Réfutation du film : l'argent-dette qui fait fureur sur le net
Le film l’argent-dette marque le grand retour des sophistes et des sectaires
Les grandes crises sont toujours l’occasion pour des esprits faux de faire les malins avec des bouts de raisonnements séduisants et des éclats de miroirs offrant des visions biaisées de la réalité. L’économie s’y prête particulièrement du fait du grand silence des économistes officiels, de l’ignorance économique profonde (et parfois abyssale) du monde médiatique, et du désarroi que produit chez tous les malheurs d’une grande crise.
La méthode est toujours la même :
- On fait semblant de parler de la réalité avec technicité : l’illusion scientifique.
- On mélange de la morale à tout bout de champ.
- On exploite le fantasme éternel de la tromperie du bon peuple : « on vous gruge, on vous pille ; vous vous rendez compte Mme Michu ! ».
- On postule qu’il y a des diables dont l’action souterraine est naturellement maléfique.
- On accrédite l’idée que les pouvoirs politiques sont inféodés à ces démons généralement par corruption
- On annonce la fin du monde : pensée apocalyptique.
- Sauf si on suit gentiment le nouveau gourou.
- Qui comme par hasard à quelques besoins d’argent
- … et aucune solution.
L’aliénation sectaire de masse est pratiquée depuis longtemps par des mouvements de type ATTAC, qui se présentent comme « d’éducation populaire » et qui sont en fait des officines de recyclage pour les réseaux d’influence communistes qui ne veulent pas perdre les positions qui furent les leurs jusqu’à la chute du mur.
Mais les mêmes vaticinations peuvent être aussi le fait d’allumés en tout genre et d’associations écologiques prônant la décroissance et l’économie durable.
Le plus bel exemple en est donné par le succès de « buzz » d’une vidéo « explicative » de la crise mondiale, « l’argent-dette » que l’on trouve à l’adresse suivante :
http://www.arretsurimages.net/contenu.php?id=1274
On y voit l’histoire de la banque des origines à nos jours en des termes apparemment pleins de bon sens et qui sont autant de sophismes.
Le banquier y est présenté en salaud éternel. A chaque étape du développement bancaire, le banquier fait une saloperie et est obligé de rendre gorge. Mais, mystère à chaque fois le système survit ! Pourquoi ? Nul ne le sait. C’est évidemment là la grosse ficelle du système.
Alors oui les différents stades de l’organisation du crédit et de la monnaie sont passés en revue, avec pas mal de finesse. Mais chaque fois le diable est rattrapé par ses créations qui se perfectionnent pour durer. Jusqu’évidemment l’explosion finale qui engloutit le monde.
La thèse :
La monnaie est crée par les banques ex nihilo. La monnaie ce ne sont que des promesses de remboursements. L’Etat et la planche à billets n’est pas le principal émetteur de monnaie.
Jusque là tout va bien. Il est clair que le travail du banquier est d’échanger un flux de trésorerie à venir contre une création monétaire immédiate qui va servir à payer des biens réels ici et maintenant.
L’erreur :
On note que la monnaie créée correspond au principal et qu’il faudra rembourser le capital et un intérêt qui lui ne correspond à rien et sera in fine payé par l’emprunt de nouvelles sommes. Le système est obligé à une fuite en avant perpétuelle jusqu’à l’explosion finale. On déverse à ce moment là tous les interdits religieux sur l’usure, cela fait de la chaleur à défaut de lumière.
La réfutation :
L’affaire du taux d’intérêt est extrêmement simple : l’argent investi doit permettre un retour sur investissement. En un mot il se financera par l’accroissement de la richesse que l’investissement permet. Le flux de remboursement comprend le gain de productivité espéré. Le système est parfaitement stable si le taux de productivité de longue durée est égal au taux d’intérêt.
Si ce sont les banques qui prêtent c’est parce qu’on les voit mieux armées pour détecter les projets productifs que l’Etat qui lui s’intéresse surtout à colmater les brèches permanentes de son budget. Le tâtonnement de milliers de banques vaut mieux que les gros sabots de l’Etat.
