Que penser de l’emprunt obligataire de Microsoft ?
La décision de Microsoft de lancer un énorme emprunt obligataire de près de 6 milliards de dollars (selon les bruits de couloir), après avoir levé 2 milliards de dollars en billets de trésorerie, alors que le bénéfice 2008 dépasse les 22 milliards de dollars et la trésorerie est au dessus de 25 milliards, et que la sortie de la prochaine version de Windows va une nouvelle fois déverser des flots de cash dans les caisses du géant de Redmond pose tout de même quelques questions.
On peut y voir les difficultés nouvelles d’un géant dont les marchés arrivent à maturité et qui doit, devant le repli de la demande mondial, se résoudre aux expédients que ses sur-bénéfices lui avaient fait dédaigner depuis toujours. Les plans de licenciements se succèdent qui d’ici 2012 devraient atteindre près de 10.000 personnes. Sur Internet Microsoft n’a pas réussi son pari du milieu des années 90 de devenir le leader incontesté. La création de marchés nouveaux s’est faite loin de lui et ses tentatives de rachat n’ont pas abouti à des résultats manifestes et même ont du être abandonnés pour un temps, comme dans l’affaire Yahoo !
On peut certes se réjouir que Microsoft n’ait pas réussi dans sa stratégie de constitution de monopoles nouveaux sur des marchés neufs à partir des rentes des monopoles précédemment créés : l’OS, puis la bureautique, puis les serveurs, puis les outils de développement, etc. La téléphonie, la vidéo à la demande, les portails, les outils de recherche, ont résisté à l’emprise de Microsoft qui du coup devient sensible à la conjoncture.
Mais l’opération prévue donne quelques indications sur l’état de lieux sept mois après l’explosion du système bancaire.
D’abord, la récession est à l’évidence sérieuse si une tirelire comme Microsoft en vient à souffrir. Les courants d’affaires internationaux sont arrêtés non seulement pour les produits lourds mais aussi pour le logiciel. On est loin des « subprimes » !
Ensuite, l’opération montre à quel point nous sommes encore dans une économie où la finance prend le pas sur tout le reste.
On a stigmatisé à l’envie depuis 6 mois le goût de lucre des dirigeants, les opérations bancaires hyper lucratives mais sans mérites particuliers, concentrant la fortune en quelques mains, les effets de leviers excessifs utilisés pour maximiser les taux de profits.
Une des motivations possible et en partie annoncée par Microsoft est le rachat d’actions Microsoft par la société : on emprunte pour détruire des actions. L’idée est naturellement d’augmenter massivement le rendement par action et éventuellement les cours, ce qui est bon pour les dirigeants et leur stocks-options. Le rendement interne d’1 dollar investi par Microsoft est, à l’évidence, supérieur aux coûts très bas de l’emprunt. Ce qui veut dire que le bénéfice par action est là encore fortement accru. Nous sommes donc typiquement dans les opérations financières de haut de bilan qui ont été dénoncées depuis l’instauration des changes flottants et qui s’était traduit par la crise obligataires des années 70 et 80, et les déviations subséquentes avec enchaînement des crises financières. On reste donc dans la logique du passé.
Si des épargnants veulent souscrire, ils vont à nouveau se trouver confrontés à un problème de change : bonjour les montages subtils pour pallier au risque. Il parait qu’il fallait mettre fin à ces dérives !
L’épargne n’est pas canalisée vers l’emploi et la création de postes mais sert à conforter des stratégies financières concernant uniquement les possesseurs de capital !
Naturellement les énormes ressources accumulées peuvent servir à des rachats de part de marché sur Internet. Ce qu’on n’a pas pu faire par la concurrence on peut essayer de le faire par la puissance financière. Même dans ce cas nous restons dans le haut de bilan et l’effet de levier. Une spéculation aura été faite sur la différence de rentabilité des sociétés rachetées et non plus des investissements internes par rapport au coût du crédit. Dans toute crise, même gravissime, il reste des entreprises qui connaissent de fortes croissances. Microsoft a traversé la crise de 92-93 et celle de 2000-2001 sans pratiquement laisser de plumes. Il lui faut désormais acheter les locomotives actuelles du marché Internet et éventuellement se placer sur les « blockbusters » de demain.
Une fois encore il s’agit d’une stratégie purement capitaliste sans bénéfices évidents pour le consommateur et le marché de l’emploi. Quelques grosses banques vont bénéficier de commissions sans rapport avec les coûts engagés. De jolis bonus à prévoir pour une poignée de cadres bien placés dans le système. La banque a cessé de prêter mais garde son rôle de placier.
Nous vivons la crise avec les idées d’avant la crise dont on nous dit qu’elles étaient à l’origine de la crise et dont on nous assure qu’elles sont désormais derrière nous. Nous sortirons de la crise comme nous sommes sortis de celle de 2001-2002. Les taux d’intérêt presque nul ont les mêmes effets, que Bernanke soit chef ou sous chef de la FED (c’est lui qui a piloté la baisse des taux d’intérêt en 2001-2002 jusqu’à la rendre négatifs, sous Greenspan).
Plus cela change, plus c’est la même chose. Ou plus exactement quand on ne change rien, rien ne change.
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
Toute la bataille a lieu actuellement sur le marché obligataire. On ne compte plus les émissions en France parfois en même temps que des augmentations de capital à prix bradés (Michelin, Lafarge etc). L'article d'Yves Mamou dans le Monde du jour est excellent. Il montre qu'il ne s'agit pas nécessairement de faire du levier entre taux d'intérêt et taux de profits mais surtout de survivre !