux
- Renoncer à partir à la retraite trop tôt.
En militant pour une baisse des dépenses publiques et des diverses allocations abusives, il pourra obtenir une baisse éventuelle de la CSG et de la retenue à la source.
Dans notre présentation la CSG ne sert pas à couvrir tous les frais de sécurité sociale puisque la maladie PENDANT LA PERIODE DE TRAVAIL est couverte par une cotisation spécifique. Elle couvre le risque maternité, le risque de maladie hors période de travail, etc. C'est une dépense de solidarité.
Les salariés d'EDF deviennent une force militante pour des actions socialement utiles. Une nouveauté. On a pris EDF on aurait pu choisir la Sncf etc.
Pour un smicard de PME, le bulletin prend à peu près la figure suivante
Salaire de base : 1.550+ anciennes charges patronales hors exonération 1550 = 3.100
Avantages divers (tickets restaurants) 500
Salaire brut : 3.600
Revenu retraite différé - 50%SB 1.800
Revenu chômage éventuel 5% SB 180
Revenu compensatoire
d'indisponibilité
Maladie 10%SB 360
Surabsentéisme 100
Formation 100
Sous total revenu socialisé 2.540
Salaire net : 1.060
Impôts précomptés
- CSG 15% x .SN 159
Salaire disponible 901
On note qu'il n'y a pas d'impôts sur le revenu dans ce cas. Le net n'est que 25% du brut, ce qui correspond à la réalité une fois que tous les prélèvements sont ramenés au même endroit.
Là aussi, le salarié est mis en mesure de raisonner. S'il veut augmenter son net, il peut facilement mesurer l'impact de l'action sur les différents postes.
À lui et son syndicat de savoir s'il veut une retraite plus longue, se livrer aux joies de l'absentéisme militant, financer la solidarité via la CSG, se mettre au chômage de longue durée etc.
Il devient plus facile de déterminer qu'elles doivent être les revenus du non-travail au-delà des garanties moyennes assurées, si on veut maintenir la volonté de travailler. Les diverses allocations ne peuvent guère aller au-delà de 60% du net smicard, soit au mieux 500 Euros. Actuellement on sait que le cumul des différents avantages fait qu'un RSiste est plus proche de 1.000 euros nets par mois d'équivalents revenus que de 500
Autre avantage de cette présentation, on peut mesurer l'impact des mesures nationales. Supprimer ou réduire les charges sociales sur tout ou partie du salaire devient une notion absurde. Cela revient à écarter de la vue des parties prenantes des dépenses réelles qui correspondent à des nécessités et qui doivent bien être associées à l'emploi. Du coup plus personne ne raisonne bien. Ce n'est pas à l'impôt de payer le chômage ou la maladie ou la retraite des gens en possibilité de travail : l'assurance doit suffire.
La montée du salaire net ne peut se faire qu'en permettant la croissance qui hausse le revenu salarial brut ou en réduisant les dépenses socialisées en travaillant plus longtemps ou en réduisant le coût de gestion des prestations socialisées.
La compétitivité est fonction du salaire brut. Pas des charges qui en sont déduites. Dans la zone euro la comparaison des salaires bruts sera plus facile à faire s'ils sont complets. Il appartient aux entreprises de savoir jusqu'où elles peuvent aller en matière de salaire brut, pas à l'Etat.
Les salaires minimaux doivent être définis en brut. On voit qu'avec un SMIC à 3.600 on est assez haut en France. Et qu'il ne donne que 900 euros nets disponibles.
Ces présentations éviteraient les sottises et les démagogies. On s'apercevrait que les salaires bruts sont trop hauts en France relativement à nos voisins, que la non-activité est top longue sur une vie entière, que l'absentéisme est excessif, que les avantages hors salaires de base dans les entreprises publiques sont extravagants, etc. Bien entendu le bulletin de salaire des fonctionnaires des différentes catégories aurait exactement la même structure. On constaterait alors les distorsions. Le budget de l'Etat devrait s'ajuster aux nouvelles réalités et faire apparaître la vraie valeur des bruts versés (à l'heure actuelle l'équivalent des charges patronales n'apparait pas).
