Cercle des economistes e-toile (CCE): bulletin de conjoncture, second semestre 2008

Dès juillet 2006 nous avons alerté sur le scénario suivant :

-          Crise aux Etats-Unis à partir de 2007 avec amplification en 2008

-          Crise au Royaume Unis et dans les pays d’économie similaire en 2008 avec aggravation évidente au second semestre.

-          Crise en France à partir du troisième trimestre 2008 avec plein effet en 2009.

Nous avions conseillé :

-          De fuir le dollar

-          De fuir l’immobilier et boucler toutes les opérations de ventes immobilières avant le fin 2007

-          De protéger ses actifs boursiers.

-          De commencer à se dégager des salles des ventes dès la mi 2008 en France.

En juillet 2007, lorsque la crise dite « des surprimes » s’est déclenchée nous avons indiqué qu’elle était le premier acte du retournement du cycle, qu’elle indiquait une ampleur particulièrement forte, et qu’il fallait accélérer les mesures protectrices.  Nous soulignions que le mécanisme qui maintenait les prix bas malgré une inflation monétaire sans précédent (dont nous avions fait la  théorie les premiers en 1999) ne serait plus opérant, et que nous allions être confrontés à une « fuite internationale devant la monnaie ».  

En janvier 2008 nous avons alerté qu’il n’y aurait  pas de « découplage »  entre les Etas Unis, l’Europe  et les pays émergent, contrairement à de nombreuses interventions en ce sens dans la Presse. Nous disions que « comme toujours » la séquence serait : Etats-Unis et pays très intégrés dans le commerce intérieur,  Royaume Uni l’année d’après  avec une partie des pays d’Europe puis la France et  les pays dynamiques d’extrême orient. 

En ce mois de juillet nous ne pouvons que confirmer le bon déroulement de ce scénario classique.  L’Irlande,  le Danemark, l’Espagne entrent doucement en récession.  Le ralentissement est net en Allemagne malgré les beaux discours sur le « succès allemand ».  De nombreux pays hors d’Europe commencent à souffrir de façon évidente notamment le Japon.  L’Inde et la Chine commencent à être touchées de façon de plus en plus perceptible.

Sectoriellement nous renouvelons notre bulletin d’alerte sur les banques, les assurances, le transport aérien,  les sociétés de services informatiques qui viennent rejoindre les secteurs déjà signalés depuis deux ans (la publicité, les media, le tourisme, l’immobilier).

Le prochain trimestre va être marqué par les inévitables mauvaises surprises qui apparaissent toujours en été.  Mais ce qui compte, c’est la très mauvaise orientation générale de la conjoncture pour les 18 mois à venir qui va entraîner dans la tourmente le secteur de la mécanique  et celui du commerce de détail après celui du commerce de gros,.

Le scénario classique : baisse des recrutements puis de l’emploi, hausse corrélative du chômage, baisse des rendements fiscaux, baisse des investissements productifs,  ralentissement et baisses de chiffres d’affaires, montée des déficits publics,  montée des faillites s’enclenche désormais de façon visible en France  et sera la toile de fond permanente pendant au moins deux ans.  Contrairement à l’habitude ce refroidissement général  ne s’accompagnera pas d’une stabilisation des prix. L’inflation des prix à la consommation restera importante sans être dévastatrices.

Le ralentissement économique d’ensemble aura des conséquences sur les marchés.  Sauf accident monétaire ou financier  grave (toujours possible, jamais totalement prévisible), certains facteurs haussiers sur les cours des matières premières et des « biens réels » vont cesser de jouer à plein.  Il faudra guetter les signes avant coureurs de retournement, bien que l’économétrie suggère un retournement en 2009 plutôt qu’en 2008.

Eléments macroéconomiques pour la France : second semestre

-          Inflation : plus forte

-          PIB : ralentissement marqué (mais ne sera connu qu’en septembre 2009)

-          Importations : fortes mais ralentissement

-          Exportations : récession

-          Déficits extérieurs : accrus

-          Déficits budgétaires : accrus

-          Déficits sociaux : accrus

-          Chômage : hausse.

-          Consommation : maintien

-          Investissements productifs : baisse

-          Cours Euro/Dollar : imprévisible

-          Cours matières premières et biens « réels »: première tendance au retournement sauf accident monétaire ou politique.  

TVA sur la restauration : une baisse bienvenue ?

Au moment où on annonce pour dans quelques années une baisse possible de la TVA sur la restauration,  il faut se poser la question : est-ce une bonne idée ?  Curieusement, personne ne se la pose dans la presse. Il est acquis que cette baisse obtenue de haute lutte est « une victoire ».  Rien que cela est une curiosité.  On a vaincu l’Europe des gnomes de Bruxelles ! 

Pourquoi diable la modification du régime de TVA sur des produits  aussi nationaux que la restauration doit elle obtenir l’unanimité des pays européens ?  Il est clair que l’harmonisation des taxes est nécessaire dans une zone  de libre échange où on veut favoriser la circulation des biens et des services. Mais les restaurants ne sont pas des biens qui passent la frontière. Des touristes pourraient être théoriquement détournés d’aller dans d’autres pays de l’Europe pour bénéficier de l’effet d’aubaine des taxes basses en France.   Qui croit une seconde que  la distorsion de concurrence qui en résulterait aurait le moindre effet dans la pratique ?