On dira : mais les prêts aux particuliers notamment pour l’immobilier ? Où est la contrepartie des intérêts ? Un immeuble n’a pas de productivité croissante. Oui : mais l’emprunteur a des ressources qui elles dépendent de la croissance de la productivité.
L’intérêt sera prélevé sur la croissance. Corollaire : il ne faut prêter c'est-à-dire créer des flux de remboursement que si ceux-ci sont possibles principal et intérêts compris. Le prêt à ceux qui sont exclus des mécanismes de la croissance est à proscrire absolument ! Pour eux il faut des dons ! Nous revoilà revenus aux subprimes mis en place par Clinton et que Sarkozy voulait étendre à la France et que les banques américaines n’ont mis en place que parce qu’on leur a accordé une garantie d’Etat supplémentaire
La monnaie créée par l’Etat n’est pas d’une essence différente de la monnaie créée par les banques comme l’affirme le document cité. L’état aussi crée du papier monnaie en contrepartie d’une dette. Il suffit de regarder le mode de comptabilisation de l’émission des banques centrales pour s’en rendre compte : la monnaie va à l’actif et sa contrepartie au passif sous forme de dette.
Mais la monnaie ainsi créée n’est pas directement corrélée à des projets de productivité. Elle peut servir à financer des déficits de balances de paiements quand la monnaie de l’Etat est la monnaie du monde (cas des Etats unis) ou des déficits budgétaires. Et là on crée bien une bulle sans contrepartie réelle.
Le délire
Cet aspect ayant été totalement ignoré, toute la suite n’est que pure sottise qu’on laissera découvrir au lecteur.
Une approche plus réaliste.
Il est parfaitement juste que le prêt à intérêt n’est possible que s’il y a croissance. Il ne peut pas y avoir de croissance sans investissement. Il ne peut pas y avoir d’investissement sans prêt. Les banquiers ne sont pas des voleurs. Ils sont là pour détecter les investissements rentables et les financer. Ils se trompent largement. On a donc des pertes sur investissement qui doivent également être financées sur la croissance des autres.
On dira : d’accord mais alors il faut réserver les prêts aux entreprises et aux riches. Les premières sont les seules à garantir un espoir de gain de productivité ; et les riches sont les seuls à pouvoir encaisser les pertes. C’est exact. Le dicton « On ne prête qu’au riche » est une règle prudentielle bancaire.
Mais comme Marx l’a écrit ce sont les entrepreneurs et les riches qui s’accapareront les richesses futures ! C’est clair que les profits d’un investissement sont partagés par la banque et l’entrepreneur. Ils ne percoleront dans la société que par la consommation, les salaires et l’impôt.
Il est donc légitime (et obligatoire en démocratie) qu’il y ait une redistribution, une pression syndicalisée sur les salaires et une certaine dose d’encouragement à la consommation. L’investissement ne trouvera son marché que s’il y a des clients ! Ford avait compris cela mieux que quiconque.
Sous réserve de la faisabilité écologique d’une croissance perpétuelle n’épuisant pas les ressources non renouvelables, une vraie question à la quelle on donne aujourd’hui de mauvaises réponses et qui méritera un débat plus approfondie dans ce blog, une société fondée sur la productivité avec un taux d’intérêt à long terme ajusté au taux de croissance peut être stable (Au passage c’est ce qui nous sépare de Maurice Allais qui a une vision un trop malthusienne du crédit).
A condition qu’on ne crée pas artificiellement des obstacles à la stabilité : changes flottants, déficits perpétuels, monnaie d’un Etat dépensier devenant la monnaie du monde, détournement des crédits vers la spéculation de masse, perte de signification des flux de recettes anticipées dans des véhicules incompréhensibles, surinvestissement dans le même domaine jusqu’à l’explosion, garantie d’Etat donné à des crédits de masse au remboursement trop clairement impossible etc.
La question du jour est de supprimer toutes ces causes de disfonctionnement. Pas de se lancer dans des élucubrations et des expériences sectaires.



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