Tout le monde serait à égalité avec des règles identiques pour le revenu brut et pour les salaires différés, ce qui paraît normal.
Plus personne ne prétendrait "supprimer" des cotisations sociales qui ne sont quez des revenus différés pour ceux qui paient les cotisations ou actuels pour ceux qui sont dans les cas qu'elles financent.
Chacun serait devant ses responsabilités. Et serait obligé de raisonner correctement.
Ah oui : on aurait fait disparaître la fiction de la cogestion patron-syndicat. À partir du moment où les prélèvements sont des cotisations assurancielles ou des impôts retenus à la source, leur gestion n'a pas à être prise en charge par les patrons. Ils ne doivent voir que le salaire brut et trouver le moyen d'employer le maximum de personne à ce coût.
Le reste est l'affaire des salariés qui doivent devenir sociétaires des organismes chargés de gérer les revenus assurantiels, sous la supervision de l'état. Les syndicats patronaux et salariaux ne doivent travailler que sur les conditions de travail et le salaire brut. Pour le reste leur avis ne doit être que consultatif. À terme les sociétaires devraient même avoir la possibilité de choisir leurs organismes afin de permettre une concurrence sur les frais de gestion.
On notera qu'on ne fait plus aucune différence entre cadre et non cadre. Cette distinction n'a plus de sens aujourd'hui. On laissera simplement aux personnes concernées le choix de sa formule de retraite et de garantie salariale en cas de maladie.
Résumons : le salaire brut doit être le salaire brut total. Les cotisations doivent être réalistes et ne concerner que les aspects assurantiels mais tous les aspects assurantiels liés à l'emploi. La hausse du net disponible ne doit être liée qu'à des mesures précises portant sur le brut si la compétitivité le permet et l'organisation de la couverture des revenus d'inactivité.
Si ces mesures étaient aujourd'hui en place on constaterait :
- que le déficit de l'Etat est beaucoup plus important qu'on l'affiche (il faudrait qu'il intègre l'équivalent des charges patronales et des surcoûts d'absentéisme de ses salariés, et qu'il reprenne à son compte des charges qui ne figurent pas sur le bulletin). On ne serait pas à 4.3% d'impasse par rapport au PIB ! Une fiction totalement poétique…
- que les salaires bruts recalculés sont trop hauts en France par rapport à nos concurrents de niveau comparable. Notamment le SMIC brut est déraisonnable.
- qu'on a poussé beaucoup trop loin la couverture de la non-activité pour les salariés
- qu'on a poussé beaucoup trop loin la couverture de la non-activité pour les gens qui ne travaillent pas ou occasionnellement.
- qu'il y a un écart de salaire brut vertigineux entre le salarié de PME et celui des entreprises de type EDF ou SNCF, ainsi que de toutes les entreprises à CE.
Le plan de redressement prendrait du coup une allure totalement différente.
La réduction du champ de l'action budgétaire serait autrement plus drastique. On ne peut plus avoir un Etat qui prend l'équivalent de la totalité de la valeur ajoutée des entreprises de plus de 1 personne du secteur marchand non financier !
Les salariés seraient obligés de faire des choix. Plus d'absentéisme ou moins ; plus de retraite ou moins ; plus de revenus indirects genre CE ou moins ; plus de temps de travail ou moins. Ce serait leurs choix, pas ceux de l'Etat.
En un mot on verrait clair et les responsabilités seraient prises par les payeurs.
C'est tout de même au salarié de décider s'il veut que l'on prélève 70% de son vrai brut et c'est au citoyen de dire clairement s'il accepte que toute la valeur ajoutée des entreprises du secteur marchand non financier passe en dépense publique.
La discussion avec l'employeur ne doit porter que sur le salaire brut et les conditions de travail.
Faire de la lumière et non de la chaleur, voilà le but. Et le moyen. Actuellement le langage est tellement codé et faux que tout ce qui est dit n'a pas de sens.
PS : les calculs ont été faits très vite. Que ceux qui ont le temps les corrigent éventuellement. Cela changera les paroles mais pas l'air de la chanson.