On tombe sur une première anomalie : les traités européens ont mis en commun une législation fiscale  qui sur certains produits n’a pas d’effet européen sensible. Où est la « subsidiarité » ? La terrible lourdeur des processus de décision et les délais déraisonnables auxquels elle aboutit posent la question de l’opportunité et de l’efficacité de certains mécanismes collectivisés à l’échelle de l’Europe.

Dans la pratique les touristes qui viennent en France, notamment de l’Europe, paieront moins de TVA donc moins d’impôts.  Ils sont des dizaines de millions à venir car la France est la première destination  touristique du monde. On fait un cadeau fiscal à des dizaines de millions d’étrangers ! Sans être ultranationaliste, est-ce bien malin ? La restauration est un produit de luxe, sachant que la petite restauration (les sandwichs etc.) est déjà à un taux réduit.  La clientèle des trois étoiles va bénéficiée d’un petit coup de pouce fiscal ? Est-ce socialement juste  et n’est-ce pas une forme de « cadeau aux riches » ?  Nous entrons dans une phase de ralentissement qui va faire baisser la recette fiscale de l’Etat. Le Ministre des Finances  l’a annoncé urbi et orbi  ce jour même et a donné les estimations : quelques milliards d’euros vont manquer à l’appel et ce sera pire encore l’année prochaine. Les déficits vont se creuser alors que la dette est déjà très importante.  Est-il opportun d’aggraver encore la situation et de reporter sur nos enfants  les avantages consentis ici et maintenant à des touristes en goguette et à ceux qui ne mangent pas chez eux ?

La seule justification valable est l’emploi. Finalement tout le monde, gauche et droite réunie, accepte l’idée que l’impôt tue l’emploi, ce qui est vrai quand il atteint comme en France les sommets hystériques que l’on sait.  Les industries de main d’œuvre  selon cette théorie implicite devraient  bénéficier toutes de la TVA à taux réduit.  L’ennui, c’est que nous entrons dans une économie de services  où toute l’activité sera bientôt « tertiaire ».  Nous sommes implicitement en train d’affirmer que la TVA normale doit être à 5.5% !  Ce qui nécessiterait, à recette fiscale égale d’augmenter très fortement l’impôt sur le revenu, la CSG où on ne sait quel autre impôt de masse, avec des effets dévastateurs.  

Tout économiste un peu sérieux sait que c’est le contraire exact qu’il faut faire.  Jospin a fait une énorme erreur en diminuant d’un point la TVA comme nous l’avions déjà observé à l’époque.  Sans réduction des dépenses publiques cela revenait à faire un cadeau aux industries exportatrices étrangères,  et à transférer le fardeau sur les générations futures. Le bel échange !

La France souffre d’un excès d’impôts, d’un excès démentiel de dépense publique, d’un excès de dettes. A chaque récession, et nous entrons dans l’une de ces charmantes périodes, les déficits se creusent, la dette augmente et avec elle le besoin d’accroitre la pression fiscale.  Nous sommes  complètement coincés et dans une spirale sans fin. 

La seule solution est connue : il faut baisser très fortement la dépense publique et supprimer  sélectivement et progressivement les impôts les plus pénalisants.   Il aurait été intelligent de le faire pendant la phase du cycle économique favorable.  Les récessions sont rarement propices à cet exercice.   Comme les rendements fiscaux sont excellents  pendant les « vaches grasses », on ne fait aucune réforme en se disant que finalement cela s’arrange.  Pour aboutir à une situation inextricable lors de la récession.

Au lieu de cela nous nous livrons à des réductions électoralistes des impôts en fonction de l’idée que le gouvernement du moment  se fait du bénéfice politique qu’il en tirera.  On veut la jeunesse avec soi : vive la baisse de la TVA sur la musique, les films, les jeux vidéo !   Les restaurateurs commencent à devenir un problème ? On lâche de la TVA ! Les pêcheurs, les routiers, les taxis ? On lâche de la taxe sur le gaz-oil.  En contrepartie on supprimera  les « niches fiscales » qui permettaient de pallier en partie aux effets pervers d’une fiscalité excessive et trop concentrée sur les revenus moyens.  

Aucun plan d’ensemble de baisse des dépenses publiques et des prélèvements : seulement des mesurettes démagogiques  et politiciennes prises à la va-comme-je- te-pousse par des gouvernements qui finissent toujours par reprendre d’une main ce qu’ils ont fait semblant d’accorder de l’autre dans l’incohérence générale et la stagnation économique de longue durée. 

Après six ans de gouvernement « de droite » censé être favorable à la baisse des impôts  et des dépenses publiques, le taux de prélèvements est plus fort qu’un début de période !  Chaque baisse localisée a donc été reprise par ailleurs.  Où ira-t-on encore chercher l’argent que l’on ne prélève plus sur les touristes  et les joyeux convives ?  La récession va encore aggraver les choses, car il y aura moins de touristes pendant quelque temps.    

Encore Bravo !

Le blog du cercle des économistes e-toile

Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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